2022
09/02/2023DOSSIER : Les grands projets de développement, un facteur de risque pour ceux qui défendent le territoire
10/03/2023L es 9 et 10 janvier, le Xème Sommet des leaders nord-américains s’est tenu à Mexico.
Avant la réunion, diverses organisations civiles des trois pays ont envoyé une lettre aux présidents du Mexique, des États-Unis et du Canada leur demandant d’aborder « les crises les plus urgentes de notre temps : la violence armée, la destruction de l’environnement et la criminalisation de la migration ». Cependant, plusieurs analystes ont souligné que les accords passés lors de cette dernière rencontre répondaient toujours à la dynamique qui a marqué les relations entre les trois pays depuis les premiers efforts d’intégration commerciale en Amérique du Nord dans les années 1990, celle-ci mettant l’accent sur les aspects sécuritaires de manière toujours plus marqué après les attentats terroristes du 11 septembre 2001.
Le Xème Sommet s’est centré sur six thèmes principaux : Compétitivité, Migration, Sécurité, Diversité, Santé, Environnement et Changement climatique. Du point de vue des droits humains, une avancée pourrait être l’approbation de la déclaration sur l’égalité et la justice raciale avec une section sur la diversité, l’équité et l’inclusion des populations afro-américaines, les peuples autochtones, les femmes et les personnes LGBTQI+. Celle-ci stipule : « Nous cherchons à offrir aux communautés marginalisées des possibilités qui leur permettent de participer pleinement, équitablement et de manière significative à nos démocraties et à nos économies ». Cependant, ce texte n’apporte pas beaucoup plus d’éléments qui contribuent à rendre ces bonnes intentions effectives.
Depuis le Mexique, trois des thèmes abordés sont ceux qui suscitent le plus d’inquiétude : l’économie, la sécurité et la migration. En ce qui concerne la partie économique (Compétitivité), l’idée continue d’être l’intégration nord-américaine comme bloc commercial afin d’être compétitif à échelle mondiale. Des propositions en ce sens ont été faites, telles que le renforcement des chaînes d’approvisionnement, des dialogues pour promouvoir les investissements étrangers publics et privés, une cartographie des minerais dans la région et la création d’emplois « durables ». Plusieurs de ces initiatives pourraient conduire au renforcement de la dépendance de l’économie mexicaine vis-à-vis des États-Unis ainsi qu’à l’expansion du modèle d’extraction minière. D’autre part et à l’avance, le ministre des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, avait annoncé que les différends commerciaux présentés par les États-Unis et le Canada contre le Mexique dans le cadre de l’actuel traité Mexique-États-Unis-Canada (T-MEC) n’allaient pas être abordés lors du Sommet. Cependant, ce thème génère des préoccupations. En 2022, le gouvernement de Biden a entamé des démarches face aux réformes mexicaines dans le secteur de l’énergie, notamment celle qui donne la priorité aux entreprises publiques mexicaines. Des sénateurs liés aux intérêts de l’agro-industrie aux États-Unis ont fait de même contre l’interdiction mexicaine des importations de maïs transgénique et de glyphosate.
Concernant la Sécurité, il est à noter que peu avant le Sommet, Ovidio Guzmán, fils de El Chapo Guzmán et membre du cartel de Sinaloa, a été arrêté à Culiacán, une opération qui a fait au moins 29 morts et de multiples blessés. La Déclaration du Xème Sommet parle explicitement de « notre périmètre de sécurité partagé » et l’accent a été mis sur la lutte contre le trafic de drogue tout en maintenant une approche de confrontation. En revanche, on parle peu du trafic d’armes en provenance des États-Unis alors qu’on estime que plus de 70 % de celles utilisées dans les homicides au Mexique y ont été produites.
La question migratoire n’a finalement pas conduit à des changements majeurs par rapport à la politique menée jusqu’à présent, ceci malgré ses lourdes conséquences en termes de droits humains. Le programme initié par Trump, qui refuse le droit de demander l’asile à des milliers de migrants sera maintenu. Biden a également intégré les Vénézuéliens, Cubains, Nicaraguayens et Haïtiens dans ce mécanisme de rejet automatique. Le Mexique a accepté de recevoir 30 000 rapatriés de ces pays par mois sans mentionner comment leurs droits seraient garantis. Bien qu’il ait été question de coopérer pour une migration « sûre, ordonnée et humaine » et qu’il ait été question « d’élargir les voies régulières, de renforcer les processus d’asile et de promouvoir un discours public équilibré », les leaders nord-américains n’ont pas annoncé de fonds ni de mécanismes clairs pour ce faire.
NATIONAL : Disparitions, vulnérabilité des défenseurs des droits humains et militarisation, parmi les grands aspects sans réponse en matière de droits humains
Mandats présidentiels après mandats présidentiels, la crise des disparitions de personnes au Mexique s’est aggravée. En 2018, année d’entrée en vigueur de la loi générale sur la disparition des personnes, 46 423 cas étaient signalés ; fin 2022, ce chiffre est passé à 109 000. Depuis l’année d’entrée en vigueur de la loi, 32 commissions locales de recherche ont été créées et installées. En outre, le protocole approuvé pour la recherche de personnes et le registre national des personnes disparues ont été aussi mis en place. Cependant, « tous les mécanismes ne fonctionnent pas pleinement et il y a encore un manque de coordination entre agences », dénonce le Mouvement pour nos disparus. Parmi les mécanismes envisagés figurent également la Banque nationale de données médico-légales, le Programme national d’exhumations et d’identification médico-légale, ainsi que le Registre national des personnes décédées non identifiées et non réclamées, sous la responsabilité du Bureau du Procureur général de la République (FGR). Cependant, un juge a émis une sentence affirmant que cette instance avait manqué à ses obligations. Le FGR a fait appel en argumentant qu’il n’était pas compétent pour mettre en œuvre de tels mécanismes.
Face aux limitations à ce jour, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme (ONU-DH), Volker Türk, a déclaré que le Mexique « n’a pas encore agi avec la fermeté nécessaire pour lutter contre ce crime atroce qui affecte des centaines de milliers de personnes ». « La désinformation et le manque de sensibilité face à ces crimes continuent d’être des pratiques courantes parmi de nombreux fonctionnaires et les critères pour déterminer leur responsabilité ne sont pas appliqués correctement », a-t-il ajouté.
D’autre part, selon EDUCA, entre décembre 2018 et novembre 2022, 141 défenseurs des droits humains ont été assassinés au Mexique. La plupart de ces crimes demeurent dans l’impunité la plus totale. 34 cas se sont produits au Oaxaca, 25 au Guerrero, 14 au Chiapas et 10 au Chihuahua. Parmi les principales causes pour lesquelles ils ont été assassinés figure la défense de la Terre et du Territoire face aux investissements et projets de développement. La plupart des victimes appartenaient à un peuple indigène.
En janvier, le Comité Cerezo México a signalé qu’en 2022, il avait documenté 25 exécutions extrajudiciaires de défenseurs des droits humains. Il a souligné qu’au cours des trois derniers mandats présidentiels, le Comité a enregistré 335 cas. Le plus grand nombre d’entre eux se sont produits sous le gouvernement d’Enrique Peña Nieto (56%), suivi de celui d’Andrés Manuel López Obrador (24%) et de celui de Felipe Calderón (20%). La plupart des cas étaient à nouveau des défenseurs de la Terre et du Territoire.
Le début de l’année 2023 a été particulièrement violent pour les défenseur.e.s des droits humains, selon Aluna Acompañamiento Psicosocial, qui a recensé 4 meurtres, 2 disparitions et 12 détentions arbitraires (au 17 janvier).
Marquant une autre tendance de la vulnérabilité actuelle, en février, le Réseau Todos los Derechos para Todos y Todas a rapporté qu’en janvier, la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) avait émis des mesures de précaution dans trois cas dans des états mexicains où « la macrocriminalité a gagné du terrain et la collusion des autorités aggrave l’insécurité et l’impunité ». Il a expliqué que les mesures ont été accordées en faveur de Ricardo Arturo Lagunes Gasca et Antonio Díaz Valencia au Michoacán ; la communauté jésuite de Cerocahui au Chihuahua et Pascuala López et sa famille au Chiapas. La Red Tdt a déclaré que « la réalité va au-delà des conférences de presse du président, des rapports officiels et des ressources internes offertes par l’État mexicain ; celles-ci sont dépassées et insuffisantes pour donner des réponses aux membres des familles, des communautés et des collectivités qui exigent justice et vérité ».
Enfin, concernant la militarisation, en novembre, la Cour Suprême de Justice de la Nation (SCJN) a entériné l’accord par le biais duquel AMLO a ordonné la permanence de l’armée dans la réalisation de tâches liées à la sécurité publique. En 2020, la membre du PAN Laura Ríos avait déposé un recours constitutionnel au motif que le président López Obrador avait empiété les fonctions du pouvoir législatif en publiant ledit accord. Compte tenu de la décision de la Cour, le Bureau mexicain du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (ONU-DH) a déclaré que celle-ci pourrait exacerber le « niveau déjà élevé de violence » et favoriser les violations des droits humains. Il s’est référé aux préoccupations précédemment exprimées par des experts de l’organisation. De même, le Centre des droits humains Miguel Agustín Pro Juárez (Centro Prodh) a affirmé qu’« une opportunité qui aurait permis au pouvoir judiciaire de jouer un rôle de contrepoids face à la militarisation du pays a été perdue ». De même, il a appelé la Cour à aborder les autres actions en inconstitutionnalité qui ont été présentées également face à la militarisation.
CHIAPAS : Climat de violence généralisée
En janvier, plus de 5 000 catholiques de différentes municipalités du diocèse de San Cristóbal de Las Casas ont effectué un pèlerinage dans cette ville. Dans un communiqué, ils ont dénoncé la présence du crime organisé « dans un contexte de dispute pour assurer leur contrôle du territoire, nous conduisant à un climat de violence généralisée, de menaces, d’affrontements, de disparitions et d’assassinats (…) ainsi que le recrutement de jeunes. » En outre, ils ont souligné la permissivité et la collusion des autorités vis-à-vis de ces acteurs, ce qui génère impunité et injustice. « Nous exigeons qu’il soit mis fin à la destruction des familles par la violence, les déplacements forcés, les enlèvements, la dépossession du territoire et l’insécurité qui grandit avec l’augmentation du nombre d’armes et la présence du crime organisé. Nous exigeons le respect des femmes dans tous les domaines de la société ; que leur droit de décider librement ne soit pas entravé. Nous exigeons que la lutte pour défendre l’autodétermination de nos peuples et la défense du territoire cesse d’être criminalisée », a déclaré le Peuple Croyant.
Également en janvier, des centaines de personnes ont organisé une manifestation à Chicomuselo « pour exiger la fin de la violence déchaînée par le crime organisé qui entend imposer l’exploitation minière dans la région et compte sur le silence complice des autorités ». Lors de la dénommée « Marche pour la vie », des représentants de communautés et terres collectives ont dénoncé que depuis la mi-2022, une mine de barytine a commencé à opérer illégalement dans l’ejido de Santa María. Ceci aurait « pour précédent la concession de la société canadienne BlackFire, qui a essayé de s’installer dans l’ejido Grecia en 2009 et qui a cessé ses activités après l’assassinat du défenseur du territoire Mariano Abarca ».
Les manifestants ont aussi dénoncé que « cette société minière utilise un groupe du crime organisé appelé MAIZ pour propager la violence. Ce dernier sillonne les communautés en portant des armes longues pour intimider la population et les avertir que s’ils s’opposent à l’exploitation minière, ils leur feront du mal. Ils ont commencé à percevoir un « tribut » pour les commerces et le transport ». Lors de la marche, les participants ont exigé la protection de la vie et de l’intégrité des défenseurs de la Terre Mère, en particulier d’Isabel Recinos Trigueros, qui avait été agressé en décembre.
Plus tard, dans cette même région, par le biais d’une vidéo, des hommes cagoulés avec des gilets anti balles et des armes de gros calibre ont annoncé la création d’un groupe d’autodéfense appelé le « Conseil indigène » formé suite à l’absence de réponse des autorités face à la vague croissante de violence. Le groupe mentionne des personnes liées au cartel Jalisco Nueva Generación (CJNG) comme responsables de ces crimes. Il a indiqué qu’ils ne permettront pas au cartel d’entrer dans les communautés indigènes. « Nous nous adressons également à nos frères de Chicomuselo pour leur dire que nous les soutiendrons et ne les laisserons pas seuls car ils sont harcelés par l’organisation appelée MAIZ, qui se dédie à l’extorsion et beaucoup de nos frères indigènes ont disparu », a-t-il déclaré.
Finalement, en février, 42 familles ont dû fuir leurs maisons de l’Ejido Saltillo dans la municipalité voisine de Las Margaritas. Elles ont dénoncé qu’un groupe de personnes supposées appartenir à l’Alliance des organisations sociales et des syndicats de gauche (ASSI), une organisation qui serait liée au maire de Las Margaritas, Bladimir Hernández Álvarez, est entré dans l’Ejido armé de gourdins, machettes et armes à feu. Les agresseurs ont incendié 27 maisons et en ont détruit d’autres, tué des animaux et expulsé ces familles. Les personnes déplacées ont indiqué que « parce qu’elles n’ont pas voulu renoncer à la Centrale Indépendante des Travailleurs agricoles et des paysans-Historique (CIOAC-Histórica) à laquelle ils appartiennent et rejoindre l’ASSI, elles ont été expulsées de leurs maisons et sommées de ne pas revenir ».
Autre violence à vaincre : celle de genre. En novembre, dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, nombre d’entre elles sont descendues dans la rue pour exiger sécurité et justice. Dans le communiqué qu’elles ont lu à la fin de leur manifestation, elles ont souligné que jusqu’à présent cette année, 345 filles et adolescentes avaient disparu au Chiapas, soit près de huit par semaine. De plus, « en analysant des articles de presse, nous avons trouvé au moins 53 cas qui présentent toutes les caractéristiques pour être considérés comme des féminicides », a déclaré l’Observatoire féministe contre les violences faites aux femmes au Chiapas. Le Chiapas se classe actuellement au cinquième rang national pour ce crime et, selon l’organisation pour le dépassement des femmes, 6 féminicides sur 10 qui se produisent au Chiapas restent impunis.
OAXACA : Le nouveau gouverneur entre en fonction dans un contexte complexe
Le 1er décembre, Salomón Jara Cruz, le premier gouverneur issu du Mouvement de régénération nationale (MORENA) dans cet état, a assumé ses fonctions comme gouverneur du Oaxaca. Originaire d’une communauté indigène, il est issu de la gauche partisane. Après l’expérience décevante de centre gauche de Gabino Cué (2010-2016), ses origines n’ont pas suscité les mêmes espoirs de changement dans la population : seuls 38 % des électeurs ont participé au scrutin qui lui a permis de devenir gouverneur. En outre, les analystes considèrent que les votes en sa faveur étaient davantage liés à son appartenance au parti du président López Obrador qu’à son propre charisme. Sans aucun doute, il reçoit un état lacéré par la pauvreté, la violence, l’insécurité et de multiples conflits politico-sociaux en plus d’une dette qui ne facilitera pas la recherche d’alternatives.
Une grande partie des conflits socio-politiques dans cet état découlent de problèmes agraires et de grands projets de développement rejetés une partie de la population locale. En janvier, le Front des organisations du Oaxaca (FORO) formé par une dizaine d’organisations sociales a organisé le forum « La situation du Oaxaca : les défis du mouvement populaire ». Les participants ont rejeté l’imposition de projets tels que le Train Maya, le Projet Intégral de Morelos (PIM) et le corridor interocéanique car « ils constituent en fait un seul grand projet qui vise à reconfigurer le sud-est mexicain au profit du grand capital sans tenir compte des intérêts des peuples ». Ils ont souligné que ces intentions sont protégées par des « décrets » présidentiels et en recourant à l’Armée et à la Marine pour garder les installations.
Dans le même ordre d’idées, en février, diverses communautés, ejidos et autres groupes se sont mobilisés dans l’isthme de Tehuantepec, convoqués par le Réseau national de résistance civile, pour mener des actions disloquées dans tout le pays afin d’obtenir un tarif d’électricité équitable, et pour manifester contre l’imposition du Corridor Interocéanique, la militarisation et les « projets de mort ». Dans ce contexte, ils ont dénoncé le climat de violence, de persécution, de criminalisation, de harcèlements et d’agressions contre les habitants de Puente Madera et l’Assemblée des peuples autochtones de l’isthme pour la défense de la terre et du territoire (APIIDTT).
De nouvelles sources de tension pourraient apparaître. En février, Andrés Manuel López Obrador a annoncé que quatre nouveaux parcs industriels seront construits pour la production d’énergie éolienne dans l’isthme. Ils seront gérés par la Commission Fédérale d’Électricité (CFE) avec un financement de banques des États-Unis (UE), puisque cette initiative s’inscrit dans le cadre de l’accord établi avec ce pays pour lutter contre le changement climatique. Il s’agirait d’un premier4 appel d’offres. Ces 4 parcs viendront s’ajouter aux 29 déjà en fonctionnement dans l’Isthme et ont suscité des oppositions de différents niveaux.
Une autre source d’inquiétude de la part des organisations civiles de l’état : l’exacerbation des violences de genre. En novembre, une série d’activités a été organisée dans le cadre de la commémoration de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Dans une déclaration soutenue par 34 organisations et des proches de victimes, ils ont rappelé que bien qu’en 2018, une alerte face à la violence sexiste contre les femmes au Oaxaca ait été émise en raison de la gravité de la situation, il n’y a eu « aucune action énergique pour éradiquer et punir la violence contre les femmes ; depuis, 498 femmes ont été victimes de féminicides et 1 672 de disparitions ».
De même, quelques jours après le changement de gouverneur, les organisations civiles ont déclaré que le mandat d’Alejandro Murat, le gouverneur sortant, a été « une période de deuil de six ans ». Au cours de cette période, elles ont documenté 715 femmes victimes de féminicide tandis que 1 989 femmes, ainsi que des filles, ont été victimes de disparition forcée ou d’autres actes de violence (par exemple : crimes sexuels, violence familiale, violence économique ou politique de genre). En tout, un total de 3 965 femmes a subi un type d’agression pendant son mandat.
GUERRERO : un « triste » panorama
À partir de 2023, le Centre des droits humains de la montagne Tlachinollan a publié un bulletin intitulé « Entre le spectacle éphémère et la violence permanente » dans lequel il oppose le « rêve doré que des milliers de touristes nationaux et étrangers ont apprécié » lors du Nouvel An à Acapulco et la violence qui se vit dans la périphérie et les autres régions de l’état du Guerrero. Il a souligné que « les grands contrastes sociaux qui existent à Acapulco, au lieu de s’inverser, se sont approfondis. La corruption n’a aucun contrôle. Les administrations municipales sont gérées de manière factieuse et dans l’opacité ». Il a ajouté que « l’absence d’institutions publiques pour répondre aux besoins les plus élémentaires est préoccupante. Ce manque d’autorité a été couvert par les patrons du crime organisé, qui contrôlent divers secteurs d’activité et ont sous leur contrôle des groupes de transporteurs, de vendeurs de rue et de colons qui imposent leur loi et travaillent pour leur cause ».
Il a également déclaré que « toute la route qui rejoint la capitale de l’état fait l’objet d’un conflit permanent lié au transport de la drogue. Cette expansion a coûté des vies et le plus grave c’est que les autorités municipales préfèrent fermer les yeux ou s’allier à ces groupes pour garantir une relative gouvernabilité ». Tlachinollan a également déclaré que « le panorama de l’état est triste non seulement à cause de la violence qui s’étend, mais aussi à cause du pouvoir croissant des organisations criminelles qui se sont installées dans diverses régions et ont montré qu’elles contrôlaient les mêmes mairies. Il s’agit d’acteurs économiques qui, du fait de leurs activités illégales, se sont aventurés dans des entreprises de base pour blanchir leur argent et en même temps renforcer leur présence dans des régions et des communautés où il n’y a pas d’institutions ou de programmes gouvernementaux qui répondent aux besoins les plus élémentaires. Les virages de l’économie criminelle se sont multipliés et maintenant ils s’apprêtent à contrôler même les produits les plus élémentaires. Dans plusieurs régions, ce phénomène est déjà une réalité qui tient la population générale entre ses griffes ».
Les cas de féminicides sont tout aussi alarmants : en janvier au moins 15 cas ont été enregistrés. Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes en novembre, l’Association du Guerrero contre la violence à l’égard des femmes (AGCVM), d’autres groupes féministes et proches de victimes ont dénoncé « la simulation qui persiste dans les agences gouvernementales et les différents niveaux de gouvernement ».
Dans ce contexte, les défenseurs des droits humains et les journalistes continuent d’être confrontés à une situation de grave vulnérabilité. En décembre, le Conseil des ejidos et des communautés opposés au barrage de La Parota (CECOP) a dénoncé la détention arbitraire et la torture de deux de ses membres, Modesto et Rodrigo León Jacinto. Plus de 130 organisations civiles et sociales ont exigé leur libération et la « fin des actes de harcèlement et de criminalisation des membres du CECOP ». Elles ont déclaré qu’« il est vraiment inquiétant que dans l’état du Guerrero ces actes répressifs contre des activistes qui défendent les biens communs et la nature se poursuivent ».
D’un autre côté, en janvier, des journalistes se sont manifesté à Chilpancingo et Acapulco pour exiger l’intensification des recherches du journaliste Jesús Pintor Alegre et des administrateurs de la page Facebook d’Escenario Calenarion, Fernando Moreno et Alan García, disparus depuis décembre. Lorsqu’ils ont été libérés, ces derniers ont indiqué avoir été accusés par leurs ravisseurs d’avoir diffusé sur leur site Internet des informations signalant l’association criminelle La Familia Michoacana et les maires de la région en raison de leur proximité présumée avec cette organisation.
Dans l’affaire Ayotzinapa, en janvier, les autorités américaines ont livré Alejandro Tenescalco au Mexique. C’était le superviseur de la police d’Iguala lors de l’attaque contre des élèves de l’école normale d’Ayotzinapa, en septembre 2014. Toujours en janvier, des membres du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI) dans ce cas ont rencontré López Obrador et Alejandro Encinas, sous-secrétaire aux droits de l’Homme, à la population et à la migration lors d’une réunion privée. Selon les médias, les experts leur ont demandé de servir de médiateur afin que l’armée finisse de fournir les informations demandées ; et de faire en sorte que le bureau du procureur réactive les 21 mandats d’arrêt annulés l’an dernier et accélère d’autres captures aux États-Unis.