Activités de SIPAZ (Juillet- Septembre 2004)
30/09/20042004
31/12/2004Le 3 octobre dernier des élections ont eu lieu au Chiapas afin d’élire 118 maires et 40 députés locaux (Congrès de l’Etat).
Les JBG (Comités de Bon Gouvernement) zapatistes ont tenu leur promesse et ont respecté le processus électoral. Ils ont informé de cette décision en août dernier en demandant que « de la même façon que nous respectons ceux qui veulent voter, respectez-vous aussi ceux qui ne veulent pas le faire ». Cette décision confirme l’option de non-confrontation du mouvement zapatiste.
Au cours des dix dernières années, des incidents violents (vol et destruction des urnes ainsi que des affrontements entre les groupes antagonistes) avaient été observées lors de toutes les élections locales et fédérales. Cette fois-ci, les élections ont eu lieu dans un relatif calme. Douze dénonciations pour possibles délits électoraux ont cependant été présentées. On continue également à reporter des pratiques clientélistes (répartition d’aliments et d’argent) et de transport massif d’électeurs jusqu’aux points de vote.
La participation du 3 octobre a été relativement élevée en comparaison avec les années antérieures. Le taux d’abstention a été de plus de 45%; le nombre de votes nuls a dépassé 73 000 (représentant plus de 5% des votes).
Un autre élément plutôt paradoxal qui attire l’attention tient au fait que la majorité des acteurs politiques ont considéré avoir « gagné » ces élections. Même si le PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) a pour la première fois perdu la majorité absolue au sein du Congrès local, il reste la principale force politique du Chiapas avec 18 des 40 députations. A échelle municipale, le PRI a arraché des mains du PAN (Parti d’Action Nationale) et à d’autres partis plusieurs villes importantes de l’Etat, comme la capitale Tuxtla Gutiérrez et San Cristóbal de Las Casas. Toutefois, alors qu’il détenait 72 des 118 mairies, il n’en conservera plus que 53. Il a donc perdu 19 mairies qu’il gouvernait auparavant.
L’Alliance pour le Chiapas formée par le PRD (Parti de la Révolution Démocratique), le PAN et le PT (Parti du Travail) a obtenu près de la moitié des députations et 27 mairies.
Le Parti Vert Ecologiste du Mexique (PVEM) a obtenu plus de 14% des suffrages, ce qui le situe pratiquement au même niveau que le PAN et le PRD. Il continuera à gouverner 4 mairies et 4 autres par le biais de son alliance avec le PRI.
L’actuel gouverneur du Chiapas, Pablo Salazar Mendiguchía, a souffert un revers relatif dans la mesure où plusieurs de ses proches ont perdu ces élections par exemple à San Cristóbal de Las Casas. Cependant, le principal contre-poids qu’il avait était la majorité absolue du PRI au sein du Congrès, une majorité que ce parti a perdue lors de ces élections. Ce fait devrait permettre à Pablo Salazar de renforcer son projet politique pour les deux dernières années qui lui restent de son administration.
Election des députés
Nº DE VOTES | POURCENTAGE | |
PRD-PAN-PT | 517.175 | 38.78 |
PRI-PVEM | 139.638 | 10.47 |
PRI | 428.718 | 32.15 |
PVEM | 124.566 | 9.34 |
Convergencia | 48.829 | 3.66 |
Nuls | 73.363 | 5.50 |
Non enregistrés | 1.295 | 0.10 |
Élections municipales
N° DE municipALITÉS |
|
PRI | 53 |
PAN | 11 |
PRD | 14 |
PVEM | 4 |
PT | 3 |
Alianza por Chiapas | 27 |
Alianza para Todos | 4 |
Convergencia | 2 |
TOTAL | 118 |
Panorama Electoral Au Chiapas En Vue Des Elections De 2006
Ces élections d’octobre ont constitué un espèce de baromètre politique en vue des élections de 2006 où le successeur de l’actuel gouverneur du Chiapas, Pablo Salazar Mendiguchía devra être élu.
Les représentants des Partis qui forment l’Alliance pour le Chiapas (PAN, PRD y PT) ont affirmé que seulement par le biais d’alliances, le PRI (parti qui a dominé la scène politique du Mexique pendant plus de 70 ans) pourra être vaincu en 2006. Ils ont également reconnu le caractère polémique de ces coalitions entre partis théoriquement « incompatibles » depuis une lecture fédérale, vu qu’elles impliquent allier la gauche et la droite. Le PAN (droite) a lui seul est peu présent en zones rurales. Le PRD (gauche) se trouve divisé du fait de luttes internes. Il reste à voir comment cette Alliance parviendra à se maintenir jusqu’en 2006.
En ce sens, il faut souligner une perte de définition politique et un affaiblissement des différents partis politiques (dans une moindre mesure dans le cas du PRI). Le 27 septembre dernier, plus de 8000 fidèles du Diocèse de San Cristóbal (qui couvre 46 municipalités du Chiapas) ont réalisé un pèlerinage pour exiger la libération de plusieurs prisonniers (voir bulletin antérieur). Dans leur communiqué, et en référence au processus électoral, ils diagnostiquaient: « la politique, sous le joug des grands intérêts économiques, semble avoir perdu sa boussole et exprime uniquement une lutte malsaine de recherche du pouvoir pour le pouvoir, et oublie de répondre aux besoins et demandes de la population en général ».
Un autre élément qui implique un changement en vue de 2006: à la fin octobre, un projet de loi a été passé au Chiapas. Il implique modifier l’article 35 de la Constitution Politique de l’Etat quant aux conditions pour pouvoir être élu gouverneur de l’Etat, ce qui laisserait hors courses plusieurs prétendants à ce poste comme Roberto Albores, du PRI, et Emilio Zebadúa, du PRD.
Ces modifications incluent para exemple que pour pouvoir se présenter comme candidat à gouverneur, une condition est de ne pas avoir occupé ce poste comme gouverneur constitutionnel, provisoire, intérimaire ou substitut, et de ne pas faire l’objet d’un processus pénal. Elles établissent également que le candidat devra être né au Chiapas et avoir résidé dans l’entité au moins 5 ans.
Le projet prévoit également d’autres modifications à des lois secondaires en matière électorale. Il propose que les conjoints et membres de la famille des gouverneurs et maires ne puissent pas se présenter à des postes électoraux. Il réduit la durée des temps de campagnes à deux mois et crée un bureau électoral comme organe autonome et indépendant. Ce bureau serait cependant nommé par le Congrès de l’Etat en fonction d’une proposition du pouvoir exécutif local.
Cette loi a généré plusieurs réactions de protestation, en particulier de la part du PRI local. Le coordinateur de la fraction parlementaire de ce parti, Mario Carlos Culebro, a critiqué cette mesure comme étant « antidémocratique, autoritaire, asservissante, totalitaire, archaïque et contraire à la volonté du peuple du Chiapas ».
Croissante Perte De Legitimite De La Democratie Partidiste
Ce que l’on peut observer au Chiapas est un reflet de la situation à échelle nationale où l’année 2006 correspondra également aux élections présidentielles. Les principaux partis politiques font face à une sévère crise de crédibilité politique après une série de scandales financiers dont aucun n’est sorti indemne. Les intrigues visant à empêcher la possible candidature à la présidence de la République de l’actuel chef du Gouvernement du District Fédéral, Andrés Manuel López Obrador, en 2006 constituent un autre élément dans cette perte de crédibilité.
A la mi novembre, un autre élément a semblé marqué une rupture définitive entre les pouvoirs et législatif lorsque le président Fox a annoncé qu’il attaquerait juridiquement le Budget de la Fédération de 2005 que la Chambre des Députés avait approuvé. Il a critiqué ce budget en le qualifiant d’« incohérent et invivable ». Il a affirmé que les députés de l’opposition prétendent bloquer le gouvernement fédéral et l’empêcher de remplir son objectif d’améliorer le bien être des mexicains. Des sénateurs du PRI et du PRD ont demandé au président Fox de cesser de confronter le Congrès de l’Union et d’accepter le Budget approuvé par la Chambre des députés, et qu’en cas contraire il conduirait le pays à une crise du gouvernement.
En novembre, un autre facteur qui a été interprété comme une preuve de l’affaiblissement et de la perte de prestige des institutions et du manque de confiance croissant de la part de la population à leur égard a été le lynchage de deux policiers à Tláhuac au District Fédéral. Les analystes ont également signalé la responsabilité des moyens de communication, la télévision en particulier, qui alimentent un « climat de terreur » pour justifier la répression et la violence. Pour le directeur d’Amnesty International – section Mexique, ces expressions violentes vont croissant, en particulier dans les nations où le gouvernement est incapable de garantir un Etat de Droit.
La Recherche D’alternatives
Dans ce contexte, les 27 et 28 novembre, un Premier Dialogue National pour un Projet de Nation avec Liberté, Justice et Démocratie a été convoqué dans la ville de Mexico. Cette initiative promue principalement bien que de manière non exclusive par un ensemble de forces syndicales se proposait de convoquer « tous les secteurs sociaux, culturels et politiques pour qu’ensemble nous avancions dans l’élaboration d’un diagnostic des grands problèmes nationaux et internationaux, en ébauchant les aspects essentiels d’un Projet de Nation Alternatif et en unissant toutes les résistances face au capitalisme sauvage et au système corporatif pour construire une proposition capable de disputer la conduite de la Nation à la barbarie néolibérale ».
Plus de 1700 participants de 164 organisations sociales, ouvrières, paysannes, indigènes, d’étudiants, syndicales et politiques, etc. ont assisté à cet espace et ont décidé de « rejeter le modèle de destruction et de mort appelé Néolibéralisme » et de « continuer ce processus de dialogue dans tout le territoire national, afin que les luttes de résistance se fortifient et alimentent à leur tout la formulation d’un Projet de Nation avec Liberté, Justice et Démocratie ». Il faut souligner que plusieurs exposés ont fait référence à l’expérience des « caracoles » zapatistes comme un exemple positif des nouveaux modèles de participation qui doivent être mis en place au-delà des actions contestataires.
Début décembre, à Chilpancingo, Guerrero, le forum « Contre le silence et l’oubli: la voix des peuples indigènes du Mexique ». Les organisations participantes ont affirmé à nouveau leur détermination à continuer à lutter contre la « contre-réforme indigène de 2001 » (loi sur les droits et la culture indigène approuvée en 2001 et que l’EZLN et les principales organisations indigènes du pays ont rejetée) et à exercer leur droit « à gouverner » par la voie des faits.
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Nouvelles Breves Sur Montes Azules
En octobre, la représentante responsable de cette région auprès du Ministère de la Réforme Agraire (SRA), Martha Cecilia Díaz Gordillo a annoncé que 25 communautés « en situation irrégulière » dans la Communauté Lacandone et la Réserve Intégrale de la Biosphère de Montes Azules ont signé des accords permettant la solution du problème agraire et écologique dans la zone. Ella ajouté que 18 autres communautés négocient pour être réinstallées dans une autre région ou pour être régularisés via expropriation (El Universal, 12 octobre 2004).
D’un autre côté, fin octobre, l’EZLN a annoncé son intention de reconcentrer plusieurs de ses communautés installées dans le sud de la biosphère de Montes Azules et a demandé à la société civile nationale et internationale de les aider à réaliser ces transferts et réinstallations.
L’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) a expliqué cette décision en affirmant qu’« avec l’avancée des dits ‘Comités de Bon Gouvernement’, une grande partie des communautés indigènes zapatistes se voient dotées de moyens qui améliorent significativement leurs conditions de vie. Cependant, l’éloignement et la dispersion de plusieurs de ces villages présentent des difficultés importantes. C’est pour cela que l’EZLN a accordé, avec le consentement explicite de ses habitants, de reconcentrer certains des peuples zapatistes dans cette zone, afin qu’ils bénéficient de la couverture du Comité de Bon Gouvernement de la zona Jungle-Frontière ». Le communiqué explique également: « qu’ils pourront ainsi mieux résister aux menaces, qu’ils pourront prendre soin de la forêt, et qu’ils participeront plus directement dans la lutte de l’EZLN pour le respect et la reconnaissance des droits et de la culture indigène ».
Les villages qui ont fait ou continuent à faire l’objet de cette reconcentration (sans qu’il s’agisse des seules communautés zapatistes de Montes Azules) sont: Primero de Enero, San Isidro, 12 de Décembre, 8 de Octobre, Santa Cruz, Nuevo Limar et Agua Dulce. Cette reconcentration qui implique un repositionnement stratégique de la part de l’EZLN a été considérée par certains comme un repli; et part d’autres comme la seule option pour pouvoir défendre et appuyer ses communautés dans cette partie sud de la réserve. Elle a été réalisée sans violence ni publicité.
En novembre, 29 familles tzotzils originaires de San Isidro (partie non zapatiste de la population) et de Sol Paraíso ont été réinstallées dans le nouveau village Nueva Magdalena, hors de la zone forestière protégée. Ce même mois, les représentants de 20 de Noviembre et Nuevo México, deux des plus de 40 villages qui doivent être expulsés ou réinstallés à un autre endroit, ont rompu les négociations avec les gouvernements du Chiapas et fédéral. Ils ont exprimé: « Nous pensons que nous faisons à nouveau l’objet de mensonges, qu’ils veulent nous utiliser, et c’est pour cela que nous demandons au Ministre de la Réforme Agraire, Florencio Salazar Adame, et au gouverneur Pablo Salazar, de nous laisser ici de manière définitive, sans altérer la paix sociale ».
A la fin novembre, plusieurs organisations sociales de la municipalité d’Ocosingo ayant une présence à Montes Azules ont averti que « si le gouvernement veut maintenir le dialogue, cela doit être avec respect et au plus haut niveau; nous n’accepterons pas ceux qui n’ont pas de pouvoir de décision ». Ils ont également exigé la fin immédiate du harcèlement supposément exercé par le CISEN (Centre d’Investigation et pour la Sécurité Nationale) à leur encontre.
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Persistantes Preoccupations En Matiere De Droits De L’homme
En octobre, plusieurs organisations civiles ont exprimé leur indignation suite à la ratification de José Luis Soberanes, comme Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) pour la prochaine période (2004-2009). Ils ont déploré « la manière selon laquelle le processus de sélection a été mené: avec un accord entre partis politiques de dernière heure, une participation extrêmement limitée et réduite quant au nombre et au temps accordé aux organisations de la société civile pour présenter leurs opinions et leurs propositions, à portes fermées (…) sans expliquer les critères sur lesquels ils ont fondé leur décision (…) pour ratifier presque automatiquement le Docteur Soberanes« . Ils ont affirmé que « le Sénat ne contribue pas à fortifier un organisme autonome, mais tout le contraire. Ce qu’il fait réellement c’est de mettre en danger sa légitimité d’ores et déjà remise en cause, affaiblissement tout le Système National de Protection des Droits de l’Homme dans le pays ».
En novembre, le Réseau Chiapas des Droits de l’Homme s’est prononcé contre la Loi pour la Promotion et la Protection des Droits de l’Homme approuvée dans cet Etat ce même mois, car il considère qu’elle constitue un pas en arrière quant à l’autonomie et l’efficacité de la Commission de l’Etat pour les Droits de l’Homme au Chiapas (CEDH). Ce réseau a également remis en cause la nomination récente de Yesmín Lima Adam comme titulaire de cette institution. Ils ont affirmé qu’elle a été nommée « sans avoir le profil adéquat et sans passer par une procédure transparente et inclusive de la société ». Ils ont souligné: « Ces actes de la part du Congrès de l’Etat, ajoutés à la destitution arbitraire de Pedro Raúl López il y a peu, ainsi que les réformes au Code Pénal du Chiapas en vigueur depuis le mois de mai dernier, porte atteinte de manière dramatique aux Droits de l’Homme dans l’Etat du Chiapas, en limitant la jouissance de garanties fondamentales et en affaiblissant l’organisme responsable de leur protection ». (voir Frayba site)
En décembre, Amnesty International a publié un rapport « Abus sans réponses à Guadalajara: la résistance à clarifier les violations des Droits de l’Homme ne fait que perpétuer l’impunité ». Il signale: « Le gouvernement du Mexique a exprimé à plusieurs reprises son engagement pour prévenir et punir les violations des Droits de l’Homme au Mexique. Cependant les violations, comme la détention arbitraire, la torture et les mauvais traitements qui ont eu lieu à Guadalajara lors du Troisième Sommet d’Amérique Latine, les Caraïbes et l’Union européenne en mai 2004 démontrent que de sérieux abus de ce type, particulièrement depuis les états et les municipalités, sont encore des faits courants dans le pays ». Quant à ce cas, et bien que la CNDH ait documenté 118 détentions et 19 cas de torture, les recommandations émises para cette instance ont été rejetées par le gouverneur de Guadalajara jusqu’à ce jour.
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