Activités de SIPAZ (Mai – Juillet 2001)
31/08/20012001
31/12/2001ANALYSE : Le conflit du Chiapas, relégué au second plan
Les conséquences à échelle internationale des attentats du 11 septembre aux Etats Unis ont relégué au second plan d’autres conflits régionaux, comme le processus de paix interrompu au Chiapas et, avec lui, l’un des thèmes que ce processus avait rendu public : la situation de pauvreté et marginalisation des 10 millions d’indigènes du Mexique.
Lors de sa visite en Europe en octobre, le président Fox a minimisé le conflit du Chiapas, le présentant comme d’ores et déjà résolu. Ce discours a rencontré une bonne acceptation de la part des pays de l’Union Européenne, qui voit dans le Mexique un partenaire commercial prometteur, en pleine transition démocratique et doté d’un système institutionnel toujours plus crédible. Plusieurs aspects préoccupants de la réalité mexicaine et du Chiapas sembleraient cependant contredire les déclarations optimistes du président Fox.
Discours optimistes pour une réalité bien moins encourageante
Les discours du président Fox en Europe font référence à la « tranquillité et la paix » au Chiapas. Le silence de l’EZLN après son communiqué du 29 avril -où elle rejette fermement la loi indigène approuvée par le Congrès de l’Union- ne correspond en rien en une acceptation de la situation. A plusieurs reprises, durant ces quasi huit années de conflit, le silence prolongé a été une forme de rejet catégorique de postures gouvernementales face au conflit. Dans ce dernier cas, les communautés zapatistes sont à nouveau entrées dans une étape de « résistance« , qui passe par le rejet de tout type de soutien gouvernemental, et l’exercice de leur autonomie par la voie des faits.
D’un autre côté, il est difficile de parler de « paix » quand tant de communautés continuent de dénoncer le harcèlement militaire et paramilitaire et quand les conflits communautaires ont plutôt eu tendance à augmenter, y compris entre organisations jusqu’alors amies. Après un temps de plus grand optimisme en début d’année, la paralysie prolongée du processus de paix, une situation aggravée par l’approbation d’une loi indigène qui ne fait pas justice aux Accords de San Andrés, a conduit à une radicalisation de la position des acteurs, provoquant de nouvelles divisions et prises de distance.
Comme nous l’expliquons plus en détails dans le Dossier de ce bulletin, et à différence de ce que le président Fox a exprimé, les retours de réfugiés ne peuvent pas non plus être considérés comme une solution de fond a la problématique des déplacés au Chiapas.
Une autre sonnette d’alarme a été l’assassinat de l’avocate Digna Ochoa et la vague croissante de menaces contre les défenseurs des droits humains postérieurement. Ces faits révèlent des problèmes structurels de fond, en particulier dans la mesure où l’une des lignes d’investigation paraît pointer l’armée du doigt.
On ne saurait nier cependant que des pas importants ont été réalisés dans le sens de la construction d’une culture démocratique au Mexique. Le débat national généré autour du thème de la loi indigène et les positions indépendantes des trois pouvoirs de l’Etat face à ce dernier, sont une illustration de ces avancées. Mais la persistance des structures de pouvoir du vieux régime à l’intérieur du nouveau, tant aux niveaux local, de l’état du Chiapas que national, est l’un des plus grands défis auxquels la transition mexicaine se voit confrontée.
Paralysie autour du thème de la loi indigène
D’un autre côté, la polémique autour de la loi indigène reste ouverte. Ses défenseurs assurent qu’elle constitue une avancée significative par rapport à la législation antérieure. Il est également indiscutable qu’elle n’est pas un pas en avant en direction de la reprise du processus de paix mais bien plutôt un nouvel obstacle et une source de plus grand conflit, dans la mesure où elle a été rejetée par les mêmes bénéficiaires.
Les positions s’articulent jusqu’à présent en deux grands blocs: ceux qui plantent la possibilité de réaliser une « réforme de la réforme » (changer la loi approuvée), et ceux qui proposent d’améliorer la loi en vigueur par le biais de lois secondaires. Certes, cette seconde option peut sembler plus pragmatique mais ces critiques soutiennent que choisir cette voie revient à renoncer à la responsabilité de l’Etat de garantir la reconnaissance des droits indigènes dans la Constitution de la fédération. Qui plus est, par expérience historique, les indigènes n’ont guère confiance dans les pouvoirs des états, sujets à des intérêts politiques et des corrélations de force variables.
D’un autre côté, les recours formels présentés auprès de la Cour Suprême de Justice de la Nation et de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ne permettront pas forcément de rouvrir la discussion : leurs prises de position sont limitées par la nature même de ces institutions. Si finalement la loi n’est pas modifiée, ceux qui l’ont rejeté en termes absolus devront redéfinir leur stratégie face à la mise en place de politiques et de législations secondaires découlant de la réforme.
Cette dernière crise du processus de paix paraît plus compliquée que jamais à surmonter : alors que le gouvernement considère qu’il a fait tout son possible, l’EZLN voit la loi indigène comme une « trahison » et dans les communautés, on commence à écouter des commentaires allant dans le sens « Fox ou Zedillo, c’est du pareil au même ». Cette distance croissante entre le gouvernement et les zapatistes éloigne toujours plus les espoirs surgis au cours des premiers mois de l’administration de Fox et se rapproche toujours plus de la bipolarisation qui existait avec le gouvernement antérieur.
Au cours de cette étape, l’absence d’une instance de médiation complique plus encore la possibilité de trouver des voies de communication. La COCOPA n’a pas été capable de surmonter ses divisions internes et est un reflet assez représentatif des différentes positions politiques au sein du Congrès.
Réajustements après les élections au Chiapas
La répartition du pouvoir est en pleine réorganisation après le dernier processus électoral local. Ces élections ont été caractérisées par une faible crédibilité de l’Institut Electoral de l’état du Chiapas (IEE) et un fort taux d’abstention. Les analystes prévoyaient une corrélation des forces plus équilibrée entre les différents partis politiques, en particulier du fait des crises internes expérimentées par le PRI du Chiapas au cours des derniers mois.
La victoire de ce parti s’explique en grande partie par les verrous posés pour limiter la possibilité de former des coalitions ainsi que par une gamme particulièrement ample de choix de partis. Tandis que certaines vieilles pratiques persistent (« caciques« , achat de votes, etc.), la structure des partis est toujours plus floue.
Cette nouvelle situation ne rendra pas la tâche du gouvernement de Pablo Salazar plus facile : il devra en effet continuer de faire face à un Congrès de l’état dominé par le PRI, bien que celui ci soit plus divisé que jamais. Elle pourra aussi compliquer la résolution des multiples problèmes encore en suspens, sauf si pouvoirs exécutif et législatif parviennent à un accord politique minimum.
Autres conséquences du 11 septembre
Le 11 septembre a renforcé certaines tendances qui ne contribuent pas à améliorer les perspectives du processus de paix et des problèmes adjacents. Une des conséquences les plus immédiates a été une plus grande militarisation de l’état: une source de tension de plus dans un endroit où la présence militaire est en soi particulièrement élevée.
Même si la discussion pour définir quels groupes armés du Mexique sont terroristes semblent avoir exclu du lot l’EZLN, on ne peut cependant ignorer une autre préoccupation : avec la peur, l’intolérance a tendance à s’accroître, et avec elle, le risque que les groupes minoritaires ou dissidents se trouvent menacés dans leurs droits.
Le facteur économique a également été un facteur de poids au cours des derniers mois. Les tensions ont augmenté dans les communautés indigènes entre ceux qui sont « en résistance » et ceux qui acceptent les programmes d’aide du gouvernement. D’un autre côté, la crise n’a pas affecté le seul état du Chiapas dans la mesure où les possibilités de migration vers les Etats Unis se sont vues réduites.u Chiaapas, relégué au