Activités du SIPAZ (D’octobre 2005 au 15 janvier 2006)
31/01/2006ACTUALITÉ : Mexique – Incertitudes post électorales
31/07/2006Elections présidentielles : la bataille bât son plein
Des élections présidentielles auront lieu au Mexique le 2 juillet prochain. Depuis plusieurs mois, les principaux partis politiques sont en campagne afin de défendre leurs candidats respectifs :
- Roberto Madrazo représente l’Alliance pour le Mexique formée du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI qui s’est maintenu au pouvoir durant 70 ans, jusqu’aux élections de l’an 2000) et du Parti Vert Ecologiste du Mexique (PVEM).
- Andrés Manuel López Obrador représente l’Alliance pour le Bien de Tous formée par plusieurs partis de gauche et du centre : le Parti de la Révolution Démocratique (PRD), Convergence et le Parti du Travail (PT).
- Felipe Calderón est le candidat du Parti d’Action Nationale (PAN, le parti actuellement au pouvoir).
- Roberto Campa représente la Nouvelle Alliance (un parti créé il y a peu, scission du PRI, soutenu par le Syndicat National des Travailleurs de l’Education).
- Patricia Mercado du parti Alternative Socialdémocrate et Paysanne (un autre parti formé depuis peu qui rassemble plusieurs tendances politiques).
Depuis le début de la campagne, il est évident que la bataille finale se jouera entre les trois premiers candidats de la liste. Andrés Manuel López Obrador est le mieux placé dans les sondages, bien que cet écart s’amenuise. Derrière lui, se trouvent (dans cet ordre) Felipe Calderón et Roberto Madrazo.
Le 12 mars, des élections locales ont été réalisées dans l’Etat de Mexico afin de rénover 125 mairies et le Congrès local. Il est courant de considérer ce processus comme un thermomètre politique avant les élections présidentielles. Cependant, ce qui est ressorti de ce processus, c’est la volatilité de l’électorat mexicain : 76 des 125 mairies sont passées à un autre parti politique au cours de ces élections. Le PRD a été le principal vainqueur de cette journée électorale en obtenant 37% des votes (face aux 33% pour le PRI). A peine huit mois après avoir gagné le poste de gouverneur de l’Etat de Mexico avec une marge significative, le PRI a perdu 15% en comparaison avec les pourcentages antérieurs. Les récents scandales autour de Mario Marín, le gouverneur de Puebla, et Arturo Montiel, pré-candidat à la présidence du PRI qui a fini par renoncer à sa candidature (voir bulletin antérieur du SIPAZ) peuvent expliquer cette tendance. Le PAN a maintenu son pourcentage de vote au même niveau.
Pour en revenir aux élections fédérales, les campagnes présidentielles sont mises en question pour se centrer davantage sur les attaques et disqualifications mutuelles entre candidats qu’autour d’un débat de projets politiques clairement définis. Certains analystes considèrent d’ores et déjà la victoire d’Andrés Manuel López Obrador à la présidence. Selon les sondages, il existe encore un grand nombre d’indécis. Le facteur « abstention » pourrait être un autre élément de poids dans la définition des résultats finaux. Le PRI pourrait se voir favorisé en cas de forte abstention. Au contraire, dans plus de la moitié des états de la République, le PRD ne dépasse pas 10% des votes, quelle que soit l’élection. Certainement, comme on a pu l’observer dans le cas des élections de l’Etat de Mexico, le « vote dur » du PRI a tendance à diminuer du fait des divisions internes et des désertions, la plus importante ayant été celle d’Elba Esther Gordillo, ex secrétaire du parti.
Elections au Chiapas : absence de définition et jeux de pouvoir
En plus des élections fédérales du 2 juillet où seront élus le Président de la République, les sénateurs et les députés, des élections se tiendront au Chiapas le 20 août prochain pour définir le futur gouverneur de l’Etat. Jusqu’à récemment, on supposait que le PRI allait triompher sans trop de difficultés, face à une opposition dans l’impossibilité de conformer une coalition.
Le contexte est cependant devenu plus complexe suite à des changements et ruptures imprévus. Le PRI au Chiapas, davantage encore que sur le plan national, se trouve divisé, suite à une décision des élites nationales de nommer l’actuel sénateur José Antonio Aguilar Bodegas comme candidat du PRI aux élections à gouverneur, décision qui ne fut ratifiée que postérieurement.
Roberto Albores Guillén (gouverneur intérimaire du Chiapas entre 1998 et 2000) qui bénéficie du soutien d’une grande partie de l’électorat du PRI, et qui prétendait obtenir ce poste, a commencé un mouvement de résistance et de consultation citoyenne sur la forme d’élection du candidat au poste de gouverneur du Chiapas. Albores a affirmé dans les médias que José Antonio Aguilar Bodegas avait été élu « candidat de l’unité » par le bais d’un processus « anti-démocratique qui représente le retour du vieux PRI, un parti peureux, autoritaire et attaché à ses préjugés et peurs politiques ». Une possible rupture affecterait non seulement le contexte électoral ; elle pourrait avoir des conséquences plus amples à moyen terme.
Fin avril, le maire de Tuxtla Gutiérrez (capitale du Chiapas), Juan Sabines Guerrero, a démissionné du PRI. Quelques jours plus tard, il a été nommé candidat au poste de gouverneur pour le PRD avec 159 votes en sa faveur. 221 conseillers du Chiapas des 278 existant assistèrent à la réunion. Cette décision pourrait achever de diviser l’électorat du PRI. En annonçant sa démission, Juan Sabines a affirmé : « Je prends mes distances des leaders et du parti, mais je ne le ferai jamais des partisans du PRI au Chiapas, qui sont sa force, sa base, son soutien. A ceux-ci, je les invite afin qu’ils m’accompagnent dans la construction d’un nouveau projet où ils trouveront leur place et on ne nous ferme pas les portes comme l’ont fait les leaders hier, lundi, au cours du conseil politique de l’Etat » [ll fait ici référence à la réunion au cours de laquelle Aguilar Bodegas a été élu candidat].
Le député fédéral Emilio Zebadúa (secrétaire du gouvernement de Pablo Salazar Mendiguchía, l’actuel gouverneur, au cours des deux premières années de son administration et qui a exprimé publiquement son désaccord quant au processus d’élection interne du PRD et par rapport à Pablo Salazar) a annoncé qu’il s’opposerait légalement au processus.
Le conflit du Chiapas, thème relégué dans l’agenda politique
Le conflit armé non résolu n’est pas un thème électoral prioritaire. Cependant plusieurs candidats ont fait référence aux Accords de San Andrés, signés en 1996 par le gouvernement fédéral et l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN), lors de leur visite au Chiapas dans le cadre de leur campagne.
Certaines déclarations récentes de la part du pouvoir Exécutif attirent l’attention sur ce point : en février, le Coordinateur pour la paix au Chiapas, Luís H. Álvarez a affirmé que l’EZLN n’existait plus comme groupe et que le sous-commandant Marcos par le biais de l’Autre Campagne cherchait à « oxygéner le mouvement qui a eu son temps et son heure ».
En mars, le Ministre de l’Intérieur, Carlos Abascal Carranza s’est réuni avec les législateurs qui appartiennent à la Commission de Concorde et Pacification (COCOPA, une commission créée dans le cadre des dialogues entre le gouvernement et les zapatistes). Il a affirmé que « les circonstances d’exception qui existaient au Chiapas ont été dépassées, la dite « zone grise » a cessé d’exister dans cette entité ». Il a informé qu’actuellement l’armée mexicaine limitait ses activités aux besoins que requiert un état – frontière.
Depuis Aguascalientes, le sous-commandant Marcos a démenti ces déclarations en affirmant : « L’armée fédérale maintient les communautés autochtones envahies, pas seulement les zapatistes : toutes celles du Chiapas. (…) L’armée fédérale n’est pas sortie du Chiapas ni de la zone de conflit. Elle a simplement retiré certaines positions pour en renforcer d’autres, précisément dans les Cañadas et dans les Hauts Plateaux du Chiapas ».
Plusieurs organisations civiles qui comptent ave cune longue expérience au Chiapas se sont également prononcées face à ces déclarations. Le Centre d’Investigations Economiques et Politiques pour l’Action Communautaire (CIEPAC) s’est exprimé à ce sujet : « Depuis le début de l’administration de Vicente Fox, 53 positions militaires et 17 de la Police Sectorielle se sont repliées (…), mais ces espaces ont été couverts grâce à la présence d’autres corps policiers, et de nouvelles formes de surveillance ont été établies, utilisant des personnes des communautés autochtones en tant qu’informateurs du Centre d’Investigations pour la Sécurité Nationale (CISEN). Qui plus est, après les replis militaires, des membres de l’intelligence militaire retournent dans les communautés vêtus de civils et se mettent dans les maisons de membres du PRI pour observer, surveiller et rapporter ce que font les zapatistes ».
Le Centre d’Analyse Politique et d’Investigations Sociales et Economiques A.C. (CAPISE) a affirmé de son côté : « Le Ministre de l’Intérieur Carlos Abascal ment. (…) Jusqu’en février passé, ce Centre avait identifié « in situ » 97 positions (campements) militaires permanents dans l’Etat du Chiapas (on compte seulement les campements vérifiés sur le terrain). Des 97 positions identifiées, 73 se trouvent en territoire indigène, c’est-à-dire 75% de l’occupation militaire dans l’Etat du Chiapas se trouve en territoire d’influence zapatiste ».
CAPISE a également fait référence à une autre partie du discours du Ministre de l’Intérieur en affirmant « …le parcours actuellement réalisé par l’EZLN dans diverses entités du pays se donne dans un contexte où le gouvernement de la République respecte pleinement la liberté d’expression des organisations et forces qui font partie de la mosaïque politique nationale ». Fin mars, CAPISE avait enregistré 82 cas d’agressions contre des adhérents de l’Autre Campagne dans 15 Etats de la République.
Dans le cas du Chiapas, le Centre des Droits Humains Fray Bartolomé de Las Casas a dénoncé 14 cas de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de défenseurs de droits humains entre novembre 2005 et mars 2006 (voir résumé).
… … … … … …
© SIPAZ
Parallèlement au contexte de campagne électorale, l’EZLN a continué à promouvoir l’iniciative de l’Autre Campagne, un processus -selon les propres mots de l’organisation- « de longue haleine et en marge du processus électoral » qui cherche « à construire une autre façon de faire de la politique en faveur d’un programme de lutte nationale et de gauche, pour une nouvelle Constitution » (Sixième Déclaration de la Forêt Lacandone). De janvier à juin, le Sous-commandant Marcos, désormais appelé Délégué Zéro, parcourt tous les états de la République. Fin avril, il avait d’ores et déjà été dans le Chiapas, le Quintana Roo, le Yucatán, le Tabasco, le Campeche, le Veracruz, l’Oaxaca, le Puebla, le Tlaxcala, l’Hidalgo, le Querétaro, le Guanajuato, l’Aguascalientes, le Jalisco, le Colima, le Nayarit, le Michoacán, le Morelos, le Guerrero et l’Etat de Mexico (pour plus d’information, voir Enlace Zapatista).
Le 19 février, dans le cadre de la Rencontre de « l’Autre Communication, l’Autre Information, l’Autre Culture et l’Autre Art », réalisée dans la communauté indigène de Zacatelco, Tlaxcala, le délégué Zéro a expliqué à nouveau une partie de l’objectif de la première étape de ce parcours : « au lieu d’écouter ceux d’en haut, ceux d’en bas ont choisi de s’écouter entre eux. En haut, une scène ambulante. En bas, un coeur qui se sent incomplet et une indignation croissante, qui cherche ses pas, le chemin, la direction et le destin ».
Face à l’absence de couverture informative de la majorité des médias de masse, le Délégué Zéro, à plusieurs occasions, a du clarifier ce qu’est et ce que n’est pas l’Autre Campagne. On l’accuse de promouvoir l’abstention électorale quand il a dit ouvertement que ce n’était pas le cas. Par exemple, en février à Puebla, le sous commandant Marcos a expliqué : « Jamais nous n’avons appelé les gens à ne pas voter et nous ne le faisons pas. Nous t’invitons à que tu regardes d’un autre côté, pas vers le haut ; que tu fasses usage de ton intelligence et de ta dignité et que tu penses à ce que t’offrent ceux d’en haut et à ce qui se passe en bas, et qu’avec cela en tête et dans ton coeur tu ailles voter ou non le 2 juillet ».
D’autres accusent encore l’Autre Campagne de faire le jeu de la droite en divisant les mouvements de gauche et en questionnant durement Andrés López Obrador alors qu’il a des possibilités réelles de gagner la Présidence. Certains pourront remettre en question l’idée même d’« union de la gauche » : « La division de la gauche et, en particulier, la division entre partis et mouvements est une tendance qui fait partie de la crise systémique des figures de représentation et de la graduelle et progressive décomposition de toutes les classes politiques dans le monde entier » (CIEPAC – Bulletin « Chiapas al Día » No. 504). Que l’on partage ou pas ses prises de position, il faut souligner qu’aucun membre de la classe politique –qu’il sois de gauche ou de droite n’échappe aux sévères critiques du délégué Zéro.
Une dernière critique à l’Autre Campagne, c’est son absence de propositions concrètes en réponse aux problèmes du pays. Apparemment on attend d’elle des propositions en termes de programmes dans la lignée de ceux que les candidats à la Présidence peuvent présenter. Cependant comme l’a expliqué le sous-commandant Marcos à Campeche en janvier, il s’agit plutôt d’une construction conjointe de « nouvelles structures de pouvoir qui fonctionnent pour le bien des marginaux du pays, afin de promouvoir des accords régionaux qui se transformeront en un Programme National de Lutte ».
SOCIETE CIVILE : Rencontres
En mars s’est tenu le quatrième Forum Mondial de l’Eau dans la ville de Mexico. Des représentants de 148 pays y ont participé. Parallèlement, des activistes de mouvements sociaux, d’organisations non gouvernementales et de réseaux internationaux qui luttent pour la défense de l’eau, du territoire et des biens communs se sont réunis. A la fin de cette Rencontre, ils ont souligné les trois éléments suivants :
« 1. L’eau n’est pas une marchandise. A partir de ce constat, nous rejetons toutes formes de privatisation, y compris l’association entre secteur public et secteur privé qui a montré son échec total dans le monde entier.
2. Sa gestion et son contrôle doivent demeurer dans le secteur public, social, communautaire, participatif, équitable et non lucratif.
3. Il faut garantir la solidarité entre les générations présentes et futures. C’est pourquoi nous rejetons ce modèle de développement néoliberal et centré sur la consommation qui promeut la surexploitation de la Mère Nature ».
Les 10, 11 et 12 mars, une rencontre de l’Etat du Chiapas contre le PROCEDE (Programme de Certification des Droits sur les Parcelles et les Terrains ‘Ejidales’) et le PROCEDECOM (Programme de Certification des Droits Communaux) a eu lieu à Petalcingo, municipalité de Tila. Plus de 600 personnes de différentes organisations sociales du Chiapas y ont pris part. L’objectif de cet espace était de partager la situation des terres ‘ejidales‘ et communales affectées par ces programmes ainsi que les alternatives pour s’y opposer. Manuel Cruz de l’organisation Yomblej dans la municipalité de Chilón expliquait au cours d’une interview : « c’est très important que nous soyons conscients de ce problème auquel nous devons faire face dans nos ‘ejidos’ et communautés sinon nous allons perdre la terre. Accepter le PROCEDE signifie trahir la terre, la vie et nous même « .
En mars, les membres de plusieurs organisations civiles et sociales, membres de l’Autre Campagne convoquée par l’EZLN, réalisèrent une marche et un acte public à San Cristóbal de Las Casas contre la persécution policière et les abus de la part d’autorités à échelle municipale et de l’Etat. Les 9 et 10 avril a également eu lieu une Rencontre contre la Répression au Chiapas. 144 personnes provenant de 21 municipalités de l’Etat y ont participé, dénconçant « les agressions et la répression liées au fait que nous résistions au paiement excessif de l’électricité, que nous voulions participer contre le PROCEDE qui nous vole notre terre, que nous ne voulions pas privatiser l’eau, que nous vivions encore de la pêche, que nous exigions de meilleures conditions pour les prisonniers dans les prisons (qui sont incarcérés dans des conditions inhumaines), que nous soyons en faveur de la liberté de pensée et d’expression, de la liberté de nos frères qui sont prisonniers politiques, contre l’utilisation du système de justice qui poursuit les activistes sociaux, contre l’utilisation excessive de la force publique face aux demandes de terre, toit ou travail, contre les violations qui inhibent la participation des femmes, la négation de leur droit à la terre, les nombreuses formes utilisées par les gouvernements du Chiapas fédéral et les groupes de pouvoir dans nos régions « .