Activités de SIPAZ (Novembre 1998 – janvier 1999)
26/02/1999SYNTHÈSE : Actions recommandées
31/08/1999SYNTHÈSE : Actions recommandées
Synthèse
Le 21 mars dernier, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN), relayée par différents groupes de la société civile mexicaine, a organisé une consultation populaire portant sur le thème des droits indigènes. A cette fin, 5000 délégués zapatistes s’étaient déployés dans les 32 Etats qui forment le Mexique.
Ainsi, ce sont plus de 2 millions et demi de Mexicains qui ont participé à ce vote ; 96% d’entre eux ont répondu par l’affirmative aux quatre questions qui leur étaient posées. Un des résultats les plus significatifs a été le soutien octroyé à la proposition législative de la COCOPA (Commission pour la concorde et la pacification, formée par des membres du Congrès issus de toutes les tendances politiques) visant à mettre en application les Accords de San Andrés signés en 1996. Il est important de rappeler que ce texte a été rejeté par le gouvernement fédéral tandis que l’EZLN considère toujours le respect de ces Accords comme une des principales conditions à la reprise des négociations de paix.
Bien que ce vote n’ait aucune valeur légale, il pourrait néanmoins obliger les membres du Congrès à réévaluer la proposition législative de la COCOPA. De plus, à l’approche des élections présidentielles (elles auront lieu en l’an 2000), la consultation remet à l’ordre du jour le thème des droits indigènes ainsi que celui du conflit au Chiapas.
Les autorités de l’Etat du Chiapas ont lancé plusieurs initiatives qui tendraient à prouver qu’il n’y a plus de conflit, que l’EZLN a commencé à se désarmer et que le Chiapas avance avec ou sans les zapatistes. Ainsi, en mars dernier, le gouverneur, Roberto Albores, a présenté une proposition de texte de loi sur les droits et la culture indigènes, en soulignant qu’elle s’inspirait des Accords de San Andrés. Critiquée pour son manque de profondeur, rejetée par l’EZLN, il est peu probable qu’elle permette d’apaiser les tensions. Mais, entre temps, cela suffit à donner l’impression auprès de l’opinion publique que le gouvernement travaille pour la paix.
Il en est de même en ce qui concerne la proposition de loi pour le désarmement, également présentée par le gouverneur du Chiapas. Celle-ci a été approuvée par le Congrès de l’Etat en février dernier. Bien que ce texte n’inclut point l’EZLN (ni les groupes paramilitaires), il a donné lieu à plusieurs « événements » largement médiatisés, au cours desquels de supposés zapatistes ont publiquement rendu leurs armes au gouverneur en échange d’une aide économique. L’EZLN a énergiquement dénoncé cette mascarade qui a pour acteurs non des zapatistes, mais des membres de groupes paramilitaires ou de simples délinquants. Dans certains cas, l’EZLN a même fourni d’amples détails sur ces personnes (jusqu’à leurs noms). Pourtant, si les images de présumés zapatistes remettant leurs armes au gouverneur Albores ont fait le tour du monde, le démenti zapatiste n’a, lui, pratiquement pas été diffusé.
A l’inverse de ce que semble vouloir indiquer ces « remises d’armes », la consultation prouve que le soutien apporté aux zapatistes, tant au niveau local que national, continue de croître.
Au Chiapas, plusieurs évènements suggèrent un possible renforcement de la position des zapatistes dans l’Etat.
Dans la « zone de conflit », la question du retour de milliers de déplacés demeure d’une priorité absolue. A cet égard, au cours d’une visite récente dans la Zone Nord, le SIPAZ a pu observer que quelques familles déplacées, de l’opposition (du PRD et zapatistes), ont pu retourner pacifiquement dans leurs communautés. De même, il a été noté une surprenante ouverture envers l’EZLN dans le discours de certains leaders du groupe paramilitaire « Développement, Paix et Justice« , groupe à l’origine de graves conflits dans la zone.
Par ailleurs, le 7 avril dernier, la tension a monté à San Andrés Larraínzar lorsque le maire du PRI, élu en octobre 1998, a repris l’hôtel de ville avec le soutien de quelques centaines de policiers. Les zapatistes (qui n’ont pas voté au cours des élections passées) se sont retirés des édifices qu’ils occupaient pacifiquement depuis 1995. Cependant le jour suivant, entre 1000 et 3000 zapatistes sont revenus et ont à nouveau investi les lieux. La police s’est retirée sans faire plus de problèmes.
Le gouverneur a semblé faire marche arrière lorsqu’il a expliqué un peu plus tard que le problème était plus politique que légal et qu’il s’agirait dès lors de chercher une solution par la voie du dialogue. Cependant, le gouvernement du Chiapas continue à vouloir appliquer une loi qui vise à redéfinir les limites des différentes municipalités avec l’apparent objectif de miner l’influence politique zapatiste.
En outre, les témoignages de certains policiers détenus dans le cadre de l’enquête sur le massacre perpétré en décembre 1997 à Acteal, ont impliqué la police dans l’achat illégal d’armes et la protection des groupes paramilitaires auxquels ces armes sont destinées. Suite à ces accusations, deux ex-employés de l’Etat ont à leur tour été accusés.
Au niveau international, le Mexique a été l’un des 15 pays qui ont fait l’objet du plus grand nombre de critiques au cours de la dernière session de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, Mary Robinson, a annoncé sa visite au Mexique pour le mois d’octobre, satisfaisant ainsi la demande formulée par une centaine d’ONG mexicaines. Dans son rapport du mois de mars, Amnesty International a vigoureusement dénoncé les violations systématiques des droits de l’Homme au Mexique, et plus particulièrement dans les Etats du sud du pays (Chiapas, Oaxaca et Guerrero) où des groupes armés d’opposition sont présents.
A court terme, il semble vain d’espérer une solution au conflit du Chiapas. Malgré tout, l’EZLN continue à lancer des initiatives visant à attirer l’attention publique et à susciter une mobilisation de la société civile (qui désormais joue un rôle-clé dans le cadre d’une éventuelle résolution du conflit) ; en même temps, il paraît plutôt improbable que l’EZLN puisse reprendre des négociations fructueuses avec le gouvernement d’Ernesto Zedillo.
Beaucoup d’analystes politiques s’accordent à penser qu’en l’attente de la fin de son mandat, le président Zedillo a opté pour « gérer » le conflit tout au plus, sans chercher à lui donner une solution d’ordre politique ou militaire. Les initiatives politiques du gouvernement fédéral – qui semblent avoir comme objectif la recherche de la paix mais qui, dans la mesure où elles ne prennent pas en considération à l’EZLN, ont peu de chances d’aboutir – semblent confirmer cette hypothèse. D’un autre côté, la forte militarisation du Chiapas leur permet de maintenir un contrôle étroit sur la zone, dont le coût s’est traduit par une recrudescence des violations des droits de la personne comme les observateurs internationaux ont pu en faire état régulièrement. Il existe bien des signes indiquant que les communautés tendent à refuser la violence pour résoudre les conflits locaux. Cependant, en raison du manque de perspectives pour trouver des solutions à des problèmes de fond, telles que la misère généralisée et l’oppresion politique, il est probable que la tension, les divisions et la violence continuent de progresser.
Actions recommandées
- Enjoindre l’administration de Zédillo de : Démanteler les groupes civils armés / paramilitaires;
- Ordonner une réduction substantielle des troupes fédérales dans les zones de conflit comme un signal véritable et concret de sa volonté de dialogue.
- Pour les citoyens de l’Union Européenne : demander à vos gouvernements et parlementaires respectifs de prendre en compte la clause démocratique de l’accord commercial entre le Mexique et l’Union Européenne.
- Exhorter la COCOPA à réaliser de grands efforts pour maintenir l’unité de ses propositions et de ses actions, et à poursuivre son travail de coopération, en faisant prévaloir l’intérêt supérieur de la paix sur les positions partisanes.
- Diffuser l’information – comme ce rapport – sur la situation actuelle au Chiapas.
Merci d’écrire à:
Lic. Ernesto Zedillo Ponce de León
Presidente de la República
Palacio Nacional
06067 México, DF – México
Fax: (int-52) (5) 271 1764 / 515 4783
Roberto Albores Guillén
Gobernador de Chiapas
Palacio de Gobierno
29009 Tuxtla Gutiérrez, Chiapas – México
Fax: (int-52) (961) 20917
Comisión de Concordia y Pacificación
Paseo de la Reforma # 10, piso 17
06018 México, DF – México
Fax: (int-52) (5) 140 3288