2023
25/01/2024DOSSIER : La frontière sud et la Sierra de Chiapas attrapées au milieu d’une terreur implacable
08/03/2024
E n janvier, le rapport « Voter au milieu des balles : comprendre la violence politico-criminelle au Mexique » a été présenté. Il documente qu’en 2023 il y a eu 574 incidents de violence politico-criminelle.
264 d’entre eux étaient contre des fonctionnaires publics ou des candidats à des élections, indique Data Cívica, le cabinet de conseil à l’origine du rapport. 91 se sont produits au Guerrero, 64 à Guanajuato, 43 à Zacatecas, 42 à Veracruz, 38 au Michoacán et 38 au Chiapas. Rien qu’en décembre, 42 incidents de ce type ont été enregistrés, notamment des agressions, des enlèvements, des attaques armées ou des meurtres. De 2018 à 2023, Data Cívica a documenté 1.610 agressions, meurtres ou menaces contre des politiques ou contre des installations gouvernementales ou appartenant à des partis politiques. Au cours de cette période, 105 candidats, aspirants et anciens candidats ont été assassinés.
En février, le Collège de Mexico a présenté le rapport « Urnes et Tombes », dans lequel il analyse la violence électorale et les raisons derrière les 32 assassinats de candidats à des postes d’élection populaire en 2021. Parmi les principales caractéristiques observées, le rapport précise que « la violence électorale meurtrière est éminemment locale, car 85 pour cent des 32 victimes étaient des candidats pour des postes municipaux. (…) Ces attaques visent normalement des opposants au maire actuel, comme cela s’est produit dans 25 des 32 cas. » Il est frappant de constater que seuls 11 des 32 homicides peuvent être clairement attribués à des organisations criminelles qui « ont effectivement limité la démocratie mexicaine vu qu’elles ont la capacité de décider qui a le droit de se présenter et qui ne l’a pas. (…) Non seulement les partis ne sont pas à la hauteur du défi, mais ils résolvent eux-mêmes la lutte pour le pouvoir par la violence armée. En d’autres termes, ils ont non seulement laissé les organisations criminelles combler les vides de pouvoir, notamment locaux ; ils ont également utilisé les mêmes techniques dans la lutte pour le pouvoir public », souligne le rapport.
« Des niveaux de violence aussi élevés affectent la qualité de la démocratie et de la gouvernance dans le pays. En particulier, la violence électorale, intentionnellement mise en œuvre par ses auteurs pour modifier tant les résultats que les processus électoraux, déforme les vertus d’un régime démocratique. (…) Si l’on considère que l’une des plus grandes réussites de la transition mexicaine vers la démocratie a été son caractère pacifique, la violence électorale croissante est de plus en plus inquiétante », alerte le rapport qui exprime de vives inquiétudes quant aux élections de 2024.
« Crise alarmante des droits de l’Homme »
En novembre, plus de 300 organisations nationales et internationales ont publié 18 rapports contenant des recommandations pour mettre fin à la « crise alarmante des droits de l’Homme » au Mexique, une crise qui « s’est approfondie » depuis 2018, lorsque le président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a pris le pouvoir. Elles ont dénoncé la fermeture des espaces de participation civique dans le pays, la militarisation, la violence généralisée et l’impunité, la pauvreté structurelle, l’espionnage, les disparitions, les exécutions extrajudiciaires, entre autres violations graves, ceci dans le cadre de l’Examen Périodique Universel (EPU) de l’État mexicain alors en porte.
Lorsque cet examen a finalement eu lieu en janvier, le Mexique a reçu plus de 300 recommandations visant à améliorer la situation des droits humains dans le pays. Les principales concernaient la violence contre les femmes, les journalistes, les défenseurs des droits humains, les enfants, adolescents et jeunes, ainsi que les disparitions et la gestion de la crise migratoire, entre autres thèmes. De même, la question de la militarisation du pays et ses impacts sur le respect des droits de l’Homme a été remise en question. Pour la première fois, le Mexique a reçu des recommandations spécifiques visant à garantir que la sécurité publique soit civile. Il est toutefois important de souligner que toutes ces recommandations ne sont pas obligatoires. Le Mexique aura jusqu’au mois de juin pour y répondre et décider s’il les accepte ou pas.
En ce qui concerne la vulnérabilité des défenseur.e.s des droits humains, en janvier, l’organisation non gouvernementale Comité Cerezo México a signalé qu’au cours de l’année 2023, 14 exécutions extrajudiciaires contre des défenseurs des droits humains ont été enregistrées au Mexique, dont 11 à Oaxaca. Elle a documenté 93 cas depuis le début du gouvernement actuel. Les défenseurs des droits humains exécutés en 2023 travaillaient principalement en faveur du droit au territoire, pour une vie décente, un logement décent et en faveur de l’autodétermination des peuples autochtones. Parmi les victimes, une seule n’appartenait à aucun groupe autochtone. « La différence avec les rapports précédents est que par le passé nous n’avions trouvé que deux cas dans lesquels le bénéficiaire était le gouvernement fédéral ; dans ce rapport il y en a quatre cas », a déclaré le Comité Cerezo.
En ce qui concerne la liberté d’expression, en janvier, l’organisation Article 19 a déclaré que 2024 serait une année « extrêmement violente » pour la presse en raison de conflits politiques liés au contexte électoral. Malgré la diminution des assassinats de journalistes en 2023 (cinq contre 13 l’année précédente), elle a souligné que, depuis l’année dernière, on a assisté à une intensification des campagnes de stigmatisation et de discrédit des communicateurs de la part des acteurs politiques locaux, qui ont reproduit le discours « virulent » d’AMLO contre la presse. « Il existe en fait une classe politique qui est extrêmement intolérante à l’égard des critiques et ce que le président a fait, c’est atiser cette intolérance », a-t-elle expliqué.
En janvier, plusieurs espaces de la société civile et du milieu journalistique ont dénoncé la violation de la vie privée et la vulnérabilité que la publication des données personnelles de plus de 300 journalistes qui ont couvert les conférences de presse matinales d’AMLO implique. L’Espace des Organisations de la Société Civile (Espacio OSC) a alerté sur le fait que ce qui s’est passé implique « des risques importants qui peuvent avoir diverses conséquences, notamment atteintes à la réputation, pertes financières, actes de discrimination, profilage par des agresseurs potentiels, ainsi qu’attaques contre leurs domiciles ou leurs itinéraires, entre autres conséquences graves. Cela prend particulièrement de l’importance si l’on considère que le Mexique se positionne comme l’un des pays les plus dangereux pour la presse, avec 163 journalistes assassinés et 32 disparus. »
Une autre crise, celle de l’immigration
En décembre, la Commission Mexicaine d’Aide aux Réfugiés (Comar) a signalé que les demandes d’asile avaient battu un nouveau record au Mexique avec 136 934 demandes. Il convient de rappeler qu’en 2013, seules 1 296 demandes avaient été comptabilisées et que depuis 2018, elles augmentent d’année en année. Le Chiapas est l’état où plus de 60 % des demandes sont enregistrées et il est important de souligner que les demandeurs d’asile doivent rester dans l’entité fédérale où ils ont commencé leur démarche. Entre temps, le taux d’acceptation a diminué, affectant principalement les Haïtiens, avec seulement 13 % des candidats admis dans le pays en 2022. Il est inquiétant de constater qu’un quart des demandes enregistrées proviennent de mineurs, a alerté l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (ACNUR), un chiffre qui exacerbe les défis humanitaires à la frontière sud du pays. Ces enfants et adolescents fuient pour la plupart en raison de la violence, des persécutions et des conflits armés dans leur pays d’origine, selon l’ACNUR.
En janvier, Human Rights Watch (HRW) a demandé au Mexique de rejeter un accord avec les États-Unis qui pourrait restreindre le droit d’asile et augmenter les expulsions sommaires. Selon les analystes, les républicains, majoritaires au Congrès, ont conditionné l’approbation d’un programme d’aide militaire de 106 milliards de dollars à l’Ukraine et à Israël en échange de nouvelles mesures anti-migrants, notamment la fermeture d’une partie de la frontière, limitant davantage encore les demandes d’asile et accroissant les expulsions massives. Ces mesures d’immigration « contreviendraient aux normes internationales en matière de droits de l’Homme et exposeraient des milliers de personnes et de demandeurs d’asile à des situations dangereuses », a prévenu HRW. Actuellement, près de 10 000 personnes sont arrêtées chaque jour à la frontière entre les États-Unis et le Mexique alors que l’administration Biden adopte le discours xénophobe anti-immigration du Parti républicain à l’approche des élections de 2024, selon le centre de recherche MIRA : Féminismes y Démocraties.
Également en janvier, le Collectif de Surveillance de la Frontière Sud a exigé la « fermeture immédiate et définitive » des centres d’immigration, après le décès de Jean « N », de nationalité haïtienne, décédé au centre d’immigration Siglo XXI, à Tapachula, Chiapas. Il a déclaré que ce cas n’est pas isolé, mais qu’il s’ajoute à une longue liste de migrants décédés dans les centres d’immigration mexicains. Il a déclaré avoir documenté que dans ces espaces, les migrants sont soumis « à des conditions de surpeuplement, à des conditions insalubres, au manque de services médicaux, à une mauvaise alimentation, à des abus physiques et psychologiques et à des abus sexuels, ce qui constitue un environnement de torture ». Il a également fait état de « cas d’émeutes, de manifestations, d’automutilations et de suicides », ce qui montre « le degré de désespoir et de souffrance vécu par les personnes dans les centres de détention pour migrants ». Il a finalement dénoncé le fait que l’État mexicain entend cacher, voire nier, la réalité de ces centres.
CHIAPAS – Les civils, « barrière humaine » dans le conflit entre groupes liés au crime organisé
En décembre, le diocèse de San Cristóbal, dans sa déclaration intitulée « Un cri pour la paix réduit au silence du fait de la violence armée », a souligné que « dans l’état du Chiapas, nous vivons au milieu de groupes criminels qui se disputent le territoire et utilisent la société civile comme barrière au milier de leurs conflits, sans que les droits des peuples à la sécurité, au libre transit, à la paix entre autres soient respectés ». La zone la plus touchée par cette situation reste la frontière.
En novembre, des milliers d’habitants de la municipalité de Maravilla Tenejapa ont du fuir de leurs communautés. Des groupes criminels ont envahi la région et enlevé le président municipal, Zoel López Gutiérrez, et l’un de ses collaborateurs. La recrudescence de la violence dans cette région au cours des derniers mois a été attribuée à la dispute entre deux organisations criminelles qui cherchent à contrôler les territoires frontaliers stratégiques pour leurs objectifs.
En janvier, les habitants de la municipalité de Chicomuselo, dans la Sierra du Chiapas, ont dénoncé « l’augmentation de la violence aucune réponse de la part de l’État ». Ils ont dénoncé un affrontement survenu le 4 janvier entre deux groupes du crime organisé dans l’ejido Nueva Morelia, appartenant à la même municipalité. Celui-ci aurait fait au moins 20 morts, dont deux habitants civils tombés entre deux feux. La « Société Civile du Peuple de Chicomuselo » affirme que « nous avons vu des centaines de familles quitter Nueva Morelia et les communautés voisines par crainte que les affrontements se poursuivent. Dans cette zone il y a de grands intérêts comme l’exploitation minière et le contrôle de la frontière », ont-ils souligné. Ils se sont aussi demandé : « pourquoi l’armée, la garde nationale et la police n’agissent-elles pas ? Qu’attendez-vous pour démanteler et désarmer ces groupes criminels qui utilisent la population comme barrière humaine ? ».
Des dizaines de familles ont continué à quitter leurs foyers dans les municipalités de Chicomuselo, La Concordia et Socoltenango au cours des semaines suivantes. Le Secrétariat de la protection civile du Chiapas a indiqué qu’il fournit une aide humanitaire aux personnes déplacées, même s’il ne leur reconnaît pas ce statut : il les considère comme des « personnes en situation vulnérable ». AMLO a demandé aux habitants de ces communautés de rester dans leurs lieux d’origine et d’accorder leur confiance à la Garde Nationale et sa capacité pour affronter les groupes criminels. Il a déclaré que « la Garde nationale a pour mission de protéger le peuple, elle n’est pas infiltrée par le crime, il faut lui faire confiance. Et ceux qui ne veulent pas que la Garde soit là, c’est parce qu’ils protègent des criminels.» Le Centre des droits humains Fray Bartolomé de las Casas (Frayba) estime qu’au moins 2 300 personnes ont été déplacées de force de plus de 30 communautés au cours de cet épisode.
En janvier, convoqués par le Peuple Croyant, des milliers de paroissiens du diocèse de San Cristóbal de las Casas ont effectué un pèlerinage à San Cristóbal de Las Casas. Ils ont dénoncé la violence liée au crime organisé et d’autres formes d’injustice dont ils sont victimes. L’évêque auxiliaire, Luis Manuel López Alfaro, a souligné que la construction de la paix est « une tâche urgente face à l’ombre de la mort qui couvre notre état du Chiapas et qui, ces derniers jours, assombrit toute la frontière avec le Guatemala ». « Cette obscurité a été générée par des groupes criminels qui luttent pour savoir qui contrôlera la frontière avec l’Amérique centrale. Cette lutte affecte les communautés. Les groupes criminels les ont obligées à s’aligner sur eux ou à quitter leurs foyers, perdant ainsi tout ce pour quoi ils ont travaillé au cours de leur vie. (…) Cela a généré douleurs, souffrances, extorsions, morts, personnes disparues, communautés déplacées, communautés sans possibilité de circuler librement, communautés décimées », a-t’il ajouté. Faisant référence à la réponse des autorités, il a déclaré qu’ « il n’est pas possible de continuer à nier la réalité et à dire que rien ne se passe au Chiapas, quand c’est tout le contraire. Nous ne pouvons pas rester silencieux ou indifférents face à tant de douleur, de frustration, d’impuissance quand nous nous voyons envahis et gouvernés par ceux qui utilisent les armes et la violence. Nous reconnaissons l’augmentation de la militarisation, mais nous ne voyons pas de résultats. »
EZLN : 30 ans après le soulèvement armé
Le 30e anniversaire du soulèvement de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a été célébré du 30 décembre au 2 janvier au Caracol « Resistencia y Rebeldía : Un Nuevo Horizonte » à Dolores Hidalgo, municipalité d’Ocosingo. Des milliers de personnes, parmi lesquelles des groupes et des organisations nationales et internationales, des médias, des miliciens et des bases de soutien zapatistes ont participé à la célébration. Des activités culturelles ont recréé l’histoire de leur autonomie, la violence du contexte actuel, les critiques contre le système capitaliste et le « mauvais gouvernement », entre autres thèmes (voir Article).
En janvier, plus de 40 membres de l’Organisation régionale des producteurs de café d’Ocosingo (ORCAO) ont déplacé de force 28 bases de soutien de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (BAEZLN) dans la communauté La Resistencia, région de Moisés y Gandhi, municipalité d’Ocosingo. Ils ont détruit l’école primaire autonome, incendié des maisons, volé des biens et dépouillé la communauté de ses animaux, de ses outils et de sa nourriture. En février, des membres de l’ORCAO ont de nouveau attaqué la communauté Moisés y Gandhi. Selon le Réseau national des organisations civiles de défense des droits humains « Tous les droits pour tous » (Réseau TDT), ils ont tiré une série d’environ 100 coups de feu avec des armes de gros calibre. Le Réseau TDT a demandé que « le respect du territoire des BAEZLN, de leur libre détermination et autonomie, ainsi que de leur droit à une vie sans violence soit garanti ». Il a également demandé qu’une enquête immédiate et diligente soit menée pour générer des alternatives qui permettent de mettre fin au climat de violence.
OAXACA – « Entre le PRI et Morena : revers, impunité et simulation »
En décembre, un groupe d’organisations civiles, de défenseurs et de journalistes a présenté à Oaxaca un rapport parallèle préparé dans le cadre de l’EPU sur la situation des droits humains dans cet état. Ce rapport couvre la période 2018-2023 et s’intitule « Entre le PRI et Morena : revers, impunité et simulation ». « Malgré l’alternance politique au niveau fédéral et étatique entre le PRI et Morena, à Oaxaca les violations des droits de l’Homme se sont approfondies. Les revers, la simulation, les omissions, la négligence, la corruption et le manque d’autonomie des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire persistent », ont déclaré les organisations. Elles ont également affirmé que « le manque de volonté politique a été le principal obstacle pour faire face à la grave situation que traverse l’État. La ‘paix’ n’est qu’un discours gouvernemental et une partie de la simulation ».
Les derniers mois ont été marqués par des cas de criminalisation et de persécution de défenseurs des droits humains, principalement dans l’isthme de Tehuantepec. En janvier, un groupe de citoyens et de membres de la communauté organisés comme Résistance Civile Mixtequillense a installé un barrage routier de deux jours sur l’autoroute La Ventosa-Mixtequilla pour exiger information et transparence concernant le parc industriel appelé « Polo de Bienestar » que le gouvernement fédéral a l’intention d’installer dans la municipalité de Mixtequilla. Après un accord d’assemblée, les habitants de Santa María Mixtequilla ont également expulsé de leurs terres des éléments du Ministère de la Marine et ont incendié une installation du Corridor Interocéanique de l’Isthme de Tehuantepec, également pour ne pas avoir été informés des dommages que le projet pourrait causer. Par la suite, une opération policière a été menée, formée par des éléments de la Garde nationale et de la police ministérielle, qui cherchaint à réaliser 10 perquisitions et à appliquer neuf mandats d’arrêt pour le vol présumé d’une voiture de patrouille municipale. Les proches des détenus (7 hommes et deux femmes) ont rapporté que les arrestations avaient été violentes, y compris en recourant à la violence sexuelle et aux menaces à l’intérieur des maisons.
En février, David Hernández Salazar a été condamné à 46 ans et six mois de prison, à une amende de 182 818 dollars et à des dommages-intérêts pour s’être opposé à la construction d’un parc industriel dans le corridor interocéanique. Le défenseur indigène Binnizá est criminalisé depuis 2017 pour sa lutte en défense des terres communales de Pitayal, Puente Madera : il fait face à trois procédures judiciaires. Les organisations sociales de l’isthme de Tehuantepec ont répudié la sentence et ont exigé son annulation quand « ces sanctions constituent un exemple clair de criminalisation et de persécution pour son travail de défenseur du territoire, des droits de l’Homme et des peuples autochtones ».
La violence de genre est une autre préoccupation constante. 13 cas de meurtres de femmes ont été enregistrés depuis le début de l’année. Cela porte le total à 122 crimes contre des femmes depuis le début de l’administration du gouverneur Salomón Jara. Le Secrétariat Exécutif du Système National de Sécurité Publique (SESNSP) informe qu’en 2023, 38 enquêtes ont été ouvertes pour le délit de féminicide à Oaxaca, ce qui place l’entité au sixième rang national l’année dernière. De son côté, GES Mujer a enregistré 95 morts violentes de femmes en 2023, la plupart dans l’Isthme et la zone Mixtèque.
GUERRERO – « La vérité habillée de vert olive »
En janvier, le Centre des Droits Humains de la Montagne Tlachinollán a présenté son XXIXe rapport intitulé « La vérité habillée de vert olive », dans lequel il souligne qu’« à la fin de son mandat de six ans, le président de la République, Andrés Manuel López Obrador, a positionné l’armée comme le principal organe de sécurité doté d’un cadre juridique contraire aux recommandations internationales. Elle dispose d’un budget fédéral important et jouit de prérogatives multiples avec les nouvelles fonctions qui lui sont assignées par décret présidentiel. L’armée est le ministère qui bénéficie de la plus grande reconnaissance, du plus grand soutien et de la plus grande protection de la part du Président de la République, dans la mesure où il est devenu son porte-parole et son défenseur à n’importe quel prix ». « Il insiste pour les exonérer de crimes contre l’humanité et les sépare à tout moment de leur implication dans la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa », a-t’il ajouté.
D’un autre côté, Tlachinollan a souligné que « les autorités du Guerrero ont succombé au crime organisé. Bien que la gouverneure Evelyn Salgado Pinda bénéficie du plein soutien du président de la République, aucun résultat tangible n’a été enregistré après deux ans de mandat. La présence de la Garde nationale est loin d’être un bouclier pour une population sans défense face à la puissance croissante des groupes criminels. Des violences ont éclaté dans les principales villes touristiques et à Chilpancingo. Dans les 8 régions, des cas extrêmement graves ont été enregistrés qui montrent les faiblesses d’un modèle de sécurité conçu par des commandants militaires qui ont subordonné les autorités civiles. Face à cela, « la population lésée est laissée de côté, on se moque des victimes et les appels des familles à la justice ne sont pas entendus. Il existe une distance entre les autorités de l’État et la multiplicité des acteurs de la société civile qui ne trouvent pas de voies de dialogue efficaces pour présenter leurs revendications et propositions. »
Un autre aspect de préoccupation abordé par le rapport concerne le fait que « les gouvernements, au lieu de déclencher un développement avec la participation de communautés qui ont su prendre soin et respecter la nature, ont mis en œuvre un modèle basé sur l’extraction de ressources naturelles, l’exploitation prédatrice des forêts, le pillage des richesses naturelles, la destruction de l’habitat avec l’exploitation minière à ciel ouvert et la décapitalisation des campagnes ».
Dans ce contexte, la situation vulnérable des défenseurs des droits humains et des communicateurs reste critique. En novembre, des hommes armés ont tiré sur quatre journalistes à Chilpancingo. Trois ont été blessés. La semaine précédente, des criminels avaient kidnappé trois journalistes à Taxco, ainsi que leurs proches. Au bout de quelques jours, ils furent relâchés, mais ils ont gardé le captif le fils de l’un d’eux. « Les violences contre les journalistes ont augmenté de façon exponentielle pendant la période électorale », affirme Article 19. Il a exhorté les autorités à lutter contre l’impunité : « Il est impossible de maintenir à perpétuité des mécanismes de protection en faveur des journalistes tant que les enquêtes sur les menaces et les agressions n’avancent pas. Il faut une stratégie efficace qui donne des résultats et dissuade les auteurs de menaces et de crimes contre la presse.» En février, à Zumpango, le chercheur Noé Sandoval Adame, membre du collectif de recherche de la famille María Herrera, a été abattu, alors qu’il recherchait son fils Kevin Sandoval Mesa, 16 ans, disparu le 17 novembre 2023. Le crime a été condamné. Par des groupes et des organisations qui composent la Brigade Nationale de Recherche qui ont exigé une enquête et justice pour Noé et sa famille.