DOSSIER: Peuples autochtones – « grands défis et obstacles pour la pleine jouissance de leurs droits »
02/04/2018Activités du SIPAZ (de la mi-août à la mi-novembre 2017)
02/04/2018Le 25 janvier, la localité de San Cristóbal de las Casas a reçu Vidulfo Rosales Sierra, avocat et défenseur des droits de l’homme, et lui a remis le prix jTatic Samuel Jcanan Lum 2018.Il s’agit par-là de soutenir la diffusion et le travail d’hommes, de femmes et d’organisations collectives s’étant distingué(e)s pour leur participation à la création d’alternatives communautaires et/ou régionales, ainsi que pour leurs efforts visant à la transformation pacifique de la société.
Le 25 janvier, la localité de San Cristóbal de las Casas a reçu Vidulfo Rosales Sierra, avocat et défenseur des droits de l’homme, et lui a remis le prix jTatic Samuel Jcanan Lum 2018. Il s’agit par-là de soutenir la diffusion et le travail d’hommes, de femmes et d’organisations collectives s’étant distingué(e)s pour leur participation à la création d’alternatives communautaires et/ou régionales, ainsi que pour leurs efforts visant à la transformation pacifique de la société.
Vidulfo est né dans la communauté Totomixtlahuaca, dans la municipalité de Tlacoapa (La Montaña, Guerrero). La région de La Montaña est, à bien des égards, une des zones les plus marginalisées du pays : à Tlacoapa, 49,23 % de la population vit dans une situation d’extrême pauvreté (selon le Rapport annuel sur la pauvreté réalisé par le Ministère du Développement Social). Le Guerrero figure quant à lui parmi les États les plus conflictuels du pays.
En tant qu’ainé, Vidulfo a été élevé selon les traditions des fa rurales : « Très jeune, il parcourait les sillons des champs pour y semer du maïs. Il a appris à se servir de la hache et de la machette pour couper le bois : il a du se contenter de tortillas froides alors qu’il travaillait sur le flanc des montagnes ». Pendant cette période, Vidulfo a développé un lien particulier avec sa région, sa terre et son peuple. Malgré tout, il a fini par partir pour Tlapa de Comonfort où il a obtenu son baccalauréat, avant d’étudier à l’Université Autonome du Guerrero, à Chilpancingo.
Pendant ses années d’études, il est rapidement devenu un activiste du mouvement social ; plutôt que de vouloir améliorer sa propre situation, il a choisi, une fois son diplôme obtenu, de défendre ses frères et sœurs paysans et indigènes en devenant avocat au Centre des Droits Humains José María Morelos y Pavón. C’est avec cœur que Vidulfo continue aujourd’hui un travail qu’il fait depuis maintenant 17 ans, au Centre des Droits de l’Homme de La Montaña Tlachinollan. Malgré son désir de poursuivre sa carrière universitaire, il n’a jamais pu laisser ses proches de La Montaña ainsi que les communautés pauvres du Guerrero : il est d’ailleurs convaincu qu’il y a davantage à apprendre du peuple que du milieu universitaire et qu’un diplôme ne veut pas dire grand chose dans le système mexicain actuel.
Le travail de Vidulfo au Guerrero n’est pas simple, d’autant plus que cet état vit dans une situation d’insécurité permanente due à la présence continue d’organisations criminelles. Au fil de son parcours, il a du affronter beaucoup d’obstacles et de contretemps. En 2011, il a été contraint de quitter le pays pendant un certain temps, après avoir reçu des menaces de mort faisant suite à son travail d’accompagnement auprès de personnes victimes de violations des droits de l’homme.
En 2014, Vidulfo a commencé à se charger de l’affaire des 43 étudiants de l’École Normale Rurale d’Ayotzinapa disparus au Guerrero, cas encore non résolu jusqu’à ce jour. La situation actuelle de cet état est telle que la portée du travail de Vidulfo se limite à des actions spécifiques, sans pour autant qu’elles permettent d’obtenir justice. Ainsi en est-il de la triste situation du Guerrero, voire du Mexique en général.
Malgré tout, les personnes qui luttent pour la justice doivent poursuivre leur combat : Vidulfo continue de les accompagner dans leur lutte pour un Mexique meilleur. C’est ce dont rendent compte les paroles des activistes de Tlachinollan au sujet du cas d’Ayotzinapa : « cette affaire a profondément affecté nos vies en tant que défenseur(e)s, dans la mesure où elle a obligé Vidulfo, ainsi que d’autres membres de l’équipe, à sortir d’une logique institutionnelle pour être au plus près des mères et des pères de famille. Pour nous, ces derniers représentent aujourd’hui une lueur d’espoir, et nous incitent, depuis ce champ de bataille, à lutter pas à pas afin de combattre le mensonge et de découvrir la vérité au sujet de leurs enfants. Ils sont la source de notre inspiration et de notre force, ils sont l’exemple de ceux qui ont tout donné pour construire un pays fondé sur la justice et la vérité. Par leur combat, les parents des 43 disparus militent pour un monde égalitaire respectant les droits de l’homme. Ils sont l’avenir d’un pays sans victimes, né dans la douleur et l’espoir ».
Lorsque Vidulfo s’est rendu à San Cristóbal de las Casas le 25 janvier dernier, il a eu l’occasion d’assister à un pélerinage du Peuple Croyant du diocèse de San Cristóbal de las Casas, à laquelle des milliers de personnes provenant de différentes régions du Chiapas ont participé. Il a été frappé par le grand nombre et l’incroyable diversité des membres de la marche, ainsi que par la présence de Rodrigo Aguilar Martínez, nouvel évêque, accompagné par plusieurs prêtres de la région.
Né en 1991, le Peuple Croyant est issu d’une initiative visant à éveiller les consciences face à l’absence de justice et de respect des droits les plus élémentaires. Ce 25 janvier, il a organisé un pélerinage en l’honneur du septième anniversaire de la mort de Samuel Ruiz García (jTatic Samuel), évêque du diocèse de San Cristóbal et défenseur des droits des peuples autochtones pendant plus de 40 ans. En étant aux côtés du peuple, cet homme a représenté un véritable symbole d’espoir et de résistance pour beaucoup de croyant(e)s et de défenseur(e)s des droits humains au Mexique et en Amérique latine.
Les participants ont ainsi réalisé leur pélerinage sans savoir qu’ils le faisaient non seulement pour Don Samuel, mais aussi pour renforcer la lutte à laquelle un autre héros se tenant à leurs côtés a consacré sa vie : Vidulfo, activiste de la Montaña du Guerrero qui, quelques heures plus tard, a reçu le prix jTatic Samuel Jcanan Lum, nom tzetzal pour Père Samuel, gardien de la Terre Mère et des peuples. Depuis 2010, cette reconnaissance est remis tous les deux ans à ceux ayant démontré que chaque personne a dans son cœur la force de travailler et de lutter pour le bien des peuples et des communautés. Un prix que Vidulfo méritait, d’autant plus lorsque l’on a en tête la dernière phrase du discours qu’il a donné à cette occasion, en ce 25 janvier : « Nous, les humbles, sommes ceux qui construirons un avenir meilleur, compagnons ».