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L e 2 juin, Claudia Sheinbaum a été élue première femme présidente du Mexique, avec 30 points de pourcentage d’avance sur la candidate suivante, Xóchitl Gálvez (du PRI, PAN et PRD, partis historiques du Mexique).
Le parti de Sheinbaum, Movimiento de Regeneración Nacional (MORENA), avec ses alliés, a obtenu la majorité législative dans les deux chambres du Congrès de l’Union. Cela lui permettra de mener à bien les réformes constitutionnelles du « Plan C », hérité de l’actuel président, Andrés Manuel López Obrador (AMLO), ainsi que de consolider les grands projets d’infrastructure de l’administration actuelle. Avec une liste électorale de 98,3 millions de personnes, Sheinbaum a obtenu 35 923 984 votes, ce qui représente une augmentation par rapport aux 30,1 millions de votes qu’AMLO avait remportés en 2018. MORENA a également gagné à la capitale, Mexico et a conservé le pouvoir dans cinq des neuf postes de gouverneur qui étaient en jeu.
Ces résultats écrasants ne peuvent cacher le fait que les campagnes ont été marquées par des niveaux élevés de violence politico-électorale dans la majeure partie du pays. L’organisation internationale ACLED (Armed Conflict Location and Event Data) a enregistré 540 incidents violents contre des acteurs politiques entre septembre 2023 et juin 2024. Ces données, contrairement à ce que le gouvernement fédéral affirme, démontrent que ce processus électoral a été le plus violent de l’histoire. Sur les 330 incidents violents enregistrés au cours de la campagne, 216 étaient contre des candidats, des sympathisants ou des membres de leur famille, et au moins 95 d’entre eux ont causé un ou plusieurs décès. Les attaques ont été principalement commises au niveau local (plus de 80 % des cas). « Bien que la dispute entre les groupes criminels organisés soit à l’origine d’une grande partie de la violence politique, au moins 30 % des incidents comprenaient des émeutes et des destructions de biens, ce qui suggère que les luttes de pouvoir locales et les plaintes des communautés pour irrégularités au cours du processus, ou le rejet des résultats, peuvent aussi déclencher des violences contre des personnalités politiques », a ajouté l’ACLED.
Réforme judiciaire : amélioration ou risque de plus grand contrôle politique et d’impunité ?
En juin, une série de forums ont été organisés pour discuter sur la réforme du pouvoir judiciaire proposée par AMLO. Celle-ci propose de réduire le nombre de ministres de la Cour Suprême de Justice de la Nation (SCJN) de 11 à neuf. La durée de leur mission serait de 12 ans (soit trois de moins que la formule actuelle). Les deux salles dans lesquelles la SCJN est actuellement divisé seraient supprimées pour permettre son fonctionnement uniquement en séances plénières, qui seraient publiques. En matière de salaires, il est établi que la rémunération des ministres et des juges ne saurait être supérieure à celle que perçoit celui qui occupe la Présidence de la République. Le mécanisme d’élection des représentants du pouvoir judiciaire serait modifié, de sorte qu’ils seraient élus par les citoyens tous les trois ans ; leurs candidatures seraient proposés à parts égales par la présidence de la République, le Congrès de l’Union et le pouvoir judiciaire.
Les organisations civiles considèrent que le projet laisse de côté des aspects fondamentaux tels que la nécessité de reconstruire les bureaux du procureur, car le grand problème de l’impunité au Mexique concerne avant tout les ministères publics ; l’importance de mettre davantage l’accent sur les pouvoirs judiciaires locaux ; repenser l’ensemble du dispositif de la police chargée d’enquêter sur les délits ; accroître les capacités techniques et l’indépendance des services d’experts ; et augmenter les ressources et le personnel des bureaux de la défense. « L’élection des juges, des magistrats et des ministres par le vote populaire ne contribuera à répondre à aucun de ces besoins, mais cela générera malheureusement de nouveaux problèmes inquiétants », a déclaré le Centre PRODH.
La rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, Margaret Satterthwait, a exprimé son inquiétude face à ce projet de loi, notamment en ce qui concerne les élections au suffrage populaire et la réduction des salaires du personnel judiciaire. « Je suis particulièrement préoccupée par le contexte dans lequel ces projets de réforme sont mis en place, compte tenu des allégations d’intimidation de juges et des informations faisant état d’ingérence dans l’indépendance judiciaire de la part des pouvoirs exécutif et législatif », a-t-elle déclaré.
Dans le même temps, le peso mexicain a chuté après l’annonce par MORENA de mettre en œuvre les réformes du président López Obrador en juillet et août. Les investisseurs craignent que le gouvernement approuve des « changements radicaux » à la Constitution, ceux-ci étant perçus comme un démantèlement des freins et contrepoids démocratiques.
Plusieurs questions en suspens concernant les droits humains pour la présidente élue
En mai, le Réseau national Tous les droits pour tous et toutes (Red TDT) a présenté un rapport sur sur la situation des droits humains au Mexique au cours des six dernières années. Concernant les défenseur.e.s des droits de l’Homme, il a documenté 92 cas d’exécutions extrajudiciaires, ce qui représente une diminution de 50 % par rapport à l’administration précédente, mais il s’agit toujours d’une « tactique utilisée pour inhiber et démanteler la lutte pour la sociale et la défense des droits fondamentaux ». La plupart des victimes travaillaient pour la défense des terres et des territoires, de l’environnement et de l’autodétermination des peuples autochtones ; et les agressions se sont produites au Oaxaca et au Chiapas. La Red TDT a également souligné que, selon les données recueillies, durant la période de l’actuelle administration, 44 journalistes ont été assassinés (47 au cours de la précédente). Il a signalé que des cas ont été documentés dans lesquels le droit à la liberté d’expression et de manifestation a été restreint. De même, « les campagnes de diffamation, dénoncées par diverses organisations, se sont poursuivies », notamment de la part du président de la République.
En juillet, l’organisation Article 19 a présenté le rapport « Droits en attente », qui détaille les violations de la liberté d’expression pendant le mandat de six ans de López Obrador. 3 408 attaques contre la presse ont été recensées, dont 561 en 2023, ce qui représente une attaque toutes les 14 heures. En outre, 46 journalistes ont été assassinés et l’État reste le principal agresseur, représentant 45,75% du total. Le rapport souligne qu’”au cours des six ans, 179 attaques ont été enregistrées dans les conférences de presse du président tous les matins et ont révélé que les autorités municipales et étatiques de 20 entités de la République ont répété 62 fois le même discours stigmatisant ». Il souligne également que les dépenses pour publicité officielle a été limité à 10 médias, accumulant 47,08% des ressources au cours du mandat d’AMLO. Malgré les affirmations selon lesquelles il n’y aurait plus d’espionnage de la part des autorités, le rapport accuse l’administration de continuer à acquérir du matériel d’espionnage.
Un autre aspect inquiétant de l’agenda des droits humains est la militarisation. En juin, Claudia Sheinbaum a annoncé qu’elle soutiendrait la réforme proposée par AMLO qui prévoit l’intégration définitive de la Garde nationale au Ministère de la Défense nationale (SEDENA). Elle a indiqué que sa politique de sécurité se fondera sur l’attention des causes derrière la violence, la mise en place d’une Garde Nationale plus efficace, l’amélioration des renseignements et des enquêtes, et la coordination entre les institutions. Cependant, des organisations civiles ont exprimé leur inquiétude, en soulignant que « la participation des militaires dans les domaines de la vie civile pourrait porter atteinte à la sécurité de la population et accroître les violations des droits de l’Homme en plus de mettre en péril le principe de séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice. »
En juillet, dans le cadre de l’Examen Périodique Universel (EPU), un mécanisme du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, l’État mexicain a reçu 318 recommandations. Il en a rejeté 14 portant sur des aspects comme la militarisation, le recours excessif à la force, l’espionnage, la détention préventive informelle, le déplacement forcé et la détention de migrant.e.s. Des organisations civiles, nationales et internationales, ont regretté « la position de l’État qui a rejeté pour la première fois autant de recommandations, ce qui contraste avec les messages de son engagement en faveur du respect des droits de l’Homme ». Elles ont appelé la prochaine administration à accepter toutes les recommandations « comme un guide pour l’adoption de politiques et d’actions gouvernementales concrètes depuis la perspective des droits humains ».
Le rôle des États-Unis dans les questions de sécurité et de droits de l’Homme au Mexique
En juin, le président américain Joe Biden a annoncé un nouveau décret qui limitera les demandes d’asile à la frontière avec le Mexique. Cette mesure permettra des expulsions rapides si un certain nombre d’arrestations de personnes ayant franchi irrégulièrement la frontière est dépassé, à moins qu’elles ne démontrent qu’elles sont persécutées ou risquent d’être torturées en cas d’expulsion. AMLO considère que ces nouvelles mesures répondent au contexte des élections présidentielles aux États-Unis en novembre, ceci quand la migration est une question prioritaire pour l’électorat américain. Il a déclaré que les politiciens américains « appliquent une politique qui ne correspond pas à la nouvelle réalité » et qu’ils utilisent « la question de l’immigration à des fins politico-électorales”. En août, suite à ce décret, les États-Unis avaient expulsé plus de 92 000 personnes vers plus de 130 pays.
Plus de 20 000 armes entrent illégalement au Mexique chaque année, selon l’Agence américaine pour l’alcool, le tabac, les armes à feu et les explosifs (ATF), comme l’a rapporté le projet Stop US Arms to Mexico, une initiative de Global Exchange, en juillet. Toutefois, seule une petite partie des armes faisant l’objet d’un trafic illégal est récupérée. Le rapport note que « le fleuve d’armes qui coule des États-Unis vers le Mexique renforce le crime organisé et accélère la migration forcée ; Il provient de centaines de fabricants et transite par des milliers de magasins d’armes locaux aux États-Unis”. En réaction au flux d’armes illicites, « une course aux armements a émergé, les fabricants d’armes exportant de plus en plus d’armes, et davantage d’armes militarisées, vers la police et les forces militaires du Mexique ». En 2023, les États-Unis « ont exporté 12 515 fusils militaires vers le Mexique – plus que vers l’Ukraine, et juste derrière Israël », a déclaré Global Exchange.
En juillet, les autorités américaines ont arrêté Ismael El Mayo Zambada, l’un des dirigeants historiques du cartel de Sinaloa, à El Paso, au Texas. Il est frappant de constater que le parquet mexicain a annoncé qu’il enquêterait sur cette arrestation comme un cas de « trahison contre la patrie », puisque Zambada semble avoir été remis aux États-Unis par Joaquín Guzmán López, fils de Joaquín « el Chapo » Guzmán, qui était également un chef historique du cartel de Sinaloa et qui est actuellement détenu aux USA. Le ministère public a affirmé que « celui qui prive illégalement une personne de sa liberté sur le territoire national pour la remettre aux autorités d’un autre pays est responsable de ce délit ». Les déclarations de Zambada commencent déjà à impliquer plusieurs hommes politiques liés à MORENA.
CHIAPAS : Entre violence politico-électorale et violence criminelle
Le 2 juin, au-delà des élections fédérales, le nouveau gouverneur, 40 députés, 123 maires, 875 conseillers municipaux et 123 administrateurs ont été élus au Chiapas. Les niveaux élevés de violence politico-électorale au cours des campagnes ont placé le Chiapas parmi les états les plus touchés, avec au moins 15 assassinats de politiciens, dont 5 candidat.e.s. En outre, 515 candidats à divers postes sujets à élections, appartenant à 11 partis et deux coalitions, ont démissionné. De même, 108 des 6 977 urnes prévues n’ont pas pu être installées en raison de cette même situation. Cependant, le jour du scrutin s’est déroulé dans un calme relatif. Sans surprise majeure, Eduardo Ramírez Aguilar (ERA), candidat de la coalition Continuons à écrire l’histoire, a remporté le poste de gouverneur avec près de 80 % des suffrages exprimés.
La violence issue des conflits entre groupes liés au crime organisé continue d’être prédominante dans une grande partie de l’état, en particulier dans les zones frontalières et de la Sierra. En juillet, le Colectivo de Monitoreo Frontera Sur a exhorté le gouvernement fédéral à offrir une réponse intégrale à la situation de milliers de familles déplacées (certaines d’entre elles au Guatemala après avoir traversé la frontière) ou risquant d’être recrutées de force dans les municipalités isolées par les barrages routiers maintenus par les groupes criminels. « La population de ces municipalités est totalement sans protection et abandonnée par les autorités étatiques et fédérales, et est également contrainte par des groupes criminels à participer aux barrages routiers, les utilisant comme barricades humaines au cas où le groupe rival viendrait ou pour empêcher le passage des forces de sécurité fédérales. Face à cette situation, les déclarations des autorités fédérales, avec en tête le Président de la République, qui minimisent la situation humanitaire et rejettent la responsabilité des événements sur la population identifiée comme la base sociale des groupes criminels, sont extrêmement préoccupantes », a-t-il dénoncé.
Le diocèse de Tapachula a exprimé que la situation actuelle dans les zones frontalière et Sierra « est désespérée en raison de la présence permanente de cartels de la drogue qui se disputent le territoire, allant et venant devant l’indifférence et la complicité apparente de la Garde nationale et de l’armée mexicaine ». Il a déclaré que « c’est très compliqué de vivre ainsi ; d’un côté, kidnappés dans leur propre maison, contraints de faire ce qu’ils ne devraient pas, avec un profond sentiment d’impuissance face à la situation incompréhensible qu’ils vivent ; les cartels disposent de la population à leur guise, et d’un autre côté, la présence des détachements de la Garde nationale et de l’armée mexicaine ne changent rien à leur réalité”.
Un autre centre de préoccupations est apparu dans la zone Nord de l’état. En juin, une opération policière et militaire a été mise en œuvre avec plus de 500 éléments à Tila. Plus de 4 mille personnes, qui s’étaient réfugiées dans leurs maisons en raison de la violence provoquée par des groupes de civils armés, ont quitté la ville. Ces groupes ont fait au moins deux morts, 17 bâtiments incendiés, des commerces pillés et 21 véhicules détruits. Les personnes déplacées ont été transférées dans divers refuges ou sont allés chez des proches dans d’autres municipalités. Selon des témoignages, les affrontements sont nés du conflit entre le groupe « les autonomes » et le groupe appelé « Karma » pour le contrôle de l’ejido (terres communales sur lesquelles le chef-lieu se trouve). Le Réseau TDT a souligné que « ce scénario de violence a une histoire qui a été publiquement dénoncée, sans que les autorités des trois niveaux de gouvernement n’aient pris les mesures nécessaires pour empêcher son escalade. Au cours des dernières années, plusieurs groupes armés antagonistes ont émergé, provoquant des meurtres, des menaces, des extorsions et diverses formes de violence, terrorisant la population en général”. Il a également rappelé qu’« il existe un conflit entre des groupes du crime organisé avec la participation d’organisations armées locales. Différents indices indiquent que cette situation pourrait s’inscrire dans ce contexte, où se disputent les économies légales et illégales, ainsi que le contrôle du territoire et des voies de communication”.
Fin juillet, dans la zone des Hauts-Plateaux, environ 800 personnes de la communauté de La Esperanza, dans la municipalité de Chenalhó, ont été contraintes de quitter leur domicile à cause d’une attaque armée du groupe connu sous le nom de « Los Herrera ». La Esperanza, un village situé à la frontière entre Chenalhó et Pantelhó, est le théâtre d’affrontements depuis juillet 2021 entre « Los Herrera » et les groupes d’autodéfense « El Machete » de Pantelhó. D’autres communautés ont également été touchées. Les paroisses de la région ont signalé une augmentation de la violence : les barrages routiers, les tirs d’arme de manière continue et les affrontements ont conduit au déplacement forcé de communautés entières et à la mort d’innocents. Elles ont demandé : face à « la douleur des gens qui souffrent et à l’indignation due à l’incapacité à gouverner que nous vivons dans l’état, la minimisation du président Andrés Manuel López Obrador à l’égard de la violence qui est devenue virale dans ledit état, nous ne comprenons pas : Entre les mains de qui est la lutte contre le crime organisé ? Puisque nous voyons que les criminels deviennent chaque jour plus forts en présence des militaires et de la Garde nationale”.
OAXACA : Vulnérabilité des défenseurs des droits humains et des journalistes
En mai, le Comité pour la défense intégrale des droits de l’Homme Gobixha AC (CODIGODH) a dénoncé une perquisition dans ses bureaux de la ville de Oaxaca, où des ordinateurs portables, des caméras photographiques et vidéo, de l’argent liquide, entre autres biens, ont été volés. L’organisation a averti que cet acte « constitue une grave violation de notre travail de défense des droits humains dans un contexte d’insécurité et de violence ». Après une deuxième perquisition le même mois, CODIGODH a décidé de fermer temporairement ses bureaux.
En juillet, Lorenzo Santos Torres, défenseur communautaire de Santiago Amoltepec, ainsi que sa femme et sa fille, ont été pris dans une embuscade, exécutés et brûlés sur une route entre San Martín Lachila et San Andrés Zabache, à Ejutla de Crespo. Santos Torres avait survécu à une attaque en 2013, pour laquelle la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) lui avait accordé des mesures de sécurité. Avec ce dernier cas, 42 défenseurs ont été assassinés à Oaxaca au cours du mandat de six ans du président López Obrador, dont quatre sous l’actuel gouvernement de Salomón Jara Cruz, selon EDUCA.
Sous l’administration de Jara Cruz, le Bureau de défense des droits humains du Oaxaca (DDHPO) a également signalé 17 attaques contre des journalistes. En juillet, lors de la Guelaguetza (fête traditionnelle au Oaxaca), le photojournaliste Edwin Hernández du journal El Universal a été agressé alors que la cinéaste Ángeles Cruz manifestait contre la violence dans sa communauté, San Miguel El Grande. Consorcio Oaxaca a rapporté qu’Hernández a subi « des intimidations et des pressions de la part des gardes du corps du gouverneur afin de l’empêcher de documenter la protestation de la cinéaste, il est finalement parti et en sortant, ils l’ont arrêté et ont déchiré son accréditation”.
L’une des zones où l’on attaque le plus les défenseur.e.s est l’isthme de Tehuantepec. En juin, une mission d’observation civile (MCO), composée de 22 organisations civiles mexicaines et internationales, a documenté que, de mai 2021 à mai 2024, 72 attaques ont été enregistrées, dont au moins 226 contre des défenseurs. Les agressions les plus récurrentes ont été l’intimidation (30 %), le harcèlement (28 %), les menaces (10 %) et les agressions physiques (7 %). En outre, 3 homicides de défenseurs ont été documentés : Jesús Manuel Martínez (2022), Félix Vicente Cruz (2023) et Noel López Gallegos (2023). La MCO a indiqué que la présence de l’armée, de la Marine et de la Garde Nationale « favorise un climat hostile et d’intimidation, qui a généré une violation systématique des droits fondamentaux contre les communautés et les peuples (…) dans l’isthme de Tehuantepec ». Elle a recommandé aux autorités « d’arrêter d’urgence et efficacement le processus de militarisation afin de garantir une protection efficace des droits à l’autodétermination, au territoire et à la consultation », ainsi que d’enquêter et de punir les crimes et violations des droits humains commis.
GUERRERO : Violence et impunité
En mai, le Centre des droits humains de la montagne Tlachinollán a souligné que « le scénario politico-électoral est dévastateur au Guerrero ». « Les dirigeants des partis politiques ne se soucient pas de la violence qui endeuille quotidiennement les familles et menacent la population qui lutte pour sa survie. Le pouvoir destructeur des groupes criminels a été placé au-dessus des autorités. » Lors des campagnes électorales, le Guerrero a été l’un des états comptant le plus grand nombre de victimes de violence politique, enregistrant au moins 80 cas. Malgré cela, le jour du scrutin s’est déroulé relativement tranquillement. Le Guerrero a aussi été l’un des quatre états du pays qui ont apporté le plus de votes à la présidente virtuelle, Claudia Sheinbaum. Morena et ses alliés ont également remporté les élections dans la plupart des municipalités du Guerrero et la majorité des députés.
La violence et l’impunité continuent de caractériser la situation. En juin, le maire de la municipalité indigène de Malinaltepec a été assassiné après avoir été pris en otage par un groupe armé. En outre, le conseiller de la Coordination Régionale des Autorités Communautaires – Police Communautaire (CRAC-PC) et ancien commissaire de Cuanacaxtitlán, Leonel Félix Flores, a été pris en otage et assassiné dans la municipalité de San Luis Acatlán, sur la Costa Chica du Guerrero. « Il est clair que les groupes armés qui pullulent dans la région et dans l’état jouissent d’une impunité totale », a dénoncé Tlachinollan. En juillet, le Conseil Indigène et Populaire du Guerrero Emiliano Zapata (Cipog-EZ) a signalé que deux de ses membres avaient été assassinés dans la municipalité de Chilapa. Il a déclaré qu’en six ans, 56 de ses militant.e.s ont été assassiné.e.s et 23 sont porté.e.s disparu.e.s. « Nous voulons faire comprendre que nous sommes seuls, que l’État nous a abandonnés à notre sort, qu’il nous laisse entre les mains du crime organisé, comme c’est le cas (…) dans pratiquement tout le pays », a-t-il déclaré.
Après la diffusion d’un rapport sur le cas d’Ayotzinapa présenté en juillet, AMLO a nié l’implication de l’armée dans la disparition des 43 étudiants à Iguala en 2014. Cependant, les proches des étudiants ont affirmé que la participation de l’armée « est une vérité irréfutable », une affirmation soutenue par « de nombreux témoignages et déclarations ministérielles qui affirment que ce jour-là l’armée était dans les rues et a participé de manière honteuse à la disparition de nos enfants ». « Depuis son fauteuil présidentiel, sans aucun fondement réel, [le président] tente de nous faire un résumé de spéculations et de conjectures pour justifier une promesse de campagne qu’il n’a pas tenue à la fin de son mandat ». Ils ont assuré qu’ils continueraient à exiger l’apparition en vie de leurs enfants et de centaines de milliers de personnes disparues dans le pays. AMLO, pour sa part, a soutenu que les accusations « sans preuves » contre l’armée pourraient être le résultat d’un « désir de vengeance » contre cette institution, « comme certains ont voulu le faire dans le cas du général Salvador Cienfuegos ou comme ils le font contre moi avec une campagne de diffamation, sans preuves. »
En août, trois ans après la disparition du défenseur Vicente Suástegui Muñoz, les proches du membre du Conseil des Ejidos et des Communautés opposé au projet hydroélectrique de La Parota (CECOP) ont de nouveau exigé qu’il soit présenté vivant. Ils ont critiqué la décision d’un juge d’annuler la peine prononcée contre deux auteurs présumés de la disparition pour violations présumées des procédures régulières. Tlachinollan a dénoncé qu’« il est incroyable qu’à Acapulco, où toutes les forces de sécurité de l’État se trouvent et où elles se réunissent chaque matin pour analyser la situation de violence qui se produit dans le port, elles soient incapables d’identifier le mode opératoire des auteurs de crimes et des ne pas localiser les lieux où ils se préparent et commettent leurs méfaits. (…) Un budget plus important est alloué à la construction de casernes de la Garde nationale pour garantir la sécurité dans le port, mais les gens ne voient pas de résultats tangibles avec l’arrivée de davantage d’éléments de la Garde nationale. »