Activités SIPAZ (de la mi-novembre 2019 à la mi-février 2020)
25/03/2020DOSSIER : Les violences de genre – faire face à une autre pandémie
12/06/2020En avril, le président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a présenté son cinquième rapport trimestriel. Face à la pandémie de COVID-19, il a indiqué que cette année il y aura 22 millions de bénéficiaires des différents programmes sociaux et qu’en neuf mois deux millions de nouveaux emplois seront créés, entre autres par le programme Sembrando Vida.
Il a souligné que son gouvernement avait déjà « pris la décision de surmonter l’état de délabrement dans lequel le système de santé publique nous a été laissé ». “ Cette crise est temporaire, transitoire, la normalité va bientôt revenir. Nous vaincrons le coronavirus “, a-t-il déclaré. Il convient de rappeler que le président mexicain a été critiqué internationalement pour son attitude face à la pandémie. Alors que d’autres gouvernements latino-américains avaient commencé à mettre en place des mesures d’isolement, López Obrador a appelé à continuer “comme d’habitude” pendant plusieurs semaines avant de mettre en œuvre un confinement qui a été et reste plus volontaire qu’obligatoire. Le 21 mai, 60 jours après le début de la « Journée nationale de la Saine Distance« , le Mexique comptait 6.510 décès dus au COVID-19, statistiques qui l’ont conduit à faire partie de la liste des 10 pays qui ont enregistré le plus grand nombre de morts à cause de la pandémie. Il enregistrait également près de 60 000 cas de contagion accumulés. Malgré des chiffres qui continuent à augmenter, le gouvernement a déjà annoncé qu’à partir du 1er juin, il passera à la « Nouvelle Normalité » avec un système type feux de circulation (rouge, jaune et vert) qui sera publié pour chaque région du pays.
Peuples autochtones, prisonniers, migrants : des secteurs très vulnérables face au Covid-19
En avril, des organisations civiles ont “appelé de toute urgence à fournir suffisamment de personnel et d’équipements pour garantir aux populations autochtones des soins de qualité ». En outre, ils ont exigé qu’un plan national de sauvetage de l’économie communautaire soit mis en place pour ceux qui ne peuvent pas réaliser leur travail en raison du confinement. Ils ont également demandé de faire en sorte que les informations concernant la pandémie soient traduites dans les langues autochtones. Ce dernier point a également été l’une des recommandations de la Commission Nationale des Droits de l’homme (CNDH) ce même mois.
En mai, des organisations civiles ont réitéré leur “ profonde préoccupation face aux conditions que la pandémie pourrait engendrer dans les communautés autochtones ”. “Au manque d’infrastructures, de personnel médical et d’approvisionnement continu en médicaments, il faut ajouter la discrimination institutionnelle et le manque d’une approche préventive culturellement appropriée et abordable pour les communautés ; dans ce contexte, on observe aussi un manque de surveillance et de suivi adéquats pour les migrants qui reviennent dans leurs communautés “, ont-ils dénoncé. Ils se sont aussi déclarés préoccupés par “ la vulnérabilité économique de la majorité (…). Le manque d’accès à des sources d’emploi décentes dans les communautés les rend dépendants du commerce et de l’emploi informel, ainsi que des envois de fonds des migrants ”, des sources de revenus qui par ailleurs “ risquent de diminuer fortement ”.
En mars, des organisations civiles ont demandé que des mesures soient prises pour empêcher la propagation de Covid-19 dans les prisons. Ils ont rappelé qu’“ en raison de l’extrême proximité dans les prisons, l’incarcération génère les conditions idéales de contagion et celles-ci sont aggravées en cas de surpopulation, de manque d’eau et d’hygiène ”. La CNDH a également appelé à des mesures préventives pour protéger la vie et la santé non seulement des prisonniers mais aussi de ceux qui les visitent, du personnel pénitentiaire et des prestataires de services.
Dans ce contexte, en avril, une loi d’amnistie a été approuvée, grâce à laquelle les personnes qui ont commis des délits mineurs pourraient être libérées. Elle ne pourra pas bénéficier “ aux récidivistes, aux personnes accusées d’homicide, d’enlèvement, de blessures graves, de violence ou d’utilisation d’armes à feu, de féminicides, de violeurs, de trafiquants, de huachicoleros [NDT : ceux qui volent de l’essence] ou de cambrioleurs ”. Elle s’appliquera également dans le cas d’indigènes à qui on n’a pas garanti “ le droit d’avoir des interprètes ou des défenseurs qui connaissent leur langue et leur culture ”. Le Bureau au Mexique du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (UN-DH) a appelé à “ l’application rapide de la loi ”. Il a également déclaré que “ c’est une étape positive qui doit contribuer au débat sur la nécessaire transformation du système judiciaire mexicain ”, pour revoir des situations telles que “ la détention préventive informelle ” et “ divers types de délits qui conduisent à l’abus de la peine de prison ”.
En avril, Human Rights Watch a demandé au Mexique de “ libérer immédiatement les migrants détenus s’ils ne pouvaient plus être expulsés vers leur pays d’origine ou s’ils se trouvaient en situation de détention arbitraire ” ; ceci face à la fermeture des frontières et pour prévenir l’apparition de foyers de coronavirus dans les centres de détention. Il a dénoncé que “ des milliers de migrants sont détenus (…) dans des conditions inhumaines et insalubres ”. Il n’est donc pas surprenant que depuis mars “ des personnes détenues dans cinq centres de détention pour migrants au Mexique ont organisé des manifestations pour exiger leur libération ” par peur d’être atteint par le Covid-19. Il y a eu “ des affrontements au cours desquels on a compté des dizaines de blessés et au moins un mort ”, a-t-il ajouté. “ Il est absolument impératif que le gouvernement mexicain agisse immédiatement pour libérer les détenus ou trouver des alternatives ” face au risque de contagion, a-t-il souligné. Le Mexique n’a cependant pris aucune mesure à cet égard.
Mégaprojets : des activités « essentielles” ?
Depuis le 6 avril, AMLO a décrété la suspension des activités non essentielles en raison de l’urgence sanitaire, mais a exempté celles liées aux grands projets d’infrastructure. Il a ratifié cette position le 22 avril, lorsqu’il a publié une série de lignes directrices contenues dans un décret pour faire face à la crise économique causée par la pandémie. En plus de réduire le salaire des hauts fonctionnaires et les dépenses de fonctionnement des agences gouvernementales, il a ratifié la continuité de projets tels que le Train Maya, la raffinerie Dos Bocas, l’aéroport international Felipe Ángeles, la production pétrolière et les programmes sociaux.
Face à cette posture, des communautés, activistes et organisations civiles ont appelé à la suspension de la construction du train Maya qui met en danger “ la santé et la vie des travailleurs qui devront continuer les travaux (…) ainsi que la population, principalement indigène de la zone “. “ Il semble que le gouvernement fédéral profite de la situation actuelle pour avancer, sans risque d’opposition, dans la poursuite d’un projet qui a été remis en cause par différents secteurs. Son opacité a même généré l’émission d’une suspension de la part d’un juge fédéral en réponse à un recours judiciaire présenté par les communautés de Calakmul et Candelaria “, ont-ils critiqué. Ils ont également demandé qu’après l’urgence, “ un processus de dialogue réel, sérieux, informé et équitable garantissant les droits ” des peuples autochtones soit mis en place. Ils ont finalement souligné que “ l’absence d’informations sur les impacts environnementaux, économiques et sociaux que ces travaux entraîneront a été dénoncée avec insistance ”.
En mai, un juge fédéral a accordé un recours constitutionnel aux indigènes du Chiapas afin que les travaux du Train Maya dans la section depuis Palenque soient suspendus car “cela augmenterait le risque pour les habitants de la communauté Maya Ch’ol de contracter le virus Covid-19 et dans cette même proportion, la possibilité d’être assisté médicalement diminuerait “. Le Fonds National de Promotion du Tourisme (Fonatur) a déclaré qu’il n’avait pas été prévenu et a considéré la suspension provisoire comme irrecevable. Par la suite, la CNDH a également appelé à l’arrêt des travaux, de même, en raison du risque de contagion que courent les communautés autochtones et les travailleurs impliqués.
Dans le cas du Corridor trans-isthmique, plus de 150 organisations ont demandé l’annulation immédiate du programme. Ils se sont prononcés en faveur de l’élaboration d’une proposition alternative fondée sur la réflexion et le dialogue horizontal. Ils ont dénoncé le non-respect du droit à l’autodétermination des peuples autochtones et afro. Ils prévoient également des impacts environnementaux “si la nouvelle imposition de cet ensemble de projets d’infrastrure était autorisée (…), la pollution, les effets sur la santé et le réchauffement climatique deviendraient plus aigus et compromettraient les besoins fondamentaux des habitants et des villes d’un large portion sud-sud-est”. Ils ont rappelé que les projets de « développement » mis en œuvre dans l’isthme, “ n’ont pas vraiment profité aux populations locales ; au contraire, ils ont provoqué une grave détérioration de leurs modes de vie, de leurs cultures, de l’environnement, du tissu social communautaire et ont conduit à une augmentation de la militarisation “.
Invisibilité des autres problèmes de droits de l´Homme au milieu de la pandémie
Le 8 mars, Journée internationale de la Femme, les mexicaines ont marqué l’histoire en organisant des marches et d’autres types de manifestations pour exiger une plus grande égalité et la fin de la violence de genre et les féminicides. De plus, autour de hashtags comme #ElNueveNingunaSeMueve, on estime qu’environ 22 millions de femmes se sont jointes à l’invitation à une grève nationale le 9 mars (voir Dossier et article).
Également en mars, le Centre mexicain des droits de l’environnement (CEMDA) a présenté un rapport réitérant le danger pour les défenseurs de l’environnement au Mexique. Il a noté qu’entre janvier 2012 et décembre 2019, il y a eu 499 attaques contre des défenseurs de l’environnement et 83 meurtres. En 2019, première année complète du gouvernement d’AMLO, 39 attaques ont eu lieu, dont 15 meurtres. Le CEMDA souligne qu’“aucun progrès n’a été réalisé en vues d’un changement structurel qui génèrerait des conditions appropriées et sûres pour l’exercice du droit de défendre les droits de l’Homme. Actuellement, nous observons encore des discours de la part du gouvernement qui disqualifient et stigmatisent la défense des droits de l’Homme. Ceci polarise la perception de la société, réussissant à délégitimer ce travail et à créer un environnement hostile afin que d’autres agressions puissent être commises. “.
Le 10 mai, fête des mères au Mexique, des femmes ont manifesté pour ratifier qu’elles continueraient de rechercher leurs enfants disparus. L’appel a été large et en raison de la pandémie, les manifestations ont pris d’autres formes, notamment des actions sur les réseaux sociaux ou des caravanes de voitures. Les organisations de familles de disparus ont exigé au gouvernement de continuer à rechercher les plus de 61.000 disparus et à identifier plus rapidement les 37.000 corps qui ont été trouvés en dépit du contexte lié à la pandémie.
Également en mai, un décret a été publié qui attribuera aux Forces armées des tâches de sécurité publique pour les cinq prochaines années jusqu’à ce que la Garde nationale (GN) développe sa structure, ses capacités et son implantation sur l’ensemble du territoire national. Il reste peu clair qui aura le commandement des forces militaires dédiées à ces tâches. Le groupe #SeguridadSinGuerra a exprimé son rejet face à ce décret, estimant qu’’“ il comporte une série de lacunes, notamment il ne précise pas la portée temporelle et géographique, il n’établit pas de mécanismes de responsabilisation et il ne garantit pas non plus que les forces armées soient subordonnées à un pouvoir civil. “
CHIAPAS : un secteur de la santé qui pourra facilement être débordé
À la mi-mars, avant même les mesures gouvernementales, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a annoncé celles qu’elle prendrait face à la pandémie, notamment la fermeture complète de ses structures autonomes et un appel au confinement de ses bases de soutien. Elle a invité la population en général “ à prendre les mesures sanitaires nécessaires qui, sur une base scientifique, leur permettent de survivre et de survivre à cette pandémie ”. Ceci sans “ abandonner la lutte contre les violences féminicides, (…) pour la défense du territoire et de la Terre-Mère, (…) pour les disparus, assassinés et emprisonnés et (…) pour l’humanité ”.
En avril, des organisations du Chiapas ont demandé au gouvernement : “de prendre en compte les déterminations sociales de la pandémie qui établissent comme les secteurs les plus vulnérables les populations migrantes, les enfants qui travaillent et les enfants des rues, les résidents des périphéries urbaines, les personnes en situation de détention, les travailleurs précaires en leur garantissant un diagnostic rapide et à l’accès aux soins “. Dans le cas des peuples autochtones, ils ont exigé “ de respecter pleinement l’exercice de leur droit à l’autonomie et leurs propres modèles de soins de santé ”. L’urgence sanitaire “ met en évidence le démantèlement des systèmes de santé publique ”, ont-ils dénoncé. Ils ont insisté sur le fait qu’“en aucun cas, des mesures coercitives ne devraient être appliquées de la part de la police et des militaires afin de contenir la population ”.
Il n’y a pas que le Covid-19 qui « met la vie en danger »
En février, la caravane « A la recherche des 43 » élèves de l’école normale rurale d’Ayotzinapa, disparus à Iguala en 2014, à laquelle ont participé leurs proches, est arrivée à l’école normale rurale Mactumactzá de Tuxtla Gutiérrez. En réponse à un sit-in, “plus de deux cents policiers de l’état avec des chars et des bombes lacrymogènes se sont postés à l’entrée de l’école normale (…) sans aucun protocole, ont commencé à lancer des bombes lacrymogènes (…) laissant un bilan de blessés de trois élèves, deux mères et leur petite-fille de trois ans “, a rapporté le Centre Tlachinollan pour les droits de l’Homme. Le sous-secrétaire aux droits de l’Homme, Alejandro Encinas, a demandé au gouvernement du Chiapas “ d’enquêter et de punir les responsables de l’ordre de réprimer la caravane ”. Le bureau du procureur général a indiqué que deux policiers avaient été arrêtés et qu’une enquête était aussi en cours contre “ ceux qui sont responsables des délits d’émeute, d’attaques contre la paix et l’intégrité corporelle et patrimoniale de la collectivité et de l’État, ainsi que d’attaques contre les voies de communication, et des blessures de quatre officiers en uniforme. “
Concernant les défenseurs des droits de l’Homme, en avril, le Frayba s’est dit préoccupé par les nouvelles menaces de mort et les actes de surveillance contre le père Marcelo Pérez Pérez, curé de Simojovel, “des harcèlements qui mettent également en danger la sécurité de son équipe pastorale et de la population générale ”.
En ce qui concerne les déplacements forcés, de mars à mai, les autorités d’Aldama et de Santa Martha (Chenalhó) ont dénoncé les actes d’agression entre habitants de ces deux villages. Ceux-ci ont leur origine dans un conflit de longue date suite à un différend sur 60 hectares dans la zone frontalière entre les deux localités. Le président municipal d’Aldama et le Frayba ont fait état “ d’attaques de groupes civils paramilitaires armés des communautés de Santa Martha ” contre des habitants d’Aldama presque quotidiennement. En conséquence “ de nombreuses familles ont fui [à nouveau] vers les montagnes ”. Dans le même temps, les autorités de Santa Martha ont indiqué que “ leurs voisins à Aldama étaient ceux qui avaient commencé à tirer ”. Bien qu’un pacte de non-agression ait été signé en juin 2019, les attaques se sont poursuivies à ce jour.
En mai, des coups de feu ont été dénoncés à Chalchihuitán. Les agressions auraient été perpétrés par un groupe civil armé de Chenalhó. Dans le contexte de la pandémie, ces attaques ont mis en danger environ 1.236 personnes déplacées, qui vivent dans une extrême pauvreté. Elles ont obtenu un recours judiciaire pour protéger leur vie et leur sécurité, mais les autorités “ ne se sont pas effectivement investies dans sa mise en place ”, a affirmé Frayba.
Terre et territoire : les initiatives de défense se maintiennent
En mars, des membres du Conseil régional indigène et populaire de Xpujil (CRIPX), municipalité de Calakmul, Campeche, et des membres du Comité des droits de l’homme du diocèse de San Cristóbal de Las Casas (qui a lancé une initiative en signe de solidarité à travers laquelle il a recueilli plus de 12 mille signatures dans 15 municipalités du Chiapas) ont exigé le respect des droits des peuples autochtones affectés par le projet du Train Maya. Ils considèrent que ce projet ne respectait pas les normes internationales en matière de consultation et dénoncent qu’aucune étude sur les impacts environnementaux, économiques, sociaux et culturels n’a été présentée.
En mars, le Front populaire de défense du Soconusco 20 juin (FPDS) a déclaré que le gouvernement du Chiapas l’avait convoqué à une réunion de travail à laquelle des représentants de la société minière El Puntal avaient participé. Ceci “ pour les avertir que le gouvernement appliquera l’état de droit pour permettre à la société minière de titane de redémarrer ses travaux ”. En présence de membres du bureau du procureur du Chiapas et du bureau du procureur agraire, le directeur de l’entreprise minière a désigné 12 membres du FPDS comme les « dirigeants » de l’organisation et les a menacés de porter plainte contre eux. “ Faire appel à l’état de droit impliquerait de revoir toutes les incohérences et irrégularités que présente le projet ”, a affirmé le FPDS.
En mars, le syndic de la mairie de San Cristóbal de Las Casas a demandé à la Commission nationale de l’eau (Conagua) de révoquer la concession accordée à la société Coca-Cola FEMSA pour profiter des eaux souterraines de la municipalité. Il a demandé “ de donner la priorité aux besoins de la population de San Cristobal par rapport à une utilisation commerciale et industrielle, car notre municipalité souffre de pénuries d’eau ”. La Conagua a répondu qu’“ il n’y a aucun élément ” pour révoquer légalement les titres de concession. Des groupes défendant l’environnement ont exhorté la Conagua à “ reconsidérer sa position ”. Ils ont affirmé que les “avantages tirés de la création d’emplois (…), ainsi que des ressources que l’entreprise alloue au financement de certaines organisations civiles (…), sont annulés et compensés par les dommages et les risques produits par l’extraction de l’eau”.
OAXACA : Luttes pour la défense des terres et des territoires dans le contexte de la pandémie
En avril, le gouverneur Alejandro Murat a publié un décret décrivant les mesures à prendre pour faire face à la pandémie, l’une d’entre elles étant l’utilisation obligatoire de masques dans les espaces publics. Ceux qui ne respecteraient pas cette mesure devraient payer une amende ou être arrêtés jusqu’à 36 heures. Différentes organisations des droits de l’Homme ont déclaré que cette disposition “empiète les facultés fédérales et viole les droits de l’Homme des peuples autochtones” car elle est excessive, en particulier pour ceux qui doivent sortir de chez eux tous les jours pour gagner leur vie. En mai, Código DH a remporté un recours judiciaire contre les dispositions étatiques, reconnaissant que les critères fédéraux ne considèrent en aucun cas le recours à la force publique ou l’autorisation de sanctions ou de mesures coercitives dans le cadre de la pandémie.
En ce qui concerne les défenseurs des droits de l’Homme et les journalistes, en février, un journaliste et un caméraman qui couvraient une manifestation devant le tribunal agraire de la ville de Oaxaca ont été menacés de mort s’ils ne supprimaient pas leur enregistrement. Peu après, des membres de 10 médias ont été agressés physiquement et verbalement. En l’absence d’officiers de police, l’organisation pour la liberté d’expression Artículo 19 a jugé “ alarmant que la sécurité des citoyens et de ceux qui exercent la liberté d’expression ne soit pas garantie ”. Des journalistes du Oaxaca ont protesté contre les attaques, d’autant plus qu’elles sont les derniers exemples d’“ une longue liste de plaintes pour des cas dans lesquels des groupes, des syndicats, des organisations et des individus pensent que les attaques contre les membres de la presse feront qu’ils ne publieront que ce qui convient à leurs intérêts ”.
En mai, une toile sur laquelle apparaissaient des menaces de mort contre la maire et les membres du Comité des victimes pour la justice et la vérité 19 juin (Covic) est apparue dans la municipalité de Nochixtlán. Cette organisation a été créée pour réclamer justice dans l’affaire de la répression policière du 19 juin 2016, dans le cadre d’une opération pour démanteler un sit-in d’enseignants et de parents qui protestaient contre la réforme éducative d’Enrique Peña Nieto. Cette opération policière a fait six morts et 108 blessés. Ces dernières menaces pourraient provenir des avancées de l’enquête au cours des dernières semaines, ceci quand Gabino Cué Monteagudo, ancien gouverneur du Oaxaca, ainsi que les secrétaires de la sécurité étatique et fédérale qui étaient en fonction à l’époque, ont été cités à comparaitre.
Quant à la terre et au territoire, les recours judiciaires et les efforts de coordination continuent de se multiplier. En février, le peuple indigène de San Pedro Quiatoni a gagné un recours contre les sociétés minières filiales de Gold Resource Corp (USA) pour ne pas avoir respecté “ le droit au territoire, ni le droit à la consultation et au consentement ”.
Toujours en février, des représentants d’une cinquantaine de communautés et de 20 organisations civiles ont formé l’Assemblée du Oaxaca pour la défense des terres et des territoires. Ceci pour “ construire un consensus de lutte pour la défense pacifique de la Terre mère, de leurs cultures et de leurs propres formes d’organisation ”. Ils ont dénoncé que “ le gouvernement mexicain, en tant que fidèle serviteur des sociétés transnationales, a favorisé la privatisation des terres communales et ejidos (…) afin de donner une sécurité juridique aux entreprises ” dont les projets se traduisent généralement par “ la destruction du tissu social, l’immobilisation des manifestations, la destruction et la contamination des ressources naturelles “.
Toujours en mars, la communauté de Santa María Zapotitlán a gagné un recours judiciaire contre la société minière Zalamera. Ledit recours a considéré qu’il y avait un intérêt collectif car “ le territoire est la clé de la reproduction matérielle, spirituelle, sociale et culturelle d’un peuple indigène ”.
GUERRERO : Risque d’invisibilité de multiples problèmes
Le Guerrero est un des états mexicains où les conditions sanitaires, économiques et sociales avant la pandémie nous font craindre que COVID 19 puisse y avoir des effets tragiques. En avril, des autorités municipales et communautaires ont attiré l’attention sur les besoins des peuples autochtones et afro, non seulement dans le cadre de la crise sanitaire, mais aussi en raison de ses conséquences. Ils ont demandé que “les décisions d’établir des systèmes de contrôle pour l’entrée et la sortie de nombreuses communautés soient respectées”. Ils ont estimé qu’” il s’agit de mesures de protection drastiques, mais nécessaires ”. Ils ont demandé de prêter attention aux journaliers qui travaillent dans les plantations agricoles du Nord et qui ont été forcés de rentrer dans leurs communautés d’origine sans vérifier leur état de santé. Ils ont également alerté sur les migrants aux États-Unis, des milliers de personnes originaires du Guerrero en difficulté. Certains d’entre eux sont rentrés mais ont trouvé leurs communautés fermées aux personnes venant de l’extérieur.
Même dans le cas emblématique d’Ayotzinapa, le Comité des mères et des pères des 43 élèves de l’École rurale normale d’Ayotzinapa qui ont disparu à Iguala en 2014 a exprimé sa crainte “ que l’agenda médiatique centré sur les problèmes de santé ne rende invisible la situation des personnes disparues”. En mars, trois suspects impliqués dans des actes de torture contre des personnes poursuivies pour cette affaire ont été arrêtés. En outre, “ l’ancien directeur de l’Agence d’enquête criminelle (AIC), Tomás Zerón de Lucio, et l’ancien chef de la police ministérielle fédérale, Carlos Gómez Arrieta, sont sur le point d’être arrêtés ”. Les organisations qui accompagnent ce cas ont reconnu ces actions “ parce qu’elles confirment ce que les familles ont toujours dénoncé : la manipulation de l’enquête ”.
En ce qui concerne la situation des défenseurs des droits de l’Homme et des journalistes, en avril, le délégué de la Commission étatique des droits de l’Homme du Guerrero (CDHEG), Eliseo Jesús Memije Martínez, a été assassiné avec son fils dans la municipalité de Coyuca de Benítez.
Toujours en avril, Tlachinollan et le Réseau Tous les droits pour tous et toutes (Red TDT) ont dénoncé les risques encourus par les membres du Centre régional des droits de l’Homme Morelos y Pavón qui accompagnent les victimes de déplacements forcés de la municipalité de Leonardo Bravo. En avril de cette année, ces défenseurs, les déplacés qu’ils accompagnent et le journaliste Ezquiel Flores du magazine Proceso ont été menacés de mort “ par le groupe de civils armés, le Front uni de la police communautaire de l’État du Guerrero (FUPCEG), via une publication sur leur site Facebook ”. Artículo 19 a indiqué que dans le cas de Flores Contreras, “ les agressions verbales et physiques contre lui (…) ont été systématiques de la part d’agents de l’État et de membres présumés du crime organisé ” depuis plusieurs années. L’organisation a documenté 280 attaques contre la presse au Guerrero, plaçant l’entité comme le quatrième état le plus dangereux pour l’exercice journalistique au Mexique.
Parallèlement, les personnes déplacées des municipalités de Leonardo Bravo et Zitlala ont dénoncé que “ des groupes armés ont pris le contrôle des communautés de Carrizal de Bravo et El Balsamar ”. Ils ont exigé la présence de la Garde nationale, une demande qui apparaissait déjà dans les accords signés il y a un an avec le ministère de l’Intérieur pour “ prendre le contrôle de la sécurité dans toute la région, mais le gouvernement fédéral n’a pas tenu cette promesse ”.
En mai, le chef de l’opposition à la société minière Media Luna, Óscar Ontiveros Martínez a été exécuté par un groupe armé dans la municipalité de Cocula. Ses proches ont dénoncé que « c’était pour des raisons politico-ouvrières et en répression pour son activisme contre la société minière (…), car il était un acteur clé dans la grève de novembre 2017 ». Ils ont rappelé qu’en 2018, trois travailleurs qui avaient participé à des manifestations réclamant l’indépendance syndicale et le respect des droits de ceux qui louent leurs terres à l’entreprise ont aussi été tués.
Dans les avancées, en avril, la Cour Suprême de Justice de la Nation (SCJN) a déclaré inconstitutionnelles les modifications de la loi 701 sur la reconnaissance, les droits et la culture des peuples et communautés autochtones de l’État du Guerrero de 2018 “car il n’y avait pas eu une consultation préalable, libre, éclairée, de bonne foi et culturellement appropriée “. Tlachinollan s’est félicité que la résolution “ ait clairement établi que ce ne sont pas les autorités de l’Etat qui peuvent décider unilatéralement du cours de la vie des peuples autochtones ”.