Activités de SIPAZ (Novembre 1999 – Février 2000)
31/03/2000SYNTHESE : Actions recommandées
31/08/2000ANALYSE : Chiapas Relégué Au Second Plan
En feuilletant les journaux locaux et nationaux on peut avoir l’impression que le chapitre ouvert par le soulèvement zapatiste de 1994 est désormais terminé. Les prochaines élections présidentielles (2 juillet) et pour le gouverneur du Chiapas (20 août), divers scandales politiques qu’il faudrait lier aux prochaines élections pour mieux les comprendre et l’augmentation de la violence liée au narcotrafic font la une des journaux.
Même si le thème du Chiapas apparaît dans les propositions de tous les candidats, c’est au milieu d’autres thèmes comme la lutte conte la pauvreté, la politique commerciale et la sécurité nationale. Malgré les besoins et les problèmes que connaît le pays en matière de justice sociale, dans de nombreuses occasions la bataille électorale ne paraît pas se centrer sur les problèmes de fond mais se maintenir à des attaques personnelles.
De leur côté, les membres du gouvernement actuel ont continué de minimiser la situation du Chiapas sans reconnaître leur responsabilité. Ils font la sourde oreille face à l’appui public de nombreux indigènes et de groupes de la société civile à l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale), en s’exprimant de manière négative sur la possibilité ou la convenance d’un dialogue avec ce groupe. Pour exemple, on peut mentionner les commentaires du Président Zedillo (« le dialogue avec l’EZLN ne résoudra pas le problème du Chiapas »), ou ceux du Coordinateur gouvernemental pour le dialogue au Chiapas, Emilio Rabasa (« s’il n’y a pas de dialogue tout ce qui s’est passé n’apparaîtra plus que comme un incident ») ou encore ceux du candidat présidentiel du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) Francisco Labastida (« les lois ne se font pas dans la jungle »). Ces commentaires n’aident pas à promouvoir un possible rapprochement ou contredisent le souci gouvernemental tant autoproclamé de reprendre les négociations de paix. Les commentaires du candidat Labastida, en particulier, indiquent qu’il ne pense pas élever au niveau constitutionnel les Accords de San Andrés comme ceux-ci le requièrent. Le gouvernement actuel pendant ce temps prétend les avoir respectés.
Ces derniers temps, le discours officiel le plus courant présente le conflit du Chiapas comme un problème de développement économique. En ce sens, les gouvernements des dernières décades qui faisaient partie du PRI ne reconnaissent pas leur responsabilité dans le déjà mentionné et historique manque de développement.
Dans le contexte actuel, l’EZLN ne s’est toujours pas positionnée au sujet des prochaines élections. Le risque de s’auto-exclure complètement de ce processus serait de limiter sa marge politique de négociation. Et en fonction des résultats des élections, l’EZLN pourrait être vue et traitée comme les autres groupes armés. Si cela se produit, l’EZLN pourrait voir se réduire son profil et la plate-forme politique qu’elle a réussis à obtenir dans la cadre des Accords de San Andrés, et elle pourrait à nouveau opter pour la violence comme ultime recours pour se faire entendre.
Un autre moment d’instabilité dans le processus de paix sera en août prochain, avec le changement du Congrès, quand se reconstituera la Commission de Concorde et de Pacification (COCOPA). Tandis que, cette Commission -composée de députés et sénateurs de tous les partis présents au Congrès- reste souvent paralysée par la règle du consensus. Felipe Vicencio (député du PAN -Parti d’Action Nationale- et membre de cette Commission) parle même de « situation de mort cérébrale ». De plus, durant ces derniers mois, les décisions ont fréquemment été prises en fonction d’intérêts partisans.
L’arrêt prolongé du processus de paix continue d’avoir des conséquences dramatiques au niveau local et communautaire. Il faut noter que bien qu’au Chiapas il n’y a pas de guerre au sens traditionnel du terme, deux forces armées restent en présence (bien que de dimensions et d’actions différentes) et les troupes fédérales continue d’encercler la zone de conflit.
Au niveau de l’église catholique, s’est levée une inconnue avec la nomination de Mons Felipe Arizmendi, considéré comme modéré, comme nouvel évêque de San Cristóbal de Las Casas. Les plus pessimistes craignent que cette nomination laisse un vide qui pourrait impliquer des risques et de possibles conséquences politico-militaires. Ils avertissent que sans faire de gesticulation ni de ruptures, le changement d’évêque pourrait réduire l’influence du diocèse dans les espaces politiques comme celui du processus de paix entre le gouvernement fédéral et l’EZLN. Dans la mesure où Samuel Ruiz est un grand défenseur des peuples indigènes, son départ ouvre la possibilité que le gouvernement tente d’implanter une stratégie plus violente contre les communautés indigènes et l’EZLN devant une influence moins forte du diocèse.
Partant de leur foi et obéissance à la hiérarchie ecclésiale, les bases catholiques ont exprimé leur disposition á accompagner le nouvel évêque dans le chemin qu’il parcourra à leurs côtés. La plupart d’entre eux ont confiance dans la force et la profondeur du travail pastoral impulsé par Samuel Ruiz, tant au niveau des structures diocésaines que des communautés indigènes. Cependant, personne ne sait ce qu’il se passera avec les actuels Vicaires et autres membres de la structure diocésaine.
Au niveau international, la dernière année s’est caractérisée par la multiplication des accords commerciaux du Mexique avec divers pays. Le traité avec l’Union Européenne continue d’être le plus controversé, en particulier suite au refus du Parlement Italien de le ratifier. Ceci pourrait empêcher l’entrée en vigueur du traité prévue pour le premier juillet de cette année.
Antonio Seguro, président du Parlement Européen pour les Relations avec l’Amérique Centrale et le Mexique s’est offert pour servir de médiation dans le conflit du Chiapas si le gouvernement mexicain le lui demande. Ils sont nombreux les acteurs internationaux qui se sont ainsi offerts pour jouer ce rôle, mais il est peu probable que le gouvernement actuel accepte, surtout s’il maintient son discours de « souveraineté nationale » et sa négation continuelle auprès des instances internationales de l’existence d’un conflit au Chiapas.
Les représentants tant de l’ONU (Organisation des Nations Unies), d’organismes internationaux (Amnistie Internationales, Human Rights Watch, etc.) que d’instances de gouvernements étrangers (Département de l’État des USA) observent qu’au Mexique il existe de sérieuses violations des droits humains et divers problèmes liés au système judiciaire (corruption, manque d’indépendance face aux autres pouvoirs, impunité, etc.). Mais le gouvernement mexicain continue de se défendre à partir de l’idée de souveraineté nationale en niant les critiques provenant des plus hauts niveaux. Accepter les critiques pourraient signifier l’affaiblissement du PRI face à un processus électoral dans lequel jamais comme aujourd’hui les possibilités de perdre la présidence avaient été aussi réelles.
En effet, actuellement les enquêtes signalent une sérieuse dispute entre Fox (le candidat du PAN) et Labastida (PRI), tandis que la campagne de Cardenas (PRD, Parti Révolutionnaire Démocratique) n’a pas encore démarré totalement. Les enquêtes indiquent aussi que n’importe lequel de ces trois candidats aurait des possibilités d’accéder à la présidence sans laisser aucunes chances aux autres candidats venant de partis avec moins de membres.
Au sujet du conflit du Chiapas, les trois candidats en tête des sondages abordent peu le thème. Le candidat du PAN a peut-être offert les propositions les plus catégoriques : retrait de l’armée, dialogue direct du Président avec l’EZLN, et accomplissement des accords de San Andrés. Si l’on tient en compte l’importance du thème économique dans la campagne de Fox, ni les intentions, ni le réalisme de ses propositions pour résoudre le problème du Chiapas semblent très claires.
Au niveau du Chiapas, l’actuel gouverneur Albores ne paraît pas vouloir céder la place au candidat du PRI, Sami David dans sa campagne pour les élections d’août. Pendant ce temps, Pablo Salazar, ex membre du PRI et candidat pour l’Alliance de l’opposition se présente comme favori. De plus en plus d’organisations sociales de différentes couleurs politiques se rallient à sa campagne. Tant au niveau fédéral que local, toutefois, la situation continue d’être incertaine, soit pour les antécédents de fraude, soit pour la difficulté qu’ils rencontreront à l’heure de réaliser les programmes présentés durant leurs campagnes.