Activités du SIPAZ (de la mi-mai à la mi-août 2019)
10/10/2019DOSSIER SPECIAL : Le Train Maya
04/01/2020En juin 2019, les gouvernements d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO) et de Donald Trump passaient un accord selon lequel le Mexique s’engageait à prendre des mesures pour enrayer le niveau de migration vers les Etats-Unis depuis son territoire.
Trois mois après, les Etats-Unis annonçaient que le nombre d’arrestations à sa frontière sud avait diminué de 56% sur cette période. Les deux gouvernements considèrent que cette baisse est due au changement de politique migratoire au Mexique : logique de contention incluant le déploiement de la Garde Nationale dans les zones frontalières, et changement de règles pour les migrants originaires d’Afrique et d’Asie, qui n’ont plus l’autorisation de voyager jusqu’à la frontière nord.
Ces changements ont généré une profonde inquiétude parmi les associations nationales et internationales, ainsi qu’à l’ONU, puisqu’ils impliquent une recrudescence des violations des Droits de l’Homme des migrants. L’accord inclue un autre point controversé : la politique des Etats-Unis appelée “Reste au Mexique”, qui oblige les demandeurs d’asile à attendre au Mexique l’instruction de leur dossier.
En octobre, le Collectif d’Observation et de Surveillance des Droits de l’Homme du sud-est mexicain, a exhorté l’Etat mexicain à “répondre à la crise migratoire en cours dans le pays, spécifiquement à la frontière sud, en garantissant que les Droits de l’Homme soient appliqués et totalement respectés. Cela inclue une solution pérenne à la surpopulation et aux conditions inhumaines dans les centres de rétention”. L’association Sin Fronteras comptabilisait à cette époque environ 150 000 personnes détenues dans les 53 centres de rétention du pays, auxquelles s’ajoutent 50 000 rapatriées dans le cadre du programme « Reste au Mexique« .
Front Line Defenders et le réseau Todos los Derechos para Todas y Todos (Red TdT) ont également dénoncé l’augmentation des agressions contre les défenseur-es des droits des personnes migrantes. Les deux organisations ont recensé 69 cas d’arrestation, menaces, harcèlement, diffamation, agression, expulsion, surveillance ou interdiction d’entrer dans un pays entre octobre 2018 et septembre 2019, dont 41 en 2019. Ils ont appelé le gouvernement mexicain à cesser “la criminalisation des personnes migrantes qui s’organisent sur leur parcours pour défendre leurs droits”, ainsi qu’à “surveiller et cadrer les actions de la Garde Nationale en ce qui concerne les arrestations et les refuges »
Premier rapport du gouvernement d’AMLO, un pays “heureux, heureux, heureux”?
Le 1er septembre, AMLO a présenté son premier rapport de gouvernement. Il a évoqué la nécessité de continuer la lutte contre la corruption, et à viser plus de justice et d’égalité. A propos des résultats de sa politique d’austérité il a déclaré “nous avons économisé 145 000 millions de pesos ces 9 premiers mois” et assuré “la Bourse est stable ; la croissance est faible mais il n’y a pas de récession, et la distribution des ressources est maintenant moins injuste”.
Sur les questions de sécurité le chef de l’Etat a confié qu’il y a encore “beaucoup de travail, car les résultats sur la baisse de la délinquance ne sont pas bons (…), ce qui constitue notre principal défi”. Il a annoncé le déploiement de 58 600 membres de la Garde Nationale et que “le but est de déployer 140 000 éléments”.
Le Président a également souligné que “l’Etat n’est plus la principale cause de violations des Droits de l’Homme”, et que “45 prisonniers politiques ont été libérés”. Il a insisté sur l’engagement du gouvernement à “examiner les demandes de vérité, justice, réparation des victimes”.
AMLO a reconnu avoir dû changer de stratégie en matière de migration afin d’éviter une guerre économique avec les Etats-Unis. Il n’a cependant pas apporté plus d’information sur l’impact que ces dispositions ont eu sur les Droits de l’Homme. Il a garanti que “ce sujet serait traité sans utiliser la force ni la coercition, mais en créant des opportunités de travail et de bien-être pour les personnes dans leurs régions d’origine”.
Droits de l’Homme : des changements invisibles dans la réalité
En août, des organisations civiles ont présenté le rapport “Défendre les droits de l’Homme au Mexique : la fin de l’impunité ?”. Le document constate que les violations des Droits de l’Homme ont diminué les premiers mois après l’arrivée au pouvoir d’AMLO. 41 incidents ont toutefois occasionné 331 faits de violations de ces droits, et les attaques perpétrées par des particuliers à l’encontre des personnes défendant les Droits humains ont augmenté. Le rapport indique que les mesures sont toujours “insuffisantes” et qu’il est clair que le sujet n’est pas une “priorité” du gouvernement. Le même mois, la représentation au Mexique du Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme considérait dans son Diagnostic du Mécanisme fédéral de protection des défenseurs des droits de l’Homme et des journalistes que ce dernier ne dispose pas des ressources nécessaires pour pouvoir remplir ses engagements.
La situation est d’autant plus précaire que le nombre de ses bénéficiaires croît à mesure de l’augmentation des agressions contre les journalistes et les défenseur-es. L’implication présumée de fonctionnaires publics dans 55% des cas est une autre source d’inquiétude. Une stratégie « s’intégrant dans une politique systématique » s’impose.
En septembre, Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme, a exprimé son inquiétude quant à la “terrible” situation des journalistes et des défenseur-es des droits de l’Homme au Mexique. Elle a manifesté sa préoccupation de voir la violence augmenter dans le pays, particulièrement les féminicides. Les disparitions forcées ont également été abordées : 40 000 personnes sont portées disparues et 23 000 corps n’ont toujours pas été identifiés. Elle a reconnu comme une « avancée » que le gouvernement d’AMLO accepte la compétence du Comité de l’ONU en ce qui concerne les disparitions opérés par des particuliers.
En novembre, à l’issue de l’examen du 6ème rapport périodique sur la mise en œuvre par le Mexique du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a émis 48 recommandations. Parmi les plus importantes, l’organe a donné deux ans à l’Etat mexicain pour “avancer dans le processus de conversion de la Garde Nationale en institution civile”. Le comité a exprimé son inquiétude “du caractère militarisé des forces de l’ordre en général, dont la Garde Nationale et du fait du manque de calendrier clair pour le retrait des forces militaires des missions de sécurité civile”.
En novembre toujours, le Sénat a élu Rosario Piedra Ibarra à la tête de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH). La nouvelle présidente est militante et fille de la fondatrice du comité ¡Eureka!, une association de proches de personnes disparues. Les partis adverses de Morena (Mouvement de Régénération Nationale), au pouvoir, ont crié à la fraude dans le processus de vote et exigé l’annulation de celui-ci. 7 des 56 candidats en lice ont également demandé un nouveau vote, arguant que “le processus fait planer des doutes sur sa légalité, qui doivent être levés”. Quatre collectifs de Droits de l’Homme et 128 victimes originaires de 12 états du Mexique ont appelé la présidente nouvellement élue à ne pas prendre ses fonctions “jusqu’à un processus transparent, qui ne soit pas entaché de doutes”. Finalement, malgré les protestations et le chahut, Rosario Piedra, considérant “légitime” et “légale” son élection, a persisté, insistant sur le fait qu’elle serait impartiale, même si elle a été par le passé la candidate pour Morena à un poste de députée.
Le Congrès Nationale Indigène et l’EZLN proposent d’autres voies
En septembre, l’Assemblée Nationale et Internationale “l’Isthme est à nous” a eu lieu à Juchitán (état de Oaxaca), à l’initiative du Congrès National Indigène (CNI) et du Conseil Indigène de Gouvernement (CIG). Ils ont expliqué “nous nous rencontrons pour analyser l’assaut porté par le système capitaliste patriarcal et ses grands projets dans tout le pays, et pour renforcer spécifiquement les combats de résistance des populations de l’Isthme et du sud du Mexique contre le couloir interocéanique de l’Isthme de Tehuantepec, qui vise à transformer cette région en un immense parc industriel aux mains du capitalisme international, et en frontière pour empêcher le passage des migrants centraméricains comme ordonné par Trump”.
Une Journée globale de lutte En défense de la vie et de nos territoires « Samir Flores est vivant » a été organisée en octobre. L’événement portait le nom d’un défenseur de l’environnement assassiné en février, et se voulait “une mobilisation disloquée et puissante, dans tout le pays, contre les grands projets mortifères, de caractère anticapitaliste et antipatriarcal”.
En novembre, l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) a invité à participer au “Combo pour la Vie: Décembre de Résistance et de Rebellion” qui aura lieu au Chiapas en décembre. Le programme comprend : la 2ème édition du festival de cinéma Puy Ta Cuxlejaltic ; la première du spectacle de danse “Danse un autre monde ”; le forum de défense du territoire et de la Terre-Mère ; la 4ème assemblée du Conseil National Indigène ; les 2èmes rencontres internationales des femmes en lutte ; et la célébration du 26ème anniversaire du début de la “guerre contre l’oubli”.
CHIAPAS: les défenseurs et journalistes restent vulnérables
En août, le corps de Nora Patricia López a été retrouvé à Palenque. Elle était environnementaliste, chargée du projet du ara (une espèce de perroquet NdT) rouge dans l’écoparc Aluxes. En juin dernier l’écologiste José Luis Álvarez Flores a également été assassiné dans cette région. En janvier c’est le militant Sinar Corzo Esquinca défenseur du droit à l’eau qui avait été tué à Tonalá. Des menaces et des arrestations contre des professionnel-les de l’environnement ont eu lieu à Tuxtla Gutiérrez, Chilón et San Cristóbal de Las Casas.
En septembre, des journalistes et des proches de Mario Leonel Gómez Sánchez, journaliste assassiné à Yajalón en 2018, ont exigé l’arrestation du (ou des) auteurs intellectuels du crime. Ils ont dénoncé que la justice n’ait toujours pas été rendue, un an après le drame. Le frère de la victime accuse le Bureau du Procureur de lenteur et de négligence dans les recherches. Malgré l’arrestation de 3 trois auteurs matériels présumés, il a dénoncé des complicités institutionnelles et du trafic d’influence dans le dossier, alors que lui et sa famille vivent dans la peur “car les responsables se promènent comme si de rien n’était dans les rues de Yajalón”.
Parmi les progrès, signalons qu’en novembre des policiers de l’état du Chiapas ont arrêté l’ancien maire d’Amatán, Manuel de Jesús Carpio Mayorga, affilié au parti Morena. Celui-ci est accusé des meurtres de Noé Jiménez Pablo et de José Santiago Gómez Álvarez. Les deux hommes assassinés en janvier étaient membres du Mocri-CNPA-MN (Mouvement Paysan Régional Indépendant – Coordination nationale Plan de Ayala – Mouvement National). Ils avaient participé aux manifestations qui demandaient la destitution du maire, dénonçant l’influence omnipotente des frères Carpio Mayorga, les pratiques arbitraires des policiers municipaux en collusion avec les délinquants, l’inachèvement de travaux publics, entre autres. Manuel de Jesús Carpio Mayorga et tout son cabinet avaient démissionné après avoir été soupçonnés d’être impliqués dans ces deux crimes.
Hauts-Plateaux : les droits des personnes déplacées toujours malmenés
En septembre, un accord a été trouvé pour le retour de 13 familles déplacées à Ejido Puebla (commune de Chenalhó). Les habitants du village ont demandé la libération de Javier Gómez Gutiérrez, incarcéré pour assassinat dans le cadre des troubles post-électoraux en mai 2016, qui avaient entraîné les déplacements forcés. Ils ont aussi expliqué que le retour de ces personnes déplacées n’est pas terminé puisqu’un autre groupe se trouve toujours à San Cristóbal de Las Casas. Diego Cadenas, directeur du Centre de Droits de l’Homme Kuuntik, qui accompagne le groupe en question a déclaré que “les 13 familles déplacées (…) sont revenues après avoir payé une amende de 15 000 pesos par famille, la même amende qu’Abraham Cruz Gómez, actuel maire de Chenalhó et l’un des responsables du déplacement forcé, a dû payer. Le fait que les victimes doivent payer une amende à leurs agresseurs pour pouvoir rentrer chez elles, loin d’éviter la répétition des faits, représente une incitation à la survenue de nouveaux déplacements forcés”.
En octobre, la CNDH a émis une recommandation en raison “des conditions de violence, d’insécurité, de la situation à risque permanent et de l’absence de protection dans la commune d’Aldama (Chiapas), résultant d’un conflit avec la commune de Chenalhó au sujet de l’appartenance de terres, qui a entraîné la mort d’une personne (…) et le déplacement de plusieurs familles”. Si la CNDH a reconnu quelques améliorations, “cela reste insuffisant” “puisque les actes de violence de la part de différents groupes armés continuent”. Rappelons qu’un pacte de non-agression avait été signé début juin entre les deux communes sans que cela n’enraye la violence dans la zone.
En novembre, la veuve de Samuel Luna Girón, assassiné en octobre 2017, ainsi que des proches et amis, ont réclamé que justice soit faite, alors qu’aucune arrestation n’a eu lieu dans cette affaire. Ces réclamations surviennent deux ans après le déplacement de 5 000 indigènes originaires de communautés situées entre Chenalhó et Chalchihuitán, en raison d’un conflit agraire entre les deux communes. Ils ont également demandé aux autorités de procéder aux indemnisations des dommages et de démanteler les groupes armés de Chenalhó qui agissent toujours impunément.
Autres plaintes en matière de Droits de l’Homme
En août, la Campagne Populaire contre le Féminicide au Chiapas s’est rebellée « devant le manque d’engagement des gouvernements (…), face à la grave augmentation de la violence féminicide”. Elle a dénoncé les 120 morts violentes de femmes en 2019, dont 49 seulement ont été qualifiées de féminicides. Malgré la déclaration en novembre 2016 d’une Alerte de Violence de Genre dans l’état, “les chiffres cités, alarmants” ne peuvent s’expliquer que par “le manque d’intérêt des autorités”. La Campagne exige entre autres que les autorités reconnaissent la violence féminicide comme un problème social, culturel et politique exigeant la prise de mesures concrètes et urgentes, et que l’Alerte de Violence de Genre soit étendue à toutes les communes de l’état.
En novembre, des organisations civiles ont dit être inquiètes face à la militarisation de la commune de Chicomuselo. Un an après l’inauguration de la caserne dans la ville, elles dénoncent que sa fonction vise à “intimider la résistance aux mines dans les communautés, et surveiller le travail des défenseur-es du territoire”. Elles ont révélé que malgré les arguments justifiant sa présence, “les vols et les attaques n’ont pas diminué”, et que depuis août, après l’annonce par l’EZLN de la création de nouvelles Municipalités Autonomes, dont une à Chicomuselo, “des patrouilles militaires ont été aperçues”.
OAXACA: Les défenseur-es des droits systématiquement attaqué-es
En octobre, 17 mois après la disparition du militant Ernesto Sernas García, l’Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT) a accusé l’Etat mexicain d’inaction dans l’affaire. Elle a appelé les autorités à procéder à des recherches efficaces pour le retrouver. Selon l’association Front Line Defender, la disparition de l’avocat “coïncide avec un moment crucial du procès dans lequel il représentait 23 activistes [de l’association Sol Rojo], dont l’arrestation en 2015 a été déclarée arbitraire par le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations-Unies”.
En novembre, Fredy García Ramírez, membre du Comité de Défense des Peuples Indigènes (CODEDI) a été arrêté. Selon le bureau du Procureur, l’arrestation fait suite à un mandat d’arrêt émis après des événements survenus quelques semaines auparavant dans la communauté de Santiago Xianica. Deux fonctionnaires de la police de l’état auraient été torturés et un membre de l’Agence d’investigation de l’état est décédé. Front Line Defenders a exprimé sa “sérieuse inquiétude” quant à cette arrestation car “l »utilisation de délits montés de toute pièce est devenue une véritable stratégie pour intimider les personnes œuvrant aux Droits de l’Homme dans l’état de Oaxaca”. L’Observatoire pour la Protection des Défenseur-es des Droits de l’Homme considère qu’“il ne s’agit pas d’un incident isolé ; il fait partie au contraire d’une série d’attaques systématiques contre le CODEDI ces 21 derniers mois, dont cinq assassinats, deux tentatives de meurtres, six arrestations arbitraires, trois vols et cambriolages ainsi que des menaces permanentes et la militarisation de la zone où se trouve le (…) CODEDI”.
Autre sujet inquiétant : un an après la déclaration de l’Alerte de Violence de Genre dans 40 communes de l’état de Oaxaca, plusieurs associations ont rapporté que 126 femmes ont été assassinées depuis. Elles considèrent que ce chiffre signifie que l’Alerte “n’a pas entraîné de changement” puisque 60% des crimes ont eu lieu dans des communes où l’AVG avait été décrétée. Elles ont appelé le gouverneur de l’état à rencontrer immédiatement les maires concernés, afin que l’Alerte soit appliquée comme il se doit. Elles ont également exigé que le budget destiné à sa mise en œuvre soit rendu public ainsi qu’un rapport détaillé sur les résultats atteints.
Dans un autre domaine, un an après la fuite de résidus miniers causé par des pluies torrentielles, en octobre, la population de Magdalena Ocotlán a accusé les autorités de ne pas avoir sérieusement pris les choses en main, puisque les boues toxiques continuent de polluer le fleuve et de provoquer des maladies malgré une amende de 800 000 pesos pour l’entreprise. L’entreprise canadienne Fortuna Silver Mines, qui possède 26 concessions dans 35 communes des Vallées Centrales de Oaxaca, dont la Minera Cuzcatlán, a réfuté “les fausses accusations” et affirmé respecter “la législation et les dispositions en vigueur en matière de fiscalité, d’environnement, de santé, de droit social et du travail”. L’entreprise prévoie en outre d’étendre la mine à plus de 7 000 hectares. Le maire d’Ocotlán a ordonné l’annulation des permis d’extension ainsi que la prise en charge immédiate des problèmes causés par la fuite du barrage.
GUERRERO: Ayotzinapa et la “pourriture” du système judiciaire
En septembre, le secrétaire d’état aux Droits de l’Homme, Alejandro Encinas, a annoncé la libération de 24 personnes inculpées pour leur participation présumée à la disparition des 43 étudiants de l’Ecole Normale Rurale (équivalent des instituts de formation des maîtres, NdT) d’Ayotzinapa à Iguala, en 2014. Il a ajouté que 77 des 142 personnes arrêtées au total ont été libérées. Il considère que cela constitue un “outrage aux victimes, aux pères de famille et un pied de nez à la justice” et a affirmé que cela “prouve la déchéance, la pourriture du système censé appliquer la justice dans le pays”.
En novembre, les familles des 43 étudiants ont rencontré le président de la République et des membres de la commission pour la Vérité et l’Accès à la Justice de l’affaire. Le chef d’Etat a réaffirmé son engagement à faire son possible pour retrouver les étudiants. Alejandro Encinas, a déclaré que le dossier de l’affaire est “en train d’être totalement repris de zéro (…) car il présente de nombreuses lacunes dans la manière dont il a été établi”. Il a avancé que le Procureur de la République prépare les éléments pour citer à comparaître les fonctionnaires impliqués dans la gestion de l’affaire à ses débuts. Peu après, des individus non identifiés ont incendié les locaux de l’ancien commissariat de police d’Iguala, où étaient conservés des documents relatifs à la disparition des 43 étudiants.
Défendre les droits de l’Homme représente un danger permanent
En septembre, le leader syndical et militant communautaire de Cocula, Óscar Hernández Romero a disparu. Le syndicat United Steelworkers (USW, l’Union des Travailleurs de l’Acier) des Etats-Unis a révélé “que Hernández combattait l’entreprise minière canadienne Torex Gold Resources, qui avait interdit en 2018 une campagne de syndicalisation des miniers” de la mine Media Luna. “La campagne a été suspendue après que trois partisans [de la syndicalisation] aient été assassinés. Et personne n’a été arrêté à ce jour”, a-t-il ajouté. Il a déclaré que “le gouvernement mexicain doit agir immédiatement pour retrouver Óscar Hernández Romero et enquêter sur l’assassinat des travailleurs.”
En octobre, des organisations civiles ont exprimé leur “profonde inquiétude” après les déclarations de l’ancien procureur général de l’état de Guerrero, Iñaki Blanco Cabrera, à propos de Vidulfo Rosales, avocat du Centre des Droits de l’Homme de la Montagne “Tlachinollan”, “qu’il accuse de faire obstacle aux enquêtes et de tirer bénéfice de la défense des familles des 43 étudiants [d’Ayotzinapa] disparus”. Les organisations assurent que ces déclarations cherchent “à détourner l’attention et éviter ainsi aux autorités de l’état de Guerrero d’être visées par une enquête”.
Le 20 novembre, le corps d’Arnulfo Cerón Soriano a été retrouvé à Tlapa de Comonfort. Le militant et dirigeant du FPM (Front Populaire de la Montagne) était porté disparu depuis le 11 octobre. Tlachinollan regrette que l’affaire n’ait pas été prise en compte avant d’être relayée au niveau international : “ce manquement aux procédures appropriées les premières heures après la plainte, ajouté aux contexte de macro-criminalité, violence extrême, corruption et impunité caractéristiques de l’état de Guerrero font de ce crime une affaire très complexe”.
En novembre, la CRAC-PC (Coordination Régionale des Autorités Communautaires – Police Communautaire) a dénoncé la criminalisation et les persécutions de ses membres par le pouvoir judiciaire suite à la “contre réforme impulsée par le gouvernement de l’état, qui a abrogé les dispositions légales(…) relatives aux compétences de la CRAC-PC pour appliquer, veiller à et gérer la justice, ce qui sape notre institution communautaire et crée un cadre favorisant la criminalisation et la persécution de nos systèmes normatifs”.