Activités de SIPAZ (Mars – Avril 2000)
31/05/2000SYNTHÈSE : Actions Recommendees
30/11/2000ANALYSE : Le Mexique Un Pas En Avant Vers La Construction Democratique
Le 2 juillet 2000 restera définitivement marqué dans l’histoire du Mexique. Après 71 ans d’hégémonie du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), pour la première fois, le candidat de l’opposition Vicente Fox a gagné les élections présidentielles.
La victoire de Fox se doit principalement à la combinaison de deux facteurs : son charisme et sa personnalité exploités par le biais d’une habile utilisation des moyens de communication et, peut-être le plus important, la lassitude vis à vis du PRI expérimentée par la majorité des mexicains. Contrairement à ce à quoi l’on pouvait s’attendre du fait de la position de centre droit de Fox, les votes des indécis et de milliers de personnes qui généralement votent pour la gauche ont contribué à ce triomphe retentissant. Les dernières semaines de la campagne électorale avaient été marquées par une polémique autour du concept de «vote utile». Pour ceux qui le défendaient, l’idée était d’obtenir «la sortie du PRI des Pins» (résidence du président) pour que se produise un changement.
Avancées démocratiques
Les élections antérieures avaient été entachées par des suspicions de fraudes. Celles de juillet se sont déroulées dans un contexte général de calme. Il y eut relativement peu de dénonciations d’irrégularités durant la journée électorale. Les pressions se sont données avant les élections par le biais du corporatisme d’état, l’utilisation des programmes d’aide à des fins prosélytistes (comme PROGRESA et PROCAMPO), les irrégularités dans la désignation des fonctionnaires responsables des bureaux de vote, l’inégalité entre les candidats dans l’accès aux moyens de communication, etc… Ceci peut être l’une des raisons de l’invariable succès du PRI dans l’état du Chiapas.
Le rôle de l’Institut Fédéral Electoral (IFE) a été fondamental et exemplaire dans le processus avant et durant les élections. Il a réussi à maintenir son autonomie en démontrant efficacité, indépendance, impartialité et professionnalisme.
Les avancées démocratiques se notent plus clairement à deux niveaux : la participation des citoyens (dans le processus de préparation et dans les élections elles-mêmes, avec un abstentionnisme particulièrement bas comparé aux élections antérieures), et par la reconnaissance publique des résultats préliminaires de la part de tous les acteurs politiques.
Malgré cela il reste encore cinq longs mois d’incertitude entre la formation du cabinet et la prise de possession du nouveau Président le 1° décembre…
De la défaite du PRI et de ses possibles risques
D’une certaine manière, nous pouvons voir une tendance anti priiste dans bien des votes du 2 juillet. L’écrasante défaite n’a pourtant pas signifié l’immobilité à l’intérieur du parti. Le rééquilibrage des forces et le paiement interne des factures après une défaite aussi fracassante, au même titre que la résistance à assumer le rôle d’opposition ont commencé à générer des accusations, des dénonciations et disputes pour le contrôle de cette barque qui semble couler à pic.
Importante recomposition des blocs
Le seul fait de la victoire de l’opposition en la personne de Fox constitue un pas en avant vers la transition à la démocratie. Il est aussi important de reconnaître les avancées qui s’étaient données auparavant. Concrètement : les élections de 88, celles de 94, les réformes électorales, les élections de 97 qui ont donné à la Chambre des Députés une nouvelle configuration dans laquelle le PRI n’avait plus la majorité absolue.
Aujourd’hui le triomphe d’un candidat de l’opposition est une avancée importante dans le processus de démocratisation, mais ce n’est qu’un premier pas quand la démocratie devra continuer à se construire entre les trois pouvoirs, dans chacune des Chambres, dans les différents partis et avec la participation de la société civile. Un acteur qui se manifestera sans doute plus activement durant les six prochaines années sera justement la société civile sans parti politique, plus particulièrement les groupes qui ont exprimé publiquement leur soutien à Fox : ils pourront exiger la réalisation de ses promesses de campagne.
Il ne fait aucun doute que les questions qui restent à résoudre sont nombreuses : le défi de développer une politique économique qui résoudrait les profondes inégalités qui existent dans la société mexicaine en promouvant et incluant les 30 millions de personnes qui sont sous le seuil de pauvreté ; le Chiapas et la relance du processus de paix ; la clarification du cas FOBAPROA (scandale financier en 1998 au sujet des opérations du Fond Bancaire de Protection de l’épargne) ; les aspects sociaux et éducatifs ; la situation des droits humains et les déficiences du système d’administration de la Justice.
Le Président élu parle beaucoup d’inclusion, d’arriver à former un gouvernement pluriel. Mais, depuis les élections, il s’est éloigné du PAN, comme pour laisser apparaître entre les lignes qu’au cours de cette nouvelle étape les schémas du passé ne se répéteront pas. Le PRD a d’ores et déjà annoncé sa ferme décision de ne pas collaborer avec le gouvernement de Fox et se présente comme «opposition responsable». Si Fox s’appuie sur le PRI, nous pouvons craindre un retour à la case départ. Au contraire, s’il arrive à obtenir le soutien d’autres tendances politiques, son gouvernement pourra, avec une plus grande sécurité, avancer avec tout le pays vers la démocratie. C’est un des premiers défis que Fox aura à affronter.
Proposition de Fox pour le Chiapas
Au début de la campagne, un commentaire de Fox quant au fait de «pouvoir régler le problème du Chiapas en 15 minutes» avait retenu l’attention de ceux qui s’intéressent au conflit. Il s’est ensuite compromis à présenter la proposition de loi sur les Droits et Culture Indigène de la COCOPA lors de la prochaine session du Congrès. Il faut rappeler que «l’impasse» du processus de paix au Chiapas tient, en grande partie, au refus du Président Zedillo d’assumer cette proposition comme manière de réaliser les Accords de San Andrés signés par le gouvernement et l’EZLN en 1996. Le virtuel président élu en est venu à proposer la continuation du travail des tables de dialogue dont les sujets déjà accordés n’ont jamais été traités. Un facteur important de cette proposition est qu’elle se présentera dans un Congrès dominé par le PAN et le PRI, partis qui, jusqu’à présent, se sont opposés au texte de la COCOPA, en proposant des projets alternatifs. Pour autant, il n’y a guère de garantie que le projet prospère.
En définitive, la proposition de Fox satisferait la majorité des conditions posées par les zapatistes pour reprendre la voie du dialogue. Quelques analystes pensent cependant que cette proposition réalisée en fin de campagne électorale et qui ressemble fort à celle de Cardenas, n’a été qu’un manège pour gagner le vote de quelques secteurs de gauche pour qui le conflit du Chiapas était un thème particulièrement important.
L’EZLN face au processus électoral
En annonçant qu’elle n’entraverait pas le processus électoral au Chiapas et en donnant la liberté de vote à ses bases d’appui, l’EZLN a su se positionner d’une manière suffisamment neutre comme pour ne pas se marginaliser dans le processus démocratique. Ceci peut être un facteur qui donnera force au processus électoral d’août au Chiapas.
Elections locales au Chiapas : une chance pour la paix
Le candidat local du PRI, Sami David, avait basé une grande partie de sa stratégie de campagne sur la victoire de Francisco Labastida aux élections présidentielles. Tant la victoire de l’opposition au niveau national que la position de l’EZLN qui invitait à la participation de ses bases d’appui dans l’acte électoral pourraient permettre au candidat de l’opposition Pablo Salazar de gagner les élections comme gouverneur du Chiapas, élections prévues pour le 20 août prochain.
Mais à leur tour, les groupes priistes les plus durs pourraient générer une instabilité dans la zone dans le temps qui reste avant les élections. Il ne faut pas oublier que les élections au Chiapas constituent une longue histoire de violence, de fraude, de corruption et autres procédés arbitraires qui n’auront pas disparu si facilement avec les élections fédérales du 2 juillet dernier. De fait, ceci peut expliquer en bonne partie, le triomphe du PRI au Chiapas. Il est arrivé la même chose dans l’état voisin de Tabasco. Le Sud Ouest mexicain reste un bastion du PRI.
Contexte électoral difficile au Chiapas : entre embuscades et militarisation
Avant les élections présidentielles, les dénonciations rendaient plutôt compte d’un endurcissement de l’armée dans les barrages (bien qu’ils furent levés le jour des élections). Cette présence militaire a certainement inhibé le vote d’opposition en plus d’une zone de l’état, même après le communiqué de l’EZLN.
Au cours du dernier trimestre, deux types de situations ont contribué à «justifier» cette présence : la récente préoccupation écologique du gouvernement dans des zones sous influence zapatiste (Montes Azules) et la multiplication d’embuscades dont le bilan pèsent toujours plus lourd et qui restent sans explications (Chalchihuitan, Chenalhó, El Bosque). Il est indubitable que la présence de la Police, de l’armée et, plus récemment, de la Police Fédérale Préventive, a contribué à rendre plus pesante l’ambiance politique avant ces élections.
Approbation internationale
Le projet économique de Vincent Fox garantit la continuité économique du gouvernement d’Ernesto Zedillo. Ceci explique en grande partie la réaction positive de la Bourse et le fait que la monnaie se soit maintenue à son niveau. De fait, cette continuité se voyait en grande partie assurée par l’entrée en vigueur du Traité de Libre Commerce avec l’Union Européenne, un jour avant les élections du 2 juillet.
Dans ce sens on peut expliquer l’approbation de la communauté internationale : par delà les avancées démocratiques, celles-ci ont l’avantage de se donner dans un contexte qui ne menace pas leurs intérêts économiques.