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L es récentes élections aux États-Unis ravivent le dicton : « pauvre Mexique, si loin de Dieu, si proche des États-Unis ». Le candidat élu Donald Trump a déclaré qu’il imposerait une augmentation des droits de douane de 25 % contre le Mexique si le gouvernement de Claudia Sheinbaum ne parvenait pas à contenir le flux de migrants et le trafic de fentanyl à travers les 3 000 kilomètres de frontière que les deux pays partagent.
Trump arrive avec plus de force que lors de son premier mandat : les républicains ont pris le contrôle du Congrès et les conservateurs dominent la Cour suprême. À cela s’ajoute un élément de pression supplémentaire : la révision du Traité de Libre Commerce entre le Mexique, les États-Unis et le Canada (TMEC), prévue pour 2026, les États-Unis étant le principal partenaire commercial du Mexique.
Au cours du premier mandat de Trump et avec Andrés Manuel López Obrador comme président du Mexique, Trump avait annoncé un droit de douane général de 5 % comme un élément de pression face à ce qu’il considérait comme l’inaction des autorités mexicaines pour arrêter les caravanes migrantes. Face à cette menace, l’administration de López Obrador, initialement plus permissive, a renforcé les frontières nord et sud avec un fort déploiement militaire, une stratégie qui a été maintenue jusqu’à présent avec des résultats désastreux en termes de droits humains. Actuellement, le Mexique fonctionne déjà comme un pays tiers sûr, accumulant des milliers de migrants en attente d’asile aux États-Unis à ses frontières nord et sud.
Claudia Sheinbaum a insisté sur le fait que la migration transnationale doit être abordée par le biais de solutions sociales dans les pays d’origine, une initiative qui ne coïncide clairement pas avec l’agenda trumpiste.
Pour son deuxième mandat, Trump a promis de réaliser la plus grande expulsion de migrants de l’histoire, y compris d’immigrés sans papiers, de leurs conjoints, enfants et autres membres de leur famille. Les envois de fonds de Mexicains vivant aux États-Unis constituent l’un des piliers de l’économie mexicaine, se classant, selon les chiffres officiels, entre la deuxième et la troisième source de revenus après le tourisme et les ventes de pétrole. Si seulement une partie de la « déportation massive » promise par Trump devait se concrétiser, il y aurait des raisons suffisantes de s’inquiéter au Mexique. Actuellement, on estime que 5 millions de Mexicains résident aux États-Unis en situation irrégulière.
Un autre point de tension sera la politique de lutte contre le trafic de drogue. Même en tant que candidat, Trump a affirmé que les cartels mexicains avaient un tel pouvoir qu’« ils pourraient renverser le président en deux minutes. Ce sont eux qui administrent le Mexique ». Parmi ses projets, il envisage de classer les cartels mexicains parmi les organisations terroristes, ce qui lui donnerait le pouvoir d’intervenir au-delà de ses frontières. Trump s’est engagé à bombarder les laboratoires de fentanyl et à bloquer les ports transportant ses précurseurs chimiques au Mexique. Même si Claudia Sheinbaum n’a pas commenté ces initiatives, elles pourraient être interprétées comme une ingérence directe dans la souveraineté mexicaine.
Face aux menaces, Sheinbaum a envoyé des messages appelant à maintenir le calme pour préserver la stabilité des relations bilatérales. Cependant, le peso mexicain est tombé à son plus bas niveau depuis plus de deux ans, reflétant l’incertitude. À cela s’ajoutent des facteurs internes qui ont accentué cette tendance, augmentant les prévisions pessimistes quant aux performances de l’économie mexicaine.
Claudia Sheinbaum, entre continuité et changements
Le 1er octobre, Claudia Sheinbaum a prêté serment en tant que nouvelle présidente. Elle a remporté les élections avec 36 millions de votes, dépassant de 30 points de pourcentage sa principale concurrente, Xóchitl Gálvez. Sheinbaum commence son mandat avec une majorité qualifiée au Congrès, le soutien de 24 gouverneurs, une opposition affaiblie et une réforme judiciaire récemment approuvée qui permettra au pouvoir exécutif de reconfigurer le pouvoir judiciaire. Les 100 points de son plan gouvernemental proposent de poursuivre les priorités du gouvernement sortant, comme l’austérité, la lutte contre la corruption et l’expansion des programmes sociaux ; et en établissent de nouvelles comme la promotion des femmes, de l’éducation et la science, la protection de l’environnement et la lutte contre le sexisme et le racisme.
La période analysée dans ce rapport a été marquée par une vague de réformes, une tendance qui a commencé à la fin du mandat d’AMLO, qui cherchait à consolider son héritage, et s’est accélérée avec l’arrivée au pouvoir de Sheinbaum grâce à sa majorité au Congrès.
Parmi les réformes les plus significatives, sous la présidence de López Obrador le projet qui a incorporé la Garde nationale (GN) au Ministère de la Défense nationale (Sedena), tant sur le plan administratif qu’opérationnel a été approuvé en septembre. Le Centre des droits de l’Homme Miguel Agustín Pro Juárez (Centro Prodh) a qualifié cette mesure de « pas de non-retour dans le sens de la militarisation ».
L’inquiétude quant aux implications de cette réforme s’est illustrée en octobre, lorsque six migrants sont morts et dix autres ont été blessés après une course-poursuite dans la municipalité de Villa Comaltitlán, Chiapas, aux mains d’éléments de l’armée mexicaine. Selon la Sedena, les militaires ont détecté un véhicule qui roulait à grande vitesse et qui tentait de leur échapper. En réponse à des détonations présumées, deux soldats ont commencer à tirer. La Sedena a rapporté que les éléments impliqués ont été démis de leurs fonctions et « comme il s’agissait d’un événement dans lequel des civils ont été affectés, le Bureau du Procureur général de la République a été informé afin qu’il puisse mener les procédures judiciaires nécessaires ». Le Collectif de surveillance de la frontière sud a demandé justice pour les victimes, soulignant que cet incident est une « conséquence directe de l’ordre de déploiement militaire pour contenir les flux migratoires dans une logique de persécution et non de protection des personnes en situation de mobilité ».
En septembre, la réforme sur les peuples indigènes et afro-américains a été approuvée. Parmi les avancées les plus notables, ils sont reconnus comme sujets de droit public et non seulement comme objets d’intérêt public, ce qui leur permettra de recevoir et de gérer directement des fonds publics. En outre, la réforme établit l’obligation de leur fournir une assistance juridictionnelle adéquate par le biais d’interprètes, de traducteurs, de défenseurs et d’experts spécialisés. Cependant, les députés de l’opposition ont qualifié la réforme d’insuffisante. Cette perception a été partagée par des experts et des organisations autochtones, qui l’ont considérée comme « superficielle » car limitée au deuxième article constitutionnel. Ils ont souligné qu’« elle n’aura aucun effet pratique ». Les critiques portaient également sur le manque de progrès concernant la question de la terre et du territoire, considérée comme fondamentale pour l’exercice de l’autodétermination.
En septembre également, la réforme judiciaire a été approuvée. C’est peut-être la plus controversée et la plus contestée à échelle internationale. En novembre, la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) s’est déclarée préoccupée par cette réforme, avertissant qu’elle pourrait mettre en danger l’indépendance judiciaire. De son côté, le gouvernement mexicain soutient que les citoyens devraient avoir le droit d’élire les juges et défend la constitutionnalité de la réforme, approuvée par une large majorité du Congrès. Cependant, les membres du pouvoir judiciaire ont dénoncé l’ingérence de l’exécutif, alléguant qu’elle viole les droits du travail des fonctionnaires judiciaires et l’indépendance de l’administration de la justice. Auprès de la CIDH, le gouvernement mexicain a soutenu que « cette réforme était nécessaire pour regagner la confiance des citoyens dans les tribunaux et en général dans le système judiciaire, car au Mexique les juges […] ont libéré les criminels de droit commun et dangereux, ils ont libéré des trafiquants de drogue, ils ont prononcé des peines sans tenir compte du genre, ils ont légalisé la dépossession des terres des peuples autochtones et le népotisme du pouvoir judiciaire est largement documenté ».
En octobre, sous le mandat de Claudia Sheinbaum, plus d’une centaine d’organisations civiles ont demandé le rejet d’une réforme visant à éliminer les organes de transparence. Ils ont fait valoir que ce changement ouvrirait la porte à « une subordination de la transmission de l’information et de la transparence face au pouvoir exécutif, dans un contexte où les refus d’accès à l’information et les réserves à son égard se sont multipliés ». Ils ont demandé aux autorités de « générer un processus ouvert de dialogue permettant d’améliorer le cadre institutionnel actuel qui garantisse le droit de la société à savoir ». Cette réforme a toutefois été approuvée en novembre sans autre débat.
Droits humains : continuité des préoccupations
En octobre, EDUCA a présenté une étude sur les graves attaques contre les défenseurs des droits humains au Mexique. Entre décembre 2018 et octobre 2024, 252 attaques contre la vie de défenseurs ont été enregistrées : 225 meurtres et 27 disparitions. Parmi ces cas, 42 ont été qualifiés d’exécutions extrajudiciaires. Les luttes les plus dangereuses correspondent à la défense du territoire et des droits civiques (80 %). Le Sud-Sud-Est est la région la plus dangereuse, concentrant 51 % des cas. 62 % des défenseurs assassinés appartenaient à un peuple indigène et 57 % étaient des agriculteurs. Par ailleurs, 20 % des victimes étaient des femmes ou des personnes de la diversité sexuelle. « Les données montrent qu’il existe une stratégie de sécurité défaillante au niveau national. Nous constatons l’affaiblissement des organismes de protection et des organisations autonomes de défense des droits de l’Homme. Ce qui se voit renforcé avec ce gouvernement, c’est la culture de l’impunité ; la militarisation de la sécurité publique. L’accès à la justice est devenu l’exception et non la règle », souligne l’étude.
En novembre, le Sénat a approuvé la réélection de Rosario Piedra Ibarra comme responsable la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), bien qu’elle ait été la candidate la moins bien évaluée parmi les 15 candidat.e.s. Déjà en septembre, une centaine d’organisations civiles avaient souligné que la gestion de Rosario Piedra Ibarra, entré en fonction en 2019, « a fait face à de sérieuses critiques pour ne pas avoir abordé de manière pleine, objective et globale la crise des graves violations des droits humains à laquelle le pays fait face. Ses réticences et omissions délibérées reflètent une partialité dans ses actions en accord avec le gouvernement [d’Andrés Manuel López Obrador] et n’a pas abordé de graves violations des droits de l’homme ». On craint que cette tendance ne se poursuive au cours d’un nouveau mandat, désormais sous la présidence de Claudia Sheinbaum.
CHIAPAS : l’avancée de la violence criminelle reste la principale préoccupation
En septembre, des milliers de personnes convoquées par la Province ecclésiastique du Chiapas ont effectué un pèlerinage à Tuxtla Gutiérrez pour dénoncer le manque de paix et de sécurité dans l’état. Elles ont souligné que « la violence générée par les groupes du crime organisé, en guerre pour le contrôle du territoire, a considérablement progressé dans plusieurs municipalités ». Elles ont ajouté que « la cause de cette violence provient des intérêts qui conduisent à la construction d’une infrastructure de dépossession des biens naturels (…). Cette économie et ce type de développement nécessite des terres et des territoires sans d’habitants (…) L’augmentation exponentielle de l’insécurité a augmenté les meurtres, les disparitions et les déplacements forcés ». Elles ont exigé que les autorités « consolident l’État de droit, le respect des droits humains et collectifs. Ainsi que l’établissement de l’ordre social sans mettre en danger la société civile ; le démantèlement et le désarmement immédiat des groupes criminels », entre autres mesures.
Les zones les plus violentes restent les régions Sierra et Frontera, devenues « un champ de bataille en raison de la dispute entre groupes criminels qui obligent les hommes à aller au front, à réaliser des actions de surveillance, à bloquer les routes », ont déclaré les évêques du Chiapas et du Guatemala en août.
Une autre zone de préoccupation est Pantelhó. En septembre, le Congrès sortant du Chiapas a nommé un conseil municipal, au sein duquel siège le frère de Daily de los Santos Herrera, condamné à 25 ans de prison pour avoir orchestré l’assassinat du procureur indigène Gregorio Pérez Gómez en 2021. Les habitants de la municipalité affirment que le nouveau conseil est composé de personnes proches des dirigeants du groupe caciquil « Los Herrera », responsable d’assassinats et lié au crime organisé. De leur côté, les sympathisants du groupe d’autodéfense « El Machete » ont prévenu qu’ils ne reconnaîtraient pas le conseil nommé par le Congrès. Depuis 2021, après un soulèvement armé contre « Los Herreras », les alliés de ce groupe et les communautés qui soutiennent « El Machete » se battent pour rester au pouvoir, faisant des dizaines de morts et de blessés, en plus de nombreuses familles déplacées.
Une autre source de conflit est apparue en octobre, lorsque la communauté zapatiste « 6 de Octubre », dans la municipalité d’Ocosingo, a été attaquée par des personnes armées de la communauté Palestina. Ces personnes se sont installées sur des terrains récupérés par l’EZLN, menaçant les habitants d’expulsion. Depuis juin, « les menaces se sont intensifiées et incluent la présence de personnes de Palestina armés d’armes longues, des menaces de viol contre les femmes, des incendies de maisons et le vol de biens, de récoltes et d’animaux », a déclaré le sous-commandant insurgé Moisés. C’est pour cette raison que l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a initialement suspendu toute information et communication sur les « Rencontres de Résistance et de Rébellion 2024-2025 ». Cependant, plus tard, les premières dates ont été finalisées pour fin décembre et début octobre.
Attaques contre des défenseurs des droits humains et journalistes : tendance à la hausse
Une autre tendance inquiétante est la multiplication d’attaques contre des journalistes et des défenseurs des droits humains. En août, des hommes armés ont tiré sur le journaliste Ariel Grajales Rodas à Villaflores. Ce journaliste diffuse des informations officielles et sur des actes de violence, notamment la collecte d’impôts criminels sur toutes les activités commerciales dans la région Frailesca.
En septembre, le Centre des droits humains Fray Bartolomé de Las Casas (Frayba) a dénoncé l’augmentation de violences contre les membres de son équipe. Il a indiqué que depuis janvier, il a « enregistré quatre attaques, agressions et délégitimation de notre travail », et que depuis juillet jusqu’à présent, ses membres ont reçu des menaces de mort et que la maison de l’un d’entre eux a été perquisitionnée. À cela s’ajoutent « l’extorsion, l’intimidation, la surveillance et les attaques verbales, et plusieurs d’entre elles émanent d’acteurs liés aux gouvernements municipal, étatique et fédéral », a-t-il dénoncé. Tout cela malgré le fait que l’organisation dispose de mesures de protection accordées par la CIDH. Il a regretté que le gouvernement « ne puisse pas arrêter le tourbillon de violence, au contraire, les risques augmentent y compris pour ceux qui défendent les droits humains ».
De même, en septembre, la journaliste Dalia Villatoro a fait état de menaces à son encontre. Elle a expliqué que « des membres présumés du crime organisé ont lancé une menace en accrochant devant chez moi une affiche dans laquelle ils me liaient à des publications réalisées via les pages Facebook Notifraylesca et Villaflores ».
Quant au cas le plus notoire, le 20 octobre, le père Marcelo Pérez Pérez a été assassiné à San Cristóbal de Las Casas. Ordonné en 2002, il était devenu une référence en tant que défenseur des droits de l’Homme et de la Terre Mère, en plus d’être médiateur dans plusieurs conflits sociaux. Depuis 2015, il bénéficiait de mesures de protection de la CIDH en raison des menaces constantes auxquelles il faisait face en raison de son travail. Plusieurs organisations, réseaux et groupes se sont prononcés contre cet homicide. La présidente Claudia Sheinbaum a regretté le meurtre et a assuré qu’une enquête était déjà en cours pour élucider le crime. Le 22 octobre, Edgar « N » a été arrêté et lié à une procédure pénale pour sa probable responsabilité en tant qu’auteur matériel de l’homicide. La rapidité avec laquelle l’arrestation a eu lieu fait douter de nombreux analystes de sa véritable culpabilité et, en tout cas, ils demandent que l’enquête identifie les auteurs intellectuels du crime.
OAXACA : Des risques élevés se maintiennent pour les défenseurs des droits humains
Dans le rapport d’EDUCA sur les graves attaques contre les défenseurs au Mexique, le Oaxaca arrive en tête de liste avec 58 défenseurs assassinés entre décembre 2018 et octobre 2024. Les attaques restent fréquentes.
En août, le « Diagnostic participatif : vers une politique publique pour la protection globale des défenseures et femmes journalistes au Oaxaca » a été présenté. Le diagnostic montre qu’entre 2018 et 2022, 14 défenseures ont été assassinées au Oaxaca et que, de 2016 à 2019, 1 063 attaques contre ce secteur ont été enregistrées. Les défenseures des droits humains et les femmes journalistes risquent d’être réduites au silence du fait « des menaces de violence, notamment de violence sexuelle ; elles courent également le risque d’être victimes de féminicides, de viols, d’attaques à l’acide, d’arrestations arbitraires, d’emprisonnement et de disparitions forcées ». L’une des tendances les plus préoccupantes est la criminalisation.
En septembre, le Centre des Droits Humains A.C. « Bartolomé Carrasco Briseño » (BARCADH) a signalé une cyberattaque sur ses réseaux sociaux. Il a déclaré que « notre organisation accompagne des cas graves de violations des droits humains auprès de victimes et de groupes qui demandent notre soutien ; c’est pourquoi cette situation nous inquiète et nous alarme ».
En septembre également, le défenseur des droits humains Daniel Bautista Vásquez a été retrouvé mort à Villa de Etla. Il bénéficiait de mesures de protection de la CIDH. En mars 2020, son frère Ángel a été torturé par des éléments de la police municipale de Tlaxiaco. Après ces événements, Daniel et sa famille ont dénoncé des abus policiers, qui ont donné lieu à de multiples menaces et harcèlements à leur encontre.
Le 4 octobre, l’avocate Mixe Sandra Domínguez Martínez et son mari ont disparu dans la Sierra Mixe d’Oaxaca. Sandra se consacre à la défense des droits humains et, depuis 2020, dénonçait la cyberintimidation, la violence de genre et la participation de fonctionnaires au groupe WhatsApp « Sierra XXX », où des photographies pornographiques de femmes autochtones étaient partagées. Depuis le 6 novembre, les proches de Sandra ont organisé un sit-in devant le Palais du Gouvernement du Oaxaca, pour exiger la comparution du gouverneur. Ils ont signalé que les membres de la famille et leurs avocats avaient été victimes de surveillance et d’intimidation.
Le 5 novembre, les sœurs Adriana et Virginia Ortiz García, défenseures indigènes Triqui, ont été assassinées à Oaxaca de Juárez. Toutes deux étaient des militantes du Mouvement d’Unification et de Lutte Triqui (MULT) et avaient travaillé intensément dans la défense des droits humains et dans la recherche de leurs cousines disparues en 2007.
De manière plus générale, en octobre, la Commission des droits humains du Oaxaca a présenté un rapport sur les déplacements forcés internes dans lequel elle reconnaît que les victimes de ce phénomène sont « invisibles et sans reconnaissance de leurs droits ». Le rapport montre que les causes des déplacements forcés dans l’état sont multiples : l’imposition et l’application de sanctions communautaires, le fait de ne pas partager la même croyance religieuse, les conflits fonciers et territoriaux qui sont principalement dus au manque de définition des droits fonciers, les conflits de nomination lors d’élections, entre autres causes. « La reconnaissance des droits humains des personnes déplacées a été lente, pendant de nombreuses années il n’y a eu aucune volonté de la part de certaines institutions et les politiques publiques du passé n’étaient pas idéales. De plus, le manque de législation qui s’attaque à ce phénomène social a placé les victimes dans un état de vulnérabilité », a déclaré la Commission.
Entre janvier 2024 et début novembre, 91 femmes ont été assassinées au Oaxaca. Le Consortium pour le dialogue et l’équité parlementaire a condamné l’escalade de la violence féminicide enregistrée ces derniers mois en raison de l’inaction du gouvernement du Oaxaca. « Nous exigeons que Salomón Jara garantisse la sécurité des femmes et des filles face à la violence qui règne au Oaxaca, avec 677 disparitions et 204 féminicides sous son gouvernement », a-t-il déclaré. Selon les données de México Evalua, au Oaxaca, l’impunité pour le crime de féminicide atteint 100 %, tandis que pour les cas de disparition, elle est de 99,6 %.
GUERRERO : « une violence imparable »
En novembre, le Centre des droits humains Tlachinollan a mis en garde contre les niveaux de violence atteints à Guerrero : « L’expansion de la criminalité survient jusqu’à ce qu’ils rencontrent un autre groupe qui contrôle le territoire. Ce sont les groupes criminels eux-mêmes qui fixent les limites, et non les institutions étatiques. La puissance de ces groupe les amène à défier les forces de sécurité. Leurs armes sont sophistiquées et ils sont mieux équipés. Ils ont de multiples contacts pour obtenir des armes en provenance des États-Unis. Ils possèdent des propriétés dans des endroits stratégiques (…). Ils ont recours au recrutement de jeunes pour étendre leur domaine et disposer d’une réserve humaine pour leurs raids armés. L’objectif est de déplacer le groupe qui tient la place. Les jeunes sont de la chair à canon qu’ils utilisent sans aucune conséquence juridique ni action énergique pour contenir cette violence imparable. Les sociétés criminelles sont des entreprises très rentables car elles ont su s’aventurer dans différents secteurs d’activité où elles blanchissent leur argent par le biais d’entreprises bien établies. Cela n’est réalisable que dans des états où la corruption prévaut, où la loi n’est pas appliquée et où la justice est une marchandise qui rapporte de gros dividendes. (…) L’affaiblissement des institutions publiques a entraîné un débordement du crime organisé qui s’est installé dans les centres touristiques, dans les principales villes, dans les chefs-lieux municipaux et dans les communautés rurales. Il apparaît comme le monstre aux mille têtes, comme le pouvoir de facto installé au sein de l’administration publique.»
En septembre, au moins 10 000 personnes, parmi lesquelles des étudiants, des enseignants, des étudiants universitaires, des universitaires, des organisations, des groupes, des syndicats et des individus, ont manifesté à Mexico, 10 ans après la disparition de 43 élèves de l’École normale rurale d’Ayotzinapa, à Iguala. Le président AMLO avait promis de résoudre cette affaire au cours de son mandat de six ans, mais il n’y est pas parvenu. « Il a trahi la confiance que nous avions placée en lui en tant que parents et a tourné le dos à l’affaire Ayotzinapa pour protéger l’armée », a déclaré Hilda Legideño, mère de Jorge Antonio Tizapa Legideño, disparu cette nuit-là. Mario González, père de l’étudiant normal disparu César Manuel González Hernández, a déclaré que « celui qui dissimule ou entrave les enquêtes est également complice de la disparition forcée ». Il a prévenu : « Au nouveau gouvernement, si vous envisagez de faire cela, nous allons continuer à nous battre. »
Faisant preuve du même esprit de lutte, en octobre, la Coordination Régionale des Autorités Communautaires-Police Communautaire (CRAC-PC) a célébré son 29ème anniversaire. Elle a déclaré que « le CRAC-PC est là, debout, affrontant les tempêtes provoquées par les actions des caciques et des gouvernements. Notre système judiciaire s’est révélé efficace et performant face au désastre humanitaire provoqué par les groupes criminels. » Elle a parlé de la réforme autochtone récemment approuvée, remettant en question le fait que « la représentation politique et la propriété des territoires et des biens naturels aient été exclues de la réforme récemment approuvée. Sans territoire, où exercerons-nous l’autodétermination, l’autonomie et la justice ? L’épine dorsale du droit autochtone : la sécurité et la justice, le gouvernement et la propriété de nos territoires et de nos biens naturels n’ont pas été intégrés dans la réforme. La dette historique envers nos peuples persiste ». « Les programmes sociaux ne servent à rien si nos droits ne sont pas reconnus. S’ils ne sont pas finalement accompagnés d’une reconnaissance constitutionnelle, ils deviendront un mécanisme clientéliste et social qui nous maintiendra dans le passé et la marginalisation », a-t-elle conclu. Elle a finalement annoncé qu’elle continuerait « à exercer la sécurité, la justice et la rééducation avec ou sans la Loi (…). Nous ne nous devons pas à une Loi écrite, bien au contraire, nous sommes gouvernés par la parole, par les rêves, par les signes, par une autre manière d’être et d’être en relation avec le monde. »