ACTIVITÉS DU SIPAZ (De début janvier à fin mars 2016)
03/06/2016ACTUALITÉ: Effervescence sociale dans le Sud du Mexique
19/09/2016San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, Mexique
21 juin 2016
Répression du Magistère à Oaxaca
Le 19 juin, dans l’état de Oaxaca, des policiers ont réprimé de manière violente des enseignants et civils qui protestaient contre la réforme éducative du gouvernement d’Enrique Peña Nieto, causant la mort d’au moins 6 personnes, l’arrestation de 22 autres, et au moins 45 blessées par balles à Nochixtlan et Hacienda Blanca. Des soins médicaux n’ont pas été garantis, ce qui a obligé d’autres personnes à créer des postes d’attention urgente pour soigner les blessés. Dans la capitale de Oaxaca, au cours des derniers jours, plusieurs avions de la police fédérale et de la gendarmerie étaient arrivés.
Ceci est une des illustrations les plus récentes du contexte d’escalade de la violence répressive dans toutes les états où des manifestations d‘enseignants ont été réalisées avec le soutien de la société civile (Oaxaca, Tabasco, Chiapas, Michoacan, Guerrero, entre autres) au cours des dernières semaines. Toutes ces mobilisations ont été organisées pour exiger une table de négociation au sujet de la réforme. Le gouvernement fédéral a maintenu une position ferme : pas de modifications à la réforme et menaces de cessation immédiate des personnes en grève.
Antécédents:
En 2013, le gouvernement fédéral a approuvé une réforme éducative, qui faisait partie d’un paquet de réformes structurelles impulsées dans le cadre du «Pacte pour le Mexique » – un accord entre les principaux partis politiques pour promouvoir la construction d’une société de droits et de libertés, la croissance économique, la sécurité, la justice, la transparence, la lutte contre la corruption et la gouvernance démocratique. Depuis son annonce par le Président Enrique Peña Nieto, la réforme éducative a provoqué le rejet des enseignants. Elle a été présenté par le gouvernement comme une amélioration du système d’éducation par le biais de l’évaluation des enseignants; elle cherche également à promouvoir « l’autonomie » des familles et des étudiants dans la gestion des écoles, ce qui, dans la pratique, implique qu’ils devront couvrir eux-mêmes les frais d’entretien de l’école. Il n’est donc pas surprenant qu’elle soit considérée par une grande partie des enseignants comme une réforme du travail et non pas de fond. Elle pourrait permettre des licenciements sélectifs, ainsi que le début de la privatisation de l’éducation publique.
En conséquence, les enseignants dissidents ont commencé à organiser de nombreuses manifestations dans plusieurs états pour pouvoir obtenir un espace de dialogue avec le gouvernement fédéral afin d’abroger la réforme. Plusieurs manifestations ont par ailleurs été réprimées par les forces de police, tuant trois enseignants (un du Chiapas en 2015 et deux à Guerrero en 2016).
Des organisations de la société civile de Oaxaca ont dénoncé la «criminalisation du magistère ». Ils illustrent cette tendance en mentionnant les « campagnes de dénigrement des enseignants dans les médias » ou l’arrestation d’au moins 75 personnes, parmi lesquels plusieurs dirigeants du syndicat des enseignants- qui ont été arrêtés « pour des questions politiques ». Le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies a affirmé que plusieurs arrestations ont été dirigées contre des défenseurs des droits de l’homme et ont été réalisées de manière arbitraire. En outre, certaines des personnes arrêtées ont été transférés dans des prisons de haute sécurité normalement réservées à des personnes accusées de crimes fédéraux graves.
En outre, la société civile de Oaxaca s’est insurgée face aux dizaines de mandats d’arrêt encore en suspens contre des membres de la Section 22 de la Coordination Nationale des Travailleurs de l’Éducation (CNTE), syndicat qui exige l’annulation de la réforme éducative et qui est un acteur de premier plan du mouvement social à Oaxaca. Elle considère que l’objectif ultime est de « briser ce mouvement ». Différents rapporteurs des Nations Unies ont signalé aux autorités mexicaines diverses violations des droits de l’homme, principalement des arrestations sans mandats d’arrêt ou de perquisition, et suite à l’utilisation de la torture.
Depuis le 15 mai de cette année, les enseignants qui s’opposent à la réforme se sont mis en grève, ce qui a conduit à la fermeture de la plupart des écoles publiques (plus de 95% dans les états du Chiapas et de Oaxaca selon les syndicats). Les enseignants ont aussi organisé des marches, des barrages routiers, des sit-ins, des occupations symboliques de mairies et d’installations de radiodiffusion, entre autres actions. Ils ont bénéficié d’un soutien croissant de la part des parents d’élèves, ainsi que de la société civile en général. Actuellement, le magistère maintient un sit-in permanent dans le centre de la ville de Oaxaca, qui est protégée par des barricades dans le centre historique et par des barrages routiers installés à des points stratégiques pour empêcher l’entrée des forces de police.
La société civile de Oaxaca a publié une Action urgente émettant une alerte humanitaire face à « l’attaque armée de l’État contre des civils». Elle exige de mettre fin à l’utilisation de la force et de la répression contre le magistère et la population, l’installation d’une table de dialogue, l’attention médicale immédiate des blessés, la fin de la criminalisation des enseignants, l’annulation des mandats d’arrêt, la libération des détenus et de punir les responsables de violations des droits de l’homme.
Comme Service International pour la Paix (SIPAZ), nous souhaitons exprimer notre extrême préoccupation face aux violations des droits de l’homme dans le cadre des manifestations des enseignants. Nous vous invitons à signer l’Action urgente publié par l‘Espace Civil de reprise par le Réseau Tous les Droits pour tou(te)s (Red TdT).
Nous considérons par ailleurs que la situation est critique non seulement à Oaxaca mais aussi au Chiapas, c’est pourquoi nous animons la société civile nationale et internationale à se maintenir informée.