Activités du SIPAZ (De mi-novembre 2023 à mi-février 2024)
08/03/2024ÉDITION SPÉCIALE : Élections 2024
01/07/2024
E n mars, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, Volker Türk, a déclaré que les prochaines élections au Mexique « doivent être préservées de la violence ». Le 2 juin, ces élections permettront de désigner plus de 20 000 fonctionnaires, dont le chef de l’État, ainsi que les membres des deux chambres du Congrès et un large éventail de représentants et d’autorités locales et étatiques.
Le président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a minimisé le risque en déclarant qu’« il n’y a heureusement rien de grave ». Il a déclaré qu’ « avec tout le respect que je lui dois, le Haut commissaire est très, très partial ; il est contre nous et est de mèche avec ceux qui veulent montrer que le Mexique est un pays très violent. Vous pouvez voir ce que font nos adversaires et les médias manipulateurs”. López Obrador a dénoncé « l’atmosphère » dans laquelle ses « adversaires » promeuvent un discours « de violence, d’attaques contre les journalistes et les candidats, en d’autres termes, ils cherchent à dramatiser » ce qui se passe et ils parlent d’« élections d’État ».
Peu avant les élections, plus de 500 candidats étaient déjà sous protection fédérale, escortés par plus de 3 000 membres des forces armées. Les autorités reconnaissent que 15 candidats ont été assassinés depuis le début du processus électoral, mais l’organisation citoyenne Data Cívica en dénombre 30, tandis que la société de conseil DataInt en dénombre 39, avec un total de 149 assassinats politiques, si l’on tient compte des conseillers, des fonctionnaires et des membres de la famille des candidats. Le gouvernement a également annoncé que le jour des élections, le pays serait gardé par plus de 260 000 membres des forces armées et de la Garde Nationale.
En avril, Data Cívica, México Evalúa et Animal Político ont présenté une nouvelle étude intitulée « Democracia vulnerada : el crimen organizado en las elecciones y en la administración pública en México » (Démocratie en risque : le crime organisé et son role dans les élections et l’administration publique au Mexique). Ils concluent que la violence politico-criminelle au Mexique n’affecte pas seulement les partis et les candidats, mais que la violence contre tous les types d’acteurs politiques fait chuter la participation citoyenne de trois points de pourcentage. De même, pour chaque attaque contre les candidats, l’absence des responsables des bureaux de vote augmente de près de 1 %. L’étude confirme que la violence politico-criminelle est plus fréquente au niveau municipal : 77% des victimes aspiraient ou occupaient un poste dans cet ordre de gouvernement. « L’intérêt des organisations criminelles se situe au niveau local, car c’est ainsi qu’elles construisent leur contrôle territorial : localité par localité, pour ensuite contrôler des municipalités et des régions entières », souligne l’étude.
Violence au Mexique : désaccords sur le diagnostic
En mars, la Conférence épiscopale mexicaine (CEM) a rencontré les trois candidats aux élections présidentielles de 2024, Claudia Sheinbaum, Xóchitl Gálvez et Jorge Álvarez Máynez, pour signer l’« Engagement national pour la paix ». Le document comprend 117 propositions sur la sécurité, la justice, le développement et les droits humains, qui ont été élaborées lors de forums organisés dans les états et auxquels plus de 18 000 personnes ont participé en 2023. Il cherche à « construire une voie pour aborder efficacement l’action collective qui peut faire face à la crise de la violence et de la décomposition sociale qui afflige notre Nation ». Avec les réserves de la candidate moréniste Claudia Sheinbaum, les trois candidats à la présidence ont signé l’Engagement se compromettant à le respecter s’ils remportent les élections. Les désaccords de Claudia Sheinbaum proviennent du fait qu’elle ne partage pas le diagnostic contenu dans le document.
« Je viens m’engager non seulement à titre personnel, mais le Movimiento Ciudadano reprendra ce document et nos candidats (…) seront obligés de soutenir cette vision d’un changement de stratégie, d’un changement de modèle de sécurité dont le pays a besoin de toute urgence. Nous devons sortir de cette horreur et je félicite cet effort pour s’engager dans cette voie », a déclaré le candidat du Movimiento Ciudadano, Álvarez Máynez. Il a reconnu qu’il n’était pas en tête des préférences électorales et a qualifié d’inquiétant le fait que les deux principales candidates aient participé aux stratégies qui ont échoué.
La candidate de la coalition Fuerza y Corazón por México (PRI-PAN-PRD), Xóchitl Gálvez, a déclaré qu’elle « trouve une harmonie et une coïncidence parfaites avec ce que j’ai mis en avant au cours des jours de campagne, nos 15 propositions de sécurité, et pour moi la plus importante est la démilitarisation de l’administration publique ».
La candidate à la présidence pour Morena, le PT et du Parti Vert, Claudia Sheinbaum, a énuméré plusieurs points sur lesquels elle n’était pas d’accord : le diagnostic « pessimiste », « les références à une supposée militarisation ou militarisme dans le pays, et les points où le rôle de l’État est minimisé ou relativisé » ou le fait que « la criminalité de droit commun a augmenté au Mexique, alimentée par la marginalisation et la recherche de reconnaissance et de justice sociale ». Le lendemain, AMLO a déclaré que « bien sûr, je respecte beaucoup les églises, mais politiquement, je ne suis pas d’accord avec le désir de créer un contexte qui n’existe pas ».
De nombreux problèmes des droits de l’homme sans réponses adéquates
En avril, le Centre mexicain du droit de l’environnement (CEMDA) a publié son rapport 2023 sur la situation des défenseur.e.s des droits humains en faveur de l’environnement, dans lequel il révèle que 20 personnes présentant ce profil ont été assassinées l’année dernière. Cela porte à 102 le nombre total de défenseur.e.s de l’environnement assassinés au cours du mandat présidentiel actuel. Au cours de la même période, 282 agressions contre 416 personnes et communautés défendant les droits en matière d’environnement ont été enregistrées, au cours de 123 incidents différents. Le principal agresseur est le gouvernement, impliqué dans 61 des 123 incidents, suivi par le crime organisé, avec 37 cas, et les entreprises privées, avec 19 cas. Parmi ces incidents, 12 étaient liés au projet du « Train Maya » et 6 au corridor interocéanique de l’isthme de Tehuantepec. 57,7 % de ceux-ci ont été commis à l’encontre de populations indigènes.
En avril, la Red Todos los Derechos para Todas y Todos (Red TDT) a dénoncé « la criminalisation réalisée par le président AMLO lors d’une conférence de presse pour délégitimer le Centre des droits de l’Homme Fray Bartolomé de las Casas au Chiapas et le Centre des droits de l’Homme Miguel Agustín Pro Juárez dans la ville de Mexico ». « Ce discours aggrave la réalité, car le Mexique reste l’un des pays les plus dangereux pour le journalisme et la défense des droits humains. Selon l’ONU-DH, entre janvier 2019 et février 2024, il y a eu au moins 103 meurtres de défenseurs des droits de l’Homme, 41 journalistes, 7 de travailleurs des médias possiblement du fait de leur travail ; en outre, 38 défenseurs ou journalistes ont disparu, 25 ont retrouvé leur liberté après avoir été kidnappés et 13 sont toujours portés disparus », a-t-il dénoncé. Peu avant, AMLO avait déclaré à propos des deux organisations « qu’elles cherchaient à créer une atmosphère de violence, qui n’a pas les dimensions que vous enregistrez ».
L’inventaire national de la militarisation a documenté qu’à au moins 291 occasions les trois niveaux de gouvernement ont transféré des fonctions et des budgets civils aux forces armées entre 2006 et 2023. Cela s’est fait par le biais de deux réformes constitutionnelles, 12 réformes législatives fédérales, 19 décrets et accords présidentiels, et 258 accords privés signés entre les forces armées et les autorités civiles fédérales, étatiques et municipales. L’inventaire conclut que le gouvernement d’AMLO est celui qui a le plus militarisé le Mexique, car 83 % des accords conclus avec les forces armées n’avaient rien à voir avec la sécurité. L’inventaire fait état de la signature de 19 accords militaires conclus au cours de l’actuel mandat de six ans. La plupart d’entre eux ont permis la création d’entreprises publiques sous le contrôle des forces armées qui leur permettent de participer à des projets gouvernementaux prioritaires, tels que le Train Maya. L’inventaire affirme que la militarisation est problématique : « Tout d’abord, parce qu’il s’agit d’un processus qui va à l’encontre de la Constitution. Deuxièmement, parce que les forces armées sont gérées dans le cadre d’un régime spécial et ne sont donc pas soumises aux mêmes obligations et contrôles que les institutions civiles (…). Troisièmement, parce que les données empiriques recueillies au Mexique montrent que l’implication des forces armées dans les tâches de sécurité publique n’a pas seulement échoué à contenir la violence, mais a contribué à l’exacerber ».
CHIAPAS : Entre violence électorale et violence criminelle
En mai, les évêques du Chiapas ont exprimé leur préoccupation quant à la situation de certaines régions de l’état affectées par la violence générée par des groupes criminels, où, selon eux, les conditions ne sont pas réunies pour la tenue d’élections. Ils ont parlé de « la vague de violence présente dans nos diocèses, qui déstabilise la société et est souvent générée par le crime organisé ; la présence de la corruption à tous les niveaux du gouvernement, qui cause tant de dommages au bien-être des communautés et des familles ». Ils ont également identifié d’autres défis, tels que les migrations, les extorsions de fonds, l’insécurité, la pauvreté généralisée, le retard en matière d’éducation et de santé, le manque d’opportunités d’emploi et l’inégalité entre les hommes et les femmes. Ils ont également noté que les candidats à tous les niveaux semblent manquer de propositions concrètes pour relever ces défis. Au moment de la publication de ce texte, il y avait eu au total 15 attaques contre des candidats et des aspirants aux élections au Chiapas, dont quatre avaient été tués.
Alors que zones d’alerte continuent de se multiplier dans presque tout l’état, celles où les niveaux de violence sont les plus élevés se trouvent dans les régions de la Frontière et de la Sierra. En avril, le Centre des droits de l’Homme Fray Bartolomé de las Casas (Frayba) a répondu aux accusations du président López Obrador qui l’accusait d’« amplifier » la situation de violence au Chiapas. Il a réaffirmé que « c’est avec inquiétude que nous avons constaté et rendu visible que, au moins depuis juin 2021, la situation de violence s’est aggravée comme un cancer dans notre état, ceci dans le contexte de la dispute criminelle pour le contrôle du territoire. Cette situation se caractérise non seulement par des affrontements armés entre groupes criminels, mais aussi par leurs efforts pour contrôler la vie sociale, économique et politique des communautés, dans une large mesure par le biais de stratégies de terreur. En conséquence, la population du Chiapas subit de graves répercussions, en particulier dans les régions frontalières et de la Sierra, avec une tendance à s’étendre à d’autres régions de l’état ».
L’incident le plus grave s’est produit en mai lorsque onze personnes ont été tuées à Nuevo Morelia, dans la municipalité de Chicomuselo, dans le cadre d’affrontements entre les cartels de Jalisco Nueva Generación (CJNG) et de Sinaloa (CS), qui s’étaient intensifiés les jours précédents. AMLO a reconnu que « cette région connaît des problèmes d’insécurité ». Cependant, il a assuré que les conditions étaient réunies pour que les élections aient lieu au Chiapas le 2 juin.
Impacts liés à l’augmentation de la violence
Les niveaux de violence ont un impact croissant sur la population. En février, Melel Xojobal a averti que plus de 2 507 enfants et adolescents des Hauts-Plateaux du Chiapas risquaient d’être recrutés par le crime organisé. Il a déclaré que la plupart des victimes du recrutement forcé ont entre 15 et 21 ans en moyenne et sont indigènes. Une fois recrutés, ces jeunes sont contraints de faire des courses, de vendre et de transporter de la drogue, de recruter d’autres personnes et d’effectuer des travaux de surveillance. Dans le cas des femmes, elles sont obligées de faire le ménage et d’être serveuses dans des bars, voire d’être victimes d’exploitation sexuelle. Les jeunes peuvent également être contraints de prendre part à des affrontements contre des groupes rivaux, ainsi que de s’engager dans des activités criminelles y compris des meurtres sous contrat.
En mars, dans le cadre de la Journée Internationale de la Femme, des milliers de femmes ont manifesté dans différentes villes du Chiapas pour demander que justice soit rendue aux victimes de féminicides et pour faire en sorte que la violence à l’égard des femmes cesse. Selon les chiffres de l’Alerte de la violence de genre (AVG) de l’état, en 2023, 2 302 crimes ont fait l’objet de dossiers d’enquête. La majorité correspond à la violence domestique (899), suivie par la pédophilie (387), le viol (288), le non-respect des obligations d’assistance familiale (282), les abus sexuels (154), le harcèlement sexuel (92), les délits contre la vie privée ou l’intimité sexuelle (52) et les féminicides (35), entre autres.
En avril, le Frayba a présenté son dernier rapport « Toucher le vide », qui vise à faire une première radiographie du problème des disparitions, un phénomène qui a connu une croissance exponentielle dans l’état. « En 2019, un total de 68 personnes disparues ont été enregistrées, en 2022, le chiffre était de 244 personnes disparues et d’année en année, ce chiffre a augmenté ; au cours de cette période, le phénomène a augmenté de 358% », a-t-il déclaré (voir Dossier). En mai, dans le cadre de la fête des mères, des milliers de mères du Chiapas ont réalisé des actes symboliques exigeant la vérité, la justice et des garanties de non-répétition face aux disparitions forcées, aux féminicides et aux meurtres de leurs fils et de leurs filles.
Demandes et réponses de la société civile face à un contexte défavorable
Malgré un contexte défavorable, les actions en faveur de la vie, de la paix et de la sécurité se sont poursuivies. En mars, plus d’un millier d’indigènes tzeltales appartenant u gouvernement communautaire de Chilón ont organisé une manifestation pour exiger la fin de la violence générée par les partis politiques et les groupes criminels. Ils ont déclaré qu’ils continueraient à « construire des chemins de vie à partir de notre autonomie », à promouvoir « les valeurs collectives plutôt que les individuelles » et à lutter « pour la Terre Mère face à la menace du modèle d’extraction ».
En mars, dans le cadre de la Journée mondiale de l’eau, des habitants et des activistes ont manifesté à San Cristóbal de las Casas pour défendre l’eau et la vie. Ils ont déclaré que « le Mexique est confronté à de graves problèmes et défis en raison du manque de disponibilité et de qualité de l’eau destinée à la consommation humaine. La grave sécheresse qui nous frappe a de multiples causes interconnectées : le changement climatique, la déforestation, la croissance démographique, l’absence d’une culture qui prend soin de l’eau, la mise en œuvre de politiques publiques qui répondent aux lois du marché mondialisé, un modèle de gestion de l’eau qui conduit à la surexploitation, à la thésaurisation, à la pollution, à la dépossession et à la privatisation de ce liquide vital ».
En mars, les autorités communales de la municipalité de Nicolás Ruiz ont appelé les villages environnants à former une « Alliance pour la sécurité et le bien de nos territoires ». Ils ont expliqué qu’« ensemble, nous pouvons prendre soin de nous-mêmes, car nous ne voulons pas que se répètent des événements comme celui qui s’est produit le 1er mars 2024, lorsqu’un groupe de personnes appartenant au crime organisé a pénétré sur notre territoire pour y mener à bien des activités illicites ». Ils ont dénoncé le fait que « l’État mexicain est bien conscient de ce qui se passe et nous exigeons qu’il contrôle ceux qui travaillent pour eux parce que les institutions gouvernementales et les hauts fonctionnaires permettent et protègent les actions de ces groupes ».
En avril, plus de 300 personnes ont manifesté pour la paix et la sécurité à San Cristóbal de Las Casas. Cette manifestation a été organisée à la suite de l’enlèvement d’un garçon de onze ans quelques jours plus tôt. Bien que l’enfant ait été secouru, sain et sauf, par la police la nuit précédant la marche, il a été décidé de maintenir cette dernière. Les manifestants, dont beaucoup d’enfants des quartiers de la zone nord de la ville, portaient des drapeaux et des ballons blancs. Le cas de l’enlèvement de ce mineur s’ajoute aux 2 476 cas d’enfants et d’adolescents disparus entre 2018 et mars 2024, dont 40 % n’ont toujours pas été retrouvés.
En avril, des catholiques tzotziles de la municipalité de Chalchihuitán ont organisé un pèlerinage pour exiger la fermeture des bars et pour que les prochaines élections « se déroulent dans la paix, sans armes ni violence, et pour que le vote soit libre et secret ». Plus d’un millier de participants se sont joints à ce pèlerinage « pour la vie et la paix ».
OAXACA : Préoccupations liées au contexte électoral et au delà
Bien que les niveaux de violence électorale ne soient pas aussi élevés que d’autres états mexicains, en avril, le Réseau national des avocates indigènes a exprimé sa préoccupation concernant les récentes désignations de candidats indigènes, observant une « tendance utilitaire de l’identité indigène en recourant à auto-inscription qualifiée ». Il a appelé les autorités électorales à mettre en œuvre des mécanismes pour éradiquer l’usurpation et la simulation qui permettent à des « opportunistes de profiter des actions positives en faveur des indigènes ». Il a assuré que la plupart des candidats n’ont pas de lien réel avec les communautés indigènes : « ils prétendent l’être dans le but d’obtenir une candidature indue ». Au Oaxaca, « sous la protection » de ce type d’action positive, 233 personnes ont été enregistrées comme candidates, dont 16 personnes âgées, 12 jeunes, 162 indigènes, 29 Afro-Mexicains, 16 personnes issues de la diversité sexuelle et 24 personnes handicapées.
En mars, le Forum pour la défense du territoire et de la propriété collective s’est tenu à Santa María Atzompa. Dans une déclaration finale, les participant.e.s ont dénoncé « les tentatives croissantes de privatisation de la terre, comme le montre l’échec de la proposition du gouvernement de l’état (…) avec son programme de certification des terres, qui, du fait de la pression et du mécontentement social, a dû être retiré ; sans que cela signifie que ce sera la seule et dernière tentative, compte tenu de la politique d’imposition de grands projets par des entreprises privées en collusion avec l’État ». Ils ont également dénoncé la « politique de pillage et la guerre d’extermination contre nos peuples et communautés indigènes, nos modes de vie et d’organisation », indiquant que ces politiques s’accompagnent de programmes sociaux qui favorisent l’individualisme et détruisent la collectivité. Ils ont réaffirmé qu’ils continueraient à construire « des mouvements de résistance et d’organisation pour défendre et protéger nos terres, nos ressources naturelles, nos territoires et préserver notre mode de vie traditionnel ».
En avril, onze communautés zapotèques de Valles Centrales organisées dans le cadre du Frente No a la Minería por un Futuro de Todas y Todos (Non à l’exploitation minière pour un avenir pour tous et toutes) ont déclaré avoir obtenu la suspension pure et simple des concessions minières sur leurs territoires, affectés par le projet minier de Fortuna Silver Mines (FSM) à San José del Progreso. Ils ont rappelé que « nos décisions sont déjà exprimées par le biais de nos déclarations de territoires qui interdisent l’exploitation minière ». Ils ont dénoncé le fait que « loin de reconnaître, de respecter et de garantir nos droits, les deux niveaux de gouvernement ont tenté de promouvoir l’exploitation minière sur nos territoires, en violant notre droit à l’autodétermination ».
En mars, dans le cadre de la Journée Internationale de la Femme, des centaines de femmes ont manifesté à Oaxaca pour demander justice pour les cas de femmes violées, disparues ou assassinées dans cet état. Selon le groupe d’études féminines « Rosario Castellanos », 126 femmes sont mortes victimes de féminicide depuis le début de l’administration du gouverneur Salomón Jara en 2022. Avant les manifestations, les organisations et collectifs de femmes ont dénoncé la « campagne de stigmatisation et de criminalisation des protestations et des marches (…). Nous condamnons la construction d’un discours qui montre du doigt, accuse et juge les femmes qui, dans leur droit légitime de manifester, descendront dans la rue aujourd’hui pour dénoncer la violence féminicide qui s’est accrue sous la protection de l’État ». Ils ont exprimé leur inquiétude quant au fait que « les collectifs et les groupes féministes sont ciblés et isolés – même les organisations où des enfants et adolescentes participent- dans le but de les confronter au public ».
GUERRERO : l’état avec le plus grand nombre de victimes de violence politique
Dans le cadre du processus électoral de 2024, à la mi-mai, l’état du Guerrero était celui qui avait enregistré le plus grand nombre de victimes de violence politique, avec au moins 80 cas. Parmi les personnes assassinées figuraient Ricardo Taja, candidat à la présidence municipale d’Acapulco, et Tomás Morales Patrón, candidat à la présidence municipale de Chilapa, tous deux appartenant à Morena. Jaime Dámaso Solís, candidat à la présidence de Zitlala pour le Parti d’Action Nationale, Marcelino Ruiz, candidat à la présidence d’Atlixtac pour le Parti de la Révolution Démocratique, et Alfredo González, candidat à la présidence d’Atoyac pour le Parti du travail, ont également été assassinés. Les municipalités de Taxco, Chilpancingo et Coyuca sont celles où le plus grand nombre d’agressions ont été signalées. De même, 22 municipalités ont signalé des cas de violence politique fondée sur le genre, touchant à la fois les hommes et les femmes.
Les trois derniers mois ont également été marqués par une frustration et un désespoir croissant face à l’absence de progrès dans l’affaire de la disparition forcée des 43 étudiants d’Ayotzinapa en 2014. En mars, un groupe d’étudiants d’Ayotzinapa a enfoncé de force l’une des portes du Palais national. Les étudiants se trouvaient sur le Zócalo de Mexico avec des parents des 43 disparus pour protester contre l’absence de réponses du gouvernement dans cette affaire. Les pères et les mères des 43 étudiants ont rappelé que López Obrador avait promis lors de sa campagne présidentielle de clore l’affaire Ayotzinapa, mais qu’à quelques mois de la fin de son mandat, il n’avait pas tenu sa promesse et avait même annoncé qu’elle ne serait pas résolue au cours de son mandat.
En mars, Yanqui Kothan Gómez Peralta, un étudiant d’Ayotzinapa, a été tué et un autre blessé : la police a ouvert le feu alors qu’ils ne s’étaient pas arrêtés à un poste de contrôle. Le secrétaire à la sécurité publique de l’état du Guerrero a qualifié ce qui s’est passé d’« événement fortuit ». Le Centre des droits humains Tlachinollan a déclaré : « face à une grave violation des droits de l’homme, le moins qu’un gouvernement qui se dit démocratique puisse faire est de garantir une enquête objective et impartiale, de procéder à la protection de la scène du crime et de présenter les policiers impliqués aux autorités compétentes. Ils ont fait le contraire, ils ont laissé les policiers construire leur propre version des faits et leurs supérieurs avaliser leurs actions criminelles (…) Avec leur version fallacieuse, ils encouragent le lynchage médiatique des étudiants. Ils incitent à la violence et aux positions dures. Ils concentrent leur attaque sur les étudiants, les désignant comme la cause du chaos et de la violence, alors que les auteurs de graves violations des droits de l’homme sont des agents de l’État ».
Sur une note plus positive, en avril, le peuple Me’phaa de la municipalité de Malinaltepec a inauguré un nouveau système de sécurité et de justice indigène basé sur l’autonomie, l’autodétermination et la reconnaissance des autorités du peuple. Ce système de sécurité et de justice appelé « Sistema de Justicia Seguridad de Resguardo Territorial Indígena » (Serti) cherchera à se consolider face à la menace des organisations criminelles, à l’installation d’entreprises minières et face à la crise de la gouvernance dans la région.