DOSSIER : Les jeunes au Mexique – une approche de leurs perspectives et opinions
15/06/2021Activités du SIPAZ (De mi-février à mi-mai 2021)
15/06/2021Au Mexique, les femmes et les filles vivent dans un contexte où l’État n’agit pas pour protéger leurs droits. Lorsqu’il s’agit de manifester en public, contre la violence sexiste, leurs droits sont violentés de différentes manières, y compris par la violence sexiste
M algré les risques liés à la pandémie, des milliers et des milliers de femmes, membres de collectifs féministes et d’organisations civiles, ainsi qu’à titre personnel, sont sorties dans la rue le 8 mars, Journée internationale de la femme, pour exiger le respect de leurs droits et, en particulier, pour exiger une vie sans violence.
Le 8 mars, depuis des décennies, les femmes du monde entier réalisent différentes actions pour rendre visible la situation préoccupante dans laquelle elles vivent simplement du fait de leur sexe. Selon les rapports du ministère de la Sécurité et de la Protection Civile (SSPC) publiés en janvier de cette année, le Mexique continue d’afficher des taux inquiétants de violence sexiste, avec une moyenne de 10 femmes assassinées chaque jour ; seulement deux de ces cas seront enregistrés comme des féminicides. En outre, plusieurs sources affirment que les statistiques ont augmenté avec la pandémie.
2021 : un 8M en pleine pandémie
Depuis plus d’un an, le Mexique, comme la majeure partie du monde, est soumis à des restrictions sanitaires qui ont limité une action de la même ampleur historique que celle de l’année dernière, lorsque plus de 200 000 femmes ont manifesté dans la capitale et participé à une grève nationale qui a entraîné une perte de 37 millions de pesos. Cependant, ces restrictions n’ont pas empêché des milliers de femmes de différentes générations, classes sociales, identités raciales et de genre d’élever leur voix sur les réseaux sociaux, à travers des manifestations, des célébrations, des chants, des tambours, du street art (art urbain), des événements en ligne, etc., ceci pour faire passer le même message : Stop à la violence et à l’insécurité.
Les actions du 8 mai au Mexique
Les manifestantes féministes, les groupes de femmes ou les femmes qui ne font pas partie de collectifs, de groupes ou d’organisations sont protégées par le droit à la liberté de réunion pacifique, précise Amnesty International dans le rapport « Mexico : La colère des femmes » de 2021. Néanmoins, le document constate la violence et les violations de ce droit et d’autres droits des femmes commis par les autorités mexicaines.
Malgré cela, plusieurs activités ont été menées, dont certaines dénonçaient précisément ce type de violence. Par exemple, au Chiapas, des femmes membres du groupe de la société civile Las Abejas de Acteal ont remis un communiqué à la base militaire situé près de leur communauté, pour dire haut et clair qu’elles ne veulent pas de militaires sur leur territoire. Dans des villes comme Tuxtla Gutiérrez, San Cristóbal de Las Casas ou Tonalá, des centaines de femmes ont manifesté avec des slogans tels que « La police ne me protège pas, ce sont mes amies qui me protègent ». Elles ont dénoncé plusieurs féminicides survenus l’année dernière, tous restés impunis à ce jour.
Dans l’état de Guerrero, le slogan « Un violeur ne sera pas gouverneur » a été entendu à maintes reprises, de même que dans la capitale du pays, en référence au candidat au poste de gouverneur du Mouvement de Régénération Nationale (plus connu sous son acronyme Morena), Felix Salgado Macedonio. Ce dernier fait face à des accusations de viol, d’abus et de harcèlement sexuels.
La double violence à laquelle les femmes qui manifestent se voient confrontées
Dans de nombreux cas, les médias, au lieu de parler des justes revendications des femmes et de leur frustration face au peu de progrès réalisés à ce jour, ont évoqué les bâtiments publics endommagés, les affrontements avec la police, les arrestations et les blessures (tant du côté des manifestants que du personnel de sécurité), dans le contexte des marches. Dans la seule capitale, les autorités locales ont fait état de 81 personnes blessées au cours de la manifestation. En outre, certaines sources dénoncent l’utilisation de gaz lacrymogène par la police, ce que le gouvernement a démenti.
Le rapport d’Amnesty International souligne que les autorités mexicaines réagissent aux manifestations des femmes et aux propos sur la violence sexiste par un recours excessif et inutile à la force, par des détentions illégales et arbitraires et par des violences verbales et physiques. Il expose également comment les manifestations féministes, bien qu’elles soient pour la plupart pacifiques, ont commencé à être stigmatisées comme violentes, et comment plusieurs manifestantes ont subi des violations des droits humains lors de ces marches depuis l’année dernière.
En outre, le document souligne que les slogans et les symboles peints par les manifestantes sur les murs, les sols et les monuments publics, ainsi que les interventions sur les monuments sont « des expressions protégées par le droit humain à la liberté d’expression ».
La « réponse » du gouvernement de la 4T – « Un mur de la paix ».
Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a une attitude plutôt contradictoire vis-à-vis de la question du genre. À plusieurs reprises, il a apporté son soutien à l’ancien candidat du Guerrero, Salgado Macedonio déjà mentionné. Il a réduit les budgets destinés à financer les programmes publics visant à éradiquer la violence à l’égard des femmes et a déclaré, lors d’une conférence matinale, que les mouvements féministes sont « des groupes manipulés par les conservateurs et que leurs revendications sont des attaques politiques ».
Face aux marches prévues pour le 8M dans la capitale, le président et le gouvernement de Mexico (dirigé par une femme), ont décidé de construire une barrière, du jamais vu, devant le Palais National : un « Mur de la Paix ». Selon le président, sa fonction était de protéger les manifestantes. Cependant, le mur a été critiqué de tous côtés, car il a été considéré comme un symbole de répression de la part du gouvernement.
Le mur est devenu un symbole controversé de cette Journée internationale des droits des femmes 2021. Depuis le week-end précédent, la barrière a été transformée en un « mur de la mémoire » : des centaines de noms de victimes de féminicides y ont été peints. En outre, des images géantes ont été projetées sur la façade du Palais National avec des messages tels que « Mexico feminicide».
« Le confinement a freiné l’élan des manifestations publiques du féminisme, mais la légitimité de ses causes, sa combativité et son ingéniosité pour les défendre lui ont permis de faire irruption dans l’agenda politique et médiatique, tout en élargissant et en diversifiant sa base sociale. Sa force en a fait le mouvement d’opposition le plus puissant contre l’ordre patriarcal au Mexique », a écrit Laura Castillas, journaliste et écrivaine féministe, dans le Washington Post.