Activités de SIPAZ (Julliet – Octobre 1999)
30/11/19991995
03/02/20001959-1993
1959 : le professeur Genaro Vázquez Rojas fonde l’Association Civique du Guerrero (ACG) afin de lutter contre les prix ridiculement bas que payent les entreprises nord-américaines pour la ‘copra‘ (extrait de la noix de coco avec lequel on produit de l’huile) et d’autres produits agricoles. Peu après, Genaro Vázquez Rojas fondera aussi la Centrale Paysanne Indépendante (organisation agricole nationale) et l’Action Civile Nationale Révolutionnaire (ACNR).
11 novembre 1966 : Genaro Vázquez Rojas est arrêté par la police de l’état aux portes de la Centrale Agricole Indépendante , dans la ville de Mexico, et conduit à Chilpancingo, capitale du Guerrero. On l’accuse de monter le mouvement étudiant contre le gouvernement.
Un autre professeur, Lucio Cabañas Barrientos, tente d’organiser politiquement le village d’Atoyac, Costa Grande, à travers le ‘Parti des Pauvres’ (PDLP), une forme d’organisation étudiante et paysanne en lutte contre l’exploitation des paysans par les grands propriétaires terriens. Dans ses classes, le professeur rural exhorte ses étudiants à installer un nouveau régime dans lequel les riches ne domineraient pas et dans lequel on exproprierait les entreprises pour les remettre aux mains des travailleurs. Il propose encore des réformes financières, judiciaires, éducatives et sociales centrées sur le bien-être des travailleurs, des fermiers et des femmes, et de changer la politique de dépendance du Mexique envers les États-Unis. A cause de ses activités politiques, il est expulsé du Guerrero, pendant un certain temps dans une école dans le Durango, puis revient grâce à la pression de ses élèves.
18 mai 1967 : les pères de famille et une partie du personnel d’une école d’Atoyac, menés par Lucio Cabañas Barrientos, organisent une manifestation pour exiger le renvoi de certains professeurs qui divisaient l’école. Les manifestants décident de l’occuper. Le gouvernement réprime violemment la manifestation : la Police Judiciaire de l’état du Guerrero et ses hommes de main au service des ‘caciques‘ de la région tirent sur les manifestants, laissant 5 morts et des dizaines de blessés. Depuis ce jour, Lucio Cabañas Barrientos prend le maquis pour continuer sa lutte contre le gouvernement.
Les années suivantes, Lucio Cabañas Barrientos opère sur la côte du Guerrero. Ses Brigades de Justice Paysanne attaquent des bataillons de l’armée mexicaine et des unités de police, réalisent des vols dans les banques et kidnappent des propriétaires terriens, des éleveurs de bétail et des hommes d’affaires, se manifestant toujours contre le gouvernement local. Il devient ainsi l’un des pires ennemis du gouvernement, et pour cette raison, l’armée mexicaine ne cesse de le poursuivre.
22 avril 1968 : Genaro Vázquez Rojas est libéré de prison par un commando armé composé de plusieurs de ses compagnons. Il continue ensuite sa lutte clandestine armée.
2 février 1972 : Genaro Vázquez Rojas trouve la mort dans une poursuite automobile sur la route Mexico-Morelia. Il avait 35 ans.
30 mai 1974 : le Parti des Pauvres de Lucio Cabañas Barrientos kidnappe le sénateur du PRI et candidat au poste de gouverneur, Rubén Figueroa Figueroa, pour faire pression sur le gouvernement. Il est libéré 100 jours plus tard, le 8 septembre, contre une rançon de 50 millions de pesos.
Peu après, Lucio Cabañas Barrientos et ses hommes se réfugient dans la municipalité de Tecpan de Galeana. Le Secrétaire de la Défense Nationale d’alors, Hermenegildo Cuenca Diaz, lance plus de 5000 soldats à leur poursuite. Un premier affrontement avec les soldats a lieu le 11 octobre 1974 dans les montagnes de Achotla, duquel Lucio parvient à s’échapper avec 3 blessures à la jambe gauche. L’armée mexicaine le perd de vue pendant plusieurs semaines. Le 30 novembre, un délateur permet aux soldats de retrouver les rebelles. Lucio perd 17 de ses hommes mais réussit à s’échapper avec 3 d’entre eux.
Toutefois, dans le village de Guayabito, le commandant de la 23e Zone Militaire, le général Iseo Jiménez Ruiz, prend en otage 4 jeunes filles de 16 à 20 ans et menace de les torturer, les violer et les tuer si les gens du village ne lui disent pas où se cachent les guérilleros. Le lendemain, le commissaire municipal de Guayabito révèle au général où se trouve Lucio.
2 décembre 1974 : des forces spéciales de l’Armée encerclent Lucio à El Ototal et le tuent d’un coup de fusil en pleine face et plusieurs autres dans le dos.
Le Parti des Pauvres créé par Lucio Cabañas Barrientos survivra jusqu’en 1989, puis fusionnera avec d’autres groupes clandestins, qui en 1995, formeront l’Armée Populaire Révolutionnaire (EPR), l’Armée du Peuple Insurgé (ERPI) et les Forces Armées Révolutionnaires du Peuple (FARP).
1975-1976: Le sénateur séquestré par le Parti des Pauvres, Rubén Figueroa Figueroa, est élu gouverneur de l’état du Guerrero. Le gouverneur maintenait des liens étroits avec Miguel Nazar Haro qui, en 1976, est responsable de la ‘Direction Fédérale de Sécurité’, organisme tristement célèbre pour ses méthodes inhumaines de travail policier, et pour être responsable de disparitions forcées, génocides et tortures. Nazar Haro est considéré comme étant le fondateur du groupe paramilitaire ‘Brigade Blanche’ ou ‘Brigade Spéciale’, un groupe infiltré par des militaires et des agents de différents corps qui combat la guérilla au Mexique. Arrestations, tortures, disparitions et exécutions se multiplient tout au long des années 1970 et au début des années 1980. Dans le rapport de la ‘Commission Nationale des Droits Humains’ sur la ‘Guerra Sucia’, Nazar Haro apparaît comme une des figures les plus implacables dans la lutte contre la guérilla. Les organismes de droits humains et les familles de disparus l’impliquent dans la disparition de 1200 personnes au Mexique. Nazar Haro, et le général Mario Arturo Acosta Chaparro (Directeur de la Police et de la Circulation au Guerrero, et membre de la DFS et de la ‘Brigade Blanche‘), sont les principaux accusés de disparitions forcées, torture et exécutions sommaires dans l’état de Guerrero.
1979: le ‘Parti Communiste Mexicain’ (PCM) remporte la présidence de Alcozauca de Guerrero, municipalité indigène isolée de la Montagne, avec le professeur Othón Salazar. C’est la première municipalité gouvernée par l’opposition (face au PRI) de tout le Mexique, un fait historique dans ce contexte de persécution constante de l’opposition au gouvernement. Les communistes se donnent à la tâche d’organiser les villages de la Montagne, constituant le Conseil des Peuples de la Montagne (CPM). On parlait alors de la ‘Montagne Roja’ (Montagne Rouge).
1989 : le PRD fait son apparition dans l’état du Guerrero en réalisant 10 assemblées de district auxquelles différentes organisations et partis d’opposition participent. Dès lors, les votes en sa faveur ne cessent d’augmenter et le PRD gagne de plus en plus de municipalités.
1990: Au début des années 1990, le mouvement indigène prend un essor au Guerrero. Le 21 octobre 1990, le ‘Conseil des Peuples Nahuas de Alto Balsas’ (CPNAB), est constitué, réunissant les principales autorités des villages de la région, les commissaires municipaux et des biens communaux et ejidales (deux formes de propriétés communautaires). Leurs dirigeants parcourent les villages indigènes de l’état et sollicitent l’appui de plusieurs secteurs de la société mexicaine.
Septembre 1991 : le ‘Conseil du Guerrero: 500 ans de Résistance Indigène, Noire et Populaire’ (CG500ARI) est créé afin de coordonner la campagne continentale de ‘contre-célébration’ des 500 ans de la conquête espagnole. Il s’agit de créer des Conseils Indigènes dans plusieurs états de la République. Seul le Conseil du Guerrero continue de fonctionner après la contre-célébration.
En 1992, la Paroisse de Santa Cruz El Rincón, municipalité de Malinaltepec (Montagne) invite la population à organiser une première rencontre pour répertorier les problèmes et les besoins des villages indigènes de la Costa-Montagne. Pendant un an, des commissaires municipaux, des chefs de chorale, des catéchistes et des sacristains se réunissent. De ces rencontres émanera, 3 ans plus tard, la ‘Police Communautaire’. Le père Mario Campos Hernández, curé de Santa Cruz El Rincón, est l’un des initiateurs de ce projet.
Du 2 au 12 octobre 1992 : une ‘Marche pour la Dignité et la Résistance des Peuples Indigènes’ est organisée depuis Chilpancingo jusqu’au centre de la ville de Mexico, dans le cadre des différentes mobilisations contre les festivités du 500ème anniversaire de la soi-disant ‘Rencontre de Deux Mondes’ ainsi que pour fêter les 500 ans de résistance des Peuples Indigènes.
Pendant la période de gouvernement de José Francisco Ruiz Massieu, de 1987 à 1993, 200 militants du PRD sont assassinés. La ‘Commission Interaméricaine des Droits Humains’ (CIDH) présentera un recours pour violation à la dignité de la personne de la part des corps de sécurité civiles et militaires durant ce gouvernement, signalant en particulier le Général Heriberto Salinas Altés, commandant de la Neuvième Région militaire (dont le siège est à Acapulco).
Les derniers jours du gouvernement de José Francisco Ruiz Massieu, et les premiers jours comme gouverneur de Rubén Figueroa Alcocer marquent une nouvelle vague de violence. Le 9 février 1993, près de la communauté de Huautla, dans la Montagne, 24 paysans sont assassinés avec des armes d’usage exclusif de l’armée. Le gouvernement affirme que ces assassinats massifs sont dus à des rancœurs familiales liées au trafic de drogue. Quatre mois plus tard, le 5 juin, 170 policiers entrent dans la communauté de Yolotla (de 300 habitants) pour arrêter les supposés responsables du massacre du 9 février. Ils provoquent un affrontement qui dure pendant plus de 6 heures. Le bilan sera de 2 paysans morts, plusieurs hommes et femmes frappés et blessés par balles, des maisons brûlées et saccagées et 14 personnes arrêtées. Dix paysans seront condamnés à 30 ans de prison, alors qu’il existait des preuves démontrant qu’ils n’étaient pas sur les lieux au moment de l’affrontement.
Avec l’arrivée de Rubén Figueroa Alcocer au pouvoir, les assassinats pour motifs politiques augmentent. Les élections municipales d’octobre 1993 sont particulièrement violentes : 6 morts et 4 disparus. Toutes les victimes ont des liens avec le PRD. Dans tous les cas, le gouvernement présente les victimes comme des délinquants, des guérilleros, des narcotrafiquants, ou justifie les assassinats pour des motifs personnels ou des problèmes familiaux.