Activités de SIPAZ (Novembre 1999 – Février 2000)
31/03/2000SYNTHESE : Actions recommandées
31/08/2000ACTUALITÉ I : Chiapas – Belligérance Militaire, Obstructionnisme Diplomatique
Nouvel évêque
Le 31 mars, la nouvelle de la nomination de l’évêque de Tapachula, Mons. Felipe Arizmendi comme successeur de Mons. Samuel Ruiz, évêque du diocèse de San Cristóbal de las Casas a été rendue publique. Une des premières réactions de l’évêque Arizmendi a été: «Je ne viens pas à San Cristóbal pour combattre ou détruire, mais pour compléter». Des représentants de ce diocèse ont exprimé leur approbation devant cette nouvelle et l’évêque Samuel Ruiz a demandé à tous les agents pastoraux et aux catholiques de son diocèse la « continuation de leur accompagnement et soutien à la voie diocésaine », à présent que le pasteur sera Mons. Arizmendi (à partir du premier mai).
Mouvements militaires
Au cours de ce trimestre, ont été fréquentes les dénonciations des communautés quant à la présence militaire, les survols d’hélicoptères et d’avions, le nombre de campements et de barrages, ainsi que le harcèlement de la part de soldats à proximité de nombreuses communautés indigènes en résistance. Les communautés ont également commenté que l’armée a établi un réseau d’indiens du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) pour espionner et s’introduire dans les villages afin de photographier et harceler les sympathisants zapatistes.
Le 17 mars, les autorités ont exigé à des centaines d’indigènes de la Forêt Lacandone qui, depuis 1994, se sont établis dans la réserve naturelle de ‘Montes Azules’ de quitter ce lieu. S’ils ne le faisaient pas, ils seraient expulsés par la force. Elles les ont accusés de « délits écologiques ». Le 3 avril, des dizaines d’agents de la Police Fédérale Préventive sont arrivés au terrain communal Candelario (Ocosingo), accusant ses habitants de « dommage écologique » et menaçant de les expulser s’ils n’abandonnaient pas les lieux de manière volontaire. Ces Indiens vivent dans la réserve naturelle de la Forêt Lacandone depuis les années 70. L’explication des mêmes habitants est qu’ils constituent un obstacle dans le cadre de la construction de la voie militaire entre San Quintín et Guadalupe Tepeyac (deux des casernes les plus importantes dans la Forêt Lacandone).
Parallèlement, on a pu observer de nombreux exemples de résistance civile de la part de sympathisants zapatistes: barrages de routes, marches (comme celle de la Journée Internationale de la Femme, avec la participation d’environ 15.000 femmes et hommes) ainsi que d’autres activités (comme la Consultation Nationale sur les Droits de la Femme dans le cadre de la Journée Internationale de la Femme, réalisée dans 50 municipalités du Chiapas et où plus de 85 milles personnes ont pris part). Les principales demandes restent les mêmes: le démantèlement des campements militaires, la suppression des barrages, le retrait de l’armée Mexicaine de la région et le respect des Accords de San Andrés.
Accords de San Andrés
Quatre années après la signature des Accords de San Andrés, le secrétaire de la Commission de l’Episcopat Mexicain (CEM), Abelardo Alvarado, a fait remarquer que la situation au Chiapas reste préoccupante, dans la mesure où il n’y a toujours pas de nouvelle instance de médiation. Il a ajouté que l’Eglise ne peut pas jouer ce rôle; de ce faire, elle souffrirait le même harcèlement que Mons. Samuel Ruiz lorsqu’il présidait la Commission Nationale d’Intermediation (CONAI).
Lors d’une visite au Chiapas, le président Zedillo a assuré qu’il a respecté les Accords de San Andrés. D’un autre côté, Francisco Labastida, candidat à la Présidence du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), au cours de sa visite à l’entité début mars, semblait avoir d’ores et déjà annulé toute possibilité de négocier avec l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) de possibles changements à l’initiative de loi présidentielle sur les accords de San Andrés. Il a affirmé que «le pouvoir législatif du pays ne peut être substitué par un petit groupe de personnes. Les lois ne se font pas depuis la jungle».
Carlos Payán et Gilberto López y Rivas, représentants du PRD (Parti de la Révolution Démocratique) au sein de la Commission de Concorde et Pacification, la COCOPA, ont exprimé que le fait que le gouvernement fédéral n’a pas respecté les Accords de San Andrés fait que quatre années après leur signature ils sont « virtuellement lettres mortes ». Ils ont aussi dénoncé le fait que la situation des autochtones a empiré et que les possibilités de reprendre la négociation avec l’EZLN sont toujours plus lointaines.
Suite à l’opposition des sénateurs du Parti d’Action Nationale (PAN) et du parti de la Révolution Démocratique (PRD), la Loi Indigène élaborée par Zedillo ne sera pas approuvée au cours de son sexennat. Selon les mêmes sénateurs, cette loi ne répondrait pas aux Accords de San Andrés.
Paralysie de la COCOPA
La vieille léthargie de la COCOPA a augmenté au cours de ces derniers mois suite au veto exprimé par certains membres du PRI à l’encontre de nouvelles initiatives, comme par exemple une visite au Chiapas pour enquêter sur les dénonciations quant à l’augmentation de la militarisation. Ils ont aussi tous voté pour annuler le Séminaire International sur les Négociations de Paix dans les Conflits Armés, promu par le sénateur du PRD, Carlos Payán. Après avoir critiqué la participation du PRI au sein de la COCOPA, Payán a fait remarqué que même si cette instance législative ne sert qu’à «préserver le cessez le feu au Chiapas, c’est un rôle suffisamment important pour considérer la possibilité de la maintenir dans la prochaine législature».
Déclarations officielles
Au cours de la troisième semaine de février, le Coordinateur Gouvernemental pour le Dialogue, Emilio Rabasa, a dit que le conflit chiapanèque ne pourra pas se résoudre durant ce sexennat parce que l’EZLN s’applique à le prolonger et parce que l’intransigeance des zapatistes est en passe d’en finir avec la patience de la société civile. A la fin mars, Rabasa a soutenu que le soulèvement de l’EZLN n’a servi qu’à «mettre en évidence la dramatique situation de misère et de marginalisation dans laquelle de nombreuses communautés du Chiapas vivent à l’échelle nationale et internationale», mais il n’a pas aidé à résoudre les problèmes; au contraire, le prolongement du conflit armé a augmenté les besoins, en particulier dans les zones où les zapatistes se trouvent. Le président Zedillo, au cours de sa trente-et-unième visite à l’entité, a défini la situation du Chiapas comme issue «d’une culture de la violence dont quelques communautés souffrent hélas encore».
Commentaires internationaux
Au cours de sa visite au Mexique, durant la première semaine de février, la Présidente du Groupe de Travail sur les Peuples Autochtones de l’Organisation des Nations Unies (ONU), Erika Daes, a demandé au gouvernement mexicain de respecter les Accords de San Andrés. Elle a également opiné qu’au Guerrero et au Chiapas, l’armée mexicaine doit suspendre ses patrouilles et retourner à ses casernes, que les responsables des massacres perpétrés dans ces états doivent être punis. Elle s’est exprimée en faveur du fait que les groupes guérilleros laissent les armes et «fassent un effort pacifique de dialogue avec le gouvernement». Elle a ajouté que l’ONU pourrait servir de médiation si le gouvernement et l’EZLN le lui demandaient.
Une semaine plus tard, sa collègue, la Relatrice sur les Exécutions Extrajudiciaires, Asma Jahangir, a présenté à l’ONU le rapport de son voyage au Mexique en juillet 99. Dans ce rapport, elle affirme que les gouvernements fédéraux et locaux, l’armée, les groupes paramilitaires et groupes armés de l’opposition «exécutent des personnes innocentes dans tout le pays, principalement au Chiapas et au Guerrero». Au sujet des massacres dans ces états, elle a ajouté que «tous les responsables intellectuels et matériels n’ont pas été arrêtés» et qu’en outre «l’incapacité du système judiciaire au Mexique provoque l’augmentation des violations des droits humains». Elle a recommandé au gouvernement mexicain de «continuer le processus de réformes qu’il a déjà commencé», mais qu’en même temps «il démilitarise la société» et «qu’il évite d’utiliser les Forces Armées pour maintenir l’état de droit ou pour combattre la criminalité».
Le Procureur Général de la République Jorge Madrazo a opiné que le rapport a été fait «sans preuves y sans objectivité». La Secrétaire des Relations Extérieures, Rosario Green a accusé la relatrice d’être allée au-delà de ses fonctions en analysant dans son rapport le rôle de l’armée fédérale et a qualifié le rapport comme manquant d’équilibre et d’objectivité. Le 23 mars, au cours d’un voyage en Europe, Rosario Green avait reconnu au Portugal que le Mexique « lamentablement » n’a pas été capable de mettre fin aux violations des droits humains, ni de cimenter « d’une manière très solide » une culture de respect de ces garanties et de combat contre l’impunité.
Dans son rapport annuel, présenté fin février, le Département d’Etat Nord américain a commenté que le gouvernement mexicain «de manière générale a respecté la plupart des droits humains de ses citoyens», mais qu’il subsiste cependant «de sérieux problèmes, comme par exemple la corruption de la police, les arrestations arbitraires, l’inefficacité et la corruption du système judiciaire, la discrimination à l’encontre des communautés indigènes, les menaces contre les promoteurs de droits humains».
Le 2 avril, durant une visite au Chiapas, le président du Parlement européen pour les relations avec l’Amérique Centrale et le Mexique, Antonio Seguro s’est déclaré prêt à servir de médiation dans le conflit de l’entité. Bien que le gouverneur de l’état Albores lui a assuré qu’il n’avait pas connaissance de l’existence de groupes paramilitaires au Chiapas, Seguro a affirmé : «Il nous semble que, pour qu’il existe un Etat de droit au Chiapas, il faut lutter contre les paramilitaires dans la mesure où ils constituent un obstacle pour que les déplacés retournent chez eux».
Juridiction internationale
Fin février, depuis Washington, le coordinateur de la mission diplomatique du Mexique auprès de l’Organisation des Etats Américains, a commenté que le Mexique n’assisterait pas à la réunion de la Commission Interaméricaine des Droits Humains (CIDH) prévue pour le mois de mars. Il a expliqué qu’il avait peur d’être « placé sur le banc des accusés ». Le gouvernement avait été invité par un groupe d’organisations non gouvernementales (ONG) mexicaines. Au cours de l’audience du 2 mars, ces mêmes organisations ont présenté un rapport sur la situation des droits humains au Mexique. Quelques jours plus tard, huit organismes internationaux (parmi ceux-ci, Amnistie Internationale et Human Rights Watch) ont dénoncé devant la CIDH le fait que le gouvernement mexicain n’a toujours pas répondu aux recommandations que la CIDH a émises.
Le Mexique et le commerce international
A la mi-février, les Ministres des Relations Extérieures de l’Union Européenne ont approuvé à l’unanimité le Traité de Libre Commerce (TLC) avec le Mexique. Un mois plus tard, le Parlement européen a lui aussi donné son accord. Durant la 3° semaine de mars, le Sénat Mexicain a approuvé le TLC. Un dernier obstacle à présent tient au fait que le Parlement Italien n’est pas parvenu à un consensus interne pour ratifier l’accord commercial. Tant que ce Parlement ne ratifiera pas le traité, il ne pourra pas entrer en vigueur.
Tandis que le Secrétaire du Commerce et de l’Industrie, Herminio Blanco se trouvait au Japon pour promouvoir la signature d’un accord commercial avec ce pays asiatique, un processus similaire s’est donné plus rapidement avec Israël: bien que les chefs de l’exécutif aient d’ores et déjà signé cet accord, le Sénat mexicain ne l’a pas encore ratifié. Comme dans le cas de la ratification de l’accord commercial avec l’Union Européenne, les partis de l’opposition et plusieurs organisations sociales ont exprimé qu’ils ont été laissés de coté au cours des négociations préliminaires.
Nouvelle expulsion
La déportation récente par les autorités migratoires mexicaines de l’observateur électoral Ted Lewis a éveillé la préoccupation que le gouvernement mexicain puisse amplifier sa campagne à l’encontre des observateurs de droits humains aux observateurs électoraux. Lewis, directeur du programme Global Exchange (USA) pour le Mexique, a été déporté alors qu’il avait obtenu l’approbation de l’Institut Fédéral Electoral (IFE) pour réaliser certaines activités d’observation liées à la campagne électorale actuelle. Le conseiller de l’IFE, Jaime Cárdenas, a exprimé la préoccupation que le Ministère de l’Intérieur puisse entraver le chemin des observateurs étrangers par le biais des autorités