ACTIVITÉS du SIPAZ (De début février 2016 à mi-mai 2017)
06/07/2017DOSSIER: Alertes de Violence liée au Genre : comprendre le problème pour le résoudre
11/10/2017Du 26 au 28 mai, une assemblée du Congrès National indigène (CNI) a été tenue afin de constituer le Conseil Indigène de Gouvernement (CIG) et de nommer celle qui sera candidate indépendante aux élections présidentielles en 2018. 858 représentant.es de 58 peuples indigènes y ont participé, ainsi que des invité.es, observateurs, et le commandement général de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZNI).
Le CIG sera formé d’une femme et d’un homme désignés pour chaque région indigène participant au CNI, sauf pour les zones métropolitaines de Mexico et de Guadalajara où un.e concejal (conseiller, membre du CIG) sera nommé par peuple indien. María de Jesús Patricio Martínez (Marichuy), 57 ans, indigène Nahua de Tuxpan (Jalisco), et praticienne de médecine traditionnelle, a été choisie comme porte-parole du CIG. Elle a répété que ce processus entrepris en tant que peuples indigènes se fait en faveur de la vie, et non du pouvoir, et qu’il veut servir non seulement les peuples indigènes, mais aussi la société dans son ensemble.
Depuis lors, le CNI a condamné “l’escalade dans la répression contre les ‘compañeros’ des peuples qui ont nommé ‘concejales’ pour participer au Conseil Indigène de Gouvernement”. En juin, des menaces, attaques, arrestations et un meurtre ont été rapportés dans des communautés du Chiapas, de l’état de México, Querétaro, Morelos, Michoacán, et Campeche ; la situation des indigènes mayas du Guatemala, qui se trouve déplacés de force à Campeche a également été dénoncée.
Au niveau international, la 47ème session ordinaire de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Etats Américains (OEA) a eu lieu en juin à Cancún (Quintana Roo au Mexique). Le Plan d’Action sur la Déclaration Américaine des Droits des Peuples Indigènes (cette dernière ayant été ratifiée en juin dernier), a été approuvé. Le site internet Animal Político a rapporté que les peuples indigènes ont, à ce propos, exhorté l’OEA au “respect de la libre détermination et de l’autonomie de nos peuples sur nos territoires et nos ressources naturelles”, à l’“application du consentement préalable, libre et éclairé sur tous les sujets qui les concernent” et à ce que des consultations ne soient pas organisées quand il existe déjà “des accords, permis, licences et contrats, car ces consultations ne sont qu’une simulation”.
Ces revendications rencontrent un écho important au sein des peuples indigènes du Mexique. En juin par exemple, le Réseau Mexicain des personnes Affectées par l’exploitation Minière (REMA) a pointé les limites du rapport présenté par le groupe de travail des Nations-Unies sur les Droits de l’Homme et les entreprises après sa visite dans le pays en septembre 2016 : “ce que nous dénonçons, c’est le non-respect de notre droit à accepter ou pas leurs projets qui visent à confisquer nos biens naturels. Mais cela ne veut pas dire pour autant que nous voulons des processus de consultations, au contraire, nous avons insisté sur ce que notre constitution, les lois, les accords et les déclarations internationales enterinent : le plein exercice de notre droit à la libre détermination, (…) nous réalisons nos propres consultations, nos propres assemblées, justement pour éviter que les gouvernements et les entreprises qui bafouent les droits imposent leurs propres modes opératoires, avec l’assentiment des grandes principes recteurs [de l’ONU]”.
De fait, fin juillet, les associations qui formaient le Groupe Focal de la Société Civile sur les Entreprises et les Droits de l’Homme se sont retirées du processus qui depuis deux ans cherchait à créer un Programme National des Entreprises et des Droits de l’Homme (PNEDH), considérant que la proposition du gouvernement mexicain ne respecte pas les standards internationaux.
Les Traités de Libre Commerce au cœur des préoccupations politiques
En juin, 129 organisations civiles mexicaines ont alerté sur le fait que, alors que le Mexique “est soumis à une crise des Droits de l‘Homme de plus en plus grave, reconnue par toutes les instances internationales de Droits de l’Homme”, les négociations s’accélèrent pour la “modernisation” de l’Accord Global avec l’Union Européenne. Ils ont indiqué qu’un nouvel Accord Global avec “une approche purement commerciale” peut “aggraver les inégalités, la violence envers les défenseur.es, les journalistes et la population dans son ensemble ; c’est à dire qu’il renforcerait encore la crise des Droits de l’Homme dans le pays”.
Mi-août, c’est avec les Etats-Unis et le Canada que le Mexique entamait les renégociations du traité commercial qui lie les 3 pays depuis 23 ans. Ce ne sera pas chose facile, Donald Trump n’ayant cessé, depuis la campagne présidentielle, de s’en prendre au Mexique et d’affirmer que l’ALENA (Accord de Libre Echange Nord-Américain) avait nui à l’économie états-unienne. La zone de libre commerce ouverte en 1994 englobe 450 millions de personnes et représente 1,2 milliards de dollars de transactions commerciales en 2016. La sécurité et la migration, deux thèmes sensibles, devront également être discutées.
Les défenseur.es et les journalistes toujours dans la ligne de mire
En juin, la revue The New York Times (NYT) a révélé que des journalistes et activistes mexicain.es avaient été espionnés à l’aide de Pegasus, un logiciel dissimulé dans les téléphones et autres appareils afin de surveiller les activités de la vie quotidienne. L’entreprise fabricante a déclaré que cette application était vendue “exclusivement aux gouvernements, et à condition de n’être utilisée que pour lutter contre des terroristes, des groupes criminels et des cartels de drogue” et que “seul un juge fédéral peut autoriser la surveillance de communications privées”. Selon plusieurs agents des services mexicains du renseignement, “il est très peu probable que le gouvernement ait obtenu cette autorisation”. Il n’y a pas de preuves définitives de la responsabilité du gouvernement mexicain puisque “le logiciel Pegasus ne laisse pas de trace du hacker qui l’utilise. (…) Mais les experts en cybernétique peuvent vérifier à quel moment il a été utilisé dans le téléphone d’une cible, ce qui laisse peu de doute sur le fait que le gouvernement mexicain ou des éléments internes corrompus soient impliqués.”
Le gouvernement fédéral a répondu qu’”il n’y a aucune preuve” que des agences du gouvernement soient impliquées, et a demandé aux personnes espionnées de porter plainte pour l’intrusion présumée. Plusieurs parmi ces dernières l’ont fait, même si elles doutent que cela sera suivi de résultats, le gouvernement étant à la fois juge et partie prenante. Pour protester contre l’affaire #GobiernoEspía (Gouvernement Espion), des journalistes et défenseur.es se sont rendus symboliquement devant le bureau du Procureur Général de la République.
CHIAPAS: Développement, deux visions s’affrontent
En août, le président de la République Enrique Peña Nieto est venu à Chiapa de Corzo avec le gouverneur du Chiapas, Manuel Velasco Coello, pour célébrer la Journée Internationale des Peuples Indigènes. D’après Aristegui Noticias : “Dès la veille, des habitants de Chiapa de Corzo ont commencé à manifester contre la visite du Président, et l’ont déclaré “persona non grata (…) car il a réformé les lois au détriment du peuple mexicain, qu’il a vendu [nos] ressources naturelles, il a vendu le pétrole, l’énergie, et il va continuer à vendre notre peuple”. 7 policiers fédéraux ont été détenus par la population dans ce cadre et, malgré les promesses des gouvernements fédéral et de l’état de ne pas engager de poursuites, les responsables présumés ont été arrêtés et accusés des délits de rébellion et de trouble à l’ordre public. Dans leur discours, Enrique Peña Nieto et Manuel Velasco ont tous deux insisté sur la mise en œuvre des Zones Economiques Spéciales (ZEE). Ce projet ambitionne de transformer certaines régions en zones prioritaires pour les investissements, arguant que “cette politique économique, qui pour l’instant ne concerne que la zone du Sononusco au Chiapas, doit être reproduite dans la région indigène”.
Les Zones Economiques Spéciales ne sont pas les seuls projets dits de « développement » critiqués par les populations. En juin, le Mouvement Indigène du Peuple Croyant Zoque de Défense de la Vie et de la Terre organisait une marche à Tuxtla Gutiérrez; environ 6000 personnes y ont participé. Le mouvement en question est né après un appel d’offres pour la mise en concession de “84 500 hectares de terres sur 9 communes du nord du Chiapas dont sera extrait du gaz naturel, ceci en dépossédant et polluant le territoire Zoque.” Depuis mars 2017, le mouvement signale les irrégularités dans la procédure d’appel d’offres : les communautés affectées n’ont pas toutes été consultées, il n’y a pas eu de traducteur en langue Zoque, et l’Etude d’Impact Environnemental que la loi prévoit n’a pas non plus été présentée.
De même en août, le Front Populaire de Défense du Soconusco a alerté sur l’augmentation des tensions à Acacoyagua. Ce Front lutte pacifiquement depuis deux ans pour faire annuler 21 concessions minières sur la commune et celle d’Escuintla. Il a dénoncé deux agressions : “Le 31 juillet, un groupe de 50 personnes (…) est arrivé à notre campement (…) pour nous intimider et nous demander de laisser passer les camions de l’entreprise minière El Puntal qui vont à la mine « Casas Viejas ». Quand ils ont voulu présenter un écrit dénonçant cette agression auprès de la mairie le 4 août, “environ 100 personnes (…) ont commencé à nous provoquer et à dénigrer notre travail et celui des associations qui nous accompagnent (…).La police municipale a dû intervenir pour mettre fin à l’agression”.
Les problématiques environnementales concernent tant la campagne que les villes. En juin, le journal La Jornada publiait un article à propos de “l’exploitation, depuis plus de 70 ans, (…) de 52 bancs de sable et de gravier dans les collines à l’est de San Cristóbal de las Casas”, ce qui “laissent les formations géologiques vulnérables et provoque de graves problèmes d’érosion”, ainsi que “des problèmes de pollution dans les zones voisines des bancs de sable, en général habitées”.
Le territoire, source de conflits
En juin, deux organisations adhérentes à la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone, l’Ejido Tila et l’association Peuples Unis pour la Défense de l’Energie Electrique (PUDEE), ont alerté sur l’augmentation des tensions dans leur commune. Selon Peuples Unis, 120 personnes de Tila et alentours sont allées à Tuxtla Gutiérrez pour demander que la mairie de la zone soit réinstallée à Tila. Les deux organisations rappellent que la Mairie a justement “ été destituée pour des faits de corruption, assassinats, kidnapping, et parce qu’elle provoquait des divisions, et des problèmes d’addiction aux drogues, de prostitution et d’alcoolisme”. Peuples Unis a précisé que cette manifestation était à l’initiative du “professeur indigène Francisco Arturo Sánchez Martínez, fils de Arturo Sánchez Sánchez, leader du groupe paramilitaire Paz y Justicia et neveu de Samuel Sánchez Sánchez emprisonné (…) dans le cadre du conflit de contre-insurrection en 1996”. Ils ont affirmé que “par le biais de personnes ayant des mandats politiques, de routiers, de transporteurs et des récepteurs du programme d’aide sociale PROSPERA de différentes communautés, ils causent des provocations avec des manifestations, des barrages routiers, des violences, menaces et insultes contre la société civile et contre les habitants et les autorités de l’ejido. (…) Ceci pour provoquer le recours à la force publique”.
Rappelons que les terres de l’ejido Tila ont été reconnues territoire des indigènes Ch’oles par décret présidentiel en 1934. Il y a eu en 1966 une tentative de modification pour octroyer 130 hectares de ce territoire pour la commune et la mairie. Malgré des procès gagnés et autres décisions juridiques en faveur de l’ejido, celles-ci n’étaient pas appliquées. En 2015, les habitants ont expulsé les autorités de l’Etat, récupéré les terres sur lesquelles la mairie était située et proclamé leur autonomie. Plus récemment le Congrès de l’état du Chiapas a autorisé le transfert de la mairie à El Limar, ce qui, selon les habitants de l’ejido, a aggravé les menaces à leur encontre.
Le front des Femmes
En mai, la Campagne Populaire cotre les Violences faites aux Femmes et les Féminicides était à Tuxtla Gutiérrez pour protester contre la pénurie de médicaments, de matériel et de personnel de santé. La manifestation est partie de l’hôpital Rafael Pascacio Gamboa, où, deux jours auparavant, cinq infirmières avaient mis un terme à une grève de la faim de 23 jours. Le lieu d’arrivée était le Congrès local “pour témoigner du coût humain et social provoqué par les autorités de l’état, qui aggravent la crise du système de santé affectant des milliers de personnes”.
En mai et en juin, suite à la Déclaration d’Alerte de Violence de Genre (AVG) lancée en novembre 2016 dans l’état, des collectifs de femmes ont fait part de “quelques observations à prendre en compte d’urgence, étant donné que l’augmentation des violences contre les femmes et des féminicides dans différentes régions du Chiapas prouvent l’incapacité des autorités de l’état à réagir et s’occuper du problème.” Elles ont dénoncé entre autres “l’incapacité des institutions”, “l’absence de progrès et même des régressions dans [sa] mise en œuvre ”, ainsi que le “manque de transparence ” et de “volonté politique” (voir dossier).
OAXACA: Terre et territoire à l’origine de nombreux mouvements sociaux
Il y a une dizaine d’années, les gouvernements fédéral et de l’état ont annoncé des projets pour Oaxaca, dont 67 barrages hydroélectriques, 21 parcs éoliens, la signature de 299 concessions minières, 2 gazoducs, et des infrastructures pour le tourisme. A ceci s’ajoute l’annonce récente d’une Zone Economique Spéciale dans l’Isthme de Tehuantepec. On dénonce parallèlement des agressions à l’encontre de défenseur.es communautaires de l’environnement, l’état de Oaxaca occupant l’une des premières places pour ce genre de délit.
En juin, pendant le forum “Zones économiques spéciales et leurs conséquences sur la vie communautaire et l’environnement”, environ 50 organisations sociales et civiles se sont prononcées contre leur mise en œuvre dans “ l’Isthme de Tehuantepec, Oaxaca ou dans n’importe quel autre endroit de l’état”. Elles ont accusé les ZEE sont censées créer des emplois, mais par le biais de projets gigantesques, projets miniers, éoliens, ou gazoducs. Or ceux-ci porteraient un coup à la vie communautaire des villages, et pourraient déchaîner la violence extra-judiciaire et paramilitaire.
Dans un autre domaine, en juin, les 4èmes rencontres des femmes activistes et défenseures des Droits de l’Homme se sont tenues à Oaxaca. Environ 70 femmes de différentes régions de l’état y participaient. L’événement visait à élaborer une stratégie globale de protection féministe et à renforcer les échanges entre les différentes luttes. Rappelons qu’en 2012, le Consortium pour le Dialogue Parlementaire et l’Equité avait enregistré 48 attaques contre les défenseures dans l’état de Oaxaca. En 2016, leur nombre s’élevait à 320.
En juillet, un bus à destination de Mexico a été attaqué par balles. Le véhicule transportait des membres du Comité de Victimes pour la Justice et la Vérité 19 Junio Nochixtlán (COVIC), et des enseignants de la section 22 de la CNTE (Coordination Nationale des Enseignants). Ils et elles se rendaient à la marche organisée pour marquer le 34ème mois de disparition des 43 élèves de l’Ecole Normale Rurale d’Ayotzinapa (Guerrero). Le COVIC a été créé pour éclaircir les événements du 19 juin 2016 : les forces de police fédérale et de l’état ont chargé des parents et enseignants de la section 22 qui bloquaient la route à hauteur de Nochixtlán pour protester contre la réforme de l’éducation. Huit personnes sont décédées et 108 ont été blessées. La version officielle assure que les policiers n’étaient pas armés ou qu’ils n’ont pas fait feu en premier. Cependant des témoins, dont des policiers ayant participé à l’opération, ont une version différente.
Précisons encore qu’avec 82 victimes, 10 homicides, 69 enquêtes toujours en cours et 28 plaintes pour la seule année 2017, l’état de Oaxaca est en 4ème position pour ce qui concerne les agressions de journalistes. Une Unité Spécialisée pour les Délits contre la Liberté d’Expression a été mise en place, mais le Procureur Général de Oaxaca a indiqué que des coupes budgétaires entraînent des problèmes de fonctionnement.
Enfin, après 290 000 féminicides commis ces 18 dernières années, l’Alerte de Violence de Genre a été déclarée. C’est le Comité de Défense des Droits de l’Homme du Peuple de Oaxaca qui l’avait sollicité en juillet, face aux nombreux cas de violence familiale, de disparition d’adolescentes, de féminicides, de soupçons de traite de personnes et autres délits liés au genre.
GUERRERO: Un tableau bien sombre
Dans son rapport “Guerrero: une mer de lutte, une Montagne d’illusions”, publié en août pour son 23ème anniversaire, le Centre des Droits de l‘Homme de la Montagne Tlachinollan dresse un tableau sombre et qui va en s’aggravant de la situation de l’état. Il explique les niveaux de violence atteints par “l’emplacement stratégique de l’état de Guerrero [dont] les grands groupes criminels ont profité pour s’installer à des endroits décisifs pour le contrôle de tout le processus de transformation du pavot et le contrôle des voies terrestres, aériennes et maritimes de la drogue”. Il dénonce en outre que “l’espace laissé vacant par les institutions en charge du développement des campagnes est occupé par le crime organisé, qui a pu entrer avec une facilité déconcertante sur les territoires communautaires et présenter la culture de drogues comme une option viable pour survivre”.
Reprenant des chiffres du Système National de Sécurité Publique, Tlachinollan indique que 955 homicides ont été enregistrés dans l’état de Guerrero entre janvier et mai 2017 et que, en mai, l’état était le plus violent du pays, avec une moyenne de 7 assassinats par jour. L’augmentation des disparitions forcées est une autre expression de la violence. Le rapport de Tlachinollan souligne que “la formation de plusieurs groupes de proches de disparu.es à Iguala, Chilapa, Acapulco met en lumière un problème dont les autorités ne s’occupent pas”.
En ce qui concerne l’affaire la plus médiatisée, le 26 septembre cela fera 3 ans que 6 personnes ont été assassinées et que 43 étudiants d’Ayotzinapa ont disparu à Iguala. En juin, une caravane organisée par leurs proches est partie dans le sud et le sud-est du pays pour que “dans chaque recoin du Mexique on sache que l’Etat mexicain continue de cacher la vérité, qu’il est le responsable, et que cela ne soit pas oublié”. Là encore l’accent a été mis sur la nécessité d’aller au bout des quatre pistes d’enquête indiquées par le groupe d’experts indépendants de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH). Le groupe en question a exprimé son inquiétude au regard des avancées bien faibles de l’affaire. C’est dans ce contexte que les familles d’Ayotzinapa ont révélé qu’elles subissent menaces, agressions, et campagnes de diffamation, et qu’elles sont surveillées et criminalisées.
Défendre les Droits de l’Homme est une activité à haut risque dans l’état. En juin, Tlachinollan a démenti les propos de la Commission Nationale pour le Développement des Peuples Indigènes (CDI). Celle-ci affirmait que l’association était impliquée dans une affaire de détournement de fonds publics destinés aux communautés de la Montagne [Tlachinollan] après le passage des tempêtes Ingrid et Manuel en 2013. Tlachinollan a déclaré que “les autorités mexicaines utilisent la calomnie et la diffamation à l’encontre des défenseur.es qui dérangent le pouvoir car ils et elles pointent les défaillances de l’Etat”. En juillet, des organisations civiles ont dénoncé l’apathie dont font preuve les autorités pour protéger les membres du Centre Régional de Défense des Droits de l’Homme José Ma. Morelos y Pavón, qui travaille pour les proches et victimes de disparitions forcées, d’exécutions arbitraires et de déplacement forcé à Chilapa.
A propos de la liberté d’expression, Tlachinollan souligne que l’état “remplit toutes les conditions pour devenir une “zone de silence””. En 2016, l’organisation internationale Artículo 19 a documenté 26 agressions au Guerrero (ce qui le place à la 5ème place au niveau national). De plus, en 2017, 22 agressions ont déjà été déjà enregistrées contre des professionnel.les de l’information. Des journalistes de l’état ont dénoncé que “dans le climat de violence qui prévaut au Guerrero, l’inefficacité des institutions laisse la population du Guerrero totalement vulnérable. Tout peut arriver au Guerrero, puisque les délits restent impunis, c’est pourquoi il est urgent que les autorités en charge des enquêtes fournissent des résultats”.
Pour terminer sur une touche d’espoir, le bureau du Premier Ministre a déclaré une Alerte à la Violence de Genre dans huit communes de l’état. Indépendamment du processus coordonné par Conavim, le gouverneur, Héctor Astudillo Flores, avait auparavant annoncé sept actions urgentes pour prendre en charge tout type de violence envers les femmes. Il a reconnu qu’entre 2009 et 2016, 744 affaires d’homicides de femmes et de jeunes filles ont été enregistrés ; et 142 cas depuis décembre 2010, date à laquelle le crime de féminicide a été caractérisé. Des membres de l’Alliance Féministe de Guerrero ont cependant affirmé que les déclarations du gouverneur relèvent d’un calcul politique et médiatique.