2024
14/01/2025
DOSSIER : De nouveaux enjeux dans un monde de plus en plus turbulent
18/03/2025D epuis son entrée en fonction en janvier, le président américain Donald Trump a signé une multitude de décrets, dont plusieurs ont de fortes conséquences immédiates ou potentielles à échelle mondiale et, en particulier, au Mexique.

Un manifestant brandit un drapeau américain et un autre mexicain lors d’une manifestation au Ontario contre les expulsions massives © Genaro Molina, Los Angeles Times
Parmi les plus importants, on trouve les mesures anti-immigration, qui comprennent la fin de l’octroi automatique de la citoyenneté aux enfants nés sur le sol américain, la suspension de l’entrée d’immigrants non autorisés par la frontière sud avec le Mexique, ainsi que la disparition de la plate-forme CBP One, l’une des dernières voies d’entrée légales qui restaient ouvertes pour les demandeurs d’asile. Le gouvernement de Claudia Sheinbaum a annoncé que le Mexique était préparé face à ce scénario. Il s’agit du pays qui compte le plus grand nombre de citoyens en situation irrégulière vivant aux États-Unis (environ 4 millions de personnes). Le plan du gouvernement se concentre sur les Mexicains déportés, bien que la présidente Sheinbaum ait indiqué que le pays pourrait également accueillir temporairement des déportés étrangers. Un mois après l’investiture de Trump, 13 000 personnes avaient déjà été expulsées vers le Mexique, un chiffre préoccupant, mais similaire aux administrations antérieures.
Une autre mesure ayant un impact direct sur le Mexique a été la décision des États-Unis de déclarer les cartels mexicains comme des groupes « terroristes », considérant qu’ils représentent un risque pour la sécurité nationale, la politique étrangère et les intérêts économiques des États-Unis. Cela pourrait élargir les stratégies d’intervention des États-Unis au préjudice de l’indépendance et la souveraineté du Mexique. Il convient d’ailleurs de noter que Trump a fait des déclarations particulièrement fortes, affirmant par exemple que « le Mexique est en grande partie gouverné par les cartels ».
Pour forcer le Mexique et le Canada à surveiller de plus près leurs frontières, le président américain a menacé d’imposer des droits de douane de 25 % sur toutes leurs exportations vers les États-Unis. Le gouvernement mexicain a réussi à bloquer cette possibilité, au moins pendant un mois, en envoyant 10 000 soldats à sa frontière nord avec la promesse qu’ils agiraient comme un mur de contention contre l’immigration irrégulière, le trafic de fentanyl et les cartels. Par la suite, les États-Unis ont fini par imposer des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium dans le cas d’importations en provenance de tous les pays, y compris le Mexique. À ce jour, il est difficile de déterminer si ces sanctions commerciales et ces menaces d’augmentation des droits de douane sont des outils de négociation dure ou des moyens d’augmenter les revenus des États-Unis.

Des immigrants sans papiers expulsés arrivent au Guatemala à bord d’un avion militaire américain © Johan Ordóñez / AFP
Il convient aussi de rappeler que le Mexique et les États-Unis entretiennent des relations commerciales profondément intégrées mais asymétriques : en 2024, 83 % des exportations mexicaines étaient destinées aux États-Unis, tandis qu’un tiers seulement des importations américaines provenaient du Mexique (15,5 %) et du Canada (14,8 %). Les perspectives sont complexes et inquiétantes, car l’imposition de droits de douane par les États-Unis et d’éventuelles représailles de la part du Mexique et du Canada pourraient entraîner une contraction des économies des trois pays d’Amérique du Nord, de l’inflation et des licenciements massifs.
Une autre décision aux répercussions importantes a été la suspension de presque tous les programmes d’aide étrangère, en particulier de l’USAID, la plus grande agence de coopération au développement du monde. De nombreuses organisations mexicaines sont directement ou indirectement affectées, ce qui a amené certaines d’entre elles à se restructurer voire à réduire leur personnel.
NATIONAL : Entre progrès et beaucoup à accomplir, une question de perspectives
En janvier, la présidente Claudia Sheinbaum a présenté un bilan des 100 premiers jours de son gouvernement. Elle a inclus parmi les avancées « la reconnaissance et les pleins droits des peuples et communautés indigènes et afro-mexicains, le droit de l’État mexicain d’utiliser les voies ferrées pour le transport de passagers, la récupération de Pemex et de la CFE [Commission Fédérale d’Électricité] comme entreprises appartenant au peuple mexicain après leur longue privatisation, les programmes sociaux pour le bien-être, la reconnaissance du droit au logement, le fait que le salaire minimum doit toujours augmenter plus que l’inflation : la disparition de certains organismes autonomes et pour qu’ils ne trompent personne, leurs fonctions restent et seront améliorées, le renforcement de la Garde Nationale, l’augmentation des capacités d’intelligence et d’investigation (…) et une nouvelle très importante et transcendante : Nous, les femmes, sommes déjà dans la Constitution avec la reconnaissance de l’égalité substantielle, le droit à une vie sans violence et un travail qui implique qu’à un même niveau, nous recevrons le même salaire. »
Les partis d’opposition ont critiqué cette perception. Le président du Parti d’Action Nationale (PAN), Jorge Romero, a déclaré que « le Mexique suit la même logique de destruction des institutions et des contrepoids, de bipolarisation de la société, les autorités refusent le dialogue avec ceux qui ne pensent pas comme eux, elles ne parviennent pas à instaurer la paix et la sécurité, et le seul bénéfice économique provient de la distribution d’argent pour générer un clientélisme électoral, sans vraiment augmenter l’économie réelle du pays ». Au nom du PRI, Alejandro Moreno Cárdenas a déclaré : « Au cours des 100 premiers jours du gouvernement de Morena, 7 016 familles mexicaines ont perdu un être cher à cause d’un homicide intentionnel. C’est le reflet du #FracasoPresidencial (#ÉchecPrésidentiel) d’un gouvernement sans direction, incapable de garantir la sécurité du peuple mexicain. »
En novembre, Amnesty International (AI) a publié un rapport intitulé « Changer de paradigme. De la militarisation de la sécurité publique à la sécurité des citoyens dans le respect des droits humains », dans lequel il est indiqué que le nombre de militaires déployés est passé de 48 500 en 2006 à 73 347 en 2022. En outre, la Garde nationale militarisée compte 128 000 membres. AI signalé qu’au cours de cette même période, « au moins 101 933 personnes ont disparu et 452 254 ont été tuées, dont 49 100 femmes, 140 journalistes et 221 défenseurs du territoire, de la terre et de l’environnement ». Le rapport alerte également sur le fait que la stratégie de militarisation de la sécurité publique « ne respecte pas les obligations internationales du Mexique en matière de droits humains ». Le rapport conclut qu’après presque deux décennies au cours desquelles les forces armées ont été utilisées pour assurer la sécurité publique, la persistance de la violence montre que « cette stratégie a été un échec, car non seulement elle n’a pas contribué à réduire la criminalité et la violence qui affectent le pays, mais elle a également créé un environnement favorisant les violations des droits humains par des membres des forces armées dans la réalisation de leurs activités ».
Dans le domaine des droits humains, l’Institut mexicain des droits humains et de la démocratie (IMDHD) a présenté en janvier un bilan citoyen sur les performances institutionnelles en matière de disparitions. « Au 27 janvier 2025, le nombre de personnes disparues s’élevait à 121 651, selon le Registre national des personnes disparues (RNPDNO). Le nombre de personnes disparues au Mexique continue d’augmenter », informe-t-il. Sept ans après l’entrée en vigueur de la loi générale sur les disparitions, et malgré les avancées législatives, des problèmes subsistent, a-t-il déclaré , en particulier le manque d’informations sur le nombre total de personnes disparues ; le manque d’informations sur le nombre de restes humains à identifier ; l’absence de capacité à identifier les restes humains ; l’abandon des cas dits « de longue date » ; l’absence de plans stratégiques pour diriger et articuler les actions ; l’inexistence d’une politique de prévention des disparitions de personnes ; les faiblesses et les insuffisances dans la formation et la préparation technique des personnes chargées de mettre en œuvre les processus de recherche, d’enquête, d’administration de la justice, d’identification humaine, de conseil technique, d’assistance, de prise en charge et de réparation ; le peu et la faiblesse des espaces de participation des victimes à la création de politiques publiques ; et le très faible niveau des condamnations, entre autres.
CHIAPAS : le plan du nouveau gouvernement de l’état « zéro corruption, zéro complicité et zéro impunité »
Ces dernières années, le Chiapas a été immergé dans une spirale de violence qui semblait inarrêtable : les homicides, les disparitions, le trafic d’êtres humains, de drogue et d’armes, le recrutement forcé, ainsi que les déplacements forcés de population ont atteint des chiffres sans précédent. Ces niveaux élevés de violence trouvent leur origine dans la lutte pour le contrôle territorial entre plusieurs groupes criminels liés principalement au Cartel de Sinaloa (CDS) et au Cartel de Jalisco Nouvelle Génération (CJNG), en particulier dans la zone frontalière. Dans ce contexte, les analystes et les organisations de la société civile ont souligné l’incapacité, la complicité ou la collusion des autorités pour freiner l’insécurité croissante.
Le 8 décembre 2024, le nouveau gouverneur Eduardo Ramírez Aguilar (ERA) a pris ses fonctions et proposé un changement de stratégie en lançant la Force de réaction immédiate Pakal (FRIP), une unité d’élite destinée à lutter contre le crime organisé au Chiapas. Le nouveau gouverneur a promis que « la paix régnera à nouveau sur nos routes » et s’est fixé pour objectif de pacifier l’état en 100 jours. Le FRIP est composé de 500 éléments provenant des différentes forces armées du pays. Ils ont reçu une formation spéciale à l’étranger et au Mexique. En outre, le groupe Pakal disposera de 4 hélicoptères, 10 camions blindés, 200 patrouilles et 2 drones. Ses premières actions d le jour suivant ont été largement diffusées dans les médias et les réseaux sociaux avec des méga-opérations dans différentes zones de l’état, dont l’objectif est de lutter contre trois crimes principaux : l’homicide, le vol de véhicules et l’extorsion.
Jusqu’à présent, les actions réalisées au Chiapas ont donné des résultats, notamment : la réduction ou la disparition de coups de feu, la levée des barrages routiers, le sauvetage de personnes kidnappées, la découverte de fosses clandestines, les perquisitions et les saisies de voitures volées, de drogues et d’armes, l’arrestation de trafiquants de drogue, de policiers et des maires de Frontera Comalapa et de Bellavista. Selon des sources officielles, les taux de criminalité ont diminué et plus de 600 personnes ont été détenues en un mois d’opérations.
Cependant, des doutes et des questions ont surgi. Dans plusieurs régions, la population affirme que les chefs des groupes criminels ne sont pas détenus. D’autres s’interrogent sur le fait qu’aucune poursuite judiciaire n’ait été engagée contre l’ancien gouverneur Rutilio Escandón et les fonctionnaires chargés de la sécurité publique et de l’administration de la justice pendant son mandat de six ans. Des violations des droits humains lors d’opérations, de perquisitions et d’arrestations commencent également à être documentées.
Une autre question est que ces stratégies de sécurité ont été coordonnées principalement par le Secrétariat à la sécurité du peuple (SSP) et le Bureau du procureur général de l’état (FGE), tous deux coordonnés par des personnes controversées.
Oscar Alberto Aparicio Avendaño, qui dirige le SSP, a suivi une formation de sniper auprès de l´Administration de Contrôle des Drogues (DEA) aux États-Unis, une formation policière auprès du bureau du procureur général (PGR) et une formation en cartographie auprès de l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM). En 1999, il a commencé sa carrière au sein du PGR dans le cadre d’une campagne de lutte contre le trafic de drogue. En 2007, il a rejoint la police ministérielle du bureau du procureur général de Chihuahua. Puis, en 2009, il a rejoint la police fédérale et a été directeur de la sécurité publique à Apatzingán, Michoacán. De plus, il a participé à la création de la Force de réaction immédiate de Zacatecas (FRIZ) lorsqu’il était sous-secrétaire aux opérations de police dans cet état. La FRIZ a été publiquement associée à des actes criminels allant de disparitions à des homicides.
Depuis décembre, soixante-dix organisations de la société civile (OSC) ont exprimé leur profonde inquiétude quant à la nomination de Jorge Luis Llaven Abarca au poste de procureur général du Chiapas. « La nomination de Llaven Abarca place un procureur engagé auprès des groupes politiques et des groupes de pouvoir de facto au Chiapas, envoyant un signal clair que ce gouvernement mise sur la corruption et l’impunité, mais aussi sur les pratiques de répression et les violations des droits humains », ont dénoncé les organisations de la société civile. Llaven Abarca était secrétaire à la sécurité publique et à la protection des citoyens sous le gouvernement de Manuel Velasco Coello. Les OSC ont averti que, dans ce contexte, « son administration a été caractérisée par l’usage excessif de la force publique, la répression des défenseurs des droits humains, les détentions arbitraires et la torture, autant d’actes qui restent sans sanction ».
Certains vont plus loin et se demandent s’il ne s’agit pas, après tout, d’une paix « simulée » ou d’une narco-paix. Ils soulignent le profil bas de nombreux détenus, les saisies limitées de drogues et d’armes, et l’absence d’opposition armée des groupes criminels face au groupe Pakal (bien qu’ils disposent d’une grande puissance de feu et qu’ils comptent des centaines de membres). Cela les amène à penser qu’il existait un pacte de non-agression entre les forces de l’état et les groupes criminels avant l’entrée en fonction du nouveau gouverneur.
Les mouvements sociaux continuent de réclamer des changements
Du 28 décembre 2024 au 2 janvier 2025, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a célébré le 31e anniversaire du soulèvement armé. Les premiers jours de la « Rencontre de la Résistance et de la Rébellion » se sont déroulés à San Cristóbal de Las Casas. Le 30 décembre, la célébration a commencé à Oventik, municipalité de San Andrés Larráinzar, avec un programme culturel qui a rassemblé environ 3 000 personnes. Les crises provoquées par le capitalisme, son impact sur les peuples indigènes et l’utilisation du crime organisé pour priver les communautés de leurs terres ont été abordés.
L’EZLN a également fait part de son évolution interne, d’une structure hiérarchique vers un modèle plus démocratique et participatif. Ce processus, que les zapatistes appellent « les biens communs », implique une forme de travail communautaire et l’utilisation collective des ressources. L’EZLN a réaffirmé son engagement dans la construction d’une nouvelle société libérée du capitalisme. Il a averti que, tout en recherchant la paix, il était prêt à se défendre contre toute attaque.
En janvier, des centaines de catholiques de la paroisse de San Pedro Chenalhó ont organisé un pèlerinage dans cette municipalité pour formuler une série de revendications. Ils ont affirmé que « les promesses de sécurité de la campagne du nouveau gouvernement (dirigé par Eduardo Ramírez Aguilar, qui fait partie de Morena) sont omniprésentes dans les nouvelles et sur les réseaux sociaux, mais pas dans notre réalité. Nous comprenons qu’il y a des opérations, des raids et des arrestations contre le crime organisé, mais sans les démanteler, ces actions ne garantissent pas le chemin vers la justice ou la paix ».
Le 25 janvier, dans le cadre de la fin de l’Année Jubilaire JTatic Samuel Ruiz, des milliers de catholiques des sept zones pastorales du diocèse de San Cristóbal de Las Casas ont organisé un pèlerinage dans cette ville pour exiger, entre autres, le désarmement et le démantèlement des groupes criminels au Chiapas et que justice soit faite dans le cas de l’assassinat du père Marcelo Pérez Pérez (en octobre 2024). Ils ont également demandé qu’il n’y ait pas de « simulation médiatique » de la paix. Les slogans suivants ont été lancés : « Gouvernement, définissez votre position : êtes-vous avec le peuple ou avec le crime organisé ? », « Nous voulons une solution, pas une simulation », « Les cartels hors du Chiapas », « Arrêtez la narco-politique », « Arrêtez les déplacements forcés », « Arrêtez les projets de mort ». Le pèlerinage a été mené par le nonce apostolique au Mexique, Joseph Spiteri, et les évêques du diocèse, Rodrigo Aguilar Martínez et Luis Manuel López Alfaro.
OAXACA : les agressions et la répression contre les défenseurs de la terre et du territoire continuent

Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans la ville de Oaxaca, novembre 2024 © CIMAC
En janvier, Arnoldo Nicolás Romero, qui avait disparu peu avant, a été retrouvé mort. Il s’agissait d’un commissaire ejidal de Buenavista, une agence municipale de San Juan Guichicovi, dans l’Isthme de Tehuantepec. Educa A.C. a exigé l’arrêt de la répression contre les défenseurs de la terre et du territoire, soulignant que le commissaire avait toujours maintenu une position ferme dans la défense de la vie, ainsi qu’une participation active dans la lutte contre le projet de train interocéanique et la construction des soi-disant pôles de développement, dont les opposants considèrent qu’ils ont été imposés lors d’assemblées manipulées.
De leur côté, des organisations sociales et civiles ont exprimé leur « rejet total de la violente répression » perpétrée le 14 janvier par des groupes criminels contre les habitants qui protestaient contre l’imposition d’une décharge « sans les avoir consultés, mettant en danger la santé publique et l’environnement » à Oaxaca. Au cours de leur mobilisation pacifique, « démontrant leur impunité », les groupes criminels sont arrivés, et ont expulsé les manifestants. « C’est la deuxième fois que le gouvernement de Salomón Jara utilise ces groupes criminels pour intimider ceux qui s’opposent à son gouvernement », ont-ils dénoncé. Ils ont également exprimé leur « rejet de la répression violente, en utilisant des groupes criminels comme moyen de résoudre les problèmes qui affectent le peuple du Oaxaca ».
En février, l’Union des communautés indigènes de la zone nord de l’isthme (UCIZONI) a dénoncé l’assassinat de Wilfrido Atanasio, Victoriano Quirino et Abraham Chirino, habitants de « El Platanillo » à San Juan Mazatlán, à la frontière des municipalités de Santo Domingo Petapa et de San Juan Mazatlán. Elle a indiqué que l’attaque pourrait avoir été perpétrée par des membres de la communauté de Santo Domingo Petapa et a blâmé le gouvernement de l’état, qui avait été averti du conflit et de la polarisation entre les municipalités. Le Congrès National Indigène (CNI) et l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) se sont exprimés pour demander justice et pour que la guerre contre les peuples indigènes cesse. « Il ne s’agit pas d’un incident isolé, mais d’une partie de la guerre d’extermination que les mauvais gouvernements, les caciques (personnes qui contrôlent la vie politique et sociale de leur district) et les intérêts capitalistes imposent à nos peuples », ont-ils dénoncé.

Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans la ville d’Oaxaca, novembre 2024 © Consorcio
Les communautés zapotèques et mixtèques des vallées centrales du Oaxaca poursuivent leur lutte contre le projet du « Corridor routier zapotèque », un plan qui, selon le gouvernement de l’État de Salomón Jara, vise à améliorer l’infrastructure routière de la région. Cependant, de nombreuses communautés dénoncent le risque de déforestation, la disparition des réserves d’eau, la disparition de la biodiversité, ainsi que les destructions de champs de culture et de puits d’eau, entre autres. Les représentants du Commissariat pour la Défense de la Terre et du Territoire ont dénoncé que les fonctionnaires du gouvernement ne les ont pas consultés, violant leurs droits à l’autodétermination et à la consultation antérieure. Bien qu’il soit connu sous le nom de « corridor routier zapotèque », beaucoup considèrent qu’il s’agit de la continuation de l’ancien « Libramiento Sur », un projet qui a été interrompu il y a plusieurs années en raison de protestations à son encontre.
Par ailleurs, le 25 novembre, dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le réseau des Femmes du Oaxaca a dénoncé l’augmentation de la violence féminicide, ainsi que la multiplicité des formes de violence que les femmes subissent au quotidien : physique, psychologique, économique, sexuelle, politique et digitale. L´organisation s’est également indignée de « l’omission et de l’impunité de l’État, que le gouvernement de Salomón Jara Cruz continue de perpétuer. Rien n’a changé, cette alerte de genre décrétée en 2018 face à la gravité de la situation, continue d’être une simple simulation, qui au lieu de se traduire par des actions stratégiques pour aborder et punir ceux qui nous agressent, témoigne de la façon dont les chiffres douloureux des féminicides se maintiennent dans toute l’entité. Plus de 209 depuis le 1er décembre 2022 ». Le réseau a également documenté le fait que 708 femmes ont disparu depuis le début du mandat du gouvernement du parti Morena, des cas face auxquels « il n’y a pas eu de progrès dans les enquêtes ou un mécanisme de recherche efficace qui cesse de protéger les criminels ».
GUERRERO : « Guerrero, dans l’abîme de la mort », Tlachinollan
En novembre, Germán Reyes Reyes, ancien chef du secrétariat municipal de la sécurité publique de Chilpancingo, a été accusé d’être le responsable de l’assassinat du maire Alejandro Arcos Catalán en octobre dernier. Le maire, membre de la coalition PRI-PAN-PRD, avait été retrouvé décapité, la tête sur le toit de sa camionnette, après une réunion à laquelle il avait assisté, sans gardes, dans un territoire dominé par le groupe criminel Los Ardillos. « Germán Reyes Reyes, militaire à la retraite, accusé d’avoir commandité l’assassinat du président municipal de Chilpancingo, Alejandro Arcos, a été procureur pour les délits graves de 2022 à 2024. Dans la nouvelle administration municipale, il a été placé à la tête du Secrétariat à la sécurité publique. Sa carrière dans la capitale de l’état a été interrompue le 12 novembre, lorsqu’il a été arrêté par la Garde nationale et l’armée. Lors de l’audience initiale, le procureur a accusé le fonctionnaire de faire partie du groupe criminel Los Ardillos », a expliqué le Centre des droits humains Tlachinollan de La Montaña.
Il a également souligné : « Qu’est-ce que la société du Guerrero peut attendre d’un procureur chargé d’enquêter sur des délits graves, alors qu’il est accusé de faire partie d’un groupe criminel et poursuivi pour le délit d’assassinat du président municipal ? (…) Les forces fédérales n’ont pas été capables de vaincre le pouvoir destructeur des groupes criminels. Au lieu de les éliminer et de les soumettre, ils se renforcent et s’étendent (…) Dans ce scénario envahi par les organisations criminelles, la stratégie de sécurité opérée par l’armée est défaillante et peu fiable, parce que les forces fédérales et les forces de police se trouvent du côté opposé aux victimes ».
Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, en novembre, Tlachinollan a dénoncé le fait que l’etat « est couvert du sang de femmes, en dépit du fait qu’au moins huit municipalités ont une alerte à la violence de genre en raison des taux élevés de féminicides. Dans la région de la Montaña, les cas de violence sexuelle se sont aggravés ; la violence domestique, économique et psychologique a laissé les femmes sans défense car les autorités ne les protègent pas ; les plus tragiques sont les disparitions car personne ne les cherche (…). Les mariages forcés de filles continuent d’être pratiqués sans que les autorités étatiques et fédérales ne mettent en œuvre des actions pour les faire disparaître ». De janvier à octobre 2024, « 20 féminicides ont été signalés au Guerrero sur 180 meurtres de femmes, dont quatre mineures, 14 âgées de 18 ans et plus, et deux sans âge précis. Au total, 1 368 plaintes ont été déposées, 169 contre la liberté personnelle, 14 contre la vie et l’intégrité corporelle, et deux contre le trafic d’êtres humains ». Tlachinollan a affirmé que ces niveaux de violence sont largement dus à l’impunité qui prévaut dans la grande majorité des cas.
Sur une note plus optimiste, en janvier, les autorités des propriétés communales de San Miguel del Progreso, municipalité de Malinaltepec, appartenant au Conseil régional des autorités agraires pour la défense du territoire (CRAADET), ont signalé qu’après plus de quatre ans, le Registre agraire national (RAN) avait finalement délivré leur statut communal en langue me’phaa (tlapaneque), ce qu’ils considèrent comme « un événement sans précédent et historique » pour les peuples indigènes du Mexique et une grande avancée pour la défense des territoires menacés par des intérêts étrangers. Ils ont souligné que « nous pouvons maintenant agir conformément à la loi, sans être criminalisés lorsque nous agissons contre ceux qui veulent les ressources naturelles que nous avons sur notre territoire, comme c’est le cas avec la menace latente des entreprises minières, des entreprises qui cherchent de l’eau, ou de ceux qui veulent notre biodiversité ». « La reconnaissance de notre statut signifie la fusion entre le droit agraire et le droit collectif des peuples indigènes. De ce fait, le gouvernement fédéral doit faire face à une autre façon d’interpréter la loi et repenser les outils nécessaires pour rendre nos droits effectifs », ont-ils finalement souligné.