2015
12/05/2016DOSSIER : OU SONT-ILS? Les disparitions au Mexique
03/06/2016En ce début de 2016, deux sujets d’actualité ont été au centre des médias nationaux: l’arrestation de Joaquín “El Chapo” Guzmán, fondateur du cartel de Sinaloa, en fuite depuis juillet 2015 et la visite du Pape François au Mexique du 12 au 17 février. La re-capture du “Chapo” a été largement célébrée par le gouvernement mexicain. Toutefois, selon la procureure générale des États Unis, bien que par cette arrestation le gouvernement mexicain prétende prouver l’application de la loi dans son pays, Guzmán n’était plus un acteur actif du cartel et sa structure en reste intacte.
La visite du Pape François a déçu ceux qui espéraient qu’il pointe du doigt, bien plus explicitement, les problématiques qui frappent actuellement le pays. Bien qu’il n’ait pas fait référence à des faits concrets, telle la disparition des 43 étudiants de l’École Normale Rurale d’Ayotzinapa dans l’état de Guerrero en 2014, il a toutefois fait quelques déclarations assez claires pour ceux qui ont su prêter une oreille attentive. Par exemple, dans la ville de Mexico, il a affirmé, devant le président Enrique Peña Nieto et ses invités “chaque fois que nous cherchons le chemin du privilège ou du bénéfice de quelques uns au détriment du bien de tous, tôt ou tard, la vie en société se transforme en terrain fertile pour la corruption, le narcotrafic, l’exclusion des cultures différentes, la violence et même le trafic d’être humains, les enlèvements et la mort”. À Ciudad Juarez, il a critiqué le modèle économique qui “préconise le plus grand profit économique possible, peu importe les méthodes immédiates employées (…) ce qui engendre une exploitation des employés comme s’ils étaient des objets à utiliser, à jeter et à éliminer ensuite”.
Les lieux que le pape a visité prouvent d’eux même sa sensibilité face à plusieurs problématiques : l’état du Mexique avec ses hauts taux de meurtres de femmes; Ciudad Juárez, connue pour la même raison, pour l’exploitation dans les maquilas [usines de montages] et pour être ville frontière avec les États Unis, ainsi que le Michoacan qui se démarque du fait de la violence liée au crime organisé. Au Chiapas, suite à un décret pontifical, une partie de la cérémonie religieuse s’est faite en langues indigènes. Parmi les actions peu médiatisées du Pape, on remarquera sa visite sur la tombe de Samuel Ruiz García, évêque de San Cristóbal durant 40 ans, figure polémique de l’Église catholique en son temps.
Des rapports qui ne cessent de condamner le Mexique en matière de Droits de l’Homme
Dans les publications précédentes, nous avons fait état des multiples rapports d’organismes internationaux, tels l’Organisation des Nations Unies (ONU) ou l’Organisation des États Américains (OEA) qui critiquent le respect des droits de l’Homme dans le pays. En janvier, la publication des rapports de Transparence Internationale (TI) quant à l’indice de perception de la corruption et de Freedom House quant à l’indice de liberté d’expression révèlent la mauvaise place du Mexique dans leurs classements. On ne cesse de remarquer une certaine résistance du Mexique à accepter ces critiques internationales. Notamment, en mars, la Commission Inter-américaine des Droits de l’Homme (CIDH) a dénoncé “une campagne de diffamation au Mexique” menée contre son secrétaire exécutif, Emilio Alvarez Icaza et contre le Groupe Interdisciplinaire d’Experts Indépendants, constitué pour enquêter sur la disparition forcée des étudiants d’Ayotzinapa. La CIDH a rejeté catégoriquement l’accusation contre Alvarez Icaza, présumé responsable d’un délit de fraude en relation avec le travail du GIEI, au préjudice de l’état mexicain. Des organisations de la société civile affirment que cette campagne cherche à réduire la reconnaissance que le GIEI a gagné face au discrédit des enquêtes officielles. Par ailleurs, en mars, une nouvelle visite du rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Juan E. Méndez a été refusée. Le gouvernement mexicain a justifié ce rejet par le fait que d’autres visites d’experts étaient déjà prévues. Ultérieurement, le Ministère des Affaires Etrangères a ajouté que “la visite ne pourra se concrétiser tant que la loi contre la torture n’aura pas été votée par le Congrès.” En février, près de 30 organisations de la société civile se sont d’ailleurs prononcées quant à ce projet de loi. Elles déclarent qu’en décembre 2015, “le président de la République, sans prévenir les organisations, a envoyé son projet de loi au Sénat, lequel, en plus de passer outre plusieurs documents dont cette loi devrait au moins tenir compte, inclut des normes juridiques qui favorisent l’utilisation de la torture et établit des politiques qui empêchent d’enquêter de manière efficace sur les cas de torture.” Par exemple, elle n’inclut pas la mise en place du protocole d’Istanbul, manuel international pour enquêter sur la torture. Elle n’interdit pas non plus l’utilisation de preuves illicites ou obtenues sous la torture. En 2015, le président avait consulté quelques organisations de la société civile, ainsi que des membres de l’académie et autres acteurs sociaux, mais, dans le texte final “les propositions des organisations de la société civile et du secteur académiques n’ont pas été intégrées” .
Les enseignant(e)s continuent de se mobiliser
En février, dans plusieurs états de la République, des manifestations ont eut lieu contre la réforme de l’éducation. Il convient de rappeler que des dizaines de milliers de professeur(e)s de plusieurs états se sont mobilisés durant ces dernières années contre cette réforme, ce qui a engendré au total la mort de trois enseignants. Dans l’état du Chiapas, des milliers d’enseignant(e)s de la section 7 et 40 du Syndicat National des Travailleurs de l’Éducation (SNTE) ont manifesté à Tuxtla Gutierrez pour réclamer l’annulation de cette réforme, ainsi que la reprise des négociations avec le gouvernement et la libération des prisonniers politiques.
Dans l’état de Guerrero, il y a aussi eu des manifestations. A Acapulco, les membres de la Coordination d’État des Travailleurs de l’Éducation de Guerrero (CETEG) ont manifesté lors du premier anniversaire de la mort du professeur Claudio Castillo, décédé en 2005 lors de l’évacuation par la police du barrage routier des enseignant(e)s sur l’autoroute « del Sol ». Le gouvernement a déclaré qu’environ 2000 enseignant(e)s de l’état risquaient de perdre leur poste car ils ne se sont pas présenté(e)s à l’évaluation des performances. De plus, la CETEG accuse le gouvernement d’être en possession de 30 mandats d’arrêt à l’encontre des dirigeants du mouvement des enseignant(e)s. A leur tour, environ 200 000 membres du Syndicat Unique des Serviteurs Publics de l’État de Guerrero (SUSPEG) se sont manifestés dans la capital de Guerrero pour exiger l’annulation de cette évaluation.
GUERRERO : Insécurité
Malgré la tentative de l’état de présenter Guerrero comme un lieu sûr et une destination touristique en essor, une enquête de l’Institut National de Statistiques et de Géographie (INEGI) a révélée que 90% des habitants de l’état le perçoivent comme étant dangereux. Des organismes civils signalent qu’il existe une stratégie de discrédit et un manque de respect envers les défenseur(e)s des droits de l’Homme, dans un état où il n’existe pas de garantie de sécurité. Les menaces téléphoniques à l’encontre de l’Atelier de Développement Communautaire (TADECO) en mars dernier en sont une illustration. Les menaces reçues étaient liées au travail que TADECO effectue avec les familles de victimes de disparition. De plus, l’organisation Artículo 19 déclare que Guerrero est le troisième état le plus dangereux pour exercer le métier de journaliste, avec plus de 100 agressions lors des six dernières années. D’autre part le procureur d’état a affirmé qu’environ 50 groupes du crime organisé se disputent le contrôle du territoire.
Afin de combattre l’insécurité, le gouvernement a parié sur la création du Commandement unique: l’unification des différents corps de la sécurité officielle selon les échelles géographiques [à l’échelle municipale, à l’échelle de l’état et à l’échelle nationale] en un même organisme. Les membres de la Coordination Régionale des Autorités Communautaires (CRAC) de Chilapa ont rejeté cette stratégie. Ils ont prévenu qu’ils ne permettront pas sa mise en place sur leur territoire car ils considèrent que “c’est un ignoble mensonge que de prétendre qu’avec cela la criminalité prendra fin” et car, cela met en danger le droit des peuples à disposer d’eux même quant à leur sécurité et à l’application de la justice.
Parmi, les bonnes nouvelles, après plus de deux ans et demi d’emprisonnement, Nestora Salgado García a été libérée. Nestora est la chef de la police communautaire d’Olinalá, qui appartient à la CRAC. L’ONU a qualifié sa détention “d’illégale et d’arbitraire“ et motivée par le fait que Nestora soit “défenseure du peuple indigène de l’état de Guerrero”. Suite à sa libération Nestora a lancé la campagne nationale “Mets un visage sur les prisonniers politiques au Mexique” afin de rendre visible les cas existants et d’ obtenir leur libération.
Disparition forcée
Quant au cas Ayotzinapa, en février, l’Équipe Argentine d’Anthropologie Médico-légale (EAAF) a rendu son rapport final qui vient contredire la version du gouvernement intitulée “la vérité historique”. Dans ce rapport, il est établi que dans la décharge de Cocula, il n’y a pas eu d’incendie ni de l’ampleur, ni de la durée requises pour incinérer autant de corps et que les restes humains trouvés n’appartiennent pas aux étudiants disparus. Parmi les activités organisées par les familles, on notera d’une part le ré-enterrement de Julio César Mondragón, étudiant assassiné la nuit de l’attaque et qui a été exhumé afin d’établir un nouveau diagnostique des causes de sa mort; et d’autre part la caravane à Iguala ayant pour objectif de récolter des informations sur le lieu où l’on aurait pu transporter les étudiants disparus. Quelques familles se sont plaintes que le gouvernement est en train de faire traîner l’enquête en longueur pour qu’elles cessent leurs réclamations, bien qu’il “se trompe, car chaque jour de plus est un jour de renforcement et est un jour de lutte de plus”.
Pour sa part, l’organisation Toujours en Vie a dénoncé que plus de 100 personnes portées disparues à Chilapa n’ont toujours pas été localisées. Cela est le résultat des disparitions perpétrées suite à l’irruption des civils armés qui se sont emparé de la ville durant cinq jours l’an dernier. Une autre organisation, le Comité “Les autres disparus”, formée par plus de 500 familles d’Iguala et de ses alentours, déclare avoir trouvé, depuis sa création, 142 corps dans des fosses clandestines. Mi février, Norma Angélica Bruno Román, membre de cette organisation a été assassinée par des tueurs à gage.
Chiapas: conflictualité sociale à la hausse
A Oxchuxc, le rejet de María Gloria Sánchez Gómez, du Parti Vert Écologique du Mexique (PVEM), élue maire en juillet 2015 à transformé la ville en un théâtre de barrages routiers routiers et d’actes de violence. Sánchez Gómez avait l’intention de gouverner la ville pour la seconde occasion, en alternant le poste de maire avec son époux. Le 8 janvier, le gouvernement a envoyé un demi millier de grenadiers qui finalement ont du rebrousser chemin.
Plus de dix mois après le déplacement forcé des habitants de la communauté Poblado Primero de Agosto, au mois de janvier, les familles victimes dénoncent une nouvelle escalade d’actes de harcèlements de la part des ejiditarios de Miguel Hidalgo, membres de la Centrale Indépendante des Ouvriers Agricoles et Paysans – Historique (CIOAC-H). Ils continuent d’exiger du gouvernement mexicain leur prompt retour dans leur communauté, l’application de la loi et la réparation intégrale du préjudice subi.
La CIOAC-H a été mentionnée dans un autre cas: en janvier, ses membres ont réalisé une descente dans l’Ejido 20 de Noviembre (municipalité de Las Margaritas). Le non respect des accords de l’Ejido par un groupe de femmes de la CIOAC–H en a été l’élément déclencheur. Ainsi, par usages et coutumes de la communauté, ces femmes ont été sanctionnées. Des habitants de l’Ejido ont rapporté qu’une centaine de membres de la CIOAC–H sont entrés dans l’Ejido à bord de pick-up et ont tiré des coups de feu. Au total, une personne a été tuée et 10 autres ont été blessées. On note une deuxième victime décédée des suites de ses blessures.
Plusieurs sit-in ont eu lieu à San Cristóbal de Las Casas avant l’arrivée du pape, moment qui s’est avéré stratégique étant donné que tout le monde a obtenu un dialogue avec l’état. Neuf familles indigènes de Shulvó, Zinacantan, ont installé un sit-in car depuis décembre 2015, elles ont été déplacées par des “commandos de type paramilitaire du parti Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI)”. L’Organisation Paysanne Emiliano Zapata de la Région Carranza (OCEZ RC) a réalisé un sit-in pour exiger aux autorités une réponse à ses demandes agraires et sociales. Six ex-prisonniers et leurs familles, solidaires de La Voz del Amate, ont retiré leur sit-in suite à la signature d’un accord avec les autorités pour la réparation des préjudices subis lors de leur “emprisonnement injustifié”, ainsi que pour l’accélération de la procédure en vue de la libération de Alejandro Díaz Sántiz et Roberto Paciencia Cruz.
Le sujet de la terre et du territoire reste au centre des revendications
Le 25 janvier, environ 3000 membres du Peuple Croyant (PC) du diocèse de San Cristóbal de las Casas, ont réalisé un pèlerinage en mémoire du parcours de jTatic Samuel Ruiz García, décédé 5 ans auparavant. Ils ont rappelé à l’occasion leur position en faveur de la défense de la terre, de l’autonomie et de la justice sociale.
Les 21 et 22 janvier, plus de 70 délégués de 20 communes se sont réunis à Boca del Cielo, proche de la ville de Tonalá, afin de partager leurs expériences lors de la “Rencontre du Chiapas des victimes de barrages et des mines”. Ils y ont établi une stratégie commune face à la multiplication des projets d’exploitation minière, d’infrastructure et de barrages imposés dans l’état “sans que la population ne soit prise en compte”. Par ailleurs, ils ont condamnés “l’imposition du capitalisme vert qui se reflète dans les projets de parcs éoliens, dans les projets de réduction des émissions causées par la déforestation et la destruction des forêts (REDD) et la rémunération des services environnementaux.”
Menaces et agressions aux défenseur(e)s au Chiapas
Le 3 mars, Berta Cáceres, membre du Conseil Civique des Organisations populaires et Indigènes du Honduras (COPINH) et opposée à la construction du barrage hydraulique de Agua Zarca, a été assassinée. Durant les faits, Gustavo Castro qui se trouvait alors sur les lieux, a été blessé mais il a survécu. Il est le seul témoin. Durant 27 jours, le membre de l’Organisation de Otros Mundos Chiapas a été retenu au Honduras. De nombreuses organisations ont manifesté leur préoccupation quant à sa sécurité, qualifiant d’“arbitraire” le fait d’empêcher son retour au Mexique. Début avril, Gustavo a enfin pu rentrer au Mexique.
Le 21 mars, des membres du Peuple Croyant de Simojovel, ont publiquement rejeté l’invitation au dialogue envoyée par les frères Gómez. Ils signalent que ces personnes sont des caciques [personnes influentes dans la vie politique et sociale d’une ville] liés aux trafics d’alcool et d’armes. Ces derniers seraient derrière les harcèlements et les menaces à l’encontre du prêtre, le Père Marcelo Pérez et des membres du conseil paroissial. Les membres du Peuple Croyant ont indiqué que le taux d’agressions se maintient et que, dans les quartiers, les tirs d’armes à feu de gros calibre ont recommencés.
Le 24 mars, Juan Carlos Jiménez Velasco, leader de la Confédération Indépendante des Organisations Association Civile (CIO – AC) et membre de la CNTE, a été retrouvé mort à San Cristóbal de las Casas.
En mars, à San Cristóbal de las Casas encore, le domicile de Carlos Herrera, conseiller municipal de Morena (Mouvement Régénération Nationale) a été cambriolé. La victime a déclaré qu’il n’y a pas eu de vol et qu’il interprète l’incident comme un “message d’intimidation, pour ce que nous sommes en train de faire en tant que fonctionnaire du service public appartenant au parti Morena, pour défendre la loi et pour affronter les problèmes”.
Série de communiqué de l’EZLN
Entre février et mars, l’EZLN a publié une série de communiqués, dont la convocation à de prochaines activités. Trois événements ont été annoncés: le festival et le partage “CompArte POUR L’HUMANITÉ” en juillet; une fête en hommage au Congrès National Indigène (CNI) pour ses 20 ans de lutte, qui se célébrera le 12 octobre; et, enfin, la rencontre “Les Zapatiste et les conSCIENCES POUR L’HUMANITÉ”, qui aura lieu entre décembre 2016 et janvier 2017.
Parmi les communiqués précédents, celui intitulé “ET PENDANT CE TEMPS LÀ … dans les communautés partisanes” détaille plusieurs cas de spoliation dans les communautés régies par le système de partis politiques. Celui intitulé “ET DANS LES COMMUNAUTÉS ZAPATISTES?” décrit les réussites des communes autonomes en matière d’éducation, de santé, d’économie, du travail des terres, d’égalité des sexes, etc. Dans ce même communiqué, les zapatistes déclarent “nous ne ne croyons pas les balivernes ecclésiastiques, séculières ou laïques de présumés “nouveaux constituants”, qui veulent “nous sauver” et qui ont recours aux mêmes vieilles pratiques coercitives qu’ils prétendent critiquer”.
8 mars
Lors de la Journée internationale de la femme, plusieurs événements ont été organisés au Chiapas. Le mouvement en Défense de la Terre et du Territoire et pour la Participation et la Reconnaissance des Femmes dans la Prise de Décisions a publié ses accords qui exigent le droit à l’autodétermination des peuples indigènes, la reconnaissance des femmes comme copropriétaires de la terre . Il a annoncé qu’il n’y aura pas de méga-projets sur leurs territoires. Ce mouvement a de même rejeté les programmes du gouvernement destinés aux femmes de type ”assistencialiste”. Il a également exigé qu’une alerte de Violence fondée sur le sexe (AVG) soit déclenchée dans le Chiapas.
Par ailleurs, les femmes de l’Organisation de la Société Civile Las Abejas d’Acteal ont réalisé un pèlerinage. Depuis le massacre de 45 personnes en 1997, elles ont fermement maintenu leur opposition à la militarisation de leur territoire. Les femmes de Simojovel se sont aussi manifestées : elles luttent contre l’alcool et le narcotrafic dans leur région.
Une brèche dans le mur de l’impunité
En janvier, la nation mexicaine a reconnu officiellement sa responsabilité dans le cas El Aguaje. A l’occasion, un accord à l’amiable a été signé avec la commune en question. El Aguaje est une commune à proximité de San Cristóbal, où, en 2000, un enfant a trouvé la mort et d’autres ont été blessés en faisant exploser une grenade laissée par des soldats de la Zone Militaire 31. Le Centre des Droits de l’Homme Fray Bartolomé de Las Casas, qui s’est chargé de défendre le cas, a déclaré que les actions de justice au Mexique arrivent « tard et partiellement, mutilées, incomplètes et un peu déformées ». Il a souligné que lors de l’événement aucun représentant de l’armée n’a fait acte de présence, en ajoutant “l’armée mexicaine n’est pas présente car au Mexique elle est intouchable, il est clair que c’est un supra pouvoir du gouvernement civil”.
OAXACA: Défenseur(e)s de la Terre Mère agissent face au contexte de spoliation actuel
Face à la menace de spoliation des terres des peuples indiens et paysans par des projets d’extraction, en janvier, s’est tenue la Rencontre Régionale des Communautés et des Organisations Contre l’Exploitation Minière. Dans la déclaration jointe, on exige du gouvernement l’annulation de tous les projets miniers de Oaxaca. Plus de 400 concessions d’exploitation minière sont en train de détruire ce territoire et “pour aucune d’entre elles le peuple n’a été consulté”.
Même si le projet hydro-électrique Paso de la Reyna fait parti du Plan National d’Infrastructure, “il ne sera pas construit”, ont prévenu les habitants de cette région, rassemblés au Conseil de Peuples Unis pour la Défense du Río Verde (Copudever), lors de la Journée Internationale d’Action pour les Rivières, au mois de mars. Services pour une Éducation Alternative (Educa) a dénoncé qu’à ce jour, dans l’état de Oaxaca, au moins 50 000 personnes ont été déplacées dû la construction de projets hydroélectriques.
Toujours au mois de mars, le quatrième anniversaire de l’assassinat de Bernardo Vásquez Sánchez, porte parole de la Coordination des Peuples Unis de la Valle de Ocotlán (COPUVO), a été commémoré. Loin d’obtenir justice, en juin 2015, les présumés assassins ont été libérés. La COPUVO a exigé l’annulation du projet d’exploitation minière San José et la sanction des responsables des assassinats et des disparitions, autant de leurs auteurs matériels que de ceux qui les ont ordonnés.
¿“Alerte quant à l’égalité des sexes” dans l’état?
Durant les deux premiers mois de 2016, 18 femmes ont étés assassinées. Parmi ces meurtres, le Ministère Public a reconnu que 12 sont des féminicides. L’Observatoire Citoyen National du Féminicide considère que ce chiffre est suffisant pour déclarer une alerte quant à l’égalité des sexes dans l’état. L’observatoire a précisé que “l’augmentation des cas et de leur fréquence révèlent une problématique sérieuse hors du contrôle des autorités”.
Face à cette réalité, en février, des femmes membres de différentes organisations civiles ont mis en place des actions de sensibilisation et de demandes de mesures de protection de la part des autorités. Elles ont exigé du gouvernement de ”renforcer les procédures de recherches des assassinats de femmes et de ne pas permettre que les responsables restent impunis”.
Le Consortium pour le Dialogue Parlementaire et l’Équité Oaxaca A.C. (Consorcio) a déclaré que les récents féminicides viennent s’ajouter aux 437 autres commis durant le mandat du gouverneur Gabino Cué : “Aucun message fort afin de proscrire le féminicide n’a été divulgué. Ce qui démontre que ce genre de violence est sous estimée”.
Pour la Vérité, pour la Justice
En février, la Commission de la Vérité de Oaxaca (CVO), crée en septembre 2014, a formellement clos son enquête sur les faits qui ont engendré des violations des droits de l’Homme dans la cadre du conflit politique et social en 2006 et 2007. Elle a conclu que “Tant que Oaxaca ne réparera pas les séquelles du conflit entamé en 2006, il s’avérera difficile de pouvoir résoudre les problèmes actuels et ceux des années à venir. Depuis cette date, les victimes ont étés oubliées, stigmatisées, et mêmes criminalisées, tandis que les auteurs des violations des droits de l’Homme jouissent de l’impunité, grâce à ce qui ressemble à une amnistie de fait. C’est pour cela que ce rapport s’intitule: Nous savons déjà! “.