Activités de SIPAZ (Novembre 2000 – Janvier 2001)
28/02/2001SYNTHÈSE : Actions Recommandees
31/08/2001ACTUALITE : Le Mexique, une nouvelle chance pour la paix
Ole 24 février, 23 commandants du Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) et le sous-commandant Marcos, ont commencé une marche pacifique en direction de la ville de Mexico. Leur objectif était d’obtenir la reconnaissance constitutionnelle des droits et de la culture indigène établis dans les Accords de San Andrés et repris dans le projet de loi élaboré par la Commission pour la Concorde et la Pacification (COCOPA).
Au cours de leur passage par 12 états de la République, les représentants zapatistes ont rencontré la majorité des 56 ethnies qui existent dans le pays et ils ont participé au troisième Congrès National Indigène (CNI). De nombreux représentants des peuples indiens du pays faisant partie du CNI ainsi que la société civile les ont accompagnés. A l’échelle nationale et internationale, la caravane zapatiste a fait l’objet de milliers de preuves de sympathies, mais aussi de rejet de la part de certains secteurs sociaux, d’entreprises et politiques.
Positions diverses face à la marche
Quelques jours avant la sortie de la caravane, le Président Fox a appelé le peuple mexicain à la soutenir. En réponse les deux grandes compagnies de télévision ont lancé la campagne « Unis pour la Paix ». En janvier, au cours du Forum Economique Mondial (Davos, Suiza), Fox a dit qu’il ne fallait pas prendre peur devant la marche zapatiste et il a promis aux investisseurs européens de parvenir à la paix et la prospérité au Chiapas. Selon le Ministre des Affaires Etrangères, Jorge Castañeda, « le corollaire logique pour la pacification du Chiapas est le Plan Puebla-Panamá », un projet transnational de développement économique et commercial qui couvrira le sud et sud-est du Mexique et de l’Amérique Centrale.
Le 19 février, Jorge Castañeda a affirmé devant le Parlement Européen qu’il existe un espoir réel que l’objectif et la finalité de la marche zapatiste sera la reprise du dialogue, la signature d’un accord de paix et l’approbation de la loi sur les doits et la culture indigène. L’Union Européenne a bien accueilli l’initiative de Fox quant à la reprise du dialogue.
Les dirigeants du PRI et du PAN se sont d’abord opposés à recevoir les représentants de l’EZLN au Congrès Le coordinateur du PAN lui même, Diego Fernández de Cevallos, en est venu à exprimer de l’idée de Fox de se rendre au Sénat pour défendre le projet de loi élaboré par la COCOPA qu’il a présenté au Congrès. Selon lui, le dialogue devait uniquement avoir lieu avec les Commissions qui devaient donner leur opinion préalable.
La Conférence Episcopale Mexicaine (CEM) a appelé le Congrès à écouter l’EZLN avec attention et a demandé aux zapatistes qu’après avoir été écoutés par les législateurs, « ils acceptent le projet final sans imposer leurs critères ».
Le voyage suite et fin, autres manifestations
Parallèlement à la marche zapatiste, le Forum Economique Mondial s’est réalisé à Cancun. Le président Fox a montré sa reconnaissance aux zapatistes: « Grâce à la mobilisation qui a commencé il y a 7 ans au Chiapas [avec l’EZLN], il a été possible de créer une conscience sur les droits des peuples indiens ». Il a demandé qu’il n’y ait « plus de prétextes ni de conditions qui retardent simplement la solution du conflit ».
Plus tard, le 27 février, tandis que des dizaines de manifestants contre le Forum s’apprêtaient à se retirer, ils furent durement frappés par la Police Fédérale Préventive (PFP). Les agents étatiques et de la PFP s’accusèrent mutuellement.
Le 2 mars, la caravane est arrivée à Nurio, Michoacán, pour participer au troisième Congrès National Indigène qui a réuni les représentants de 42 peuples indiens. Environ 5000 délégués ont accordé de réaliser un soulèvement national pacifique pour demander l’approbation du projet de loi de la COCOPA ; reconnaître l’EZLN comme leur représentant et accompagner la marche à Mexico par le biais d’une délégation ; rejeter le Plan Puebla-Panamá (parce qu’entre autres, il servirait de couverture aux intérêts de corporations transnationales qui cherchent à tirer profit des ressources naturelles et des avantages géographiques de la zone) ; et exiger un moratoire de tous les projets internationaux visant à développer de nouveaux médicaments à partir de connaissances indigènes, cela jusqu’à ce les peuples indiens aient discuté sur le contrôle de leurs ressources.
Le 11 mars, la Marche est parvenue à Mexico où environ 200 000 personnes attendaient leur arrivée. Marcos a expliqué qu’il n’accepterait pas l’invitation du Président Fox à une rencontre dans sa résidence (Los Pinos) parce que les trois conditions posées par l’EZLN pour reprendre le dialogue n’avaient pas été remplies.
L’échiquier politique
Au sein du Congrès, le Parti de la Révolution Démocratique (PRD) a soutenu inconditionnellement le dialogue et l’approbation du projet de loi de la COCOPA. Le Parti Vert Ecologiste Mexicain (PVEM) et le Parti du Travail (PT) ont maintenu la même position. Le PRI a indiqué qu’il partage les demandes de l’EZLN en dépit de quelques différences. A l’intérieur du PAN, les différences semblaient incompatibles.
Après une longue polémique sur l’usage de l’espace de la Tribune, et alors que les législateurs du PAN et certains du PRI commençaient à durcir leur position face à l’EZLN, le Président Fox a lancé un appel au Congrès pour qu’il trouve espaces et formes afin de recevoir et d’écouter l’EZLN. Dans ce contexte, il a annoncé le prochain retrait de l’armée de trois positions militaires (des 7 qui ont été exigées par l’EZLN en décembre dernier), et la libération des zapatistes se trouvant encore prisonniers.
Le 22 mars, l’usage de l’espace de la Tribune de la Chambre des Députés a finalement été accepté pour une réunion entre l’EZLN, les sénateurs faisant partie de la Sous Commission d’Analyse des Projets de Lois Indigènes, les membres de la COCOPA et les députés.
A partir du 21 mars, l’armée s’est repliée des trois positions militaires restantes: Río Euseba, Guadalupe Tepeyac et La Garrucha. Selon le pouvoir Exécutif, des centres de développement communautaire seront installés à la place et mis sous la responsabilité du Ministère du Développement Social. Le 20 avril, en présence de Fernando Yañez (contact entre l’EZLN et le gouvernement) et Luis H. Alvarez (représentant gouvernemental pour le Chiapas), les installations de Guadalupe Tepeyac et de Río Euseba ont été officiellement abandonnées.
84 des prisonniers zapatistes ont été libérés par le gouverneur du Chiapas, Pablo Salazar. Le 18 avril, Luis H. Alvarez, le Ministre de l’Intérieur, Santiago Creel et les membres de la COCOPA ont reconnu que 11 prisonniers liés à l’EZLN devaient encore être libérés: 5 au Chiapas, 4 à Tabasco et 2 à Queretaro.
L’EZLN parle au Congrès
Le 28 mars, les députés, les membres de la COCOPA et des commissions concernées ont écouté et parlé avec les commandants zapatistes et les représentants du CNI. Marcos n’était pas présent. Tandis que les députés du PAN ont respecté l’ordre de la direction nationale de ne pas être présents, deux d’entre eux ont pourtant assisté à la réunion.
Parlant au nom de l’EZLN, la commandante Esther a défendu le projet de la COCOPA, a reconnu que le pouvoir Exécutif a donné des signes de paix par le biais du retrait des 7 positions militaires. Elle a affirmé que l’EZLN n’avancerait pas sur ces positions. Elle a également demandé au Congrès un endroit où pourrait avoir lieu une première réunion entre le contact zapatiste et le représentant gouvernemental pour la paix afin qu’en collaboration avec la COCOPA, ils certifient le retrait de l’armée des 7 positions, et la réalisation d’une des 3 conditions posées par l’EZLN.
Plusieurs législateurs se sont engagés à donner leur opinion sur le projet de la COCOPA avant la fin de la période ordinaire de sessions qui termine le 30 avril. Le PAN et le PRI ont cependant fait remarquer que des modifications seraient nécessaires.
De retour à leurs communautés, les commandants ont exprimé leur joie pour les résultats obtenus. « Aujourd’hui, le dialogue est plus près et la confrontation plus loin », a dit Marcos tout en ajoutant que « L’EZLN maintient sa déclaration de guerre comme gilet de sauvetage pour assurer sa survie ».
La tension politique monte au Chiapas
Le 6 février, le Procureur Général de la république (PGR) a découvert dans la municipalité de Tila les squelettes de trois indigènes torturés et tués. Le Réseau des Défenseurs Communautaires des Droits Humains que le groupe présumé paramilitaires Paix et Justice, accusé de ces assassinats, prétendait lancer une opération de vengeance contre les témoins dans ce cas.
Dans ce contexte, le responsable de l’Unité Spécialisée pour l’attention des Délits Promis par de Probables Groupes Civils Armés de la PGR, Armando del Río, a affirmé qu’au Chiapas il existe un haut niveau de violence, il a indiqué que de nombreux intégrants de l’organisation affiliée au PRI avaient été signalés comme les auteurs présumés de divers délits. Début mars, 1065 personnes en relation avec un groupe armé ont été appelées à déclarer devant l’Unité. 776 l’on fait, certains en qualité de témoins, d’autres comme accusés.
D’un autre côté, face à la caravane zapatiste, les éleveurs du Chiapas ont annoncé leur intention d’empêcher le passage de celle-ci s’il ne recevait pas d’indemnisation pour les terres qu’ils ont perdues dans le cadre du conflit (1994). Ils ont aussi demandé à être inclus dans les dialogues de paix ; les dirigeants de Paix et Justice ont fait de même.
Conflits sociaux
Début avril, après plusieurs semaines de travail, l’organisation civile ‘Las Abejas’ a annoncé son retrait de la table des négociations avec le gouvernement du Chiapas et les autorités municipales de Chenalhó, considérant qu’il n’existait pas les conditions suffisantes pour avancer dans ce processus. Les réunions avaient pour objectif la recherche de solutions au problème des déplacés internes et d’autres conflits existant dans la municipalité. Ils ont exigé que le gouvernement fédéral résolve le problème des paramilitaires dans la zone et qu’il garantisse une solution juridique juste par rapport au massacre.
Au cours des premiers mois de son administration, le gouverneur Pablo Salazar a fait l’objet de nombreuses demandes et réclamations de différents groupes et secteurs sociaux : libération de leaders syndicaux et paysans prisonniers au Chiapas, garanties pour le retour des milliers de déplacés qui existent dans l’état, recherche de terrains pour ceux qui font l’objet de persécution religieuse, remise de terres promises par le gouvernement antérieur, etc.
En mars, des paysans indigènes de l’Organisation Régionale des producteurs de Café d’Ocosingo (ORCAO) et des sympathisants zapatistes de la communauté de San Salvador (Ocosingo) se sont affrontés pour un problème de terrain avec un bilan de trois blessés. Durant la troisième semaine d’avril, environ 300 personnes armées et portant un passe-montagne, supposément des militants du PRD, ont envahi un terrain dans la municipalité de Chilón, exigeant une solution quand le gouvernement antérieur avait attribué ces terres à deux groupes différents.
Le 18 avril, des éleveurs, petits propriétaires et propriétaires communautaires déplacés n’appartenant pas à l’EZLN ont organisé une marche à San Cristóbal de las Casas pour demander au Congrès de l’Union d’approuver le projet de loi indigène de la COCOPA parce que cela provoquerait plus de division au Chiapas. Jorge Constantino Kanetr, dirigeant d’une organisation d’éleveurs, a insisté pour que le Président et le gouverneur écoutent aussi les métis et les autres secteurs. Il a annoncé une marche vers la capitale du pays afin de présenter leurs opinions devant le Congrès de l’Union.
Un jour plus tard, les 11 membres de l’Union des Communautés Indigènes Agricoles et Forestières (UCIAF, une scission de Paix et Justice) qui avaient été emprisonnés en octobre dernier, ont été exonérés des délits graves dont ils étaient accusés pour manque de preuves. Après l’exonération, chaque accusé a payé 22 000 pesos pour obtenir sa libération sous caution pour les délits de dommages et vol.
Le 19 avril, 8 membres de l’Alliance San Bartolomé de los Llanos, une organisation paysanne affilié au PRI, ont été assassinés dans une embuscade (municipalité de Venustiano Carranza, à 70 kilomètres de la zone dite ‘de conflit’). Le gouverneur a manifesté sa surprise devant les faits et a ajouté: « il se passe à nouveau la même chose que quand j’étais membre de la COCOPA : chaque fois qu’il se passait quelque chose de positif pour le processus de paix, il se passait inévitablement quelque chose de négatif ».
Pendant ce temps, le 3 avril, le Secrétariat de l’Audit et Développement Administratif (SECODAM) a confirmé que les audits réalisés dans le cadre de l’administration d’Albores Guillen (ex gouverneur du Chiapas) relèvent de sérieuses irrégularités, en particulier pour ce qui a trait à l’administration des fonds spéciaux envoyés par le gouvernement fédéral aux régions avec présence de l’EZLN. Il a indiqué que le résultat des audits serait prêt à la fin du mois d’avril.