DOSSIER : Les municipalités autonomes au Chiapas, la pierre dans la chaussure du gouvernement mexicain
31/08/1998Chiapas: Les principaux voyants restent au rouge…
29/12/1998ANALYSE : Parmi la mémoire colère de la nature et l’indifférence apparente de conflit
Synthese
Les inondations désastreuses occasionnées par les pluies torrentielles de début septembre ont causé d’énormes dégâts dans le sud du Chiapas. Le drame humain qui a coûté la vie à des centaines de personnes et a laissé sans abri à 100 000 autres est devenu le sujet central de l’attention publique. Des centaines de communautés ont été totalement isolées durant plusieurs jours et d’autres ont complètement disparu sous des torrents de boue. À la mi-octobre, des dizaines de communautés se trouvaient encore isolées et n’avaient toujours pas reçu d’aide.
Le gouvernement et la société civile mexicaine se sont efforcés de faire parvenir une aide d’urgence aux victimes de la catastrophe. Entre-temps, une discussion a surgi quant à la nécessité de reporter les élections locales et étatiques qui devaient avoir lieu le 4 octobre.
Ces élections ont finalement eu lieu, excepté dans les régions trop gravement touchées. Les résultats ont vu une grande victoire du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel, le parti au pouvoir) : il a gagné 18 des 21 districts et 82 des 102 municipalités. Le PRI a repris les municipalités de la zone de conflit qu’il avait perdues durant les élections de 1995. Maintenant, il contrôlera toutes les municipalités constitutionnelles de Los Altos, la Forêt Lacandone et la zone Nord.
Plusieurs plaintes ont été portées concernant divers aspects du processus électoral, allant d’irrégularités mineures à de graves allégations. Par exemple, dans la zone Nord, où l’on peut être assassiné en raison de son affiliation politique, des responsables des bureaux de vote, affiliés au PRI, ont été accusés d’avoir ouvert les bulletins après le vote et d’avoir constitué une liste noire avec les noms de ceux qui avaient voté pour le PRD (Parti démocratique, principal parti d’opposition).
Un des aspects les plus remarquables de ces élections a été un niveau d’abstentionnisme particulièrement élevé. Dans l’ensemble, le taux a été de 54%. Mais, dans les zones de forte influence zapatiste, il s’est élevé à 74%. Cette fois, l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) n’a pas empêché les élections comme il avait tenté de le faire par le passé. Cependant, de nombreuses communautés zapatistes ont tout simplement décidé de ne pas aller voter. Pour leur part, les partis d’opposition ont dénoncé les irrégularités du processus électoral et ont annoncé leurs projets de manifestations massives.
Finalement, peu d’éléments peuvent nous laisser penser que les récentes élections contribueront à mettre en place un gouvernement plus représentatif, ou à résoudre un conflit chaque fois plus tendu et polarisé, et qui continue à exploser dans des situations de violence sporadiques.
Après avoir rompu le silence qu’il avait gardé durant quatre mois, l’EZLN a publié une douzaine de communiqués depuis juillet. Dans la Cinquième Déclaration de la Forêt Lacandone, l’EZLN cherche à ressusciter le texte de loi sur les Droits et culture indigènes proposé par la COCOPA (Commission pour l’accord et la pacification) et qui vise à respecter les engagements pris dans le cadre des accords de San Andrés. Le fait que le gouvernement fédéral se nie à prendre en compte ce texte constitue un des obstacles majeurs à la réouverture des dialogues de paix. L’EZLN est actuellement en train de travailler avec d’autres secteurs de la société civile dans un nouvel effort pour parvenir à un ample dialogue entre les deux. De plus, en octobre, l’EZLN a envoyé un communiqué à la COCOPA, rétablissant ainsi un contact public après presque deux années depuis leur dernière rencontre. L’EZLN continue d’exprimer un doute certain quant à la volonté de paix du gouvernement fédéral.
N’étant pas disposé à accepter la proposition législative de la COCOPA et, en conséquence, incapable d’amener l’EZLN à la table des négociations, le gouvernement fédéral a accordé moins d’attention au conflit au Chiapas. Il semble préférer administrer l’impasse actuelle plutôt que de rechercher des alternatives. Les violentes attaques contre les municipalités autonomes zapatistes n’ont pas continué, mais la présence militaire et paramilitaire dans les zones de conflit continue à être des plus alarmantes.
Parallèlement, la préoccupation internationale pour le Chiapas et la situation des droits humains au Mexique s’est accrue. Dans leurs déclarations récentes, la Commission des droits humains des Nations unies et de la CIDH (Commission interaméricaine des droits humains) ont critiqué l’impunité avec laquelle sont commises des violations des droits humains au Mexique et ont exprimé leur préoccupation. Le gouvernement mexicain a rejeté ces déclarations, argumentant qu’elle reflétait une absence de compréhension de la situation. Cependant, elles constituent un coup important pour la crédibilité internationale du Mexique en matière de droits humains. Une visite du Secrétaire Général de l’ONU et l’invitation faite par le gouvernement mexicain pour que le Haut-Commissaire des Droits humains de l’ONU vienne au Mexique ont permis de maintenir l’intérêt international.
Apprenant qu’aux Etats-Unis le Congrès préparait une recommandation critiquant la situation des droits humains au Mexique, le gouvernement mexicain a immédiatement réagi pour empêcher sa présentation. Ce dernier a parlé d’un acte « d’interventionnisme inacceptable ». La proposition fut finalement présentée, mais il n’y eût pas de vote avant l’ajournement du Congrès.
Quelques-uns voient dans la prochaine visite du Pape en janvier 1999 une opportunité pour rompre l’impasse au Chiapas. Cela pourrait peut-être être le cas. Une approche moins optimiste emmène plutôt à penser que les positions rigides de la part des principaux acteurs laissent peu de place à l’espoir de trouver une solution au conflit avant la fin de ce sexennat, en l’an 2000.
L’ouverture de l’EZLN vers la COCOPA représente un changement total par rapport à sa position antérieure face à cette Commission et a fait naître une grande espérance. La proposition de dialogue entre la société civile et l’EZLN prévue pour la fin novembre ouvre un nouvel espace public qui pourrait donner lieu à des alternatives en réponse à l’impasse actuelle.
Reste à voir si le message et l’appui public qui pourrait suivre, associés aux efforts de la COCOPA, seront suffisants pour renouer le dialogue entre deux adversaires qui se défient profondément l’un de l’autre.
ACTIONS RECOMMANDÉES
- Presser l’administration de Zédillo de: Désarmer les groupes paramilitaires présents au Chiapas;
- Reconnaître et respecter le travail humanitaire et la contribution au processus de paix réalisés par les observateurs internationaux et les défenseurs des droits humains;
- Garantir la sécurité de la délégation de l’EZLN et les conditions pour que se réalise sa rencontre avec la société civile du 20 au 22 novembre;
- Ordonner la réduction substantielle des troupes fédérales dans les zones de conflit comme un signe véritable et concret de sa volonté de dialogue.
- Pour les citoyens de l’Union Européenne: Demander à vos gouvernements respectifs et à vos parlementaires de prendre au sérieux la « clause démocratique » de l’accord commercial entre le Mexique et l’Union Européenne.
- Exhorter les membres de la COCOPA à réaliser les efforts les plus importants pour rester unis quant à leurs propositions et actions, et pour continuer leur travail de contribution à la paix, en faisant valoir l’intérêt supérieur de celle-ci sur les positions des partis politiques qui la forment.
- Diffuser l’information – comme ce bulletin- sur la situation qui prevaut au Chiapas.
Veuillez écrire à:
Lic. Ernesto Zedillo Ponce de León
Presidente de la República
Palacio Nacional
06067 México, DF – México
Fax: (int-52) (5) 271 1764 / 515 4783
Francisco Labastida Ochoa
Secretario de Gobernación
Bucareli 99, 1o. piso
Col. Juárez
06699 México, DF – México
Fax: (int-52) (5) 546 5350 / 546 7380
Comisión de Concordia y Pacificación
Paseo de la Reforma # 10, piso 17
México, DF – México
Fax: (int-52) (5) 535 2726
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Actualité
Chiapas : quel chemin mènera à la démocratie?
En septembre, les zones côtières et frontalières du Chiapas ont connu un désastre dû aux violentes pluies (voir l’article « désastre dans le sud du Chiapas » à continuation) qui ont occasionné des centaines de morts et de disparus dans environ 40 municipalités. Suite aux éboulements et au débordement des rivières, de nombreuses routes et ponts ont été détruits et certaines communautés ont été complètement recouvertes par la boue. Ce désastre vient s’ajouter à la situation déjà tendue qui règne dans les régions de Los Altos, la Forêt Lacandone et le Nord du Chiapas du fait du conflit encore irrésolu entre le gouvernement et l’EZLN.
Après la catastrophe, une violente discussion a surgi concernant la viabilité des élections du 4 octobre. Le gouvernement de l’état et le Conseil étatique électoral (CEE) ont affirmé que les conditions permettaient de mener à bien les élections et que la Constitution interdisait leur report. Mais le PRD et le sénateur du PRI au Chiapas, Pablo Salazar Mendiguchia, ont proposé de reporter les élections jusqu’au mois de décembre. Finalement, le CEE a décidé de retarder les élections dans trois districts et huit municipalités sinistrés et de prendre des mesures intérimaires pour respecter la Constitution de l’État.
La journée électorale a été caractérisée par un grand abstentionnisme (54%) et des irrégularités dans tout l’État. L’EZLN n’a pas empêché le vote, mais de nombreuses communautés zapatistes ont décidé de ne pas voter. Ainsi, le PRI a repris les municipalités de la zone de conflit qu’il avait perdues au cours des élections locales de 1995. (Voir l’article « Les élections au Chiapas »)
EZLN
Après avoir au rompu le silence qu’il avait maintenu durant quatre mois, l’EZLN a émis douze communiqués depuis la mi-juillet jusqu’à la journée des élections. Dans de nombreux documents, il a rendu responsable le gouvernement fédéral de l’échec du dialogue et a fortement critiqué la politique économique de Zédillo. Quelques jours après le désastre dans les zones côtières et frontalières, il a dénoncé le détournement de l’aide humanitaire à des fins personnelles, le favoritisme politique ainsi que la déficience du plan d’urgence.
Dans la Cinquième Déclaration de la Forêt Lacandone à la fin juillet, l’EZLN a invité la société civile et les populations autochtones à réaliser une consultation nationale concernant l’initiative de Loi sur les Droits et la culture indigènes élaborée par la COCOPA en 1996. De plus, il a accepté la réponse de la société civile en vue d’établir un dialogue entre les représentants de cette dernière et les dirigeants de l’EZLN. Il s’agira d’échanger des propositions pour la réalisation de la consultation et de rechercher des solutions au conflit du Chiapas. Cette rencontre aura lieu les 20, 21 et 22 novembre à San Cristóbal de las Casas.
La politique du gouvernement
Dans son Rapport annuel en septembre, le président Zédillo a laissé de côté le conflit du Chiapas, omission qui a généré une forte indignation parmi les membres de la COCOPA, les partis d’opposition, les secteurs de la société civile et les églises. Le Ministère de l’Intérieur a réagi en indiquant que, dans les annexes du Rapport, le gouvernement proposait sept orientations pour résoudre le conflit au Chiapas, entre autres: relancer la croissance économique, s’assurer du respect de l’Etat de droit, aider les déplacés internes, adopter une loi indigène pour le Chiapas et rechercher le dialogue avec les zapatistes. Pour sa part, le gouverneur substitut du Chiapas, Roberto Albores Guillén, a présenté en août son plan pour promouvoir une initiative de loi indigène qui garantisse les droits des populations autochtones en prenant en compte leurs us et coutumes.
En juillet, le gouvernement fédéral a proposé un plan de distension pour l’état du Chiapas qui confiait un rôle important à la COCOPA. Dans ce plan, le gouvernement demandait à la COCOPA de solliciter à l’EZLN d’accepter de prendre une série de mesures, incluant son désarmement, s’abstenir de recourir à la violence dans les communautés et la participation de ses bases pour modifier ou créer de nouvelles limites de municipalités. Un mois après, la COCOPA refusait de répondre aux demandes du gouvernement fédéral, alléguant qu’elle ne pouvait se transformer en un instrument gouvernemental. Dans un communiqué du 18 octobre, l’EZLN renouait son contact avec la COCOPA, et de cette façon, reconnaissait publiquement le rôle de la COCOPA dans le processus de paix.
Depuis les graves événements de la municipalité autonome de El Bosque, où en juin sont morts huit indigènes et 2 policiers, les municipalités autonomes n’ont pas fait l’objet de nouvelles attaques ouvertes. Mais elles subissent toujours la pression de la militarisation et vivent sous la menace des groupes paramilitaires. Le Ministre de l’Intérieur, Francisco Labastida Ochoa, avait fait connaître en juillet la décision du gouvernement fédéral de ne pas recourir à la violence, mais avait averti « qu’il n’y aurait plus de concessions gratuites » à l’EZLN parce que le mouvement armé paralysait le processus de paix.
Selon une enquête effectuée par la Fondation Rosenbluth en août, la population mexicaine est assez critique vis-à-vis de la politique du gouvernement. Presque les trois quarts des interrogés affirment que les populations autochtones ont eût raison de s’être rebellées contre le gouvernement en janvier 1994. 60% d’entre eux trouvent qu’il n’y a pas de relation logique entre ce que dit et ce que fait le président Zédillo. 55% considèrent que l’armée fédérale représente un danger pour les populations autochtones.
Violentes critiques au niveau international
Le 20 août, la Sous-commission pour la Prévention de la discrimination et la protection des minorités de la Commission des droits humains de l’Organisation des Nations Unies (ONU) a approuvé une résolution dans laquelle elle demandait au gouvernement mexicain d’en finir avec l’impunité et de garantir la sécurité des défenseurs des droits humains. Elle a également demandé aux deux parties en conflit au Chiapas de donner priorité au dialogue et elle a proposé à la Commission des droits humains de l’ONU de maintenir sa vigilance sur la situation des droits humains au Mexique. Dans le monde diplomatique de l’ONU, le langage prudent de cette résolution a signifié une critique inportante de la situation précaire des droits humains au Mexique. Le représentant du Mexique à l’ONU a déclaré que le document de la Sous-commission « était absurde » et qu’il avait été élaboré par des experts juridiques « sans responsabilité politique ».
La Commission Interaméricaine des droits humains de la OEA, Organisation des États de l’Amérique a publié fin septembre son rapport concernant la situation des droits humains au Mexique. Bien qu’elle reconnaisse des avancées politiques et démocratiques, elle a critiqué la violation des droits des populations indigènes et l’impunité qui a conduit la population à aller vers l’illégalité en se faisant justice. De plus, elle a dénoncé la forte militarisation de quelques états du Mexique, parmi lesquels le Chiapas.
Durant la visite au Mexique du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Anann, à la fin juillet, les ONG mexicaines lui ont remis divers rapports et documents concernant la situation des droits humains dans le pays. Le Ministre de l’Intérieur, Francisco Labastida Ochoa, a affirmé qu’Anann est reparti du Mexique convaincu que le gouvernement mexicain faisait tout son possible pour trouver une solution pacifique au conflit du Chiapas. En septembre, la Ministre des Affaires Etrangères, Rosario Green, a invité la Haute-commissaire des Droits humains de l’ONU, Mary Robinson, à venir au Mexique.
Une délégation d’Amnestie Internationale qui était au Chiapas ce même mois a estimé que les détentions réalisées durant le démantèlement des municipalités autonomes au cours du premier trimestre de l’année avaient été arbitraires et contraires à l’Etat de droit.
Une proposition non imperative concernant le Chiapas a été présentée au Congrès des États-Unis le 9 octobre. Bien qu’il n’y ait pas eu de vote avant la fin de la Session du Congrès, le simple fait de sa présentation a démontré une croissante préoccupation pour la situation des droits humains au Mexique. La résolution constitue un appel pour que soient prises des mesures effectives afin de s’assurer : que l’aide militaire des États-Unis au Mexique ne contribue pas à provoquer des violations des droits humains; que s’effectuent le désarmement des groupes paramilitaires et la réduction de la présence militaire au Chiapas ; que se réalisent des efforts concertés entre le gouvernement et l’EZLN pour renouer les négociations et pour le respect des défenseurs des droits humains. Cette résolution a été soutenue par 15 sénateurs et 37 députés.
De son côté, la Ministre des Relations Extérieures a émis un communiqué disant que « la résolution exprime diverses opinions retorses et même fausses sur la situation qui prévaut au Chiapas » et qu’elle constitue un « acte intervencionniste inacceptable ». Le représentant du gouvernement mexicain pour le dialogue au Chiapas aurait été envoyé d’urgence à Washington dans une tentative qui a échoué pour empêcher la présentation du texte.
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Analyse
À quelques semaines de la date anniversaire du massacre d’Acteal, les choses ne se sont guère améliorées au Chiapas. En septembre, le sud de l’état a subi les ravages de violentes inondations, une épreuve de plus pour une population qui a déjà dû endurer presque cinq années d’un conflit sans solution visible à court terme.
La catastrophe a montré à nouveau les déficiences du gouvernement à prendre rapidement et de façon efficace les mesures les plus urgentes pour répondre aux besoins de la population. Cependant, la publicité et l’aide destinées à la zone du désastre lui ont permis de déplacer le conflit principal du centre de l’attention nationale. En même temps, les mesures du gouvernement annoncées pour rétablir la normalité, réparer les dommages et indemniser les sinistrés pourraient facilement se convertir en un instrument supplémentaire de cooptation et de contrôle de la population, dans une région où les partis d’opposition sont très présents. D’autre part, la sensibilité humanitaire exprimée par la société mexicaine face à ce désastre naturel est une démonstration du fait que la solidarité pour la population du Chiapas ne s’est pas éteinte.
Les scandales bancaires, la chute du peso, les incendies, les inondations et même les problèmes extra-conjugaux de Clinton ont été des facteurs de distraction du conflit du Chiapas, conflit qui chaque jour s’aggrave. Même les élections locales récentes n’ont pas réussi à dissiper quelque peu les nuages noirs qui – au sens littéral et métaphorique – sont venus couvrir les cieux du Chiapas au cours de ces derniers mois.
Les élections du 4 octobre ont été caractérisées par une forte abstention, surtout dans la zone de grande influence zapatiste. Le peu de participation de la population du Chiapas a démontré le manque de confiance de cette dernière vis-à-vis du système politique et de sa capacité à résoudre ses problèmes. L’absence de conditions matérielles et politiques pour garantir un suffrage électoral, la sécurité, la peur et la position ambiguë de l’EZLN (ne pas interdire le vote sans pour autant le recommander) ont également limité cette participation citoyenne.
Dans ce contexte, le triomphe du PRI dans les zones de Los Altos, de la Forêt Lacandone et du Nord du Chiapas laisse le contrôle de cette région où la présence zapatiste est la plus importante, entre les mains du gouvernement actuel. Désormais celui-ci rencontrera moins de résistance à l’utilisation de toutes ses ressources et de son appareil bureaucratique pour étendre son influence sur cette région et ainsi miner l’appui accordé à l’EZLN. L’accroissement potentiel de l’activité paramilitaire dans les municipalités dont le PRI a repris le contrôle est également préoccupant. Dans les autres zones, cette activité s’est significativement renforcée grâce à la connivence avec les autorités locales officielles.
D’autre part, le peu de représentativité des nouvelles autorités municipales (élues par entre 13 et 30% de la population votante) constitue un facteur de grande instabilité. L’opposition a annoncé qu’il y aura de vives protestations et elle a même envisagé la possibilité d’occuper des mairies pour empêcher l’installation des autorités du PRI.
Les autorités étatiques considèrent que les élections ont été un succès. Cependant, étant donnés les irrégularités démontrées et le fort taux d’abstentionnisme, il est clair qu’une fois de plus, au Chiapas, le processus électoral n’est pas un moyen viable et efficace pour démocratiser le pays, pour installer des gouvernements locaux représentatifs et pour trouver des solutions véritables au conflit.
Alors qu’au Mexique le thème du Chiapas paraît avoir été relégué par certains aux calendes grecques de l’agenda politique de la fin du siècle, à l’étranger, il a pris de l’importance à différents niveaux. C’est le cas des visites chaque fois plus fréquentes au Chiapas de personnes de différentes ambassades (incluant les visites de militaires des États-Unis à neuf reprises ces mois passés, selon les sources de l’ambassade américaine) ainsi que les déclarations de fonctionnaires du gouvernement et de congressistes nord-américains, de parlementaires du Canada et de l’Europe et d’instances indépendantes comme le Haut-Commissariat pour les droits humains de l’ONU (Organisation des Nations unies) et la CIDH (Commission interaméricaine des droits humains) de la OEA (Organisation des États de l’Amérique).
Ces organismes ont émis des recommandations importantes pour que les autorités mexicaines redoublent leurs efforts pour réduire les signes de violence et de discrimination au Chiapas et dans les autres États du pays. Le gouvernement mexicain, prétendant ainsi défendre sa souveraineté, minimise les critiques en affirmant qu’à l’extérieur circulent de fausses informations sur la réalité du pays. Cependant, l’importance des critiques internationales l’ont conduit à inviter Mary Robinson, la Haute-commissionnaire pour les Droits humains de l’ONU, à venir au Mexique.
Après avoir rompu le silence en juillet, l’EZLN a émis de nombreux communiqués faisant connaître ses réactions face aux événements les plus importants de l’actualité et jetant l’opprobre sur les gouvernements étatique et fédéral. Ce dernier a, pour sa part, arrêté de prendre au sérieux les communiqués de l’armée rebelle, qualifiant notamment le Sous-commandant Marcos de « criminel« , selon les termes du gouverneur du Chiapas, Roberto Albores Guillen. Étant donné cette situation, et les positions très rigides des principaux acteurs, il semble très difficile d’en arriver à une solution avant la fin de ce sexennat. Cela est contraire au sentiment exprimé par les évêques selon lesquels la paix pourrait être signée avant la venue du Pape en janvier prochain.
Heureusement, la COCOPA, bien qu’actuellement affaiblie par rapport à son importance antérieure, continue à vouloir chercher une véritable solution au conflit que vit le Chiapas et prend l’EZLN plus au sérieux. C’est la raison pour laquelle l’EZLN a annoncé le 18 octobre sa disponibilité à reprendre publiquement contact avec la COCOPA même s’il se refuse toujours à un contact direct avec le gouvernement fédéral.
Puisque le dernier processus électoral ne constitue pas un espace suffisamment important pour que la ‘société civile’ du Chiapas face entendre sa voix concernant le chemin que doit suivre la société, alors les attentes se tournent nécessairement vers le nouvel espace de dialogue annoncé entre au moins quelques-uns des secteurs de la ‘société civile nationale’ et l’EZLN. À nouveau, il semble que seule la ‘société civile’ pourra obliger de façon pacifique les acteurs politiques à reprendre leur responsabilité pour résoudre le conflit du Chiapas et changer la stratégie de militarisation.
Tant que cela ne sera pas fait, la voie électorale pour la démocratisation du pays continuera à être insuffisante et peu représentative des majorités, comme nous venons de le constater récemment lors des dernières élections au Chiapas.