2016
10/04/2017DOSSIER: Un projet de loi de Sécurité Intérieure polémique suite à 10 années de guerre contre le trafic de drogue
06/07/2017Lors de ses premiers mois à la présidence des Etats-Unis, Donald Trump a dû faire face à des contrepoids politiques qui l’empêchent pour l’instant de réaliser toutes ses promesses de campagne -dont beaucoup auraient des conséquences en premier lieu sur le Mexique.
En matière d’immigration, les Etats-Unis annoncent de nouvelles dispositions facilitant l’arrestation et l’expulsion des personnes sans droit au séjour. Elles prescrivent l’expulsion immédiate des personnes condamnées ou accusées de délit, sans préciser desquels ni leur degré de gravité. François Crépeau, Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les droits de l’Homme des migrants, a indiqué que “leur gestion de l’immigration illégale ressemble fort aux politiques en matière d’alcool en vigueur durant la Prohibition, ou à la guerre contre la drogue. La tolérance zéro génère la criminalité, un marché parallèle et la violation de nombreux droits ”.
Les migrants mexicains ne seront pas les seuls affectés : ce sera le cas de tous ceux et celles entrant dans le pays, quelle que soit leur nationalité. De ce fait, le Mexique, historiquement pays de transit, devient un pays de destination, ceci alors que le retour des ressortissants nationaux entraîne une augmentation rapide de la population et une pression importante pour le pays.
Au niveau économique, la proposition de Trump de renégocier l’Accord de Libre-Echange d’Amérique du Nord (ALENA) pourrait s’avérer désastreux en raison de la grande interdépendance des Etats-Unis et du Mexique. Selon la revue Proceso, le Mexique est le second consommateur mondial de produits états-uniens et le troisième fournisseur des Etats-Unis. C’est ce qui explique que “annuler l’ALENA, comme a menacé de le faire le démagogue du nord, augmenterait les prix et l’inflation aux Etats-Unis, en plus d’accroître les coûts de production dans la région, mettant en péril les emplois et diminuant la compétitivité”.
En ce qui concerne les questions de sécurité, le Mexique est situé dans le périmètre de sécurité nationale des Etats-Unis. En février, Donald Trump a signé un décret afin de “casser le dos” aux cartels de drogue, et a parlé d’une intervention états-unienne au-delà de ses frontières. En avril, une conférence sur le thème de la sécurité en Amérique Centrale a eu lieu en Quintana Roo au Mexique. L’idée d’installer une base du Commando Sud des Etats-Unis à la frontière du Guatemala y a été évoquée.
Le gouvernement d’Enrique Peña Nieto cherche à garder des relations “respectueuses et constructives” avec la nouvelle administration états-unienne, mais d’une manière que certains analystes considèrent comme trop conciliante.
Violence et Droits de l’Homme au Mexique : quelques avancées, mais surtout encore beaucoup de travail
En février dernier, Amnesty International a présenté son rapport annuel. Le chapitre Mexique 2016 parle de violence généralisée et de militaires engagés dans des opérations de sécurité publique, de torture, disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires, détentions arbitraires, crise des réfugié.es, menaces et diffamations contre les défenseur.es des Droits de l’Homme et journalistes, entre autres. Lors de la présentation du rapport au Mexique, la directrice pays d’Amnesty s’est montrée concise : “Nous sommes face à l’une des pires crises des Droits de l’Homme et de la justice”.
De son côté, l’Institut international d’études stratégiques (IISS) a publié les résultats 2017 de son étude sur les conflits armés. Celle-ci place le Mexique à la seconde place des pays les plus meurtriers (23 000 victimes en 2016) après la Syrie (50 000), mais devant l’Afghanistan (17 000) et l’Irak (16 000). L’ISS affirme que la violence découlant de la lutte contre les cartels de drogue au Mexique a atteint le niveau des pays en guerre. L’Etat mexicain a critiqué le rapport en question, mettant en doute les chiffres cités et arguant que “la violence liée au crime organisé est un phénomène régional”.
En avril, la Loi contre la Torture a été votée après presque une année de discussions à la Chambre des Députés alors que “selon des chiffres de la Commission Mexicaine de Défense et de Promotion des Droits de l’Homme, le bureau du Procureur de la République a reçu 4055 plaintes pour torture, et déclaré que 1884 dossiers seulement font l’objet d’une enquête. Des procédures juridiques n’ont été ouvertes que dans 11 de ces dossiers, et on n’a connaissance que de cinq sentences prononcées pour [actes de torture].” Le bureau du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme au Mexique s’est réjoui de la loi en question, car elle interdit formellement la torture, “elle condamne la torture dans tout le pays, selon une définition conforme aux traités internationaux, refuse les preuves obtenues par ce moyen (…) et détermine des règles claires pour combattre l’impunité”. De son côté, Amnesty International considère que c’est une grande avancée mais que “à moins que les autorités mexicaines ne fassent un véritable effort pour garantir que chaque responsable des milliers de cas de tortures dénoncés chaque année soit traduit en justice, (…), cette loi ne sera rien de plus que des mots sur le papier”.
Autre inquiétude concernant les Droits de l’Homme : depuis décembre dernier, le Ministre de la Défense, le Général Salvador Cienfuegos, pousse les législateurs à voter une Loi de Sécurité Intérieure. La menace de Donald Trump d’envoyer des troupes au Mexique pour lutter contre les cartels de drogue a alimenté le débat en faveur de ce vote. La Chambre des Députés a néanmoins décidé en février de suspendre le processus d’adoption de la loi, alors que toujours plus d’associations de Droits de l’Homme refusent que la présence des Forces Armées dans les opérations de sécurité publique soit normalisée, notamment en raison de preuves d’abus commis contre la population civile (voir Dossier).
Recrudescence de la violence contre les journalistes
La période a été marquée par la recrudescence des violences à l’encontre des journalistes, le Mexique étant le deuxième pays au monde le plus dangereux pour la profession. Rien qu’en mars, Cecilio Pineda Birto (Guerrero), Ricardo Monlui Cabrera (Veracruz), Miroslava Breach Velducea (Chihuahua) ont été assassinés, et on a attenté à la vie d’Armando Arrieta (Veracruz) et Julio Omar Gómez (Basse Californie), dont le garde du corps est décédé. En mai, sept journalistes ont été attaqués par une centaine d’hommes armés alors qu’ils couvraient une opération des polices fédérale et de l’état à San Miguel Totolapan, Guerrero. Ils ont été menacés et frappés, et leur matériel de travail, des portables et l’un de leurs véhicules ont été volés. Le même mois, Javier Valdez a été assassiné dans la capitale de l’état de Sinaloa.
En mars, le Bureau de Washington pour l’Amérique Latine (WOLA) a déclaré que le Mécanisme de protection des défenseur.es des Droits de l’Homme et des journalistes du bureau du Premier Ministre et les bureaux des procureurs dans tout le pays “ne suffisent ni à empêcher les attaques contre les journalistes et défenseurs, ni à assurer leurs besoins de protection, et (…) l’impunité dans ces dossiers et pour des attaques et délits antérieurs perpétue et aggrave la spirale de la violence”. WOLA a affirmé que “le gouvernement doit fournir plus que des justifications, des promesses creuses et des déclarations vagues”.
CHIAPAS: Situation tout aussi critique pour les Droits de l’Homme
En février, Silvia Juárez Juárez, membre du Mouvement de Défense du Territoire Zoque, a été arrêtée à Tuxtla Gutiérrez, accusée des délits de rébellion, dommages matériels et enlèvement de fonctionnaires municipaux. Cela serait survenu dans le cadre d’une manifestation à laquelle elle n’a en réalité pas participé, et a été libérée en mars après 35 jours de détention. La zone Zoque est en résistance contre les projets miniers et de forage d’hydrocarbures prévus à Tecpatán sur plus de 80 000 hectares, et pour lesquels des appels d’offre sont en cours. Les associations Zoques dénoncent les manquements de la soi-disant “consultation” effectuée, ainsi que les aides gouvernementales conditionnées à son acceptation. Signalons en outre que “le maire de Tecpatán, Armando Pastrana Jiménez, a présenté une demande officielle reprochant au bureau du procureur de l’état de s’être dessaisi de l’affaire, afin d’éviter que [Silvia Juárez Juárez] ne sorte de prison ”, et qu’il a maintenu sa plainte contre 29 autres personnes qui luttent pour défendre la zone.
En avril, le Comité de promotion et de défense de la vie “Samuel Ruiz” a exprimé son inquiétude “face à la stratégie des employés de la mine pour provoquer les paysans de l’ejido Ricardo Flores Magón, commune de Chicomuselo”, qui, et ce n’est pas un hasard, “est situé sur la route menant à l’Ejido Grecia de la même commune, le lieu-même où l’entreprise canadienne Black Fire extrayait jusqu’en 2009 le minerai appelé Barita [sulfate de baryum]”. Le Comité a révélé que quelques 70 personnes se sont vues offrir des cadeaux, de l’argent et promettre la construction d’infrastructures et de services publics en échange d’une autorisation de passage dans l’ejido. Il a rappelé que les communautés “se sont organisées en tant que société civile pour surveiller la zone et empêcher l’entrée des entreprises minières ; accepter ces propositions risquerait donc d’entraîner des querelles entre paysans, qui pourraient dégénérer et provoquer des problèmes plus importants”.
En avril, 9 infirmières de l’hôpital “Dr. Rafael Pascasio Gamboa” à Tuxtla Gutiérrez ont fait une grève de la faim (pour certaines, jusqu’à 10 jours). Elles n’ont cessé qu’après un accord avec le gouvernement de l’état à propos de certaines de leurs demandes, dont le paiement de leurs prestations sociales, le retour de 15 employés injustement renvoyés et l’approvisionnement en médicaments des 1 200 cliniques et hôpitaux de l’état. Le Centre des Droits de l’Homme Fray Bartolomé de Las Casas a en outre dénoncé que la crise du système de santé au Chiapas est “un problème historique et structurel, qui a des conséquences non seulement pour ceux et celles qui travaillent dans le secteur, mais aussi pour toutes les personnes qui passent par les hôpitaux et cliniques de l’état”. Le 1er mai, les infirmières ont repris leur grève de la faim, considérant que les engagements pris par le gouvernement n’avaient pas été tenus.
En mai, Felipe Arizmendi, évêque du diocèse de San Cristóbal de Las Casas, a dénoncé le cambriolage du refuge pour personnes migrantes de San Martín de Porres, dans la ville du même nom. Il a indiqué que des événements semblables ont été rapportés dans d‘autres refuges pour migrant.es du diocèse, à Palenque, Salto de Agua, Comitán et Frontera Comalapa.
En matière d’avancée contre l’impunité, la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme a reconnu la responsabilité de l’Etat mexicain dans le cas de l’exécution extrajudiciaire de Gilberto Jiménez Hernández. Celle-ci était survenue en février 1995 dans la communauté La Grandeza, commune d’Altamirano “dans le cadre de l’application de la stratégie de contre-insurrection élaborée dans le Plan de Campagne Chiapas 94.” Le Centre des Droits de l’Homme Fray Bartolomé de Las Casas a souligné que “la juridiction militaire a toujours servi, et c’est le cas aujourd’hui encore, à assurer l’impunité. Dans cette affaire, comme dans d’autres, les procédures d’enquête n’ont pas été appliquées, afin de couvrir l’armée mexicaine”.
Chenalhó: des similitudes inquiétantes avec l’escalade de violence de 1997
Les affrontements qui ont fait suite aux élections dans la commune de Chenalhó ont coûté la vie à deux personnes entre le 22 février et le 7 mars, et fait plus d’une dizaine de blessés par balles. Des manifestations ont lieu depuis début 2016, ce qui a amené la maire, Rosa Pérez Pérez, du PVEM (Parti Ecologiste), à demander à être relevée de ses fonctions. Le Congrès local a nommé son suppléant, Miguel Sántiz Álvarez, maire par intérim. Toutefois en août, le Tribunal électoral fédéral a ordonné la reprise de fonction de Rosa Pérez. Mais les conditions n’étant pas réunies, celle-ci se trouvait à San Cristóbal de Las Casas pour recevoir les fonds correspondant à la mairie.
Le 22 février à l’aube, des centaines de partisans de Rosa Pérez ont envahi le bâtiment de la mairie que des sympathisants du maire par intérim surveillaient. La prise de l’édifice et un affrontement ultérieur ont provoqué la mort d’une personne, fait 16 blessés, et entraîné la destruction de véhicules et le saccage de maisons. Des témoins rapportent l’utilisation d’armes de gros calibre et de “gilets pare-balles”. Plus tard, le corps de Lorenzo Sántiz Álvarez, fils du maire intérimaire de Chenalhó, a été découvert.
Dans ce contexte, la paroisse de Chenalhó a rappelé comment est survenu le massacre d’Acteal il y a presque vingt ans : “l’histoire semble se répéter : des actes de violence, des menaces, des morts et des blessés, des déplacés, des maisons brûlées, des groupes armés en action, le trafic d’armes”. Elle a alerté “les autorités ne font rien pour résoudre le problème”. Le conflit a déjà fait plus de 200 personnes déplacées, et 4 sont mortes : “il est de notoriété publique que les groupes armés opèrent de nouveau dans la commune, avec une totale liberté et en toute impunité.”
Violences faites aux femmes : pas d’amélioration malgré l’Alerte de Violence liée au Genre
En mars, le COLEM (association civile Groupe de femmes de San Cristóbal Las Casas) a annoncé que 138 femmes sont décédées de mort violente en 2016, dont 89 cas qualifiés de féminicides. Selon l’Observatoire National Citoyen des Féminicides, le Chiapas est situé à la dixième place des états mexicains enregistrant le plus grand nombre d’agressions contre les femmes.
En avril, plus de 5 mois après la Déclaration d’Alerte de Violence liée au Genre, la Campagne Populaire contre les Violences faites aux Femmes et les Féminicides au Chiapas a dénoncé que “malgré les promesses des institutions de l’état et du gouvernement fédéral de mettre en place des actions immédiates pour s’attaquer à [l’Alerte de Violence liée au Genre], nous pointons l’absence d’engagement d’actions claires et fortes pour répondre aux nombreuses plaintes pour faits de violences contre les femmes et féminicides ”. Elle a répété que “la déclaration d’[’Alerte de Violence liée au Genre] dans 23 communes seulement néglige les violations graves des droits des femmes commises ailleurs dans l’état”.
Initiatives et consolidation d’autres projets
En mars, la Société Civile Las Abejas a lancé la campagne “Acteal: racines, mémoire et espoir”, organisée cette année pour les 20 ans du massacre d’Acteal et les 25 ans de la création de cette organisation.
En avril, le 2ème Forum en Défense de la Madre Tierra (Terre-Mère) et du Territoire a eu lieu à Santa Lucía, commune d’Ocosingo. Les participant.es ont décidé de continuer la lutte et confirmé leur refus de la Gendarmerie Environnementale sur leurs territoires. Ils ont réaffirmé “nous ne permettrons ni les expulsions, ni aucun projet imposé qui soit contraire aux intérêts et aux décisions des communautés ” ; et déclaré qu’ils peuvent “construire des gouvernements communautaires”.
En avril, le Séminaire de réflexion critique “Les murs du capital, les brèches de la gauche” a été organisé par l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) à San Cristóbal de las Casas, (voir Article). En mai, le Congrès National Indigène (CNI) et l’EZLN organisaient l’Assemblée Constitutive du Conseil Indigène de Gouvernement à San Cristóbal de las Casas également. 71 membres du conseil ont été élu.es, et María de Jesús Patricio Martínez, indigène Nahua de Jalisco de 57 ans et guérisseuse traditionnelle, a été désignée comme porte-parole. Elle sera candidate indépendante aux élections présidentielles de 2018.
OAXACA: Insécurité et impunité
En mai, plus de 50 associations ont appelé le gouvernement à agir face à l’aggravation de l’insécurité dans l’état, pointant que les chiffres officiels ne reflètent pas la gravité du problème. Elles ont déclaré que “ces événements deviennent malheureusement banals dans la société (…) mais (…) le gouvernement à ses différents niveaux n’a pas développé de stratégie claire pour améliorer les conditions de vie de la population”.
D’autre part, les menaces, agressions et diffamations à l’encontre des défenseur.es des Droits de l‘Homme continuent. En mars, le prêtre Alejandro Solalinde Guerra, qui défend les migrants, a été menacé de mort à travers une vidéo de YouTube.
Rodrigo Flores Peñaloza et Bettina Cruz Velázquez de l’Assemblée des Peuples Indigènes de l’Isthme en Défense de la Terre et du Territoire (APIIDTT) et de la Coordination des Peuples Originaires en Défense du Territoire (APOYO) ont dénoncé avoir été également victimes de surveillance, de menaces et de diffamation ces derniers mois. Plusieurs précédents pourraient expliquer ces faits : “cela coïncide avec les mobilisations importantes pour réclamer la résolution de l’assassinat de José Alberto Toledo Villalobos de Chahuites, défenseur du Droit à l’énergie électrique (…) ; Ainsi qu’à un soutien actif à la défense de la montagne Iguú menée par les communautés indigènes zapotèques (…) de San Blas Atempa, face à la construction d’un poste électrique de la SEDENA. Il faut également mentionner le dépôt récent d’un recours collectif (…) après le classement de la région en Zone Economique Spéciale, la seconde phase des projets éoliens et les concessions minières”.
Ces exemples ne sont que quelques-unes des actions de défense de la terre et du territoire qui valent des menaces aux personnes qui les mènent. En mai, la Coordination des Peuples Unis de la Vallée d’Ocotlán (COPUVO) a elle aussi dénoncé le harcèlement à son encontre parce qu’elle voulait organiser un forum contre la mine à San José del Progreso, “où depuis 8 ans nous défendons notre territoire face au projet minier San José”. L’association a révélé que le maire “a publiquement menacé notre organisation, des communautés de la région et des associations civiles” disant qu’il allait “interdire l’entrée à la population pour la tenue d’un forum”.
Autre exemple d’agressions contre des personnes mobilisées : les événements du 19 juin 2016 survenus autour d’un barrage installé pour protester contre la réforme éducative. Ce jour-là, la répression policière a entraîné la mort de huit personnes, et au moins 226 civil.es ont été blessé.es. En mars, le Comité de Victimes pour la Justice et la Vérité 19 juin de Nochixtlán (Covic) a dénoncé “une tentative d’assassinat” contre son président, Santiago Ambrosio Hernández, qui a été blessé. En avril, le titulaire du Comité de Défense des Droits de l’Homme du Peuple de Oaxaca (DDHPO), Arturo Peimbert Calvo, a révélé avoir été visé par des tirs à longue distance (sa voiture a reçu des impacts de balle), alors qu’il se trouvait près de Nochixtlán. Il a indiqué que, dans cette affaire, “l’absence de progrès dans l’enquête favorise l’impunité, et encourage les agressions des victimes, des proches des personnes décédées et de celles qui les défendent ; c’est pourquoi il faut dénoncer la lenteur des autorités pour ouvrir les enquêtes”.
GUERRERO: la violence omniprésente
En février, le Centre des Droits de l’Homme Tlachinollan a dénoncé l’escalade de violence dans l’état de Guerrero “où les pouvoirs officiels sont absents, ou plutôt complices de la criminalité”. Tlachinollan affirme que l’Etat ne sert ni ne protège plus la population, mais les intérêts des multinationales et ceux du crime organisé, tous deux liés, ce qui crée “un climat de peur qui place les habitants de l’état en situation de grande vulnérabilité”. Le Centre a déclaré que le modèle de développement “est basé sur la confiscation et la privatisation des ressources stratégiques ” alors que les inégalités sociales s’aggravent. Il a en outre pointé que “ceux et celles qui font obstacle à ces affaires louches disparaissent et sont violemment attaqués”.
Le cas d’Arturo Campos, membre de la Coordination Régionale des Autorités Communautaires – Police Communautaire (CRAC – PC) en est un exemple : un juge l’a enfin innocenté du délit d’enlèvement dont il a été accusé il y a plus de trois ans. Tlachinollan considère que “un pas de plus est fait sur le chemin de la recherche de justice, pour prouver non seulement l’innocence de la CRAC-PC, mais aussi les méthodes de l’Etat pour criminaliser son modèle de justice communautaire”.
Dans son communiqué de février, Tlachinollan a également accusé les forces de sécurité et l’Armée d’être “incapables de contrôler ce désordre institutionnel“. Soulignons que, depuis 2014, dans l’état de Guerrero, le responsable de la Sécurité Publique et de la Protection Civile est le général brigadier Pedro Almazán Cervantes. C’est de plus l’état du Mexique où la présence militaire est la plus importante depuis les années de la Sale Guerre. Malgré cela, Guerrero était en 2016, et pour la quatrième année consécutive, l’état le plus violent du pays selon l’indice de paix Mexique de l’Institut pour l’Economie et la Paix.
Il est également inquiétant qu’il n’y ait pas du nouveau dans l’affaire la plus médiatisée de Guerrero en matière de Droits de l‘Homme, en l’occurrence la disparition en 2014 de 43 étudiants de l’Ecole Normale rurale d’Ayotzinapa. En avril 2017, le mécanisme de suivi de la Commission Interaméricaine de Droits de l’Homme (CIDH) a pointé “le manque de rapidité pour arriver à des conclusions”. Il assure que “les déclarations publiques faites par les hautes autorités, et validant l’hypothèse selon laquelle les 43 étudiants auraient été incinérés dans la décharge de Cocula, inquiète la Commission”. Selon les rapports du GIEI (groupe interdisciplinaire d’experts indépendants), “l’intensité minimum du feu nécessaire à la combustion de 43 corps est scientifiquement impossible selon les preuves récoltées”.
En avril, les proches des disparus ont été violemment expulsées du bâtiment du Ministère de l’Intérieur à l’aide de bombes de gaz lacrymogènes. Ils et elles attendaient d’être reçus par le Ministre, Miguel Ángel Osorio Chong, pour connaître et réclamer des avancées dans l’enquête.