2020
12/01/2021DOSSIER : Les droits humains soumis à la bonne volonté des entreprises
31/03/2021L e 10 décembre, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de l’Homme, le rapport « Deuxième année, une nouvelle politique des droits de l’Homme et Présentation du Programme National des Droits de l’Homme » a été présenté par le ministère de l’Intérieur.
En ce qui concerne la situation des défenseur.e.s des droits de l’Homme et des journalistes, il signale qu’au cours de cette période, 1.313 personnes (426 journalistes et 887 défenseur.e.s) ont été incorporé.e.s dans le mécanisme fédéral de protection des défenseur.e.s des droits de l’Homme et des journalistes. Il souligne également que ledit mécanisme fait actuellement l’objet de « transformations profondes » cherchant à passer d’un schéma de réaction à un de prévention. Alejandro Encinas, sous-secrétaire aux droits de l’Homme, à la population et aux migrations, a souligné comme l’une des avancées le fait que le gouvernement mexicain ait ouvert l’espace au Comité des Nations Unies contre les disparitions forcées pour recevoir des pétitions individuelles, « une demande de familles qui pendant des années avait été refusée ». Il a annoncé la publication du Programme National des Droits de l’Homme (PNDH) qui cherche à « repenser la performance de l’ensemble de l’administration publique dans le domaine des Droits de l’Homme, en l’assumant comme un axe transversal de toute politique publique ». « Il reste un long chemin à parcourir pour sortir de la grave crise des droits de l’Homme à laquelle nous sommes confrontés », a-t-il conclu.
Un diagnostic largement partagé par la société civile
En décembre, l’Espace OSC pour les défenseur.e.s des droits de l’Homme et les journalistes a déclaré qu’il considérait certaines des annonces et des mesures adoptées par l’État comme positives. Du côté de l’exécutif, il a mis en exergue le système national de protection globale qui favoriserait « une plus grande articulation avec les états de la fédération ». Il considère aussi positif « le changement de la nature juridique du mécanisme de protection, permettant de renforcer sa structure », ainsi que l’incorporation d’une approche différentielle et interculturelle. En ce qui concerne le pouvoir législatif, l’Espace OSC a reconnu comme un progrès la loi concernant l’Accord régional sur l’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement en Amérique latine et dans les Caraïbes, mieux connu sous le nom d’Accord d’Escazú.
Cependant, l’Espace OSC continue de s’inquiéter face au « manque de clarté dans le calendrier pour respecter les engagements pris, ainsi que le manque de garanties budgétaires et de ressources réservées qui garantissent la mise en place effective des mesures ». Il a recommandé un dialogue plus approfondi avec les défenseur.e.s, les organisations de défense des droits de l’Homme et les journalistes: « c’est un facteur essentiel pour atteindre les objectifs fixés », a-t-il souligné.
Par la suite, en février, le rapport « Situation de la défense des droits de l’Homme et de la liberté d’expression au Mexique depuis le début de la pandémie » a été présenté par le Centre pour la justice et le droit international (CEJIL) et d’autres organisations civiles. Il documente qu’en 2020, 6 journalistes et 24 défenseur.e.s, principalement des écologistes, ont été assassiné.e.s.
Un péril accru pour les groupes vulnérables en raison du contexte de la pandémie
À la mi-février, le Mexique avait accumulé environ 2 millions de cas de Covid 19 et comptait environ 175 000 décès. Outre les impacts directs de la crise sanitaire, une aggravation de plusieurs tendances préexistantes a été observée, en particulier pour les secteurs vulnérables.
En novembre, dans le cadre de la Journée Internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, les mères de victimes de féminicide ont remis au président Andrés Manuel López Obrador (AMLO), une lettre avec plus de 18 mille signatures pour demander justice et la fin des féminicides. En 2020, 2874 femmes et filles ont été assassinées. Seuls 724 cas font l’objet d’une enquête en tant que féminicides.
En janvier, le Réseau pour les droits de l’enfance au Mexique (REDIM) a présenté un rapport intitulé « L’année de toutes les pandémies et l’abandon de l’enfance au Mexique ». Il a souligné que la violence contre ce secteur s’est multipliée dans ce cadre. 63% des mineur.e.s ont subi une forme ou une autre de violence, et, pendant le confinement, les tensions dans les foyers ont augmenté de 34,2% par rapport à 2019.
En ce qui concerne les migrant.e.s, en novembre, le « Rapport des conclusions de la mission d’observation des droits de l’Homme à la frontière sud du Mexique » a identifié que « le contexte de la politique migratoire (…) est toujours plus complexe et intense, ce qui est évident si l’on observe l’augmentation de la militarisation et du contrôle aux frontières, ainsi que le renforcement des accords entre le Mexique et les États-Unis, couplé à cela, s’est ajoutée (…) l’urgence sanitaire ». En décembre, la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), des organisations civiles et des auberges pour personnes migrantes ont exprimé leur inquiétude face aux décisions qui tendent à militariser l’Institut National des Migrations (INM): « Dans 18 états, des personnes ayant un profil militaire ont été désignées pour diriger ( …) cet Institut ». Ils ont réitéré la nécessité d’orienter les efforts vers « une perspective des droits de l’Homme et de droit humanitaire international, plutôt que vers la sécurité, car cette perspective alimente la criminalisation des groupes de migrants, ce qui aggrave encore plus leur situation de vulnérabilité ».
D’autres préoccupations concernant la militarisation …
En novembre, une juge nord-américaine a accepté la demande du Ministère de la Justice des États-Unis de rejeter les accusations de blanchiment d’argent et de trafic de drogue contre l’ancien ministre mexicain de la défense nationale, le général Salvador Cienfuegos, arrêté en octobre en Californie. Les autorités américaines ont abandonné les poursuites et ont remis au bureau du Procureur Général du Mexique (FGR) plus de 700 documents sur lesquels l’accusation pénale était fondée. Cienfuegos a été rapatrié au Mexique et, en janvier, la FGR a déterminé qu’il n’y aurait pas de procédure pénale contre lui en raison du manque de preuves. AMLO a assuré que, bien que son gouvernement cherche à mettre fin à l’impunité et à la corruption, il ne permettra pas « les représailles, la vengeance et l’invention de crimes ».
Cependant, plus de 300 organisations et groupes de victimes ont demandé au président de révoquer le chef de la FGR, Alejandro Gertz Manero, pour ne pas avoir rempli ses fonctions dans cette affaire. Ils ont déclaré que son action « montre clairement qu’au Mexique l’armée est intouchable » et que la fin de l’enquête « est aussi la mort absolue de la possibilité (…) d’enquêter de manière effective et efficace sur les plus hauts niveaux du pouvoir ».
Une autre facette de la militarisation : en décembre, AMLO a annoncé son intention de créer une entreprise des forces armées pour leur confier l’administration de trois sections du Train Maya ainsi que celle des aéroports de Chetumal, Palenque et Tulum. Il s’agit selon lui de garantir une bonne administration des projets, d’allouer des ressources pour les retraites de membres de l’armée et de la Marine, en plus de garantir la sécurité dans la région.
Mégaprojets et extractivisme, des activités « essentielles » … du point de vue du gouvernement
En novembre, une lettre signée par six rapporteurs spéciaux de l’ONU adressée au gouvernement mexicain a été publiée. Ceux-ci expriment leur inquiétude quant à d’éventuelles violations des droits de l’Homme liées au Train Maya, en particulier lors du processus de consultation qui devait protéger le droit au consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones : celui-ci « aurait été imposé pour légitimer le projet, puisque la décision avait déjà été prise ». Ils ont également déclaré que le processus d’information préalable avait été limité et culturellement inapproprié. Enfin, ils se sont déclarés préoccupés par la situation des défenseur.e.s des droits de l’Homme, en particulier « face aux actes de harcèlement contre ceux qui ont besoin de plus d’informations, de plus de temps pour prendre une décision ou expriment leur désaccord (…), ainsi que face aux attaques contre les défenseur.e.s des droits de l’Homme qui ont intenté une action en justice, par le biais de la criminalisation, les signalements, la diffamation, le déni de leur identité autochtone et la disqualification de leur travail ».
Entre temps, le projet a continué d’avancer. En décembre, le Ministère de l’Environnement et des Ressources Naturelles (Semarnat) a autorisé l’étude d’Impact Environnemental de la phase 1, ce qui permet au Fonds National de Promotion du Tourisme (Fonatur) de démarrer les travaux. 16 conditions ont été imposées, parmi lesquelles le suivi des accords issus de la consultation autochtone de 2019.
Plusieurs recours judiciaires ont été déposés. En décembre, un tribunal a statué sur la suspension définitive de la construction de nouveaux travaux sur la section 2 du projet, à Campeche. Ceci en réponse à un recours constitutionnel déposé par plus de 100 communautés autochtones, rurales, urbaines et de la Côte. La résolution empêche l’exécution de nouveaux travaux dans cette section pour le moins pendant le procès correspondant.
Concernant les entreprises extractives, en janvier, la Cour Suprême de Justice de la Nation (SCJN) a rejeté le recours constitutionnel présenté en 2015 par le peuple Macehual de la Sierra Norte de Puebla, contre la loi minière. Ceci en dépit des appels lancés par Semarnat et l’Institut National des Peuples Indigènes (INPI) en faveur de leur cause. Les peuples autochtones de diverses communautés du pays et des organisations civiles ont estimé que cette décision représentait un recul dans la construction d’un l’État multiculturel et en faveur de la protection des territoires et du patrimoine bioculturel des peuples. Le Centre mexicain du droit de l’environnement (Cemda) a remis en question la décision de « valider un système qui a historiquement dépouillé les peuples autochtones de leur territoire et qui a commis à plusieurs reprises des violations de leurs droits de l’Homme ».
EZLN et CNI : en claire opposition
En janvier, le Congrès National Indigène (CNI) et le Conseil Indigène de Gouvernement (CIG) ont dénoncé que la pandémie a servi la posture du gouvernement fédéral en faveur de « l’imposition de mégaprojets et la militarisation du pays », ce qui « contribue à la guerre d’extermination contre nos peuples, où les services de santé et les capacités économiques sont très limités ». Ils ont déclaré que « les paroles mensongères de López Obrador et sa soi-disant quatrième transformation cherchent à créer un mur qui cache la guerre qui fait rage contre les peuples et la vie de la Terre Mère, voulant nous isoler et nous présenter comme des opposants au progrès ». Ils ont cependant annoncé que « nous continuerons à nous battre jusqu’à ce que la vie triomphe de la mort, avec nos armes les plus puissantes : la dignité, la résistance et la rébellion ».
En outre, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a rapporté que des centaines d’organisations, d’artistes, d’intellectuels et de personnes de plus de 30 pays, le CNI, le CIG et l’EZLN elle-même ont accepté de lutter pour l’humanité dans les cinq continents. Elle a annoncé qu’ils organiseront « des rencontres, des dialogues, des échanges d’idées, d’expériences, d’analyses et d’évaluations entre ceux d’entre nous qui se sont engagés, avec des conceptions différentes et depuis différents domaines, dans la lutte pour la vie ». Elle a ratifié sa « certitude que le combat pour l’humanité est mondial. Tout comme l’’est la destruction en cours qui ne reconnaît pas les frontières, les nationalités, les drapeaux, les langues, les cultures, les races ». Elle a indiqué que les activités en Europe se dérouleront entre juillet et octobre 2021, avec la participation directe d’une délégation mexicaine composée du CNI-CIG, du Front populaire de défense de l’eau et de la terre de Morelos, Puebla et Tlaxcala, et de l’EZLN. Lors de dates ultérieures à préciser, des réunions se tiendront également en Asie, en Afrique, en Océanie et en Amérique.
Chiapas : Une « situation scandaleuse de violence structurelle »
En décembre, une mission d’observation civile (MCO) composée de 14 organisations membres du Réseau “Todos los Derechos para Todos y Todos” (Red TDT) ainsi que de 3 organisations internationales a visité le Chiapas pour documenter « la crise des droits de l’Homme vécue par les communautés”. La McO a recueilli « des témoignages de personnes affectées par des situations de déplacement forcé, de dépossession de terres, de détentions arbitraires, de torture, de harcèlement, de menaces, de criminalisation, entre autres attaques ». Elle a jugé « scandaleuse la situation de violence structurelle qui est autorisée et même encouragée par les différents niveaux de gouvernement et leur faible ou nulle disposition à aborder les conflits, tout en banalisant, discriminant et criminalisant les communautés ». Elle a exhorté l’État mexicain à « cesser la simulation et le manque d’attention aux demandes des communautés et des défenseur.e.s ».
Ces déclarations sont similaires à ce qui a été exprimé par le Peuple Croyant du diocèse de San Cristóbal de las Casas en janvier, dans un discours prononcé à l’occasion du 10e anniversaire de la mort de jTatik Samuel Ruíz (voir article): il a regretté la violence systématique et les inégalités, en particulier dans le cadre de la pandémie. Il a parlé du manque d’éducation, d’emplois, des effets sur les enfants qui, suite au confinement n’ont pas école et ont peu ou pas d’interaction avec d’autres personnes de leur age. Face à ces menaces et à d’autres telles que les mégaprojets ou la militarisation, le Peuple Croyant a déclaré que les communautés ont cherché à continuer leur projet d’autonomie, de résistance et d’autodétermination. Cependant, il observe un danger croissant dans la défense du territoire en raison de l’augmentation des menaces, de la surveillance et du harcèlement. Il a également évoqué l’augmentation de la violence de la part de groupes armés et du crime organisé, ainsi que du fait de la proximité des élections de juillet. « En tant que Peuple Croyant, nous devons trouver un moyen d’agir qui nourrisse l’espoir. Notre option est pour la vie », a-t-il souligné.
Accord « définitif » dans le conflit entre Aldama et Chenalhó ?
En novembre, une brigade d’aide humanitaire qui livrait de la nourriture à des familles déplacées à Aldama a été attaquée par un groupe armé civil qui serait originaire de Santa Martha, Chenalhó. Lors de cette attaque, la religieuse María Isabel Hernández Rea a été blessée. Le maire d’Aldama a souligné qu’au moment de l’attaque, une base d’opérations mixtes (BOM), composée de membres de l’armée et de la police fédérale et de l’état, se trouvait à 200 mètres.
Les gouvernements « ont ignoré les appels constants à arrêter les agressions armées », a condamné le Centre des droits de l’Homme Fray Bartolomé de Las Casas (Frayba). Le diocèse de San Cristóbal a exhorté l’État mexicain à « désarmer et démanteler les groupes civils armés paramilitaires dans cette région et à appliquer tout le poids de la loi, y compris contre ceux qui leur fournissent des armes, ».
En novembre, le Frayba a signalé de nouvelles attaques avec des armes à feu à Aldama, quelques jours après qu’un « accord définitif » avait été signé entre cette ville et Chenalhó, pour résoudre le conflit agraire de longue date entre ces deux municipalités. En plus du facteur proprement agraire, Alejandro Encinas a annoncé que les dommages causés aux victimes seront réparés et qu’une coopération sera recherchée entre la Garde nationale et les forces de sécurité de l’état pour garantir la sécurité dans la zone. Cependant, les attaques se poursuivent à ce jour.
Plusieurs autres sources de préoccupation
En novembre, le Centre des droits de l’Homme Digna Ochoa A.C situé à Tonalá a dénoncé que l’un de ses membres, Nataniel Hernández, et sa famille avaient été victimes de menaces de mort et de dommages contre leur véhicule. Le défenseur était allé documenter une situation violente à Colonia Arenero en raison d’un problème lié à des zones vertes envahies par un groupe. En outre, le Centre a indiqué que, pour le même cas, il avait demandé des mesures de protection à différentes autorités. Cependant, « elles n’ont pas été mises en place et cela a conduit à une vague d’actes de confrontation, de menaces, de campagnes de discrédit, de diffamation, de calomnie et d’attaques physiques », a-t-il expliqué.
En novembre, le rapport « La violence contre les femmes dans le contexte de la pandémie » a été présenté. Il rend compte de « l’augmentation de la violence familiale, de la violence sexuelle, de la cyber violence et, clairement, des féminicides ». Cette augmentation a pris la forme de « 18 féminicides, 2 tentatives de meurtre, 34 homicides intentionnels, 12 tentatives de meurtre et 54% ont eu lieu au domicile des femmes elles-mêmes ». Les difficultés d’accès à la justice sont particulièrement préoccupantes dans le cadre du confinement en raison de la « suspension de nombreuses procédures judiciaires et civiles ».
En janvier, des représentants du peuple tzeltal de la municipalité de Chilón, ainsi que le Frayba et le Centre des droits de l’Homme Miguel Agustín Pro Juárez (Centro Prodh), ont indiqué qu’ils avaient déposé un recours constitutionnel pour éviter la construction d’un quartier général de la Garde nationale sur leur territoire, du fait qu’ils n’ont pas été consultés au préalable. Ils ont également demandé au bureau du procureur général du Chiapas de s’abstenir de poursuivre deux ejidatarios qui « ont été réprimés et criminalisés pour avoir manifesté contre ledit projet ».
Également en janvier, le Frayba a rapporté avoir reçu des informations du Comité de Bon Gouvernement de Patria Nueva dénonçant que « des membres de l’Organisation Régionale des Caféiculteurs d’Ocosingo (ORCAO) ont attaqué la communauté de Moisés Gandhi avec des armes à feu ». Il a rappelé plusieurs autres incidents antérieurs de même nature. Ce n’est pas non plus le seul cas de conflit croissant autour de terres récupérées par l’EZLN : il y en a plusieurs autres, dont l’un à Nuevo San Gregorio, municipalité de Huixtán.
OAXACA : Vulnérabilité des défenseur.e.s de l’environnement opposé.e.s à des mégaprojets
En janvier, Fidel Heras Cruz, défenseur communautaire et président du Commissariat Ejidal de Paso de la Reina, a été assassiné dans la municipalité de Santiago Jamiltepec. Il était un membre actif du Conseil des Peuples Unis pour la défense de Río Verde (Copudever), une organisation qui maintient une résistance active contre les projets hydroélectriques de Paso de la Reina et de Rio Verde. L’Union des communautés autochtones de la zone nord de l’isthme (Ucizoni) a également fait état de « menaces de puissants groupes économiques liés à l’exploitation des pierres sur le rivage de ces fleuves ». L’Ejido et les autorités municipales ainsi que des organisations civiles ont exigé qu’une enquête approfondie soit menée afin que le crime ne reste pas impuni.
En novembre, Ucizoni et Cemda ont dénoncé auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies au Mexique (UN-DH) les violations de leurs droits dans le cadre de l’approbation et de la mise en œuvre du projet du Corridor Transisthmique. Ils lui ont demandé d’exhorter l’État mexicain à suspendre le projet jusqu’à ce que les populations aient « toutes les informations sur les risques et impacts environnementaux et sociaux ». Ils ont détaillé les irrégularités de la consultation menée en mars 2019 qui, ont-ils dénoncé, n’était pas préalable, libre, éclairée, culturellement adéquate et de bonne foi comme recommandé par les conventions internationales ratifiées par le Mexique. « Il n’y a pas eu de dialogue, mais un monologue gouvernemental », ont-ils affirmé.
En ce qui concerne les projets d’extraction, en décembre, le Front “Non à l’exploitation minière pour un avenir de toutes et de tous” a dénoncé avoir tenté sans succès d’établir un dialogue avec Semarnat. Il a dénoncé que les informations présentées par la société minière de Cuzcatlán dans le cadre de l’étude d’impact environnemental contenait de « fausses informations ». Par ailleurs, il a rappelé que « les communautés qui habitent les vallées centrales ont été témoins de la pollution de l’eau, de l’émission de poussière, du bruit, de la fuite de la faune dans la région, de l’impact sur le paysage, ainsi que de graves violations des droits de l’Homme et des conflits sociaux produits par le projet ». Le Front a exhorté à refuser l’autorisation de manifestation d’impact sur l’environnement ; à garantir une protection efficace de l’environnement contre les intérêts privés ; et à permettre une audience publique pour « construire des solutions avec les populations et les communautés affectées ».
D’autre part, en novembre, le Consortium pour le dialogue parlementaire et l’équité a signalé que 2 344 cas de violence contre les femmes ont été documentés sous le gouvernement d’Alejandro Murat jusqu’à présent. Par ailleurs, en 4 ans, « 1.005 femmes ont été portées disparues (…) contre 121 cas enregistrés dans la même période de gouvernement de Gabino Cué ». Cependant, ils assurent que ces chiffres ne représentent pas la réalité principalement parce que tous les cas ne sont pas dénoncés. Cependant, ils considèrent qu’ils reflètent « un gouvernement qui simule, omet et dénie, et qui maintient l’impunité face à la douleur et à l’exigence de justice ».
GUERRERO : « Comme une nuit sans étoiles »
En décembre, le Centre des droits de l’Homme Tlachinollan a présenté un rapport intitulé « Comme une nuit sans étoiles », qui permet d’identifier les principaux problèmes auxquels le Guerrero est confronté. Abel Herrera Hernández, son directeur, a déclaré : « Nous avons vu que cette année, la violence au Guerrero a augmenté avec le confinement. Surtout, nous avons vu que les acteurs armés agissent en toute impunité. (…) Nous voyons un crime organisé tout puissant qui entre dans les communautés pour contrôler la population. Et une autorité soumise parce qu’elle est alliée à d’autres groupes criminels ».
Il a mentionné que la situation des journalistes s’est aggravée : « Trois cas de journalistes assassinés à Acapulco, à Iguala, à Apaxtla ont été documentés (…) Le pouvoir du crime organisé est de confronter les défenseurs, les journalistes, les défenseurs communautaires, les militants. Et c’est particulièrement grave dans un état comme le Guerrero, où l’impunité, (…) continue de prévaloir ».
Concernant la police communautaire, il a indiqué que « sur le même territoire que l’UPOEG, 15 membres de l’UPOEG ont été assassinés, dont l’un de ses principaux dirigeants. (…) Nous avons documenté huit cas de membres de la Coordination Régionale des autorités communautaires qui ont été assassinés ».
Concernant la pandémie, Tlachinollan a conclu : « Nous les peuples, nous sommes abandonnés, il n’y a personne qui puisse nous aider (…) Ce sont les femmes qui paient le plus les conséquences du confinement. Nous avons documenté 7 cas de féminicides que nous accompagnons et 19 cas de morts violentes de femmes, 6 cas de femmes disparues, 5 fillettes assassinées ».
Concernant l’accompagnement que le centre apporte à l’affaire Ayotzinapa, Tlachinollan a rapporté qu’ « en 2020, alors que l’objectif était de donner un virage aux enquêtes, la question du coronavirus a rompu la dynamique, ce qui a eu un impact significatif sur les recherches. Cependant, celles-ci se sont poursuivies et par conséquent, au mois d’avril, on a commencé à avoir des réponses. Le 26 septembre de cette année, il a été établi que 80 mandats d’arrêt avaient été émis. Parmi ceux-ci se détachent celui de Tomás Zerón de Lucio, chef de l’Agence des enquêtes criminelles, Carlos Gómez de Arrieta, chef de la police ministérielle, le capitaine Martínez Crespo (militaire), et José Ángel José Ángel Casarrubias Salgado, alias el Mochomo (crime organisé) ».