2017
15/02/2018DOSSIER: Peuples autochtones – « grands défis et obstacles pour la pleine jouissance de leurs droits »
02/04/2018Au mois de novembre, la Loi Générale sur les Disparitions Forcées et sur les Disparitions commises par des particuliers a été promulguée. Le « Mouvement pour Nos Disparus » a vu dans cette action « une preuve de bonne volonté face à l’ampleur que la crise des disparitions a atteint ce jour ». Néanmoins, ce dernier a demandé à ce que « cette loi dispose des ressources nécessaires et suffisantes afin qu’elle puisse être effectivement appliquée ».
Il convient de rappeler que le Mexique comptabilise plus de 32 000 personnes disparues, que la majorité des Mexicains considèrent que les enquêtes ne sont pas bien menées et que les efforts pour punir les responsables ne sont pas suffisants, selon un sondage réalisé pour la Chambre des députés. En janvier, au moment où la loi est entrée en vigueur, le Groupe de Travail des Nations Unies sur les Disparitions Forcées ou Involontaires a déclaré que « si la lutte contre l’impunité n’avançait pas, il serait impossible d’éradiquer ce fléau ».
D’autres projets de loi, ainsi que des lois approuvées au cours des derniers mois, restent préoccupantes pour les droits humains. Parmi elles, la Loi de Sécurité Intérieure, qui prétend réguler les agissements des forces armées en matière de sécurité publique, est celle ayant le plus suscité la polémique. Elle met notamment en place une procédure par laquelle le président pourra ordonner l’intervention des forces armées lorsque des « menaces pour la sécurité intérieure » seront identifiées, et lorsque les effectifs de police s’avèreront insuffisants pour y faire face.
Cette loi a été fortement remise en question par des organisations civiles nationales et internationales, ainsi que par les partis d’opposition qui considèrent qu’elle contribuerait à renforcer la militarisation du pays et qu’elle ouvrirait la porte à davantage de violations des droits humains. Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droit de l’Homme, a déclaré que « le Mexique fait face à un gros problème de sécurité […]. Plus de dix ans après le déploiement des forces armées dans le cadre de ladite guerre contre la drogue, la violence n’a pas diminué : aussi bien des agents étatiques que non étatiques multiplient les abus et les violations des droits de l’Homme ». Il considère que « contrôler les forces armées en leur permettant de réaliser des opérations de sécurité citoyenne n’est pas une réponse adéquate. L’actuel projet de loi pourrait ainsi affaiblir les quelques progrès des autorités civiles pour remplir pleinement leurs fonctions ».
Toutefois, en décembre, le président Enrique Peña Nieto a promulgué la loi bien qu’il ait affirmé qu’il ne la ferait pas appliquer avant que la Cour Suprême de Justice de la Nation (SCJN) n’ait vérifié sa conformité avec la Constitution. Rien qu’au mois de février, plus de dix recours devant ladite Cour ont été présentés, aussi bien par des députés, des sénateurs, la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH), l’Institut National de Transparence, d’Accès à l’Information et à la Protection des Données Personnelles (INAI), que par des municipalités de plusieurs états du pays.
La Chambre des sénateurs a également approuvé la Loi sur la Biodiversité qui, selon les organisations civiles et membres de l’académie, met en péril les ressources naturelles du Mexique. Ces organisations ont dénoncé le fait que cette loi omette l’interdiction de réaliser des activités minières et d’exploitation de l’énergie électrique dans les Aires Naturelles Protégées (ANP). Greenpeace México a également critiqué « le manque de protection des ressources génétiques ainsi que leur commercialisation, risquant d’exacerber les conflits relatifs à l’accès et à la répartition des bénéfices aux communautés locales et aux populations indigènes ».
En février, les sénateurs ont aussi ouvert le débat sur la Loi générale des Eaux, qui poursuivrait les privatisations et accentuerait la variation des coûts en fonction de l’utilité qu’en fait l’exploitant ; ils ont également débattu d’une nouvelle législation dans le domaine de l’emploi qui générerait une plus grande précarité que celle déjà existante.
Droits humains : une crise généralisée
Au début de l’année 2018, Human Rights Watch a publié son rapport relatif à la situation des droits de l’Homme dans le monde. Dans le cas du Mexique, les abus des membres des forces armées, l’impunité existante y compris dans des cas emblématiques (tels que ceux de Tlatlaya et Ayotzinapa), le recours habituel à la torture, la Loi de Sécurité Intérieure et la violence contre les défenseur(e)s des droits et les journalistes, sont les principaux problèmes ayant été mis en avant.
Après une visite officielle, les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies et de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme sur la liberté d’expression ont souligné que « la violence contre ceux exerçant la profession de journaliste constitue un problème majeur au Mexique depuis plus d’une décennie et que, malgré la création de mécanismes de protection et de pénalisation des responsables par le gouvernement, l’impunité et l’insécurité persistent ».
Concernant les droits des migrant(e)s, le Mouvement des Migrants d’Amérique centrale / Movimiento Migrante Mesoamericano (MMM) a dénoncé en décembre le fait que « près de 500.000 personnes traversent la frontière sud du Mexique chaque année […]. L’insécurité économique, combinée à l’impact des mégaprojets d’extraction minière et d’autres ressources, crée une situation de violence structurelle et débouche sur de nombreux déplacements forcés. Cette précarité économique intervient dans un contexte de violence accrue dans ces pays, dont les taux d’homicides et de violences de genre sont les plus élevés au monde. Quand les migrants fuient ces conditions, ils s’exposent à de graves menaces lors de leur traversée du Mexique, où la violence des groupes criminels et la corruption des institutions d’État conduisent à la séquestration, l’extorsion et le trafic des personnes migrantes par des bandes du crime organisé ». Le MMM a également déclaré que «le gouvernement mexicain, dans le cadre de sa coopération avec celui des États-Unis, a essayé d’empêcher que les flux migratoires n’atteignent la frontière nord via la militarisation du territoire », laquelle a rendu «d’autant plus vulnérables les migrants en transit ».
Les élections de 2018 promettent d’être plus mouvementées et plus couteuses que jamais
Selon une étude du Pew Research Center menée dans 38 pays, le Mexique est celui le moins satisfait de sa démocratie, lorsque seulement 6 % des mexicains se déclarent contents de son fonctionnement. Dans ce contexte, un nouveau président de la République sera élu le 1er juillet prochain, ainsi que 128 sénateurs et 500 députés fédéraux. Aussi, plusieurs entités éliront gouverneurs et maires.
Concernant la présidence, Andrés Manuel López Obrador, leader du Mouvement de Régénération Nationale (Morena) tentera pour la troisième fois de remporter les élections. Jusqu’au mois de février, les sondages le plaçaient en première position dans les intentions de vote. José Antonio Meade Kuribreña, ancien ministre des Finances, du Développement Social et des Relations Extérieures, sera le candidat du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI). Le représentant du PAN, Ricardo Anaya, sera à la tête de la coalition Por México al Frente, alliance atypique entre le conservateur Parti d’Action Nationale, le social-démocrate Parti de la Révolution Démocratique (PRD) et le Mouvement Citoyen.
Des 53 personnes aspirant à des candidatures indépendantes, seulement trois d’entre eux ont rempli les critères requis pour se présenter, soit le recueil d’un million de signatures valides et qui soient dispersées sur l’ensemble du territoire : Margarita Zavala, épouse de l’ex-paniste et ex-président Felipe Calderón (2006-2012), Jaime Rodríguez Calderón (connu comme El Bronco, actuel gouverneur de Nuevo León) et Armando Ríos Piter (actuellement sénateur du PRD). María de Jesús Patricio Martínez, aspirant à représenter le Congrès National Indigène, n’a réussi qu’à rassembler 275 000 signatures. Depuis le début, Marichuy et le CNI ont clairement dit qu’ils ne souhaitaient pas arriver au pouvoir, mais cherchaient plutôt à faire en sorte que des thèmes comme les droits des peuples indigènes et la participation politique des femmes soient davantage au centre du débat public. Cette candidature a également été une occasion pour renforcer et consolider un Conseil Indigène de Gouvernement (CIG) au niveau national.
Chiapas : insécurité et conflits en essor
Deux morts violentes en janvier ont profondément inquiété la société civile face à l’insécurité croissante régnant au Chiapas : celle de Adán Gómez González, chercheur et enseignant en biologie à l’Université des Sciences et des Arts du Chiapas (Unicach), et le féminicide de Gloria Castellanos Balcázar, âgée de 24 ans, intervenu peu de temps avant également à Tuxtla Gutiérrez. Un article mis en ligne sur le site Chiapas Paralelo a souligné que « ces morts faisaient écho à d’autres assassinats ayant été occultés, des morts anonymes mais non moins douloureuses, survenant quotidiennement (on compte en moyenne trois assassinats violents tous les deux jours au Chiapas)». L’Observatoire Citoyen de Sécurité et Chiapas Liga Lab ont également documenté l’augmentation des cas d’extorsion, de vols de véhicules, de séquestrations, de vols à domicile et de violences sexuelles.
Suite au féminicide de Gloria, le collectif Voix Féministes a affirmé que « les alertes aux violences de genre et les systèmes de prévention ne fonctionnent pas au Chiapas, parce que les politiques publiques qui leur sont liées se réduisent à de simples publicités et déclarations ». Depuis novembre, un an après la Déclaration sur les Alertes aux Violences de Genre au Chiapas, la Campagne Populaire contre la Violence envers les Femmes et le Féminicide a dénoncé le manque d’action des autorités gouvernementales. Elle a également déclaré que le budget destiné aux mécanismes d’alerte constitue « un vivier dans lequel les fonctionnaires corrompus puisent en volant l’argent du peuple, comme cela était arrivé avec les ressources destinés aux sinistrés du tremblement de terre du 7 septembre ».
Hauts Plateaux du Chiapas : principale zone de tensions
Au cours de ces trois derniers mois, les Hauts Plateaux du Chiapas constituent la principale zone de tensions du Chiapas. En novembre dernier, un conflit agraire quant aux limites entre les municipalités de Chalchihuitán et de Chenalhó qui remonte à 1973 a repris avec une violence sans précédent. Coups de feu, maisons brûlées, groupes civils masqués et portant des armes lourdes ont semé la terreur dans la région, provoquant le déplacement de plus de 5000 personnes. « L’impunité des groupes armés est telle que ni la police ni l’armée n’ont pu s’interposer pour mettre un terme aux violences ou pour désarmer ceux qui imposent leur contrôle sur le territoire et la population par la peur », a notamment souligné le diocèse de San Cristóbal de Las Casas.
Le 13 décembre, le Tribunal Unitaire Agraire a finalement ordonné la restitution de 365 hectares de terrain de la part de la municipalité de Chalchihuitán à celle de Chenalhó. Une indemnisation sera due à ceux perdant leurs terres et leur logement à Chalchihuitán. Il convient de noter que la résolution du Tribunal est datée du 6 novembre, soit plus d’un mois après que « la population déplacée de cette zone ait souffert de la peur, du froid, de la faim, de harcèlements, de maladies, de sévices psychologiques voire même de la mort de certains enfants et adultes ».
En janvier, près de 4000 indigènes de Chalchihuitán sont retournés dans leurs communautés après presque deux mois de déplacement forcé, ceci malgré des conditions de sécurité insuffisantes dues à la présence continue de groupes n’ayant pas été désarmés. 1165 personnes ont d’ailleurs refusé de rentrer chez elles à cause de tels motifs. Selon le curé de la paroisse de Chalchihuitán, ceux qui sont revenus l’ont fait suite aux conditions du déplacement forcé qui ont provoqué la mort de faim ou de froid de 11 personnes.
Conflits postélectoraux ou préélectoraux ?
D’une part, la résolution des conflits postélectoraux remontant aux élections municipales de 2015 n’en finit pas : parmi les cas les plus extrêmes, en janvier, des civils lourdement armés ont attaqué des populations qui étaient venues exiger la reconnaissance de leur droit à l’autodétermination ainsi que la formation d’un gouvernement communautaire à Oxchuc. Le conflit a fait trois morts et 17 blessés. La maire élue, María Gloria Sánchez, avait été expulsée de la municipalité par des habitants qui contestaient le fait qu’elle et son époux se soient succédés au pouvoir sous trois étiquettes successives au gouvernement, d’abord celle du PRI, pour finir avec celle du Parti Vert Ecologiste. En février, le Congrès du Chiapas a ordonné sa destitution afin d’ouvrir une enquête à son sujet.
D’un autre côté, de nouveaux conflits semblent déjà survenir dans le cadre des prochaines élections du 1er juillet : l’élection du gouverneur et des maires aura lieu au même moment au Chiapas. Le processus pour rendre publiques les candidatures, en particulier dans le cas de celles émanant d’alliances entre partis, s’est particulièrement raréfié du fait de nombreux changements jusqu’à la fin de la rédaction de ce rapport : l’alliance s’étant constituée au niveau fédéral entre le Parti Vert, le PRI et la Nueva Alianza a notamment généré plusieurs conflits ainsi que des ruptures au niveau local, dans la mesure où le Parti Vert a accusé le PRI de vouloir imposer son candidat. Il faut rappeler qu’une grande partie des conflits postélectoraux de 2015 ont justement découlé de tensions entre le PRI et des membres du Parti Vert au Chiapas. Le PAN, le PRD, le Mouvement Citoyen et les organisations politiques locales Mover a Chiapas et Chiapas Unidos se regrouperont autour d’une candidature commune, qui pourrait être celle d’Eduardo Ramírez, ex secrétaire de gouvernement de l’actuel gouverneur ayant renoncé au Parti vert en janvier. Les autres candidats seraient Roberto Albores Gleason pour le PRI, le Parti Vert et Nueva Alianza, et Rutilio Escandón, candidat pour Morena, le Parti du Travail et Encuentro Social.
Défense des droits humains : entre dénonciations et construction d’alternatives
Le 20 novembre, le Mouvement pour la Défense de la Vie et du Territoire (Modevite) s’est mobilisé pour les 107 ans du début de la Révolution mexicaine. Il a alors déclaré : « la misère et la marginalisation de nos peuples persistent encore aujourd’hui ; la violence est notre pain quotidien, l’air que nous respirons est fait de violence. En plus de cela, le cirque auquel s’adonnent les partis politiques nous divisent : ceux-ci profitent de notre pauvreté », alors que les autorités, à tous les niveaux, « sont complices des pillages, des abus, de la violence, des injustices ». Le Mouvement a également demandé à ce que l’on donne une réponse positive aux requêtes présentées par les Commissions de Gouvernement Communautaire des municipalités de Chilón et de Sitalá, afin qu’elles puissent s’autogouverner selon leur propre système de normes indigènes.
En janvier, des indigènes de Amador Hernández (municipalité de Ocosingo) ont expulsé 17 membres de La Marina s’étant introduits dans leur communauté sans leur permission. La communauté, ainsi que d’autres organisations, ont alors déclaré : « une telle opération vise à surveiller et à contrôler nos communautés à travers la mise en place d’une police environnementale, annoncée depuis 2016. Il s’agit d’un nouveau corps de la Police Fédérale officiellement chargé de « garantir et sauvegarder les aires naturelles protégées » et, officieusement, de contrôler et réprimer la population afin de préserver les intérêts du gouvernement et des entreprises ».
Le 25 janvier, le Peuple Croyant a organisé une marche de plus de 5000 personnes. Il a réaffirmé sa volonté de « poursuivre la lutte pour la liberté, la paix, la justice et la dignité des peuples », ainsi que son opposition « aux expropriations de terres, à la privatisation des ressources naturelles », à la dynamique des réformes structurelles, à la corruption, et à l’impunité. Ses membres ont aussi déploré le fait que « dans tout le pays, et en particulier au Chiapas, les consultations réalisées auprès des populations locales lorsque des lois ou des projets affectent les territoires et les droits des peuples autochtones ne sont pas appropriées».
Également en janvier, des travailleurs du secteur de la santé ont dénoncé la répression et la criminalisation dont ils sont victimes. Bien que le Chiapas soit l’état le plus subventionné en matière de santé via le budget fédéral, la corruption généralisée et les carences de l’administration génèrent une situation où les médicaments sont en rupture de stock et où les infrastructures sont défectueuses. Ces travailleurs ont également dénoncé les mandats d’arrêt émis à l’encontre de quatre travailleurs, ayant participé aux grèves de la faim, pour délit d’émeute. Ce fut notamment le cas de Límbano Domínguez Alegría.
La question de la Terre et du Territoire reste omniprésente : en février, des organisations canadiennes et mexicaines, des proches et ami(e)s du défenseur de l’environnement Mariano Abarca Roblero, assassiné en 2009 à Chicomuselo, ont sollicité le gouvernement du Canada afin qu’il enquête sur les membres de l’Ambassade de ce pays qui, selon ces organisations, ont dissimulé les actions de l’entreprise minière Blackfire Exploration, liées à ce crime qui reste impuni.
Oaxaca : un sentiment d’insécurité croissante
En novembre, Alejandro Murat Hinojosa, gouverneur de Oaxaca et membre du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), a rendu son premier Rapport de gouvernement. S’il a reconnu qu’il restait encore beaucoup à faire, il a affirmé que « les bases pour le développement de la société ont été posées ». Les partis politiques de l’opposition ont signalé son manque d’intérêt pour la situation des habitant(e)s de Oaxaca. La revue Sin Embargo a quant à elle noté le fait que la remise de ce rapport ait eu lieu « dans un climat de plaintes, d’insécurité et de méfiance ». Alors que le gouverneur a déclaré qu’« il ne se passe rien à Oaxaca et que l’on peut sortir de sa maison et utiliser les transports publics », Sin Embargo a affirmé que « les statistiques prouvent le contraire : on comptabilise 2722 vols avec violence de janvier à septembre à Oaxaca […] Sur la même période, 703 homicides volontaires ont été recensés ». Par ailleurs, la remise du rapport a eu lieu en plein milieu d’une mobilisation de la 22ème section du Syndicat National des Travailleurs et de l’Éducation (SNTE). Cette section a déclaré qu’un an après le début du mandat de Murat, la situation restait la même, face à l’absence de véritables solutions proposées au peuple de Oaxaca dans les milieux éducatif, juridico-social, humanitaire et politique, au-delà de quelques palliatifs et des mécanismes de gestion des demandes administratives.
L’essor de l’insécurité touche d’autant plus les défenseur(e)s des droits et les journalistes. En janvier, l’organisation Groupe pour le Dialogue Parlementaire et pour l’Équité a dénoncé plusieurs agressions à son encontre. Ses membres ont notamment déclaré avoir été victimes de 11 violations de domicile depuis 2011. Ils ont également affirmé que « les trois plaintes ayant fait suite à ces effractions n’ont pas eu de suite […], ce qui donne un message de consentement et de complaisance de la part de ce couvernement ». Le Réseau National des Femmes Défenseures des Droits Humains a mis à jour le fait que 58 % des agressions envers les femmes défenseures au niveau national se concentraient dans le seul état de Oaxaca.
Toujours en janvier, la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) a sommé l’État mexicain de protéger la vie et l’intégrité de Bettina Cruz face aux risques auxquels elle est exposé du fait de son travail de défenseure des droits des peuples autochtones s’opposant à la construction de projets éoliens dans l’Isthme de Tehuantepec. Peu avant, la Cour Suprême de Justice de la Nation (SCJN) a accepté de revoir le cas du projet Eólica del Sur, cas dans lequel l’absence de consultation a été dénoncée. Bettina Cruz a notamment déclaré : «chaque fois que nous présentons un recours au niveau national ou international, notre vie et celle de nos communautés sont en danger. Chaque fois que nous les gagnons, le risque augmente. (Et…) malgré des décisions qui informent clairement des risques sociaux et environnementaux qu’un tel projet ferait encourir, ainsi que les violations du droit à la consultation de nos communautés, le gouvernement et les entreprises continuent impunément de le développer ».
Parmi d’autres exemples dans lesquels non seulement les défenseur(e)s mais aussi les journalistes sont affectés par cette situation, on peut noter la disparition de Agustín Silva Vásquez, journaliste pour Sol del Istmo (l’organisation de Défense des Droits Humains des Peuples de Oaxaca a recensé 144 agressions contre des personnes exerçant leur liberté d’expression en 2017) ; trois membre du Comité de Défense des Peuples Indigènes (CODEDI) ont aussi perdu la vie et deux ont été blessés suite à une attaque armé après avoir assisté à une réunion avec les autorités, au mois de février.
Guerrero : violence quotidienne
La violence reste à l’ordre du jour au Guerrero. En 2017, on déplore pas moins de 149 féminicides dans cet État. Le Centre des Droits Humains Tlachinollan a déclaré que «l’acharnement avec lequel les femmes sont assassinées s’est renforcé de façon exponentielle. Les responsables perpétuent ainsi un climat de terreur ».
En janvier, des parlementaires européen(ne)s ont exprimé leur inquiétude face à la situation des défenseur(e)s des droits mexicains, en particulier dans le cas du Guerrero, face à la situation « des proches des personnes disparues, des communautés ayant été déplacées par la force, ainsi que des personnes et organisations de défense des droits de l’Homme qui les accompagnent ». Peu après, des membres de la Coordination Régionale des Autorités Communautaires – Police Communautaire (CRAC-PC) de La Concepción (municipalité d’Acapulco) sont tombés dans une embuscade réalisée par des personnes armées. Des heures plus tard, le gouvernement de l’état a monté une opération militaro-policière au cours de laquelle plus de 100 individus ont été envoyés pour fouiller les maisons des membres du Conseil des Ejidos et des Communautés Opposées au Barrage La Parota (CECOP) sans mandat de perquisition. Suite à ces faits, 11 personnes sont décédées, 38 ont été arrêtées dont 10 d’entre elles ont dénoncé des tortures.
Depuis le mois de novembre, des travailleurs de l’entreprise minière Media Luna et de l’entreprise canadienne Torex Gold Resources ont débuté une grève « exigeant le changement de propriété de leur contrat collectif de travail ». Plusieurs journaux ont informé que cette affaire a débouché sur l’assassinat de trois employés. En janvier, des policiers et des soldats ont pris le contrôle des installations minières et ont mis fin à la grève. Le Réseau Mexicain des Personnes Affectées par les Mines (REMA) a notamment signalé : « cette affaire prend place dans un contexte particulier, celui d’une politique étatique et fédérale d’exploitation intensive des ressources et d’appui inconditionnel et servile aux entreprises nationales et étrangères s’adonnant à de tels travaux, affectant ainsi les territoires de manière irréversible d’un point de vue social, environnemental et sanitaire ».
Les journalistes constituent un autre secteur vulnérable de la population du Guerrero. Zacarías Cervantes, reporter pour El Sur, a déclaré avoir été interpellé par sept hommes ayant fouillé son véhicule et pris son téléphone portable, au mois de novembre. En février, la journaliste et bloggeuse Leslie Ann Pamela Montenegro del Real, alias la « Nana Pelucas », a été assassinée à Acapulco. Depuis décembre 2016, elle faisait l’objet de menaces de la part de narcotrafiquants. Tlachinollán a déploré le fait que l’enquête du procureur ait cherché à relier la victime au crime organisé.