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02/01/2001SYNTHESE : Actions Recommandees
31/05/2001ANALYSE : Signes encourageants sept années après le début du conflit
Cela fait un peu plus de 7 ans que le conflit au Chiapas a débuté. Le troisième président qui devra y faire face depuis cette date hérite d’une situation d’une grande complexité. Cependant, pour la première fois en plusieurs années, on a pu relever des signes en direction d’une reprise du dialogue entre le gouvernement mexicain et l’EZLN. Ces témoignages de bonne volonté sont à porter au compte des nouveaux gouvernements (fédéral et du Chiapas) ainsi que de l’EZLN.
Temps agités avant la prise de possession des nouveaux gouvernements
Entre les dates de son élection (juillet) et celles de sa prise de possession, Fox a réussi à se maintenir à la Une des journaux, répétant ses promesses de campagne, en particulier celles ayant trait au thème du Chiapas. Ce fut un temps de latence et de transition, entre expectatives, débats politiques et définitions.
Au Chiapas, la tension est montée d’un cran à plus d’une reprise, par exemple, en octobre, dans la zone Nord, suite à l’arrestation de 11 personnes de l’Union des Communautés Indiennes Agricoles et Forestières (UCIAF), une scission de ‘Développement, Paix et Justice’. Un autre exemple fut l’échec de l’action judiciaire menée par la Procuration Générale de la République (PGR) à Chenalhó en novembre (zone des Hauts Plateaux cette fois ci). Le pouvoir détenu par les organisations accusées d’être paramilitaires au cours de ces dernières années a fait craindre une réaction et mobilisation plus grandes de leur part.
Dans ces deux cas, certains analystes ont souligné la bonne intention dans la mesure où, jusqu’à présent, peu d’actions ont été menées à l’encontre des groupes supposément paramilitaires. D’autres ont voulu y voir un « cadeau d’adieu » de la part du gouvernement sortant avant la venue au pouvoir du suivant. Une autre interprétation était également courante : selon cette dernière, il s’agissait de créer un climat d’instabilité avant l’arrivée au pouvoir de Pablo Salazar. Certainement, il existait aussi d’autres intérêts en jeu (en particulier de la part de la PGR qui pouvait vouloir démontrer la valeur de son travail avant de subir une possible réforme). D’autres analystes font également mention d’un accord probable entre le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) local et les détenus : ils se constitueraient prisonniers pour éviter une crise politique dans la région. On assurerait leur défense juridique en échange de leurs votes. Quel que soit la véritable explication, le résultat reste le même : début décembre, dans plus d’une zone, de nombreux groupes se trouvaient à la défensive, hostiles au nouveau gouvernement local.
L’EZLN montre ses cartes
Après plus de 4 ans sans avancées du processus de paix, les pas donnés dans le sens de sa possible reprise ont été réalisés avec une surprenante rapidité. L’EZLN avait bien calculé son « entrée en scène » : après 5 mois de silence, elle s’est exprimée publiquement le 30 novembre pour inviter les journalistes à une conférence de presse, comme s’il s’agissait de laisser à Fox le temps d’adapter son discours de prise de possession.
Lors de la conférence du 2 décembre, l’EZLN semble avoir pris en compte un panorama plus favorable à sa cause. Depuis 1996, elle avait posé 5 conditions à la reprise du dialogue. Elle les a réduites à 3. De fait, deux des cinq antérieures sont d’ores et déjà remplies : la nomination de Luis H. Alvárez comme Mandataire pour la Paix (l’EZLN l’ayant reconnu comme « interlocuteur valide« ) ; et, la formation de la Commission de Suivi et Vérification (COSEVER, crée en 1997), bien que celle ci n’ait jamais véritablement fonctionné puisque les Accords de San Andrés n’ont jamais été mis en pratique. L’EZLN n’a pas repris le thème des paramilitaires, peut être parce qu’elle s’est rendue compte que ce problème ne pourra pas être résolu aussi facilement. Une autre explication possible tient au fait que le gouvernement local a déclaré que ce serait un de ses thèmes prioritaires.
Au bout du compte, l’EZLN offre un paquet plus facilement négociable pour parvenir à avoir un dialogue direct avec le nouveau gouvernement.
Réponses du gouvernement
Le pouvoir exécutif fédéral a démontré sa bonne volonté à répondre aux demandes zapatistes, en présentant la proposition de la Commission de Concorde et Pacification (COCOPA) au Congrès dès le 5 décembre, en retirant plusieurs positions militaires et en soulevant les restrictions qui étaient jusqu’alors imposées aux observateurs de Droits Humains internationaux. On a également pu remarquer un effort en ce sens depuis l’état du Chiapas lorsque le gouverneur Pablo Salazar a libéré plusieurs prisonniers politiques et a fait disparaître la Commission pour la redéfinition des municipalités (une autre source de tension dans la zone au cours des dernières années).
Le repli militaire opéré le premier décembre a généré une grande confusion tant à l’intérieur comme à l’extérieur du Mexique. Entre les discours de Fox sur le thème et la pratique, un fossé subsiste : en dépit du retrait de dizaines de barrages et de quatre campements militaires, la présence de l’armée n’a pas encore diminué significativement.
Qui plus est, s’il est vrai que les pouvoirs exécutifs fédéral et étatique ont montré leur bonne volonté, la solution définitive de plusieurs problèmes en suspens devra passer par d’autres pouvoirs: judiciaire (thème des prisonniers politiques) et législatif (pour la mise en application des Accords de San Andrés).
Fox a sans aucun doute fait parvenir la proposition de la COCOPA au Congrès, mais ce projet devra passer par une longue bataille législative dont le dénouement est encore incertain. Paradoxalement, le Parti d’Action Nationale (PAN), le principal parti qui a conduit Fox au pouvoir, pourrait être l’une des principales sources de résistance. En effet, depuis le sexennat passé, ce parti a déjà présenté son propre projet de loi sur le thème des Droits et de la Culture Indienne. Le fait que Fox ait soumis un texte différent a généré de nombreuses frictions qui sont venues s’ajouter à celles qui existaient déjà.
Pour la première fois en plus de 70 ans, le Président de la République doit faire face à un Congrès pluripartidiste (au sein duquel aucun parti ne dispose de la majorité absolue) et quelque soit l’initiative dont on veuille parler elle devra bénéficier du soutien d’alliances qui restent encore à définir. Le PRI a lui aussi son propre projet sur le thème. Le risque de « balkanisation » auquel se voit confronté ce parti est certes un problème latent, un phénomène qui pourrait générer diverses positions face à la proposition de la COCOPA. Le PRD (Parti de la Révolution Démocratique) est lui aussi menacé de divisions, mais il s’est toujours montré en faveur de ce texte depuis son élaboration.
Si finalement ce projet de loi n’aboutit pas (un processus qui pourrait prendre jusqu’à deux ans), Fox sera à l’abri de la plupart des critiques, dans la mesure où la responsabilité serait celle du Congrès. D’un autre coté, son projet économique se fonde sur une plus grande globalisation de l’économie et en ce sens, il a tout intérêt à se défaire de l’héritage de critiques internationales quant à la situation au Chiapas.
Il faut aussi relever que cet état est particulièrement important dans le cadre de ce projet, pour ses ressources et pour la victoire politique et le gain en crédibilité que signifierait la reprise des négociations de paix. Fox a fait de nombreuses promesses au cours de sa campagne. Il devra par ailleurs faire passer des mesures bien moins populaires (par exemple de caractère fiscal) ou encore de plus grande complexité (comme la Réforme de l’Etat). En ce sens, Chiapas pourra constituer une réserve de crédibilité politique.
Les crises électorales à Tabasco et Yucatán posent une question de fond quant au grade d’intervention du gouvernement fédéral dans les états du sud du Mexique où le PRI, en défi ouvert face à l’ordre établi, se nie à perdre le pouvoir qui lui reste.
Possibilité réelle de gouverner au Chiapas?
La situation de Pablo Salazar, le nouveau gouverneur, est plus critique. Peu de jours après avoir pris possession, suite aux premières actions du pouvoir exécutif, une lutte de pouvoir a débuté. Le pouvoir législatif ainsi que le judiciaire (les deux caractérisés par une nette majorité du PRI) ont commencé à critiquer et à entraver une grande partie des propositions de Salazar, se niant même à traiter certaines d’entre elles.
Dans un document remis au Congrès de l’état, le pouvoir exécutif du Chiapas a accusé les députés du PRI de mettre en place une stratégie politique et économique à des fins électorales et, avant les élections législatives et municipales d’octobre 2001, de vouloir augmenter leur contrôle sur les mairies. De leur coté, les pouvoirs législatif et judiciaire disent que les actions du gouverneur sont anticonstitutionnelles, les qualifiant de vengeances politiques. Ils parlent même de menaces de mort contre le pouvoir judiciaire.
Il faut encore souligner que tous les efforts de négociation devront se faire avec beaucoup de délicatesse, pour générer une nouvelle cohésion de la vie politique et sociale de l’état et pour pouvoir résoudre les problèmes communautaires et régionaux, anciens ou plus récents.
Au bout du compte…
Au cours des derniers mois, des processus nécessaires et décisifs ont débuté, tant au Chiapas qu’au Mexique, des processus dont on ne sait pas encore quels seront les résultats. Les problèmes auxquels sont confrontés les deux niveaux de gouvernement ne seront pas faciles à résoudre. Il est particulièrement important de garantir une plus grande capacité de gouverner, et par-dessus tout, d’avancer dans les faits pour reconstruire une confiance minimum de la part des communautés indiennes.