Activités du SIPAZ (De mi-mi février à mi-mai 2022)
04/06/2022DOSSIER : La migration comme justification de la militarisation et les nouvelles stratégies de contrôle territorial
11/09/2022
D ans ce qui est désormais considéré comme crise des droits humains au Mexique, on observe de multiples thèmes qui font l’objet de préoccupation. Aucun d’entre eux ne laissent entrevoir une possible amélioration à court terme.
En mai, selon les données du Ministère de l’Intérieur, le Mexique a atteint le nombre record de 100 000 personnes portées disparues. Le Mouvement pour nos disparus a qui plus est précisé qu’il s’agit d’un chiffre inexact car de nombreux cas ne sont pas recensés. Michelle Bachelet, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, a déclaré que seuls 35 cas de disparitions enregistrées avaient donné lieu à une condamnation des responsables. Elle a exhorté le gouvernement mexicain à « mettre fin à ces violations des droits humains et à ces abus d’une ampleur extraordinaire, et à défendre les droits des victimes à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non-répétition ».
Au cours du premier semestre, on a recensé 12 meurtres de journalistes, 4 cas de déplacements internes forcés et deux cas d’exil en l’absence de garanties leur permettant d’effectuer leur travail en toute sécurité. Il y a aussi eu un total de 331 attaques (26,59% affectants des femmes). Selon l’organisation Article 19, « le fait que toutes les 14 heures la presse ait été attaquée durant le premier semestre 2022 montre que la violence contre les journalistes et les médias n’a toujours pas pu être arrêtée. Au contraire, l’augmentation de la violence meurtrière parle d’une aggravation des conditions de vulnérabilité (…). La violence persistante contre la presse souligne l’absence des autorités… qui ont été ignorantes et incapables de générer des stratégies qui s’attaquent aux causes de la violence contre la presse ».
En mai, une première rencontre nationale de personnes déplacées s’est tenue à Chilpancingo, au Guerrero. Des victimes de déplacements forcés du Chiapas, du Guerrero, du Chihuahua, de Michoacán, de Quintana Roo et de Mexico y ont participé. Les victimes ont déclaré que ni les gouvernements précédents ni les gouvernements actuels « n’ont résolu notre situation ». Cette réunion a été l’occasion de parvenir à des accords, y compris l’importance de s’attaquer aux causes profondes des déplacements.
En mai, la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) et l’Alliance pour l’autodétermination et l’autonomie (ALDEA) ont demandé au gouvernement mexicain de concrétiser la réforme des droits des peuples autochtones et afro-mexicains, car, pour l’instant, les peuples continuent sans pouvoir exercer pleinement leurs droits et ils doivent toujours faire face à la discrimination, la pauvreté, la marginalisation et la dépossession ; ceci, bien qu’il existe des lois et des traités nationaux et internationaux qui établissent leur droit à l’autodétermination. La CIDH a souligné que « les principaux scénarios de confrontation sont liés à des projets d’exploitation des ressources naturelles et à des interprétations divergentes entre les communautés et les autorités étatiques ou d’autres acteurs concernant la mise en œuvre de la consultation et du consentement préalable, libre et éclairé ». Il a exhorté « à promouvoir des espaces de dialogue et d’accord (…) pour aborder les différentes questions et préoccupations relatives aux droits humains conformément aux normes internationales ».
En juin, lors de l’événement organisé dans le cadre de l’ouverture des archives militaires à la Commission de vérité et clarification historiques et la promotion de la justice pour les violations graves des droits de l’homme commises entre 1965 et 1990, le général Crescencio Sandoval a défendu le rôle de l’armée en affirmant qu’elle a toujours été en faveur du peuple mexicain. Il a annoncé que le président Andrés Manuel López Obrador a autorisé « l’inscription des noms des soldats morts pendant la Sale Guerre sur le monument aux morts des forces armées ». Face à cette déclaration, il y a eu des expressions de colère et des cris à l’intérieur de l’enceinte, car cette décision a été considérée comme une offense. La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) a exprimé sa préoccupation quand « ceci implique mettre au même niveau les victimes de violations des droits humains avec des militaires qui ont commis ces violations et que, bien qu’ils aient pu tomber au combat, ils ne peuvent en aucun cas bénéficier du même traitement que ceux qui ont subi des harcèlements, des arrestations arbitraires, des violations graves, des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des tortures, etc ».
De même, en juin, trois ans après le déploiement de la Garde nationale (GN) aux frontières nord et sud à des fins de contrôle migratoire, plusieurs organisations de défense des droits humains ont déposé un recours en amicus curiae devant la Cour Suprême de Justice de la Nation (SCJN) pour l’Action d’inconstitutionnalité 62/2019. Elles considèrent que les attributions migratoires de la GN sont contraires aux droits humains des migrants et des sujets de protection internationale. Elles estiment que « ceci résulte de la nature et de la composition de la GN comme corps militarisé, quand plus de 80% de ses éléments sont issus de l’armée et que sa structure, la formation de ses membres et son commandement sont de caractère militaire ». Elles ont détaillé que « sur les 99.946 éléments déployés (…), 15.822 se trouvent dans des états frontaliers des États-Unis et 9.298 éléments dans des états à la frontière sud ». Ceci sans compter les membres de la GN déployés à l’intérieur du pays pour effectuer des tâches de contrôle et de vérification des migrants ; « en plus d’avoir été affecté à la surveillance des stations migratoires. »
Face à l’annonce du président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) en août déclarant son intention d’intégrer la GN dans l’armée, le Centre des Droits de l’Homme Miguel Agustín Pro Juárez (Centre ProDH) a averti que ce décret, « en plus d’être contraire à la Constitution, donne pied à une concentration du pouvoir au sein des forces armées qui peut représenter un risque à l’avenir ». La stratégie de militarisation est remise en question depuis des années en raison des multiples cas où la présence des forces armées pour lutter contre le crime organisé a conduit à des résultats sanglants et à de graves violations des droits humains. La position du président est préoccupante car « il s’assume comme le défenseur des militaires et se place du côté opposé des victimes », a déclaré le Centre des Droits de l’Homme de la Montagne Tlachinollan.
CHIAPAS : La spirale de la violence continue de traverser différentes zones géographiques de l’état
Ces derniers mois, des affrontements ont été signalés dans la municipalité de Frontera Comalapa, en particulier à San Gregorio Chamic. Depuis juillet 2021, la violence issue de la lutte pour le contrôle territorial entre groupes criminels a affecté la zone frontalière du Chiapas. Barrages routiers, disparitions, enlèvements et affrontements de personnes utilisant des armes de gros calibre ont été signalés. Au moins 30 personnes disparues ont été enregistrées. En raison de la violence, des centaines de familles ont été déplacées sans possibilité de retour dans leurs communautés d’origine en porte.
Un autre zone avec une certaine présence médiatique a été Pantelhó. En mai, un groupe d’environ 100 personnes du groupe d’autodéfense « El Machete » a occupé les installations du Congrès de l’état pour exiger la destitution du conseil municipal élu en décembre 2021. Un peu avant, l’actuel président du conseil, Pedro Cortés, avait été détenu et contraint de signer sa démission après avoir limogé le comptable Pedro Gómez de son poste pour un prétendu détournement de fonds publics. En juin, Pedro Cortés a été arrêté pour sa participation présumée à la disparition de 19 personnes dans cette municipalité en juillet 2021. Celles-ci ont été vues pour la dernière fois après avoir été détenues par « El Machete ». Cortés López a déclaré n’avoir rien à voir avec la disparition de ces 19 personnes et a accusé « El Machete » de divers crimes comme le détournement de fonds municipaux. En juillet 2021, une partie de la population de Pantelhó a décidé de s’armer pour mettre fin au règne du crime organisé dans leur municipalité, les 19 personnes détenues étant identifiées comme des participants ou des complices du « Cartel Herrera », qui pendant plus de 12 ans a commis divers crimes tels que des meurtres et des disparitions forcées, « mais dans ces cas le gouvernement n’est jamais intervenu », a déclaré Cortés.
Lors d’une situation également couverte par les médias nationaux et internationaux, en juin, plusieurs individus armés et cagoulés ont pris le contrôle d’une partie de San Cristóbal de Las Casas. Selon des vidéos, des photos et des témoins oculaires, ils ont tiré des coups de feu, incendié des véhicules et bloqué des rues pendant près de cinq heures. Pendant ce temps, plusieurs civils se sont cachés dans des hôtels, des magasins et des écoles, essayant d’appeler les autorités, mais pendant des heures ni la police, ni l’armée, ni la Garde nationale ne sont venues arrêter les personnes armées ou aider les personnes prises au piège, y compris des enfants dans les écoles de la zone. Lorsque la police et l’armée ont commencé à arriver, les groupes armés s’étaient déjà retirés. Plusieurs sources expliquent que ce conflit est lié à une dispute pour le contrôle du marché ; d’autres le lient à l’annonce faite la veille par l’armée qu’elle enverrait 500 soldats dans la région de Los Altos. Le président municipal de San Cristóbal de Las Casas a reconnu que les forces de police de la ville sont dépassées face à ces groupes civils armés et qu’il a donc demandé l’aide des autorités étatiques et fédérales : « Ils nous dépassent en nombre et en armements », a t-il exprimé.
De même, en juin, des élections extraordinaires sous le régime des us et coutumes devaient avoir lieur à Oxchuc. C’est la seule municipalité du Chiapas qui a obtenu la reconnaissance légale de cette forme d’élection en dehors des partis politiques. En décembre 2021, un nouveau processus électoral a commencé, mais a été interrompu par des événements violents, notamment des barrages routiers, des incendies de maisons et de véhicules, ainsi que des morts et des blessés. Les nouvelles élections convoquées en juin ont de nouveau été tronquées. Des jours avant et plusieurs semaines après, des barrages routiers et des affrontements ont été signalés au cours desquels des maisons ont été incendiées et une personne a été tué.
Dans une autre partie de l’état, en juin, le président municipal de Teopisca, Rubén de Jesús Valdez Díaz, a été assassiné, un homicide qui porte à 17 le nombre de maires tués durant l’administration AMLO. Díaz, membre du Parti écologiste vert du Mexique, a commencé son mandat l’année dernière, dans une région du Chiapas dominée par le trafic de drogue et d’autres activités illicites. Le Congrès de l’état a nommé un conseil municipal. Comme président de ce conseil, ils ont désigné Luis Valdez Díaz, le frère de Rubén et remplaçant du député local José Antonio Aguilar Meza, qui est un cousin du sénateur Eduardo Ramírez Aguilar. Cela a provoqué le rejet des habitants qui n’ont pas été consultés. Ces derniers ont mis en place des barrages routiers à plusieurs endroits. Ils exigent que l’ancienne conseillère municipale, Josefa Sánchez Pérez, soit nommée présidente car ils affirment que c’est elle qui, selon la loi, devrait assumer ce poste.
Finalement, en juillet, le Centre des Droits de l’Homme Fray Bartolomé de las Casas (Frayba) a dénoncé le déplacement forcé de 6 familles zapatistes et l’incendie de leurs maisons et biens dans la municipalité autonome de Comandanta Ramona. Ceci, par des ejidatarios du Muculum Bachajón « dirigés par le commissaire de l’ejido accompagné par la police municipale et des agents de la protection civile ». Le Frayba a déclaré que cette agression « met en danger l’autonomie et la libre détermination des peuples et dénote une grave violation du droit à la sécurité, à la vie et à l’intégrité ».
Défenseurs, journalistes et enfants : parmi les secteurs les plus vulnérables
En juin, le Frayba a dénoncé « la criminalisation et la fabrication de délits perpétrés (…) contre Manuel Santiz Cruz, défenseur des droits humains et président du Comité des Droits Humains San Juan Evangelista, de la paroisse de San Juan Cancuc, ainsi qu’Agustín Pérez Velasco et Martín Pérez Domínguez, tous les trois, indigènes Tseltal [et membres du Pueblo Creyente de la même paroisse] ». Il a souligné que ces arrestations ont eu lieu dans « un contexte d’opposition au développement de l’autoroute San Cristóbal – Palenque, qui fait partie du développement de mégaprojets touristiques dans la région imposés sans consultation préalable libre, informée et culturellement pertinente » et quand les peuples Tseltales « ont également exprimé leur désaccord quant à la présence de l’armée mexicaine et de la garde nationale sur leur territoire. »
Un autre exemple de criminalisation est le Père Marcelo Pérez Pérez, reconnu pour son travail pour la paix et qui a participé en tant que médiateur dans différents conflits, le plus récent étant celui de Pantelhó. En juillet, le parquet général de l’état (FGE) a présenté un mandat d’arrêt à son encontre. Le père Marcelo a déclaré : « Mon cœur est en paix, car je n’ai rien fait de mal, au contraire, je suis entré à Pantelhó le 27 juillet pour dire aux gens qu’ils sont enfants de Dieu et ne pas tomber dans la même violence ». Il semble que ce travail « affecte les intérêts d’individus et de groupes (…) Cela semble être la raison de réagir en recourant à la persécution, l’intimidation, les menaces et l’emprisonnement », a déclaré le diocèse de San Cristóbal de las Casas.
Quant aux journalistes, en mai, Juan de Dios García Davish et María de Jesús Peters Pino, qui travaillaient à Tapachula, ont décidé de quitter le pays en raison de menaces de mort et de l’absence de réponse des autorités pour garantir leur sécurité. Les deux journalistes couvraient des thèmes liés à la migration à la frontière sud. En juin, le journaliste Carlos Herrera Hernández a dénoncé les menaces de Jerónimo Ruíz López, dirigeant des locataires de San Cristóbal de las Casas, alors qu’il couvrait la manifestation menée par les chauffeurs de taxis et de camionnettes.
Finalement, selon le Réseau pour les droits des enfants et des adolescents du Chiapas, de janvier à juin 2022, 281 enfants et adolescents ont disparu dans état, soit plus d’une disparition par jour. De plus, le Chiapas se classe au 8e rang pour le crime de traite (exploitation) d’enfants et d’adolescents dans le pays. De 2015 à mai 2022, 1 739 cas de traite de cette population ont été documentés, 2021 étant l’année avec le plus grand nombre de cas recensés, avec un total de 259. 8 victimes sur 10 sont des filles ou des adolescentes.
Initiatives visant à contrer la violence
Des pèlerinages ont été effectués face à la vague croissante de violence qui affecte le Chiapas ; dans la partie nord de l’état (en mai), Chicomuselo (en juin), San Cristóbal de Las Casas (également en juin) ; et de manière coordonnée dans au moins 8 communes en juillet. Dans ce dernier cas, ce sont au moins 10 000 personnes qui ont manifesté pour exiger la paix. Le Peuple Croyant a dénoncé « tous les abus et les injustices que nos peuples et nos communautés vivent, en particulier la violence, l’insécurité et la dispute territoriale causées par le crime organisé, et face auxquelles les autorités sont dépassées, permissives et complices du fait du contrôle que le crime organisé exerce sur le territoire national. Il y a aussi la menace et l’assassinat de leaders sociaux et d’autorités municipales, ainsi que des menaces contre les agents pastoraux de notre diocèse» (Voir Article).
Faisant appel à la pression internationale, une délégation de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) est arrivée au Mexique en juillet pour assurer le suivi des mesures de précaution accordées à 22 communautés dans les municipalités d’Aldama, Chalchihuitán et Chenalhó. Le Frayba a souligné que d’avril 2021 à ce jour, il y a eu plus de 1 000 attaques avec des armes de gros calibre, faisant 3 morts et plusieurs blessés, dont des enfants ; en plus du déplacement forcé d’au moins 4 399 personnes.
OAXACA : Le nouveau gouverneur devra faire face à de multiples problèmes
En juin, avec 59,7 % des voix, le candidat moreniste, Salomón Jara Cruz, a remporté les élections au poste de gouverneur. Le processus électoral a été marqué par l’indifférence des électeurs, qui s’est traduite par un fort abstentionnisme d’environ 62 % de l’électorat, et par la destruction de bulletins dans divers bureaux de vote de communes en conflit ou affectées par des catastrophes naturelles. L’élection a enregistré un niveau élevé de violence, avec 6 meurtres et 43 agressions.
Le prochain gouverneur du Oaxaca devra faire face à une situation préoccupante, en raison du différend territorial entre sept groupes criminels ; l’augmentation du trafic de drogue, des homicides et des féminicides (avec un total de 62 morts violentes de femmes depuis le débit de l’année ; 644 jusqu’à présent depuis le début de l’administration sortante). L’état compte 4,1 millions d’habitants, est aux premières rangs en termes de pauvreté et de manque d’accès aux services d’éducation et de santé. De plus, c’est le deuxième état présentant les pires statistiques en matière de création d’emplois.
De même, c’est l’entité qui compte le plus grand nombre d’assassinats de dirigeants agraires, communautaires et sociaux du pays, avec un total de 13 crimes au cours des 19 derniers mois, dont 6 ont eu lieu cette année. Ceci malgré le fait que c’est l’état qui se classe premier au niveau national en ce qui concerne les défenseurs des droits de l’homme appartenant au Mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes.
Parmi les incidents les plus récents, en mai, le défenseur des terres afro-mexicain et dirigeant paysan de l’Union civique démocratique des quartiers, colonies et communautés (UCIDEBACC), Humberto Valdovinos Fuentes, a été tué par deux personnes à moto.
En juillet, David Hernández Salazar, défenseur du territoire contre le corridor interocéanique dans l’isthme de Tehuantepec et agent municipal de Puente Madera, a été agressé physiquement et verbalement. Il a participé à plusieurs actions contre le CIIT (Corridor Interocéanique de l’Isthme de Tehuantepec).
Certes, la défense des terres et des territoires continue d’être l’une des principales préoccupations de nombreux processus organisés. En juin, la Commission Fédérale d’électricité (CFE) a annulé le contrat de fourniture d’électricité qu’elle avait avec la société parapublique française Électricité de France (EDF), ce qui impliquait l’annulation du parc éolien de Gunna Sicarú. Cette décision a été notifiée à la communauté indigène zapotèque d’Unión Hidalgo, qui était en attente de la résolution d’un recours constitutionnel lié à la consultation sur ce projet. Les membres de la communauté ont célébré la nouvelle, « une étape importante dans la défense du droit à la terre, au territoire et aux ressources naturelles des communautés autochtones et pour la responsabilité des entreprises au Mexique et en Amérique latine ». Pourtant, un mois plus tard, l’Assemblée des Peuples Autochtones de l’Isthme pour la Défense de la Terre et du Territoire (APIIDTT) a dénoncé la poursuite du projet.
De même, en juillet, les communautés et les autorités agraires affectées par le projet minier de San José et les concessions minières en territoire zapotèque ont envoyé une lettre publique adressée à AMLO. Ils ont rappelé que lors des assemblées municipales et communautaires agraires, ils ont décidé « de ne permettre aucun travail de prospection, d’exploration et d’exploitation minière sur nos territoires ». C‘est pourquoi depuis 2015 le Front Non à l’Exploitation Minière pour un Avenir de Tous et de Tous a été formé. Par ailleurs, elles ont rappelé au président qu’« au début de ce sexennat, il a décrété la fin du modèle néolibéral, en plus de la décision de n’accorder aucune nouvelle concession aux entreprises étrangères. Aucune de ces deux déclarations n’a été respectée dans les vallées centrales du Oaxaca ».
GUERRERO : Une violence qui ne se relâche pas
La violence a de multiples expressions que l’état de Guerrero vit quotidiennement sur tout son territoire depuis plusieurs années maintenant. Selon le Secrétariat exécutif du Système national de sécurité publique (SESNSP), 542 cas d’homicides volontaires y ont été recensés au cours des 5 premiers mois. Acapulco apparaît comme la cinquième ville avec le plus d’homicides intentionnels du pays. De plus, la violence a atteint la capitale de l’état : on parle d’une rupture de la trêve entre deux groupes criminels organisés, « Los Tlacos » et « Los Ardillos », qui se disputent le contrôle de Chilpancingo. Cette violence est également présente en dehors des villes. En juin, le Conseil indigène et populaire de Guerrero-Emiliano Zapata (CIPOG-EZ) a dénoncé que le groupe criminel « Los Ardillos » avait attaqué les communautés Tula et Zicotlán dans la municipalité de Chilapa de Álvarez pendant trois jours, en utilisant des armes exclusives de l’armée. et des explosifs lancés à partir de drones. Il a affirmé que les autorités « continuent d’être complices, en n’intervenant pas, en n’arrêtant pas ‘Los Ardillos' ».
Le contexte est encore plus critique pour ceux qui jouent un rôle dans la défense des droits humains. En juillet, le prêtre Felipe Vélez Jiménez a été attaqué par un groupe d’hommes qui lui ont tiré dessus alors qu’il se rendait de Chilapa à Chilpancingo. Le Centre catholique multimédia (CCM) a rapporté qu’avec Vélez, six prêtres ont été attaqués depuis le début de ce sexennat. Ce fait se produit juste au moment où l’Église catholique a lancé une journée de prière et de réflexion pour demander la paix au Mexique. Cette journée a été organisé après le meurtre des deux prêtres jésuites dans la Sierra Tarahumara en juin.
Par ailleurs, le mois d’août a marqué la première année depuis la disparition du défenseur Vicente Suástegui, à Acapulco, ceci après avoir été capturé par des hommes armés. Le porte-parole du Conseil des ejidos et des communautés opposées au barrage de La Parota (Cecop), Marco Antonio Suástegui a déclaré : « Acapulco est désormais une mer de sang, c’est devenu une grande tombe clandestine. Les citoyennes et citoyens souffrent de l’insécurité. Le port est un no man’s land, il est gouverné par des groupes de trafiquants de drogue et par des groupes paramilitaires qui, au grand jour, font disparaître des personnes, assassinent, perçoivent des redevances, menacent des personnes, harcèlent et violent des femmes. »
Les disparitions ne sont pas un problème récent à Guerrero. En juin, le 27e anniversaire du massacre d’Aguas Blancas a été commémoré. 17 paysans ont été assassinés par des policiers et des agents judiciaires dans cette zone de la municipalité de Coyuca de Benítez. L’Armée Populaire Révolutionnaire (EPR) a affirmé qu’il s’agissait « d’un massacre résultant d’une opération contre-insurrectionnelle de grande envergure, à laquelle tout l’appareil d’État s’était préparé, avant, pendant et après le crime ». « Les responsables des structures de l’État continuent sous la protection transexennale de l’État mexicain ; la justice ne se réduit pas à des actes protocolaires de pardon et d’excuses publiques de la part des institutions responsables, où les victimes et les responsables sont mis au même niveau et considérés comme de la même nature avec l’intention perverse de racheter, de purifier et d’honorer l’auteur, en l’occurrence l’armée mexicaine », a-t-elle dit. Tlachinollan a déclaré que « les disparitions forcées ont été une constante dans le passé et à présent : il en est de même pour les massacres perpétrés par les forces de police et les forces armées. (…) Notre état est marqué par le sang et l’absence de personnes autochtones et d’étudiants qui avaient oser parler. A Aguas Blancas, El Charco et la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa, la stratégie contre-insurrectionnelle a été appliquée. Que cachent d’autre les murs de l’impunité ?”