2021
12/01/2022
DOSSIER : GUERRERO – Une Plaie Ouverte
08/03/2022
D ix ans après l’entrée en vigueur de la loi pour la protection des défenseur.e.s des droits humains et des journalistes, en janvier, le ministère de l’Intérieur a entamé des travaux pour la réformer.
« Il est temps de faire une pause et de réfléchir profondément pour faire face à un phénomène criminel qui, malheureusement et malgré les actions que l’État mexicain a entreprises au cours de ces 10 années, n’a pas pu être endigué », a déclaré le sous-secrétaire aux droits humains, Population et Migration, Alejandro Encinas Rodríguez. « Actuellement, le système fédéral que nous avons a permis aux autorités locales d’ignorer leurs responsabilités », a-t-il ajouté. Malgré la loi actuelle de 2012, les attaques contre les journalistes et les défenseur.e.s des droits humains se poursuivent : en avril 2021, il y avait 1 848 personnes bénéficiant de mesures de protection. Plus de 90% des cas d’agression à leur encontre restent impunis, a indiqué le gouvernement.
5 journalistes ont été assassinés depuis le début de 2022. En janvier, dans environ 47 villes du Mexique, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour demander justice et exiger la fin des violences contre les journalistes. Selon les données d’Article 19, 28 des 142 journalistes assassinés depuis 2000 l’ont été pendant le mandat d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO).
Selon le bilan annuel de Reporters sans frontières (RSF), pour la troisième année consécutive, le Mexique est le pays où le plus de journalistes ont été tués avec un total de 7 en 2021, ce qui porte le nombre de victimes à 47 au cours des cinq dernières années. Selon le rapport, l’impunité totale dont les auteurs matériels et intellectuels jouissent explique la persistance de la violence. RSF a noté qu’AMLO « n’a pas réussi à améliorer la situation ».
En février, le rapporteur spécial pour la liberté d’expression de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH), Pedro Vaca Villarreal, a exhorté le gouvernement mexicain à reconnaître la « crise » de violence que le journalisme au Mexique traverse. Il l’a également exhorté à suspendre l’espace controversé « Qui est qui qui dit des mensonges », qui est présenté chaque mercredi lors des conférences matinales du président. En effet, « cela envoie des messages confus sur l’intention du gouvernement de garantir la liberté de la presse » et c’est un « espace totalement étranger aux normes démocratiques de la liberté d’expression ». Le rapporteur de la CIDH a déploré qu’au lieu de condamner de manière frontale les attaques contre la presse, plusieurs des discours présidentiels peuvent être interprétés « par la société comme une manière de minimiser l’importance du problème ».
Déclarer les mégaprojets comme étant « d’intérêt public et de sécurité nationale » pourraient exacerber le risque pour les défenseurs de l’environnement.
En novembre, un accord présidentiel a été publié au Journal officiel de la Fédération déclarant « d’intérêt public et de sécurité nationale » les travaux du gouvernement fédéral pour les communications, les télécommunications, les douanes, les chemins de fer, les frontières, l’hydraulique, l’eau, en matière d’environnement, de tourisme, santé, énergie, ports et aéroports ; de mme que ceux qui, en raison de leur complexité, objet, caractéristiques, nature et ampleur, sont considérés comme prioritaires ou stratégiques pour le développement national.
Cet accord a suscité de vives critiques. Des experts, des organisations civiles, d’anciens ministres de la Cour suprême de justice de la Nation ont convenu qu’AMLO a outrepassé ses pouvoirs, puisqu’il ne peut pas modifier les délais fixés par la législation en vigueur. En ce sens, ils affirment que l’Accord est inconstitutionnel et viole les droits humains, étant donné qu’il favorise non seulement l’opacité, en permettant de déclarer confidentielles les informations sur les projets, mais désarme également juridiquement les citoyens qui cherchent à se protéger.
En revanche, le directeur général du corridor interocéanique de l’isthme de Tehuantepec, Rafael Marín, a déclaré que l’accord facilitera non seulement la réduction des procédures et des délais qui entravent l’avancement des travaux, mais garantira également l’intervention rapide des autorités pour contenir d’éventuels barrages routiers. Pour l’ancien président du Conseil de Coordination des Entreprises des Caraïbes (CCEC), Francisco Córdova, « c’est une mesure désespérée » pour permettre de mettre en place des projets qui, en raison de leur ampleur, de leur portée et de leur coût, dépassent six ans de construction.
Le Congrès National Indigène (CNI) s’est prononcé contre cette politique qui « légalise la dépossession en utilisant la force publique pour réaliser des mégaprojets ». En janvier, il a indiqué avoir obtenu d’un juge fédéral la suspension provisoire de l’accord présidentiel en réponse à 17 recours constitutionnels déposés par des peuples et communautés autochtones de Jalisco, Querétaro, Puebla, Morelos, Veracruz, Oaxaca, Campeche, Quintana Roo, Yucatán et CDMX ; tous appartiennent au CNI.
L’inquiétude des organisations civiles est renforcée du fait de la militarisation non seulement de la sécurité publique, mais aussi de tous les secteurs de la société. En février, AMLO a annoncé la création d’une société militaire appelée « Olmeca, Maya, Mexica », qui sera chargée de gérer le train maya et les nouveaux aéroports de Santa Lucía, Tulum, Chetumal et Palenque. « Elle va affecter 75% de ses bénéfices à la retraite (…) des membres des forces armées », a-t-il déclaré. Il a remercié à plusieurs reprises le soutien des Forces armées non seulement dans des grands travaux (comme la construction de casernes de la Garde nationale et des succursales de banques qui accordent des aides aux plus défavorisés) mais aussi dans le cadre de la lutte contre la pandémie. « Nous travaillons pour le développement du Mexique et nous le faisons grâce à la collaboration des forces armées, sans rhétorique, sans démagogie, il aurait été très difficile d’affronter la crise sanitaire, l’économie, sans le soutien des Ministère de la Défense et de la Marine, deux piliers de l’État national”, a-t-il ajouté.
CHIAPAS : la violence devient de plus en plus quotidienne
En janvier, un pèlerinage du Peuple Croyant a eu lieu dans le cadre des célébrations du 11e anniversaire de la mort de Mgr Jtatic Samuel Ruiz García, à laquelle plus de 3 000 personnes ont assisté. Une déclaration a été lue à travers laquelle il a informé sur le contexte qui existe dans les communautés autochtones, « en particulier l’insécurité, la violence et les conflits territoriaux causés par le crime organisé, des situations face auxquelles les autorités des trois niveaux de gouvernement sont dépassées, permissives et complices. (…) La disparition de personnes, filles, garçons, hommes et femmes, d’âges différents, a été plus omniprésente cette dernière année. Et à cause de la peur de représailles et du non-exercice de l’état de droit, les gens ne portent pas plainte. (…) Également la menace et l’assassinat de leaders sociaux et des journalistes, ainsi que les menaces contre les agents pastoraux”. Le Peuple Croyant a également dénoncé la militarisation, l’impunité et le trafic de migrants, entre autres, et a réaffirmé son engagement en faveur de la défense la terre et du territoire.
La zone de Los Altos est l’une des régions où l’aggravation de la violence a été la plus notable. En décembre, le Centre des droits humains Fray Bartolomé de Las Casas a rapporté que la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) avait demandé à l’État mexicain de pouvoir “effectuer une visite sur place afin de connaître la situation des mesures de protection mises en œuvre dans les municipalités d’Aldama, Chalchihuitán et Chenalhó”. Ceci, considérant que “les facteurs de risque qui mettent en danger la sécurité et la vie des habitants de 22 communautés indigènes du Chiapas se maintiennent” : 9 communautés voisines de la municipalité de Chalchihuitán et une de Chenalhó ; et 12 communautés dans la municipalité d’Aldama jouxtant la communauté de Santa Martha dans la municipalité de Chenalhó. Frayba a déclaré que “la CIDH a démontré qu’à ce jour les enquêtes n’apportent pas d’éléments indiquant que le désarmement et le démantèlement des personnes appartenant aux groupes armés qui opèrent dans les zones affectées ont été réalisés, même si certaines actions ont été mises en place telles que le programme d’échange d’armes et les activités de renseignement”.
Également, en décembre, le Congrès de l’état a approuvé à l’unanimité la demande de licence des membres du conseil municipal de Pantelhó après la destitution, en octobre, du président élu Raquel Trujillo Morales, à la demande du bureau du procureur général de l’état, qui l’accuse d’homicide. Pedro Cortés López a été élu président du conseil municipal selon le système des us et coutumes en août 2021 après l’irruption du groupe qui se définit comme « Forces d’autodéfense populaire El Machete ». Théoriquement, il a terminé ses fonctions le 30 septembre, mais il a continué à gouverner de facto, car les habitants ne voulaient pas laisser gouverner Raquel Trujillo Morales ou son conseil qu’ils associent au crime organisé.
En février, la Commission Nationale de Recherche est entrée à Pantelhó pour trouver 21 personnes disparues après le soulèvement populaire pour plus de sécurité en juillet 2021. Elles ont été arrêtées et présentées publiquement en juillet, lorsque plus de 2 000 habitants des 86 communautés indigènes et des 18 quartiers de Pantelhó occupaient la mairie. Les familles des 21 personnes recherchées par la Commission accusent El Machete de les avoir enlevées et disparues. “Ils disent que El Machete a assassiné les 21 personnes. Nous ne les avons pas, nous ne les avons pas vues. La Commission de Recherche peut venir et les chercher sous les pierres”, a répondu le chef du groupe. « Nous avons aussi des membres de nos famille qui ont disparu au cours des dernières années », a-t-il ajouté, en demandant aux autorités de rechercher non seulement ces 21 personnes, mais aussi les plus de 200 autres qui étaient déjà portées disparues.
Un autre zone de tension a été Oxchuc. En décembre, un plébiscite par la voie des us et coutumes a été organisé pour élire le nouveau président de cette municipalité. Le désaccord avec les résultats a donné lieu à diverses situations de violence, notamment des barrages routiers et des incendies, entre autres. Rappelons que des élections spéciales se préparent dans six municipalités où les dernières élections de juin n’ont pas pu être conclues en raison d’actes de violence et du manque de conditions de sécurité. Pour la même raison, les gens craignent que l’insécurité n’augmente à nouveau en raison de la dispute autour du pouvoir politique, une situation « où les communautés sont otages du manque d’accords, de l’insécurité et des barrages routiers », mentionne le journal Heraldo de Chiapas.
Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, plusieurs activités ont été organisées en novembre au cours desquelles le manque de réponses du système judiciaire du Chiapas face aux féminicides a été dénoncé. Le Chiapas fait partie des états du Mexique présentant le plus grand nombre de fémicides : « jusqu’à fin octobre, l’année 2021 recensait 176 morts de femmes, 61 cas étant reconnus comme fémicides » , a rapporté l’Observatoire féministe du Chiapas. 574 disparitions d’enfants et d’adolescents ont également été enregistrées en 2021, les filles et les adolescentes représentant 72% du total.
La situation des migrant.e.s est une autre expression de la violence croissante. Le mois de décembre a été marqué par un terrible accident qui a fait au moins 53 morts et plus de 50 blessés, tous des migrants d’Amérique centrale. Cela s’est produit sur la route Chiapa de Corzo-Tuxtla Gutiérrez lorsque le conducteur d’une remorque dans laquelle plus de 100 personnes voyageaient a perdu le contrôle de son véhicule alors qu’il conduisait à une vitesse excessive. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, section mexicaine, a déclaré que « des alternatives d’immigration et des voies légales sont nécessaires pour éviter des tragédies comme celle-ci ». Le ministre des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, a annoncé la création d’un groupe d’action contre le réseau de trafiquants de migrants impliqué dans cette affaire. Par ailleurs, plus de 40 organisations de défense des droits humains du Mexique et d’Amérique centrale ont dénoncé que ce type de situation est dû à « l’adoption de politiques migratoires ratées » et que « la surpopulation dans laquelle ils voyageaient montre les adversités auxquelles [les migrants] sont confrontés ». Ils ont condamné le fait que le gouvernement mexicain ait accepté le programme américain adopté par Trump en 2018 et repris par Joe Biden “Reste au Mexique”, car il pousse les gens à rechercher des itinéraires de plus en plus dangereux.
OAXACA : Situation de vulnérabilité des défenseurs et journalistes similaires à celle nationale
En janvier, un groupe de quatre hommes fortement armés a fait irruption au domicile de la défenseuse des droits humains Rogelia González Luis dans la municipalité de Juchitán de Zaragoza, isthme de Tehuantepec. Ils ont brûlé du matériel informatique et des documents, en plus de piller sa maison. Rogelia est la fondatrice du groupe de femmes 8 mars, du centre de soins pour les femmes de Isthme (CAMI) et de la maison de refuge « China Yodo ». La Commission des droits de l’Homme du peuple de Oaxaca (DDHPO) a exigé que les autorités garantissent son intégrité physique, ainsi que celle de ses proches. Elle a souligné que, de janvier 2018 à décembre 2021, elle a initié 61 dossiers d’enquêtes pour attaques contre des défenseurs, les cas les plus récurrents étant des menaces, des arrestations arbitraires et des traitements cruels et inhumains.
En février, le défenseur communautaire Edgar Martín Regalado, membre du Collectif de défense des droits humains et des biens communaux d’Unión Hidalgo, a été victime d’une attaque dont, heureusement, il est sorti indemne. L’agression a été enregistrée quelques heures seulement après sa participation à une conférence de presse dans la ville de Oaxaca, « où il a présenté les actions entreprises (…) contre la construction et l’exploitation du parc éolien Gunaa Sicarú par la société Électricité de France (EDF)”, ont alerté les organismes qui accompagnent ce mouvement.
L’aggravation de la situation de la presse dans tout le Mexique s’observe également à Oaxaca. En janvier, le journaliste José Ignacio Santiago Martínez, fondateur et directeur de Pluma Digital Noticias dans la Mixteca, a été abattu. En février, le journaliste Heber López Vásquez a été assassiné à Salina Cruz, il était directeur du site “Noticias Web” et avait reçu des menaces de mort en 2019 ; il écrivait régulièrement sur des thèmes politiques et sur la corruption. Oaxaca est considéré comme le deuxième état le plus meurtrier du pays pour les journalistes, avec 10 journalistes assassinés dans l’état depuis 2013, selon Artículo 19.
Parmi les défenseurs les plus vulnérables figurent ceux qui s’organisent pour défendre leur terre et leur territoire. En décembre, l’organisation Servicios del Pueblo Mixe A.C. a dénoncé l’augmentation des menaces contre les territoires indigènes en raison de l’imposition de mégaprojets sans consulter ni obtenir le consentement des peuples. Il a affirmé que l’intérêt des transnationales et de l’État lui-même a grandi pour s’approprier les territoires communaux, ce qui génère des risques pour ceux qui les défendent, notamment parce que le gouvernement fédéral utilisent des réformes juridiques pour les imposer.
De même, en décembre, l’Assemblée de Oaxaca pour la défense de la terre et du territoire a tenu une conférence de presse “CE N’EST PAS DU DÉVELOPPEMENT, C’EST DU VOL ! Peuples indigènes, mégaprojets et criminalisation à Oaxaca”. Il s’est prononcé contre l’installation de mégaprojets sur le territoire de Oaxaca en raison des « graves conséquences environnementales, sociales et politiques que cela entraîne pour les communautés qui y vivent ». Il a dénoncé les problèmes dans l’isthme de Tehuantepec du fait de la prétention de réaliser des mégaprojets dans les territoires indigènes sans information ni consultation. Ils ont également dénoncé les violations constantes des droits des défenseurs de la terre et du territoire.

Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, Oaxaca, novembre 2022 © SIPAZ
Enfin, dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la journée de protestation Mémoire pour résister “Ni pardonner ni oublier” s’est tenue dans la capitale de Oaxaca pour dénoncer les cas de violence fémicide qui, au cours des six dernières années, a coûté la vie à plus de 500 femmes et filles. Ils ont signalé le gouvernement de l’état pour « son inaction contre la violence sexiste et l’inefficacité de l’alerte de genre émise dans 40 municipalités ; ce n’est qu’une simulation ».
GUERRERO : La violence se maintient en dépit du changement de gouvernement
En janvier, le Centre des droits humains de la montagne Tlachinollan a évoqué la situation dans laquelle de nombreux secteurs de la population de Guerrero se trouvent 100 jours après le début du nouveau gouvernement d’Evelyn Salgado Pineda (du parti au pouvoir, le Mouvement de Régénération Nationale, MORENA): “il n’y a pas le moindre changement”. Le manque d’attention des autorités étatiques et municipales pour lutter contre la violence croissante dans l’état, les ravages de la pandémie et l’effondrement de l’économie familiale les laissent « au seuil de la survie », a-t-il déclaré. Malgré les attentes suscitées par la victoire de Salgado Pineda, le manque de résultats a commencé à laisser place à la colère de certains secteurs à travers des barrages routiers, des marches et des protestations. Contrairement aux réponses promptes et satisfaisantes, la bureaucratie continue, les institutions traînent les vices de la corruption, continuent les pratiques de mépris et d’indifférence envers la population, le manque d’attention digne et véridique, a affirmé le Centre. D’autre part, a-t-il ajouté, le diagnostic révèle la collusion des pouvoirs locaux avec les organisations criminelles où la gouvernabilité “dépend des pactes signés par les maires avec les chefs de la délinquance organisée en place”.
Par ailleurs, la continuité de la répression commence également à être pointée du doigt. En janvier, plus de 800 membres de la Garde nationale et de la police étatique de Guerrero sont arrivés au péage de Palo Blanco « pour empêcher les pères et les mères des 43 disparus et les élèves de l’école normale rurale d’Ayotzinapa de réaliser une manifestation », a rapporté Tlachinollan. Pour le Comité des pères et mères des 43, cette action du gouvernement viole leurs droits à la liberté d’expression et de manifestation. « Il n’y a pas de motifs solides pour empêcher les mères et les pères des 43 de manifester, aucun préjudice n’est causé à des tiers, (…), la vie des personnes n’est pas mise en danger et notre acte de protestation ne génère aucune violence, alors pourquoi annuler et restreindre ces prérogatives ? » “(Le) gouvernement ne souhaite pas établir l’ordre ou éviter la violence, son objectif est d’empêcher la protestation sociale, de saper l’organisation populaire et de freiner la liberté de réunion », ont-ils dénoncé. Face à la tentative de dispersion du mouvement, la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) a demandé au gouvernement fédéral et étatique « de s’abstenir de se livrer à des actions qui pourraient mettre en danger l’intégrité physique des proches des 43 étudiants disparus (…) et de garantir par conséquent leur droit à manifester pacifiquement.
En février, des étudiants de l’école normale rurale d’Ayotzinapa ont tenté de reprendre le même péage à Palo Blanco pour exiger que leurs 43 camarades de classe disparus soient retrouvés vivants. Cependant, ils ont été encapsulés par la police. Le bilan a été de 2 étudiants blessés et de 5 autres détenus (tous libérés quelques heures plus tard). Le Comité des pères et mères des 43 a déploré la réponse violente des forces armées “dans une action injustifiée et inutile”. Il a condamné la continuité des pratiques répressives contre les mouvements sociaux. Tlachinollan a déploré que l’actuelle gouverneure « n’ait pas favorisé une rencontre avec les jeunes étudiants », assurant que « le dialogue a brillé par son absence à Guerrero », ceci malgré les commissions qui ont été intégrées par le président de la République avec des groupes et mouvements sociaux pour faire face à la grave situation de disparition forcée.
AMLO, pour sa part, a affirmé que des membres du crime organisé pourraient être infiltrés dans la direction du mouvement étudiant d’Ayotzinapa. Il a appelé les étudiants « à ne pas se laisser manipuler » ni par le crime organisé, « ni par les criminels en col blanc. » « J’espère qu’ils ne maintiendront pas cette attitude et qu’ils ne rentreront pas dans le jeu de la droite (…) Vous pouvez vous battre pour des principes et des idéaux, sans violence », a-t-il ajouté.
Par la suite, dans le cadre du 50e anniversaire de l’assassinat du guérillero Genaro Vázquez Rojas, des milliers de personnes, dont les mères et les pères des 43 étudiants d’Ayotzinapa, des familles indigènes déplacées et des personnes solidaires, se sont mobilisées pour exiger la fin de la violence et l’impunité, entre autres. Sous la surveillance de la Garde nationale et de la police étatique, les manifestants, portant des affiches de photographies de personnes disparues et de militants sociaux assassinés, ont avancé dans les rues de Chilpancingo, la capitale de l’état. Ils ont dénoncé le manque de justice et le fait que « les autorités et l’actuel gouvernement de Guerrero n’ont pas d’agenda précis pour faire face aux graves problèmes de l’état ». Vidulfo Rosales, un avocat de Tlachinollan, a également dćeclaré que le Guerrero est “un état avec des plaies ouvertes après la “sale guerre”, avec 99 % d’impunité. Il y a 5 300 personnes portées disparues et plus de 30 défenseurs et journalistes assassinés de 1996 à ce jour”.