DOSSIER : Crise de violence traverse le droit à la liberté d’expression au Mexique
04/06/2022Activités du SIPAZ (De mi-mi février à mi-mai 2022)
04/06/2022
D es images atroces et alarmantes font le tour du monde ces derniers temps : des peluches ensanglantées, des façades d’immeubles détruites par les bombardements, des gens apeurés dans des abris anti-aériens, des corps sans vie au milieu d’une rue, des ruines de ce qui, à un moment donné, était une ville florissante, pleine de vie, d’art, de joie, de paix.
Cette ville n’a pas de nom ou bien elle en a plusieurs : ce pourrait être Marioupol en Ukraine ou Alep en Syrie, Marib au Yémen, Duhok au Kurdistan ou Gao au Mali. Certaines occupent fréquemment la Une des journaux, d’autres sont déjà tombés dans l’oubli collectif, peut-être délibérément ignorés.
Imaginez qu’il y a une guerre et que personne ne regarde.
Un rapport de l’Escola de Cultura de Pao de Catalunya révèle qu’en avril 2022, il y avait dix-huit conflits armés graves sur toute la planète. Si l’on inclut ceux de faible intensité, ce nombre passe à plus de quarante.
De plus, selon Amnesty International, « fin 2019, 79,5 millions de personnes dans le monde avaient fait l’objet de déplacements forcés en raison de conflits armés », un nombre qui, trois ans plus tard, a atteint un niveau bien plus élevé, du fait de l’escalade de conflits. Le nombre de personnes touchées par la famine, la torture, les meurtres, le manque de stabilité, d’éducation et de ressources, pour ne citer que quelques-unes des conséquences des guerres et des conflits armés, est incalculable.
Imaginez qu’il y a une guerre et que nous la regardons.
Regarder ce genre de choses fait mal, cela implique de se confronter, non seulement à des images atroces et alarmantes, comme des hôpitaux incendiés, des jeunes armés pour participer dans une guerre qui n’est pas la leur, ou des cadavres abandonnés ; mais aussi aux ravages de la pandémie, suite au manque de ressources ou à un développement inégal. Ces derniers étant des indicateurs de confrontations futures et d’éventuelles guerres.
Mais regarder et s’exprimer, face à ces images et ces thèmes, est essentiel pour mettre fin à ces conflits. C’est la première étape de toute transformation.
Imaginez qu’il y a une guerre et que nous luttons contre elle
Différentes formes de résistance et de protestation contre l’oppression et l’injustice ont existé et existeront toujours dans le monde : depuis l’art, des boycotts, des grèves, des lettres publiques et, peut-être le plus fréquemment des manifestations les plus récurrentes. En temps de guerre, cette forme d’expression est risquée, car elle peut conduire à la répression et à diverses formes d’’intimidation. En même temps elle prend une importance énorme. Elle sert à se sentir soutenu et, pas seulement à minimiser la peur; ell permet de transmettre des messages puissants pour exiger des changements et pour montrer l’aversion commune envers les abus de pouvoir.
Depuis 1983, il y a un groupe au Chiapas qui se bat pour des changements, qui regarde les guerres, se positionne contre elles : les zapatistes. D’abord avec des armes, puis avec des mots, et toujours de manière collective, présents par le biais de manifestations ou de rassemblements massifs, comme la Marche de la Couleur de la Terre en 2001, la Rencontre internationale des femmes qui luttent en 2019 ou la Tournée pour la vie en Europe rebaptisée SLUMIL. K´AJXEMK´OP. Une de ses manifestations les plus marquantes a eu lieu en 2012, lorsque des milliers de zapatistes ont manifesté de manière massive et en silence dans cinq villes du Chiapas.
Le dimanche 13 mars 2022, à nouveau et collectivement, les zapatistes ont organisé une manifestation à San Cristóbal de las Casas, Ocosingo, Palenque, Las Margaritas, Altamirano et Yajalón au Chiapas, comme ils l’avaient annoncé le 9 mars 2022. Leur objectif : exiger «la fin de la guerre menée par les gouvernements capitalistes » et en faveur de « la vie et la paix dans le monde ». Ils ont souligné que «ce n’est pas seulement un problèmre en Ukraine. Mais aussi en Palestine, au Kurdistan, en Syrie, contre le peuple mapuche, les peuples autochtones de toute la planète, et face à tant de processus libertaires qui sont attaqués, persécutés, assassinés, réduits au silence”.
Ils ont appelé “toutes les personnes, groupes, collectifs, organisations et mouvements honnêtes au Mexique et dans le monde, selon leurs agendas et leurs formes de lutte -et en préservant leur indépendance et leur autonomie-, à se joindre aux activités pour exiger l’arrêt des guerres, à partir du dimanche 13”.
Cet appel a été entendu par différents groupes : le dimanche 13, outre les zapatistes du Chiapas, différents groupes et collectifs à travers le Mexique et le monde sont descendus dans la rue et ont organisé des actions politiques afin de manifester leur résistance et leur aversion face aux guerres ; et en même temps pour exprimer leur soutien et leur solidarité vis-à-vis des personnes affectées.
Il convient de mentionner que, dans la municipalité d’Altamirano, les zapatistes ont invité la population à se joindre à la manifestation. Des milliers d’habitants ont participé à la marche, exigeant aussi la libération des 37 paysans kidnappés depuis décembre dernier.
Selon les estimations de Chiapas Paralelo, pour le moins 20 000 zapatistes ont manifesté ce jour-là dans différentes municipalités, marquant ainsi le début d’ « une campagne mondiale contre les guerres du capital », qui inclura « des concerts, des rencontres, des fêtes, des réunions» .
Le communiqué de l’EZLN se termine par un appel clair :
« Contre toutes les guerres : tous les arts, toutes les résistances, toutes les rébellions !”