DOSSIER : Le drame des personnes déplacées au Mexique – Un défi (parmi d’autres) pour le nouveau gouvernement
02/10/2018ACTUALITE: “L’Exode des migrants” pose de nouveaux défis au Mexique en matière de droits de l’homme, en plus des siens
14/12/2018Le 1er Juillet dernier, des élections se sont tenues au Mexique.
Elles ont été considérées comme historiques parce que jamais auparavant autant de postes publics n’avaient été mis en jeu simultanément: 18311 candidatures aux niveaux fédéral, étatique et municipal. Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), candidat de la coalition « Ensemble, nous ferons l’histoire” formée par le Mouvement de Régénération Nationale (MORENA), le Parti travailliste (PT) et Rencontre sociale (PSE), a été élu président de la République avec une marge jamais atteinte auparavant au Mexique: il a en effet obtenu 53% des votes. Sa coalition est également devenue la première force législative à la Chambre des députés et à celle des sénateurs. Elle a aussi remporté cinq postes de gouverneurs dans les états de Veracruz, du Chiapas, de Morelos, du Tabasco et de la Ville de Mexico. La violence préélectorale a atteint des niveaux jamais vus au Mexique. Le cabinet de consulting Etellekt a informé que 133 hommes politiques ont été assassinés entre le 8 septembre 2017 et la fin des campagnes électorales ; 548 attaques ont aussi été enregistrées sur cette même période.
Bien qu’AMLO soit resté en tête des sondages pendant plusieurs mois, une victoire aussi écrasante a dans une certaine mesure représenté une surprise, car on ne prévoyait pas un panorama d’un tel déclin des partis historiques qui ont gouverné le pays depuis plus de 80 ans : le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) et le Parti Action Nationale (PAN).
De nombreux analystes expliquent cette tendance du fait des décisions que ces deux partis ont prises depuis leur exercice du pouvoir: la guerre contre le crime organisé lancée en 2007 (PAN) et les “réformes structurelles” au cours du dernier gouvernement d’Enrique Peña Nieto (PRI), qui n’a pas généré le développement ni le bien-être annoncés au départ, mais une forte vague de manifestations contre ces réformes.
Le PRI et le PAN ont pourtant utilisé tous les moyens à leur disposition pour empêcher d’aboutir au scénario actuel. Ils ont cependant accepté leur défaite avec une civilité que beaucoup craignaient de ne pas voir. Lors de la phase préélectorale, des bulletins de vote falsifiés, l’achat de votes, la collecte de cartes d’électeurs, l’utilisation d’argent sale, le dépassement des limites autorisées pour les dépenses occasionnées par les campagnes politiques, et l’utilisation des programmes sociaux pour obliger leurs bénéficiaires dans un sens ou dans un autre ont été signalés. Certes, ces stratégies avaient permis aux partis historiques d’empêcher l’arrivée à la présidence d’AMLO lors des deux élections présidentielles précédentes.
Beaucoup attribuent également le scénario de ces dernières élections à la fragmentation et aux conflits internes survenus au sein des partis historiques. L’effet « López Obrador » a également été souligné, celui-ci étant lié à son leadership personnel et à la perception d’honnêteté qui lui est associée au milieu de multiples cas de corruption qui ont été mis au jour au Mexique. AMLO a proposé un changement qui a rencontré un écho auprès de la population, ceci devant une classe politique très discréditée. En outre, comparé à ses tentatives précédentes, AMLO a nuancé son discours, en se plaçant au centre et en permettant à de nombreux dirigeants qui se sont formés au sein d’autres partis de s’intégrer dans le sien.
Malgré ces résultats, une marge de manœuvre limitée pour le prochain gouvernement
Même après avoir obtenu plus de 30 millions de votes, et même si son parti aura la majorité dans les deux chambres du Congrès, la marge de manœuvre d’AMLO lorsqu’il assumera ses fonctions en décembre restera limitée. Il pourra certes réaliser certaines modifications au budget mais il héritera d’une dette supérieure à 10 000 milliards de pesos. Plusieurs analystes soulignent que le pouvoir continuera d’être entre les mains de la classe capitaliste transnationale et que celle-ci cherchera à préserver ses intérêts et une corrélation des forces en sa faveur.
Les priorités du nouveau gouvernement suggèrent qu’il s’efforcera de réduire la corruption, les privilèges et les différentes formes d’immunité, et qu’il cherchera à tenir ses promesses d’austérité. Une autre priorité est de réduire la violence avec une stratégie de sécurité différenciée de celle des deux gouvernements précédents; et de modifier le budget pour permettre une politique qui reprendra son slogan de campagne « les pauvres en premier ».
En ce qui concerne le thème qui affecte le plus le Mexique, la violence, AMLO, en tant que président élu, a annoncé que des Forums permettant de tracer la voie pour pacifier le pays et en vue de la réconciliation nationale seront organisés entre août et octobre. Ils cherchent à identifier des propositions sur des thèmes tels que le “pacte de réconciliation nationale, la reconstruction du tissu social et la coexistence pacifique, le désarmement, la démobilisation, la réintégration des membres du crime organisé, les garanties de non-répétition, la consommation et la possession de drogues; possession et port d’armes, réduction des peines de prison, et crimes graves”.
Depuis le début du processus, les critiques ont augmenté, tant de la part des mouvements de victimes que de celle des organisations civiles de défense des droits de l’homme, qui remettent en question tant son format que sa possible portée. L’équipe AMLO a cependant annoncé que, sur cette base, son plan de réconciliation et de pacification du pays sera prêt en novembre.
Expectatives sociales et en matière de droits de l’homme
En dehors des forums qui portent sur le thème de la violence, diverses organisations civiles et mouvements sociaux ont présenté au gouvernement élu plusieurs demandes concrètes.
En juin, dix décrets présidentiels ont été présentés pour modifier le statut des limites auparavant existantes pour utiliser l’eau de 40% des bassins du Mexique, qui représentent 55% des eaux de surface du pays. Le pouvoir exécutif a proclamé que cette décision constituait une mesure de protection de l’environnement. D’autres secteurs s’interrogent sur le fait que l’eau pourrait être concédée pendant 50 ans, entre autres options aux industries extractives, une grande partie de ces bassins coïncidant avec des endroits où des méga-projets sont prévus. Ils considèrent qu’il s’agit d’ouvrir la porte à la privatisation de l’eau, en ignorant le droit humain à cette ressource.
En août, l’Alliance Mexicaine Contre Fracking (AMCF) a exhorté AMLO et les législateurs “Ensemble, nous ferons l’histoire” qui ont été élus en juillet à interdire légalement la méthode de fracking, connue sous le nom fracturation hydraulique pour extraire le gaz et le pétrole au Mexique. Elle a également demandé une révision des contrats existants (91 ont été signés au cours des six dernières années) et à la formulation d’un moratoire sur les nouveaux contrats, ainsi qu’un plan de transition énergétique.
Également en août, des organisations civiles ont dénoncé les omissions du gouvernement d’Enrique Peña Nieto pour remédier aux insuffisances de la Commission nationale pour prévenir et éliminer la violence contre les femmes (Conavim). Elles ont souligné que la violence à l’égard des femmes au Mexique a coûté la vie à 8 904 d’entre elles entre 2014 et 2017, et que seulement 24% des cas ont fait l’objet d’enquêtes en tant que féminicides. Elles ont également exprimé « leur inquiétude et alarme face à la brutalité, l’acharnement et l’impunité qui prévaut dans les cas enregistrés ». Elles ont aussi exhorté le prochain gouvernement d’AMLO à renforcer la Conavim et à « garantir le droit des femmes à une vie sans violence ».
Cependant, d’autres acteurs n’attendent aucun changement avec l’arrivée au pouvoir d’AMLO ou des partis qui l’ont amené à la présidence. L’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a souligné que “tous les efforts du Mouvement de Régénération Nationale, de Lopez Obrador et de son équipe, depuis le 1er juillet, ont été faits pour gagner les faveurs de la classe dirigeante et du grand capital. Il n’y a aucun indice (…) qui permette de penser que c’est un gouvernement progressiste, aucun. Ses principaux projets vont détruire les territoires des peuples indiens: un million d’hectares de la Forêt Lacandone, le train Maya, le couloir économique de l’Isthme [de Tehuantepec], entre autres projets qu’ils cherchent à mettre en place”. Elle a annoncé qu’elle continuerait à résister dans ses communautés et a proposé la création d’une grande organisation civile au niveau national ainsi que celle de nouveaux conseils civils non autochtones et internationaux. Il est clair en tout cas que l’annonce du futur cabinet d’AMLO est de proposer une réforme constitutionnelle pour reprendre les Accords de San Andrés sur les droits et la culture indienne signés entre l’EZLN et le gouvernement mexicain n’est pas le moyen par le biais duquel les zapatistes prévoient de continuer à approfondir leur modèle d’autonomie.
Questions en attente de réponse de la part du gouvernement actuel et de celui à venir
En juin, les rapporteurs sur la liberté d’expression de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) et de l’ONU ont présenté un rapport suite à leur visite au Mexique en 2017. Ils ont noté que le pays “connaît une crise de sécurité profonde qui affecte gravement les droits de l’homme de la population. L’un des aspects centraux de la crise est l’érosion de l’État de droit et l’absence de bonne gouvernance au niveau local, un phénomène répandu dans le pays”. “En plus de l’utilisation de la violence sous toutes ses formes, les acteurs criminels et les pouvoirs publics essaient de coopter des journalistes pour leurs propres fins et de les contraindre à diffuser des informations qui favorisent les organisations criminelles ou qui nuisent à leurs adversaires”, ont-ils affirmé.
En juillet, l’organisation Global Witness a publié le rapport « A quel prix? Entreprises irresponsables et assassinats de personnes défendant la terre et l’environnement en 2017 ». Dans le cas du Mexique, elle a noté que “la collusion entre les entreprises et les autorités, et la présence du crime organisé sont, au Mexique, des facteurs qui affectent les assassinats de défenseurs de l’environnement, qui se sont multipliés entre 2016 et 2017 vu que de trois cas on est passé à 15, 13 d’entre eux contre des indigènes”. Elle a appelé le prochain gouvernement à résoudre ce problème « de manière prioritaire » et à assurer la participation des communautés et des organisations civiles dans le cadre de la prise de décisions concernant les méga-projets.
En août, lors de la journée internationale des peuples indigènes, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies pour ce secteur, Victoria Tauli-Corpuz, a publié un rapport sur sa visite au Mexique en 2017. Elle a souligné “le fossé considérable entre la réalité juridique , politique et institutionnelle, et les engagements internationaux assumés par le pays”. Ceci, “dans un contexte d’inégalité profonde, de pauvreté et de discrimination des peuples autochtones qui limite leur accès à la justice, à l’éducation, à la santé et à d’autres services de base”. “Le manque d’autodétermination et de consultation préalable, libre, informé et culturellement approprié s’ajoute aux conflits territoriaux, aux déplacements forcés, à la criminalisation et à la violence contre les peuples indigènes”, a-t-elle souligné.
CHIAPAS: Élections à tous les niveaux
Au Chiapas, les élections de juillet ont eu lieu à tous les niveaux: fédéral, étatique et municipal. Au niveau fédéral, Morena l’a emporté haut la main avec plus d’un million de votes. Rutilio Escandón Cadenas a été élu gouverneur pour ce même parti avec plus de 39% des votes. La coalition “Ensemble nous ferons l’histoire” a également remporté la majorité des postes de députés étatiques et la mairie des villes les plus importantes du Chiapas.
Cependant, cette victoire a eu lieu d’une manière telle que de nombreux postes d’élections populaires n’ont pas été attribués à ses militants historiques, mais à des figures politiques associées à l’actuel gouverneur du Parti Vert Écologiste du Mexique, Manuel Velasco Cuello (MVC). Le cas qui a suscité le plus de controverse est celui d’Eduardo Ramírez Aguilar, qui sera sénateur fédéral de Morena pour le Chiapas. En tant que membre du PVEM lors de l’administration de Manuel Velasco, il a été secrétaire d’État et député local. Ce n’est pas le seul cas et pour cette raison, certains considèrent qu’une alliance non publique entre MVC et Morena s’est produite avant les élections.
Au cours des campagnes électorales, les évêques du Chiapas ont dénoncé le fait que « le système des partis politiques a été la cause de divisions et de conflits dans les communautés et les peuples indigènes en raison de la corruption des autorités locales, de l’achat de votes, l’utilisation des programmes sociaux pour obtenir certains résultats, de publicités mensongères, de fausses promesses, la distribution de nourriture et d’autres choses pour conditionner l’électeur, etc. « . Ils ont souligné que « l’on peut observer l’intervention du crime organisé dans la sélection ou l’imposition de candidats ainsi que l’existence de groupes armés illégaux au service d’intérêts politiques, économiques ou criminels ».
Le bureau du procureur électoral a indiqué qu’il avait ouvert 38 enquêtes pour des incidents violents survenus le jour du scrutin (y compris plusieurs meurtres). L’Institut électoral et de participation citoyenne du Chiapas (IEPC) a par la suite indiqué que les élections municipales avaient été contestées dans 67 des 122 municipalités du Chiapas; de même que dans 10 des 24 districts pour élire les députés locaux.
Droits de l’homme: des demandes dont hériteront les candidats élus
En juin, les organisations pétitionnaires de la Déclaration d’alerte de violence de genre contre les femmes (AVGM) ont dénoncé « le manque d’engagement de la part du gouvernement de l’état pour évaluer la mise en place des mesures ordonnées dans le cadre de l’AVGM ». Elles ont exprimé que grâce à leur suivi permanent et en prenant en compte les rapports des autorités, elles observent « de graves omissions et manques à la vérité dans les preuves qui sont présentées pour démontrer l’exécution de l’AVGM ».
En août, des membres du Congrès National Indigène (CNI) de la zone nord du Chiapas ont déclaré avoir été victimes de menaces et d’agressions au cours de différents incidents survenus dans les municipalités de Tila, Salto de Agua et Yajalón. Ils ont rapporté que « nous sommes menacés, harcelés, intimidés, on invente des délits contre nous et on nous vole nos terres ». Ils ont dénoncé qu ‘ »ils ne peuvent plus quitter leur maison ou leur communauté car ils ont été victimes d’enlèvements, d’agressions, de vols dans les transports publics qui les ramènent chez eux. Il n’y a pas de justice même si tu présentes une plainte auprès du ministère public, (…), on écoute des détonations d’armes à feu de gros calibre, y compris quand l’armée mexicaine (SEDENA) est présente. Il n’y a pas d’autorité pour arrêter la vague d’insécurité et de violence. Nous exigeons justice, paix et tranquillité ».
Également en août, la commission des droits de l’homme du diocèse de San Cristobal a rapporté que 57 paroisses ont recueilli 40.400 signatures pour soutenir un recours légal présenté par l’Association Nationale des Juristes Démocrates (ANAD) contre les décrets de réserve d’eau en soulignant le “manque de consultation préalable”.
OAXACA: Violence au-delà du contexte électoral
La violence qui a été observée pendant les campagnes électorales doit s’ajouter à celle qui prévaut dans cet état, avec des statistiques qui continuent de s’accroître et qui résultent de conflits de différents types.
En juillet, une attaque armée a eu lieu entre les habitants de San Lucas Ixcotepec et de Santa María Ecatepec, à la suite d’un conflit agraire. Le bilan a été de 13 morts. Des organisations de la société civile ont signalé que d’autres incidents violents se sont produits suite à d’autres conflits agraires dans la région Sierra Sur. Ils ont exprimé leur préoccupation face à l’absence des autorités dans la résolution de dits conflits et quand la seule réponse est la militarisation de la région en se fondant sur la Loi sur la sécurité intérieure.
De plus en juillet, l’Assemblée des peuples autochtones de l’Isthme en défense de la terre et du territoire (APIITDTT) et l’Assemblée communautaire d’ Alvaro Obregon a dénoncé l’assassinat du policier communautaire Rolando Lopez Crispin. Ils ont rappelé que “depuis 2012 la communauté d’Alvaro Obregon se bat pour défendre son territoire contre la compagnie éolienne du Sud avant appelé Mareña Renovables, et que depuis février 2013, elle a établi sa propre police communautaire”.
En juillet, le Comité pour la défense des peuples autochtones (CODEDI) a quant à lui rapporté que des militaires ont mis en place un barrage routier près de l’endroit où se trouve son centre de formation à Santa Maria Huatulco . Ceci s’est produit à peine cinq mois après l’assassinat de trois de ses membres par un commando armé à leur retour d’une réunion avec le gouvernement de l’état; et quelques jours après le meurtre de son coordinateur régional dans la Sierra Sur. Ils ont également signalé qu’ils sont surveillés, et qu’ils ont souffert des menaces et des perquisitions. Tout cela “sans qu’il y ait à ce jour une seule avancée dans l’enquête judiciaire”. Pour le CODEDI, ce qui explique toute cette violence est le projet de construction de trois barrages hydroélectriques sur la rivière Copalita. L’Espace civil du Oaxaca a dénoncé “l’occupation militaire des territoires où les peuples indigènes luttent contre l’exploitation de leurs ressources naturelles”, “l’augmentation excessive des agressions contre tous les défenseurs des droits de l’homme et membres du mouvement social au Oaxaca”; ainsi que “le manque d’intérêt et le manque de réponse de la part du gouvernement de l’état dans ce cadre”.
En août, face aux résultats des élections, la coordination pour la liberté des défenseur.e.s des droits de l’homme criminalisé.e.s au Oaxaca a demandé que justice soit faite pour les 33 défenseurs qui font l’objet de procédures judiciaires. Elle a demandé une réunion avec AMLO pour “aborder l’une des questions centrales soulevées par le mouvement social dans notre pays”.
En ce qui concerne l’impunité, en juin, dans le cadre du deuxième anniversaire de l’affaire Nochixtlan, le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme au Mexique (ONU-DH) a déclaré que le gouvernement mexicain n’a pas réussi à clarifier la tragédie du 19 juin 2016, suite à la répression d’une manifestation des enseignants, qui a causé la mort de plusieurs civils et a fait plus d’une centaine de blessés. Une autre préoccupation exprimée par l’ONU-DH est que “plusieurs victimes et leurs représentants ont fait l’objet de campagnes de dénigrement, d’intimidations et même d’agressions physiques”.
GUERRERO, « l’entité la plus dangereuse et la plus sanglante du pays »
Au Guerrero comme au Oaxaca, les élections ne constituent qu’un des facteurs de la violence qui affecte cet état depuis plusieurs décennies. Dans l’affaire paradigmatique d’Ayotzinapa, en juin, un tribunal fédéral a ordonné au bureau du Procureur Général de la République (PGR) de refaire la procédure dans l’enquête sur la disparition forcée de 43 élèves de l’école normale rurale d’Ayotzinapa à Iguala, en septembre 2014. Cette décision tient au fait que l’enquête n’a pas été “rapide, efficace, indépendante ni impartiale”. Le tribunal a jugé qu’il y a des “motifs raisonnables de présumer que les aveux et accusations contre les accusés ont été obtenus sous la torture” et “comme au Mexique il n’existe pas de procureur indépendant, il a été décidé de créer une commission d’enquête pour atteindre la vérité et la justice”. Le centre Prodh, représentant les familles des étudiants, a déclaré: que “ceci confirme que la vérité dans cette affaire n’a pas été dite. En vertu de ce jugement, cette appréciation ne provient plus uniquement d’instances internationales, mais a été établie par un tribunal national”. Il a exigé “un engagement public pour que la sentence soir respectée pendant ce qu’il reste du sexennat [d’EPN]”.
Au contraire, en juillet, “compte tenu de l’offensive juridique inhabituelle constituée par plus d’une centaine de recours juridiques présentés par le gouvernement d’Enrique Peña Nieto contre la sentence (…) et en prévoyant que la Cour Suprême de la Nation devra résoudre plusieurs d’entre les dits-recours”, des proches des étudiants ont demandé à la haute Cour de “ne pas céder face à la pression du pouvoir exécutif et de se maintenir aux côtés de la vérité et des victimes”. Le Centre ProDH a affirmé que “ce gouvernement, loin d’utiliser ses forces pour localiser les étudiants, les a utilisées pour attaquer le jugement de la Cour”.
Un autre processus emblématique au Guerrero est celui de la Coordination Régionale des Autorités Communautaires – Police Communautaire (CRAC-PC). En juillet, le gouverneur Hector Astudillo Flores a promu une réforme de l’article 14 qui porte sur les droits des peuples autochtones du Guerrero et supprime les mots “police communautaire et rurale” de l’article constitutionnel. Cette réforme établit que les résolutions émises par les systèmes de justice communautaires devront être conformes à l’ordre juridique actuel et validées par des juges du pouvoir judiciaire de l’état. La CRAC-PC a dénoncé le fait que cette réforme favorise la subordination du système communautaire au gouvernement de l’état. Tlachinollan a déclaré que cette réforme “est un coup porté à la lutte des peuples autochtones du Guerrero qui se voient refuser un statut internationalement reconnu”. Il a souligné que les peuples indigènes “ne vont pas demander la permission car ils ne l’ont jamais demandé il 24 ans pour se soulever en tant que peuples et pour dire stop à un système de justice et de sécurité absolu, corrompu et en collusion avec le crime organisé”.
Au Guerrero, il existe au moins 18 groupes armés se faisant appeler “polices communautaires” dans au moins 38 des 81 municipalités de l’état. Seule la CRAC-PC était couverte par la loi 701. Face aux réactions de rejet, Astudillo Flores a dit qu’il y avait un “malentendu” en ce qui concerne le contenu de la réforme et il a souligné que le but est qu’il n’y ait pas de groupe armé “à chaque coin de rue” et que cette situation doit “faire l’objet d’un contrôle”.
Dans les notes d’espoir, en juin, une condamnation de 19 ans de prison a été émise contre deux soldats accusés pour le viol et la torture de l’indigène Valentina Rosendo Cantú, au Guerrero en 2002. Cette sentence est une réponse à la condamnation de l’État mexicain par la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme (CoIDH) pour cette même affaire en 2010. “C’est la première fois que le Mexique respecte son obligation d’enquêter, de poursuivre et de punir les militaires responsables de violations des droits de l’homme suite à un arrêt de la Cour interaméricaine. (…) C’est une victoire importante et la preuve que l’impunité peut être brisée malgré l’absence de volonté politique”, a souligné le Centre pour la justice et le droit international pour l’Amérique centrale et le Mexique (CEJIL). Pour les organisations qui ont accompagné Valentina, “ce cas historique démontre les graves conséquences de la participation des forces armées dans le travail de sécurité publique et devrait être une nouvelle alarme pour que l’État [mexicain] change sa politique en la matière”.