Activités de SIPAZ (Mai – Juillet 2000)
31/08/2000Avant 1994
29/12/2000ACTUALITÉ : Elections au Chiapas – Triomphe historique de l’opposition
Le 20 août, l’état du Chiapas a élu son nouveau gouverneur. Pablo Salazar Mendiguichia, de l’Alliance pour le Chiapas a gagné avec 535 860 voix (51,50% des votes) et Sami David, du Parti Révolutionnaire Institutionnel a obtenu 475 267 voix (45,68%). Le candidat de l’opposition a gagné dans 15 des 24 districts électoraux ; le candidat du parti officiel, dans 9.
Selon l’Institut Fédéral Electoral (IFE), 2 090 545 personnes en âge de voter se trouvaient inscrites sur les listes de vote. Moins de 50% d’entre elles ont finalement voté. L’abstentionnisme a été 10% supérieur à celui enregistré durant les élections présidentielles de juillet.
L’Alliance pour le Chiapas, qui comme jamais auparavant avait regroupé huit partis de toutes les tendances, a triomphé dans les villes les plus importantes : Tuxtla Gutierrez (capitale de l’état), Tapachula et San Cristóbal de las Casas. Ce furent les élections les plus observées de toute l’histoire du Mexique : plus de 4 mille observateurs nationaux et environ une centaine d’internationaux –accrédités par le Conseil Electoral de l’Etat, CEE- se sont déplacés dans tout le territoire du Chiapas.
La journée électorale
En dépit des incidents violents, des menaces, des rumeurs et des fortes attaques verbales entre l’opposition et le parti officiel durant la période préélectorale, la journée de l’élection a été plutôt tranquille, un fait inhabituel pour cet état. Il n’y a pas eu les habituels barrages de l’armée ou de contrôle de la Migration, et les soldats sont restés dans les casernes de la zone.
Les Zapatistes, qui n’avaient pas donné de préférence de vote pour ces élections, n’ont pas non plus empêché ou mis des obstacles au vote dans leur zone d’influence, comme ils l’avaient fait en 1997. On peut remarquer un fort taux d’abstention dans la Selva (leur principale zone d’influence ) : dans un calme quasi général, moins de la moitié des électeurs se sont présentés aux bureaux de vote. Le PRI a gagné avec un très léger avantage dans le district de Ocosingo, avec une différence de 1305 voix.
Dans les zones Nord et Altos (Hauts Plateaux), la tension a été plus importante et plus facilement observable. Dans la première (bastion traditionnel du groupe supposé paramilitaire Desarrollo, Paz y Justicia), malgré un climat de tension et de menaces, et bien que le processus électoral ait surtout été contrôlé par des responsables du PRI, l’Alliance pour le Chiapas a obtenu une grande victoire.
Dans ces zones, autour de 5000 déplacés ont du aller voter dans leurs lieux d’origine ou dans les chefs lieux de district, vu qu’aucun bureau de votes spécial n’avait été installé dans leurs campements.
Irrégularités et avancées dans le processus électoral
Malgré les multiples difficultés administratives, le CEE a agit avec plus d’indépendance et d’impartialité, caractéristiques dont les organismes électoraux n’étaient pas dotés au Mexique – et encore moins au Chiapas- avant la réforme qui commença en 1996.
Malgré les avancées de cet organisme d’état, de multiples dénonciations ont été reçues : achat de votes, contrainte ou induction, usage de programmes sociaux du gouvernement à des fins prosélytes, transport d’électeurs, violation du secret de vote, surtout dans les zones rurales qui représentent la majeure partie du territoire.
Peu de temps après les élections, le 16 octobre, le Congrès de l’état a approuvé une série de réformes électorales grâce à une majorité de cotes des députés du PRI (l’opposition a voté contre). Ces réformes ont été qualifiées de retour en arrière démocratique. Elles comprennent : ne pas permettre aux alliances de partis de participer aux élections pour la présidence municipale et les députés, changer la figure du conseiller citoyen pour celle de conseiller électoral et changer la structure du Tribunal d’Etat Electoral. Parce qu’il était en désaccord, le Président du Conseil d’Etat Electoral, Eduardo Pineda, a présenté sa démission, tandis que les partis d’opposition annonçaient leur intention de faire appel devant la Cour Suprême de Justice pour inconstitutionnalité.
Conflits agraires
La campagne électorale s’est déroulée dans une ambiance de grande tension à cause de différents conflits liés à la terre. A peine deux semaines avant le vote, la violence allait crescendo. Dans les terres de Progreso et Paraiso, municipalité de Yajalon, approximativement 60 familles ont été violemment délogées par un groupe civil et armé qui portait des uniformes et a été qualifié de paramilitaire. A Ocosingo, on a vu un accroissement des disputes agraires entre membres du PRI, de l’EZLN et d’organisations indépendantes.
Dans l’ejido Amador Hernadez, municipalité de Ocosingo, en juin dernier, les habitants ont présenté par l’intermédiaire du Centre des Droits Humains Fray Bartolome de las Casas, CDHFBC- une plainte contre l’armée mexicaine devant la Commission Nationale des Droits Humains, plainte qui fut acceptée. La raison est la spoliation et le préjudice écologique provoqués par l’armée quand elle est entrée dans ces villages le 9 août 99. A ce jour, selon les villageois, de 5 hectares qu’elle occupait au début, elle est passée à 8. Cette plainte a aussi été présentée devant le juge fédéral.
Par un décret publié le 18 octobre, le Président Zedillo a exproprié 3,5 hectares de l’ejido Amador Hernandez. Comme le dit ce décret, ces hectares seront destinés à la construction d’installations militaires. Devant cet acte, le CDHFBC a dit que l’expropriation révèle que l’entrée de l’armée dans ce lieu constitue un travail de contre insurgeance. Il affirme qu’il a confiance que le pouvoir judiciaire de la fédération ne soutiendra pas une violation de droits sociaux.
Les Accords de San Andrés
Par le biais de nombreuses déclarations, le président élu, Vicente Fox, a dit qu’il retirerait l’armée du Chiapas, mais seulement si se rétablit le dialogue avec l’EZLN. De plus il a déclaré que le problème du Chiapas est régional et non national, mais qu’il faut le résoudre. D’après Fox, c’est maintenant le moment de reprendre le dialogue et de trouver une solution pacifique à la problématique de cet état. Sur ce même thème, il a assuré qu’une des taches prioritaires quand il prendra le pouvoir le 1° décembre, sera d’envoyer devant le Congrès, le projet de Loi de la Commission de Concorde et de Pacification (COCOPA) fondé sur les Accords de San Andrés, pour qu’elle soit discutée et approuvée. Quelques députés du PRI ont déjà dit qu’ils appuieraient le projet. Mais il est probable que d’autres propositions parallèles seront présentées. Et l’avenir de la COCOPA fait l’objet de doutes.
Toujours sur ce même thème, la Présidente du Groupe de Travail sur les Populations Indigènes des Nations Unies, Erica Irene Daes, a présenté en réunion plénière de la Sous Commission des Nations Unies pour les Droits Humains, un rapport sur sa visite au Mexique en avril dernier, à l’invitation du Président Zedillo. Dans son rapport, elle recommande au gouvernement fédéral le respect des Accords de San Andrés et, aux deux parties (gouvernement et EZLN), le retour au dialogue. Elle signale aussi que la militarisation des villages indigènes et l’utilisation croissante de l’armée dans des taches de polices créent des situations de violence, une atmosphère de peur et de violations des Droits Humains, incluant le droit à la vie, à l’intégrité physique, à la libre circulation et à des détentions arbitraires.
La recomposition de la COCOPA, instance co-auxiliaire dans le processus de paix au Chiapas est éminente. Il restera à voir la ligne qu’elle prendra face au conflit.
D’autre part, une fois élus les nouveaux sénateurs et députés fédéraux, le Congrès de l’Union sera composé de la manière suivante :
Principaux partis politiques
DIPUTADOS | SENADORES | ||
PAN | 213 | PAN | 46 |
PRI | 210 | PRI | 59 |
PRD | 44 | PRD | 15 |
Fox et les ONG
Marquant une notable différence avec ses prédécesseurs, le président élu, Vicente Fox, a développé des contacts avec diverses organisations non gouvernementales (ONG) de la société mexicaine. Une première réunion a eu lieu en août à Mexico (SIPAZ y a participé). Postérieurement, Fox a participé à une réunion avec des ONG au Canada et aux Etats Unis. En septembre, l’équipe de transition de Fox a annoncé sa proposition de réaliser une réforme législative pour permettre que les ONG mexicaines participent à la planification, l’exécution et l’évaluation de politiques publiques.
Faits Inhabituels
En août, de manière quasi parallèle aux défaites électorales du parti officiel, à Chimalhuacan, Etat de Mexico, une querelle sanglante entre deux groupes du PRI s’est soldée par 10 morts, 42 blessés et 245 arrestations. Guadalupe Buendia « La Louve » fut qualifiée de responsable, elle qui aurait exercé le pouvoir absolu sur ce lieu depuis 1996.
D’une manière inhabituelle, dans une entrevue avec les moyens de communication, le 29 septembre, le général d’Armée, Enrique Canovas Buenrostro, qui a sous ses ordres près de 10 campements militaires dans la zone d’influence zapatiste dans la région de los Altos, a reconnu qu’il existe des groupes paramilitaires dans l’état du Chiapas. Il a indique que ceux ci opèrent dans la région Nord et Selva et que dans la région de los Altos (Hauts Plateaux), l’ambiance est beaucoup plus tranquille.
En septembre, la Procuration Générale de la République (PGR) a émis un ordre de présentation contre des membres de présumés groupes paramilitaires qui opèrent dans les municipalités de Yajalon et Venustiano Carranza. Selon le rapport de cette dépendance, bien que des témoignages et des preuves indiquent qu’ils fonctionnent comme des groupes paramilitaires, la PGR assure qu’il ne s’agit que de bandits.
Le 28 octobre, au milieu d’une impressionnante opération policière, l’Unité Spécialisée pour l’Attention aux Délits Commis par de Probables Groupes Civils Armés de la PGR a arrêté 11 membres du supposé groupe paramilitaire Développement, Paix et Justice et Union Paysanne Indigène Agricole et Forestière (UCIAF). Parmi ceux-ci se trouvaient les dirigeants Samuel Sanchez, ex député du PRI local et Marcos Albino Torres, ex caporal de l’armée. Fut aussi capturé Mario Cruz Perez, dirigeant du groupe qui a envahi le champ Paraiso, de la municipalité de Yajalon.
Selon la PGR, ils sont accusés de délits de terrorisme, possession d’armes à feu à usage exclusif de l’armée, association délictueuse, délinquance organisée, lésion, préjudice et spoliation. L’enquête en cours s’est vue accélérée à partir des événements de Yajalon. Les détenus ont accusé des organisations nationales et internationales de faire pression auprès du gouvernement pour réaliser cette opération à leur encontre. Selon la presse locale, d’autres autorités de l’état (de l’administration du PRI sortante) ont offert un appui économique et politique, ainsi que la meilleure aide juridique aux détenus.
Rapport de Zedillo
Le 1° septembre, le Président Zedillo a fait connaître son dernier rapport annuel. Il a été critiqué par l’opposition pour avoir omis le conflit du Chiapas. Entre autres observations, le Président élu Vicente Fox a souligné qu’il n’a pas abordé les thèmes critiques de ces dernières cinq années, comme le conflit au Chiapas et les massacres d’Acteal et de Aguas Blancas.
Scandale politique
Un jour avant la présentation du rapport de Zedillo, les généraux Francisco Quiros et Mario Arturo Chaparro furent détenus pour leurs liens présumés avec le milieu de la drogue. Le général Rafael Macedo de la Concha, Procureur Général de la Justice Militaire a dit qu’ils pourraient être condamnés à 50 ans de prison s’ils sont reconnus coupables.
Tournées de Fox
Entre août et octobre, le président élu, Vicente Fox, a réalisé des visites en Amérique Centrale (Costa Rica, San Salvador et Nicaragua) ; Amérique du Sud (Chili, Argentine, Brésil et Uruguay) ; Amérique du Nord (Canada et USA) ; Europe (Espagne, France, Allemagne, Belgique et Angleterre) ; et en Colombie pour une rencontre avec les gouvernements et les chefs d’entreprise, pour « présenter le nouveau visage du Mexique », et relancer les accords commerciaux.
Elections au Tabasco
Au milieu d’élections douteuses, le 22 octobre, le candidat du PRI Manuel Andrade a été déclaré officiellement nouveau gouverneur de Tabasco, voisin du Chiapas,. Dans cette lutte électorale son adversaire le plus fort a été le candidat du Parti de la Révolution Démocratique, PRD, Cesar Raul Ojeda. D’après l’Institut Electoral de Tabasco, le PRI a obtenu 298 986 voix et le PRD 290 968. Les représentants du PRD ont dénoncé une fraude et n’ont pas avalisé les élections. Ils ont dit qu’ils porteraient l’affaire jusqu’aux organismes du Pouvoir Judiciaire Fédéral. En même temps, ils ont exprimé leur attente d’une déclaration du président élu, Vicente Fox qui ne s’est pas manifesté à ce sujet.