DOSSIER : LA TERRE N’EN PEUT PLUS
03/01/2018Activités du SIPAZ (de la mi-août à la mi-novembre 2017)
03/01/2018Le 7 septembre 2017, un séisme de magnitude 8,2 sur l’échelle de Richter a dévasté le Oaxaca, affecté la zone de l’isthme de Tehuantepec, ainsi qu’une partie de la côte du Chiapas. Il s’agit des deux états mexicains les plus pauvres du pays.
Douze jours plus tard, un nouveau tremblement de terre de magnitude 7,1 a secoué la ville de Mexico, les États de Puebla, Morelos, Hidalgo, Tlaxcala, Guerrero et, une nouvelle fois, l’état du Oaxaca. Les deux tremblements de terre ont fait des centaines de morts, laissé des milliers de personnes sinistrées, et ont endommagé, partiellement ou totalement, un grand nombre de logements, d’écoles, d’hôpitaux, d’églises et de magasins.
Au total, 467 personnes ont perdu la vie (dont 98 recensées pour la journée du 7 septembre et 369 douze jours plus tard), tandis que plus de 250 000 individus se sont retrouvés sans logement. Selon la revue en ligne Animal Político, la zone la plus dévastée a été le Oaxaca, où 21 823 des 63 336 logements touchés ont été totalement détruits (soit 34 % de l’ensemble des logements concernés). Par ailleurs, les multiples ondes de chocs des séismes ont fini de détruire les bâtiments les plus fragiles et ont maintenu la population dans un état d’angoisse et de panique permanent pendants plusieurs semaines.
Comme la journaliste de La Jornada Blanche Petrich l’a expliquée dans le documentaire « La douleur et l’espoir », le « contraste entre la capacité de la société civile à s’organiser et la lenteur et l’inaptitude des autorités à réagir face à ces catastrophes » a été frappant, dès les premiers jours qui suivirent les événements (Voir Analyse).
Dans une situation d’extrême urgence, la société a réagi immédiatement, sans attendre l’intervention du gouvernement. Des chaînes de solidarité humaine se sont constituées instantanément, composées de personnes de tout âge et de divers horizons, et ont convergé vers un unique but : secourir les personnes prisonnières des décombres. Dès les lendemains du premier séisme, la société a commencé à récolter des vivres, des médicaments, des vêtements, ainsi que des produits de première nécessité. Les centres de collecte et les initiatives de transport solidaire se sont multipliés en faveur des personnes affectées par les tremblements de terre.
Au Oaxaca, des artistes, tel que le peintre Francisco Toledo, mais aussi des intellectuels, des collectifs, ainsi que tout un ensemble d’acteurs de la société civile, ont contribué à la construction de quelques trente cuisines communautaires, afin que les personnes puissent, à partir des dons collectés, s’alimenter et préparer leurs plats quotidiens. On constate que cette initiative a également été mise en place dans la région côtière du Chiapas. Des campements ont été improvisés pour les sinistrés, et ceux-ci ont organisé des rondes de surveillance. L’aide a aussi bien été le fait des personnes concernées que de l’ensemble des citoyens, des organisations civiles, du Mexique voire même d’autres pays. Ces catastrophes ont ainsi permis de resserrer les liens de fraternité et de solidarité au sein du peuple mexicain.
À l’initiative d’organisations de défense des droits humains, des missions civiles d’observation ont été mises en place au Oaxaca et au Chiapas. En plus de mettre en évidence le manque de coordination du gouvernement dans la distribution de l’aide alimentaire, la capacité des individus concernés à mobiliser les faibles recours dont ils disposent prouvent qu’ils sont avant tout des citoyens disposant de droits fondamentaux, et non de simples sinistrés nécessitant d’être secourus. Cela montre à quel point il est nécessaire de les écouter en priorité, aussi bien à l’heure où il s’agit de répondre à la crise causée par les événements qu’au moment où il faudra contribuer à la reconstruction du pays.
De leur côté, les étudiants ont pu manifester leur solidarité à travers la mise en place de la mission « Apprendre du désastre ». De jeunes étudiants des régions de l’Isthme, d’Ayotzinapa et de la ville de Mexico ont participé à diverses collectes de vivres. Des étudiants en architecture de l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM) se sont mobilisés pour former les sinistré.e.s à la construction de yourtes afin qu’ils puissent disposer d’abris temporaires.
Les familles des 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa ont également manifesté leur solidarité envers les sinistré(e)s : « les séismes, comme le gouvernement, veulent nous anéantir et nous faire disparaître […]. Malgré cette offensive de la nature et un pouvoir odieux, la solidarité dont le peuple mexicain a fait preuve nous laisse penser que nous disposons d’une grande force dans ce pays […]. C’est ce grand mouvement citoyen qui nous a donné la force d’abattre le mur de l’impunité et de révéler au grand jour les failles du système judiciaire ».
Les séismes ont particulièrement affectée les enfants, réveillés brutalement dans la nuit du 7 septembre. De plus, la fermeture de plus de 5000 écoles endommagées a laissé de nombreux enfants dans l’impossibilité d’aller en classe. Face à ces expériences traumatisantes, des groupes se sont constituées pour la mise en place d’ateliers psychologiques. À plusieurs reprises, l’art a joué un rôle de médiateur. Des psychologues, des professeurs et des experts en développement de l’enfance ont ainsi partagé un ensemble d’informations et de méthodes appropriées pour aider les enfants à extérioriser la peur que les événements ont pu susciter chez eux. Des ateliers de dessins leur ont permis d’exprimer leur ressenti et de conjurer leurs craintes. Des compagnies théâtrales, telle que celle des Zapayasos au Chiapas, ont effectué plusieurs visites dans les communautés sinistrées, et mis en place des ateliers afin d’atténuer le stress post-traumatique.
Des instituteurs et des parents d’élèves du Oaxaca ont décidé de ne pas attendre l’arrivée des experts du gouvernement pour improviser des écoles dans les zones dévastées. À l’aide de roseaux et de planches de bois, des salles de classes temporaires ont été construites afin que les étudiant(e)s puissent reprendre les cours le plus vite possible. Ce type d’initiative s’est répété dans la plupart des communautés affectées par les événements, aussi bien dans l’état de Oaxaca que dans celui du Chiapas, où les autorités de Protection Civile ont tardé à arriver, générant de nombreuses incertitudes quant au futur processus de reconstruction.
Face à la tragédie causée par les séismes, la solidarité dont la société civile a fait preuve a généré de grands espoirs. Dans un reportage réalisé par Aristegui Noticias intitulé « Les volontaires étrangers ont été surpris par la solidarité s’étant mise en place au Mexique après le séisme », le chef des secours espagnols a affirmé que « chacun donnait le peu qu’il avait pour les sinistrés et ceux qui leur viennent en aide », et que « la mobilisation ayant eu lieu avait été incroyable ». L’opinion publique retiendra de ces événements la spontanéité et la sincérité avec lesquelles les peuples ont montré leur capacité à reconstruire immédiatement la société en mobilisant leurs propres ressources.