DOSSIER : Industrie minière au Chiapas – nouvelle menace pour la survie des peuples indiens
29/12/20082008
01/01/2009Dans un contexte de crise économique mondiale, on prévoit que le Mexique entrera lui aussi dans une situation de décélération de toutes les variables macroéconomiques, principalement la croissance, la consommation et l’emploi.
L’étroite dépendance vis à vis des USA est un facteur important à l’heure d’établir un tel scénario. Le Ministère du Développement Social a reconnu que la situation économique aux USA a provoqué l’augmentation du chômage pour les mexicains résidant dans ce pays et la chute des fonds envoyés par ces travailleurs dans leur pays d’origine (700 millions de pesos de moins par rapport à 2007), ce qui « va affecter les familles mexicaines qui vivent une situation de pauvreté alimentaire ». Dans ce cadre, le Ministre des Finances a demandé aux familles « d’être prudentes » et « d’économiser face à tout type de contingence qui pourrait se présenter à l’avenir ».
Après avoir minimisé les possibles impacts négatifs que la crise financière aux USA pourrait avoir pour le Mexique, début octobre, Felipe Calderón a présenté un programme qui cherchera à minimiser ses effets. Il a également dû ajuster le budget 2009 à la baisse.
Depuis le 1er septembre, lorsqu’il a présenté son second Rapport de Gouvernement, Felipe Calderón a affirmé que le « contexte économique externe défavorable » a affecté l’obtention des objectifs en matière d’inflation, de croissance et de génération d’emplois. L’opposition au sein de la Chambre des Députés a affirmé de son côté qu’au cours des deux premières années de cette administration, un million trois cent mille mexicains ont abandonné le pays faute d’emplois. Le même 1er septembre, des organisations ouvrières, paysannes et sociales ont envahi les rues dans plusieurs parties du pays « pour démontrer le croissant mécontentement et l’irritation des travailleurs » face à la politique économique, énergétique et du travail de ce gouvernement.
La « guerre » contre le trafic de drogues: une priorité qui se maintient pour le gouvernement
Selon le Second Rapport du Gouvernement: « Depuis le début de l’actuelle administration, 46 opérations de haut impact se sont matérialisées (…) Une moyenne de 45 mille soldats y ont pris part, une quantité sans précédent comparée avec l’administration antérieure, dans le cadre de ce qui constitue une nouvelle stratégie de la part de la Sedena (Ministère de la Défense Nationale) dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogues ».
En dépit de ce fait, les exécutions attribuables au crime organisé ont continué à augmenter, de manière telle qu’à la fin du premier semestre 2008, on comptait 2673 morts, l’équivalent de la totalité des exécutions en 2007. Début décembre, le bureau du Procureur Général de la République (PGR) parlait de 5400 morts et affirmait que cette quantité allait encore augmenter.
A la fin août, le gouvernement fédéral a reconnu l’existence d’une « détérioration institutionnelle et structurelle » dans le combat contre la délinquance, ainsi que pour changer la situation de « haut degré d’impunité » et « le contrôle du territoire » exercés par les groupes criminels. Il a présenté l’Accord National pour la Sécurité, la Légalité et la Justice, qui, par le biais de 75 points prétend apurer et renforcer les institutions policières et de procuration de justice.
Une des premières critiques face à cet Accord a été l’absence de son caractère obligatoire ou la possibilité de sanctions pour ceux qui ne le respecteraient pas. Des spécialistes en matière de sécurité ont également affirmé que gouvernement de Felipe Calderón avait lancé la « guerre contre le trafic de drogues » sans réaliser un travail préalable d’intelligence militaire et civile suffisant. Ils signalent aussi qu’il n’avait pas prévu « une dimension aussi violente dans la réponse des trafiquants de drogues », pas plus qu’il n’avait réalisé le degré d’infiltration du crime organisé ni de corruption des corps policiers (La Jornada, 29 septembre).
En octobre, l’ Opération Propreté a mis en évidence cette infiltration du trafic de drogues jusqu’aux plus hauts niveaux du gouvernement. Le Bureau du Procureur Général de la République (PGR) a confirmé que depuis 2004, le crime organisé avait infiltré des hauts fonctionnaires du Bureau d’Investigation Spécialisée à la Délinquance Organisée (SIEDO), ceux-ci vendant des informations au cartel des frères Beltrán Leyva.
Fin novembre, 100 jours après la signature de l’Accord National, le gouvernement fédéral a assuré qu’il avait tenu « exactement« les engagements qu’il avait pris: une réaffectation de certains fonds dans le budget, le renforcement de la société civile, l’adéquation au modèle de coordination institutionnelle et la présentation d’un paquet de réformes au Congrès.
Il a félicité le Congrès pour avoir approuvé un budget en matière de sécurité qui intègre une augmentation de plus de 35% par rapport à l’année précédente, une quantité qui représente le double de celle qui sera destinée au développement social en 2009.
Des députés de l’opposition ainsi que des représentants de diverses églises ont considéré que les résultats présentés au terme des 100 jours de délai établi par l’Accord National, n’étaient pas significatifs, mais « pauvres et insuffisants ».
Qu’ils soient attribuables ou pas à la délinquance organisée, deux faits ont renforcé la perception généralisée d’insécurité. D’un côté, le 15 septembre, dans le cadre de la commémoration de l’Indépendance mexicaine, deux explosions à Morelia, Michoacán ont laissé un bilan de sept morts et 132 blessés.
D’un autre côté, le 4 novembre,le Ministre de l’Intérieur, Juan Camilo Mouriño, et l’ex-directeur du Bureau d’Investigation Spécialisée quant à la Délinquance Organisée (SIEDO), ont trouvé la mort dans un accident d’avion. La chute de cet avion à Mexico a provoqué 15 morts et 40 blessés. Cet accident a provoqué la disparition des deux principaux stratèges du gouvernement fédéral dans la lutte contre le trafic de drogue: Mouriño, un proche de Calderón, et Vasconcelos qui était selon plusieurs médias, l’homme de confiance de l’Armée et des USA. Bien que la version officielle affirme qu’il n’y a pas de preuves qui suggèrent un attentat, la polémique se maintient face au doute pour savoir si ces morts sont dûs à un accident ou à un acte de sabotage ; des soupçons qui se maintiennent jusqu’à ce jour.
Collaborations internationales contre le crime organisé
En 2008, le Mexique est passé du 4ème au 2nd pays en Amérique Latine qui reçoit le plus d’assistance militaire et policière de la part des USA, seulement derrière la Colombie. L’Initiative Mérida, qui représente près de 400 millions de dollars d’aide dans ce sens lors d’une première étape, cherche à établir une plus grande intégration en matière de sécurité entre le Mexique et les USA. Le gouvernement mexicain espérait recevoir ces fonds en septembre, mais à peine le 3 décembre, lors d’un acte de profil bas, un accord a été signé, permettant la libération de 197 millions de dollars (des 400 millions déjà approuvés par le Congrès des USA).
Le Mexique a également concrétisé d’autres alliances: en octobre, avec le gouvernement du Brésil (pour renforcer l’échange d’informations, de programmes et d’expérience afin de réduire la criminalité) et l’Union Européenne (par le biais d’une Association Stratégique qui permettrait de travailler conjointement autour de thèmes comme le réchauffement de la planète, la délinquance organisée, la lutte contre la pauvreté, les droits humains et la migration); ainsi qu’avec l’Argentine, en novembre (pour faire face de manière coordonnée à la délinquance organisée, au trafic de drogues et au blanchissement d’argent).
Approbation de la réforme énergétique
Après 8 mois d’analyse et de négociation, qui ont inclus la réalisation de forums auxquels ont participé plus d’une centaine de spécialistes, une réforme énergétique a finalement été approuvée par le Congrès mexicain le 23 octobre. Entre autres modifications, elle permettra une plus grande autonomie budgétaire et de gestion à PEMEX (Pétroles Mexicains, nationalisés depuis 1938 et emblème de la souveraineté nationale) ; elle cherche à moderniser sa structure institutionnelle et flexibilise son système de contrat pour acquérir des biens et d’oeuvres publiques.
Un front d’opposition face à sa possible privatisation s’était organisé autour du Mouvement National en Défense du Pétrole et de l’Economie populaire, à la tête duquel se trouve Andrés Manuel López Obrador (AMLO), ex candidat à la présidence. Les législateurs de gauche avaient indiqué que bien qu’ils fussent en faveur de la réforme en termes généraux, ils considéraient que certains aspects devaient encore être clarifiés. Lors de l’approbation finale, ils prirent la tribune après qu’AMLO ait parlé avec les représentants de tous les partis politiques. Celui-ci leur demanda d’inclure une clause pour interdire expressément la possibilité de concéder à des entreprises étrangères des blocs spécifiques pour l’exploration et la production de pétrole, un cadenas supplémentaire contre la privatisation qui n’a finalement pas été accepté.
Bien que le projet de loi approuvé s’éloigne significativement de celui que Calderón avait présenté (qui permettait à des entreprises privées de construire et de mettre en marche des raffineries), celui-ci a qualifié cette réforme de succès « historique » et a affirmé que « grâce à cette réforme, l’économie nationale gagne et nous gagnons (tous les mexicains gagnent) ». Les seuls à avoir exprimé une certaine déception ont été les entrepreneurs mexicains et investisseurs étrangers face à ce qu’ils considèrent comme le caractère limité de la réforme.
D’un autre côté, cette réforme intègre plusieurs propositions présentées par le large Front Progressiste (FAP qui regroupe les principaux partis politiques de gauche : Parti de la Révolution Démocratique, PRD; le Parti du Travail, PT; et Convergence). Pourtant, son approbation a laissé les factions du PRD et du FAP encore plus divisées. A la mi-novembre, après 8 mois d’un processus interne conflictuel pour établir les résultats des élections à la présidence nationale du PRD, le Tribunal Electoral du Pouvoir Judiciaire de la Fédération (TEPJF) a révoqué la nullité de ces élections effectués en mars: il a reconnu Jesús Ortega Martínez comme nouveau président national du PRD, ce dernier représentant une tendance plus distante a AMLO.
Après l’approbation de la réforme énergétique, López Obrador a annoncé le début d’une nouvelle étape pour le Mouvement National pour Défense du Pétrole et de l’Economie Populaire. Il a expliqué que les brigades formées dans le cadre de la réforme ne seraient pas démobilisées mais qu’elle continuerait leur lutte contre l’augmentation des prix et la défense des salaires.
Droits humains : « bonnes intentions » face aux mêmes préoccupations
A la fin août, le nouveau Programme National des Droits humains 2008-2012 a été publié dans le Journal Officiel de la Fédération. Ce document propose un retrait graduel des forces armées des taches de sécurité publique et propose « d’impulser des réformes en matière de procuration de la justice militaire conforme aux engagements internationaux pour le respect des droits humains adoptés par l’Etat Mexicain ». Il parle aussi de la création de grandes lignes d’action qui permettent le respect des droits humains dans les cas d’utilisation de la force publique. Des organisations civiles ont critiqué ce programme en le considérant comme un simple « catalogue de bonnes intentions ».
Une des tendances préoccupantes les plus signalées reste la criminalisation de la protestation sociale face à la militarisation du pays. En octobre,des Organisations non gouvernementales (ONG) ont dénoncé que depuis le début de la présidence de Felipe Calderón, elles ont enregistré 983 plaintes pour violations des droits humains commises par les forces armées: « la militarisation de la sécurité publique a provoqué des situations de tortures, exécutions extrajudiciaires, arrestations arbitraires et viols commis par des soldats; le déploiement de plus de 45 mille militaires dans des fonctions de sécurité publique n’a cependant pas permis de freiner les indicateurs de violence ».
Une nouvelle plateforme pour les droits humains s’ouvrira en février 2009, quand le Mexique sera soumis à examen de la part du Conseil des Droits humains de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dans le cadre de l’ Examen Périodique Universel (EPU) qui doit être appliqué à toutes les nations appartenant à cet organisme.
En septembre, plus d’une centaine d’ONG ont présenté un rapport spécial à Genève, Suisse. Elles y dénoncent que « le Mexique ne respecte pas ses engagements internationaux » et que la torture, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, les limitations posées à la liberté d’expression et l’impunité persistent. Le rapport inclue 60 cas de criminalisation de la protestation sociale dans 17 états mexicains.
A la fin novembre, en préparation du même EPU, l’Etat mexicain a présenté son propre rapport dans lequel il indique que l’utilisation de l’armée dans le cadre du combat contre le crime organisé est une mesure provisoire pour rétablir les conditions minimales de sécurité publique en maintenant « un plein respect des droits humains ». Comme un exemple de cette intention, il parle de la création de la Direction des Droits humains du Ministère de la Défense Nationale (alors que l’on s’est que cette instance n’est dotée d’aucun budget officiel). Les organismes mexicains des droits humains ont exigé d’établir une date fixe au retour de l’armée à ses fonctions traditionnelles comme l’Etat mexicain le propose dans ce document.
En novembre, la SRE a informé que le Mexique avait été élu comme Membre du Comité de l’Assemblée des Etats participant dans le Statut de Rome au travers de la Cour Pénale Internationale pour 2009-2011. Cette nomination semble illustrer l’intense activisme international du Mexique en matière de Droits humains, qui selon les ONG qui travaillent le thème, contraste drastiquement avec la situation interne.
Chiapas: impunité et nouveaux conflits
En novembre, deux ans après le massacre d’indiens dans la communauté de Viejo Velasco (au nord de Montes Azules), la situation liée à la mort de 4 personnes et la disparition de 4 autres restait impunie.
Le 3 octobre dernier, une opération policière violente a laissé un bilan de six morts (4 personnes ayant été exécutées selon les témoignages des habitants), 17 blessés et 36 personnes arrêtées ; presque tous étaient des habitants de l’ejido Miguel Hidalgo, situé dans la municipalité de La Trinitaria, Chiapas. Le 7 septembre dernier, les « ejidatarios » (propriétaires des terres communales) ont occupé les ruines de Chincultik qui se trouvent face à leur communauté, après avoir décidé que l’ejido administrerait désormais ce site archéologique maya.
Les autorités étatiques et fédérales ont décidé de remettre 35 mille pesos pour les frais funéraires et 75 mille pesos d’aide économique pour les personnes qui ont perdu un membre de leurs familles. Le gouvernement du Chiapas a également signalé 5 policiers comme responsables du massacre et s’est engagé à punir ceux qui s’avèreraient coupables d’avoir commis des excès dans la réalisation de leurs fonctions.
Le gouvernement du Chiapas a reconnu qu’il n’existait pas de mandat pour réaliser cette opération. Suite à ces faits, le Congrès de l’état a approuvé à l’unanimité un protocole dans les cas d’expulsions que réaliseraient les corps de sécurité de l’état et municipales, ceci afin de règlementer l’utilisation de la force publique.
La Commission Civile Internationale d’Observation pour les Droits humains (CCIODH) a affirmé que ce cas était un exemple de la politique gouvernementale qui criminalise la protestation sociale, délègue la solution politique et de dialogue des conflits et cherchent à cacher la responsabilité institutionnelle avec des indemnités. Le Centre des Droits humains Fray Bartolomé de las Casas a également manifesté qu’il « existe un grand risque que le massacre de Chinkultic, comme beaucoup d’autres, reste impuni et que la sanction des responsables se limite à des fonctionnaires de bas niveau ».
De manière générale, la principale source de conflits reste les programmes sociaux et projets économiques: routiers (comme l’autoroute annoncée entre San Cristóbal de las Casas et Palenque), touristiques (« parcs thématiques » à Palenque et dans les cascades d’Agua Azul) et de développement (aires naturelles protégées comme Huitepec, la Réserve de la Biosphère Montes Azules, ou l’industrie minière, comme illustré dans le dossier de ce rapport).
EZLN: Festival de la Rage Digne
La première semaine d’août, une caravane nationale et internationale de solidarité a dénoncé diverses violations des droits humains dans les territoires zapatistes. Elle a également assisté à la commémoration du 5ème anniversaire des Comités de Bon gouvernement (JBG) zapatistes.
En septembre, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a appelé à relancer la mobilisation pour exiger la libération de 13 personnes toujours en prison après la répression à San Salvador Atenco en mai 2006, Toutes ont reçu des sentences de plus de 30 ans (112 ans dans le cas des dirigeants du Front des Peuples en Défense de la Terre. Elle a également annoncé la réalisation du Premier Festival pour la Rage Digne qui sera célébré durant la dernière semaine de décembre et les premiers tours de janvier 2009, à Mexico et au Chiapas. Le communiqué explique: « Le dégoût provoqué par le cynisme et l’incompétence de la classe politique traditionnelle s’est transformé en rage. Parfois, de cette rage naît l’espoir d’un changement par les moyens habituels et doit faire face soit avec la désillusion qui immobilise soit avec la force arbitraire qui tyrannise (…) Mais aussi, parfois, tant de fois qu’elles nous arrachent un sourire, les rages cherchent leurs propres chemins, de nouveaux chemins, d’autres chemins. Et le « non » qui les a provoqué non seulement résiste, il commence aussi à proposer et à croître ».