DOSSIER : Disparition forcée au Mexique, l’affaire Ayotzinapa
15/12/2022Activités du SIPAZ (De mi-août à mi-novembre 2022)
15/12/2022Nous apportons un message d’espoir et d’avenir à notre nation affectée et brisée. Des vérités qui dérangent, qui interpellent notre dignité, un message pour tous en tant qu’êtres humains, au-delà des options politiques ou idéologiques, des cultures et des croyances religieuses, ethniques et de genre
Le 25 octobre 2022, le “Forum international Construction de la paix au Mexique : défis et éléments clés dans le contexte actuel” s’est tenu à San Cristóbal de Las Casas. Plus de 400 personnes y ont pris part et quelques 300 autres y ont assisté en ligne. Il y a deux ans et demi, trois réseaux —la Plate-forme mondiale pour la prévention des conflits armés (GPPAC), le Forum de Barcelone pour la paix au Mexique et le Service Civil pour la Paix ont décidé d’unir leurs forces et de commencer à se rencontrer virtuellement. Ceci face au besoin profond de trouver des voies d’espoir, compte tenu de l’augmentation prolongée et alarmante de la violence générée par les groupes criminels et celle causée par l’État mexicain lui-même.
Dès le début l’idée était de pouvoir se rencontrer physiquement, mais la pandémie est arrivée et, de ce fait, ce n’est que jusqu’à cette année — en coordination avec Slamalil Kinal (un réseau pour la paix au Chiapas) — que cette rencontre a pu être réalisée. Au cours de l’introduction de cet événement, il a été souligné que la crise de la violence au Mexique non seulement ne s’est pas atténuée, mais s’est approfondie, atteignant les chiffres alarmants de plus de 100 000 disparus et près de 200 000 meurtres depuis 2006 à ce jour. Dans le même temps, un pays de plus en plus militarisé a été décrit et, en dépit de cela, la stratégie de lutte contre le crime organisé maintenue pendant 3 mandats de six ans a approfondi la violence sans pouvoir construire des alternatives créatives répondant à la fois à ses effets les plus visibles et aux causes structurelles qui la nourrissent.
Lors de l’événement, qui a réuni de nombreux intervenants nationaux et internationaux, il a été souligné que pour construire la paix, il ne suffit pas de continuer à dénoncer et à exiger des réponses efficaces pour faire face à la crise ; et qu’il ne s’agit pas non plus de seulement décrire la situation mais aussi de contribuer à des processus capables de la transformer, face à la polarisation encouragée par les acteurs politiques, vers une vision de paix globale avec des conditions de vie dignes pour tous.
Plusieurs intervenants ont souligné qu’il est nécessaire de comprendre ce qui se passe au Mexique dans le cadre des tendances mondiales qui marquent les défis pour la construction de la paix. Ils ont fait référence à des expériences différentes mais souvent influencées par des facteurs communs dont il est possible d’apprendre.
En particulier, l’expérience colombienne a été abordée par plusieurs personnes comme un miroir pour comprendre le contexte mexicain et une opportunité pour repenser les actions. Dans le cas colombien, il a été évalué que le conflit armé interne n’est pas la seule violence dans le pays, mais un élément qui a réussi à articuler une grande partie de la violence préexistante et de la violence qui existe toujours : politique, sociale, culturelle (racisme, patriarcat) ainsi que des conflits territoriaux qui existent depuis des siècles. Le conflit en Colombie n’est pas unidimensionnel, il comporte de nombreux facteurs, de nombreuses couches et de nombreux acteurs. De plus, la Colombie a une longue histoire de recherche de la paix. À titre d’exemple, les trois pactes nationaux pour la paix qui ont été conclus dans ce pays ont été mentionnés : 1958 qui a mis fin à la guerre partisane ; en 1991, une paix partielle a été signée avec des groupes de la guérilla ; et, en 2016, les accords de paix avec les FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie).
Un autre élément-clé qui a été identifié pour avancer dans la construction d’une paix stable et durable est la nécessité d’écouter les différentes voix impliquées dans le conflit, car lorsque tous les acteurs impliqués ne sont pas pris en compte, il est très probable que la violence s’intensifiera à nouveau. Le temps a été valorisé comme un autre élément fondamental : les processus de paix dans d’autres pays montrent que des années de travail sont nécessaires pour avancer dans la transformation d’une société affectée par la violence.
Un autre apprentissage a été l’importance de fouiller dans la mémoire, qui illumine le présent pour générer et construire une nouvelle aube pleine d’espoir. Une invitation a été d’être des bâtisseurs de solidarité et de paix entre les peuples, de cesser d’être des spectateurs pour être les protagonistes du changement social et de ne pas laisser les réponses militaires continuer à s’imposer comme le seul moyen d’arrêter la violence.
De même, il a été souligné que pour parler de paix, il faut tenir compte du fait que c’est un processus long et qu’il est enraciné dans les territoires, dans la communauté. Plusieurs intervenants ont souligné l’importance du tissu communautaire et des pratiques culturelles qui ont aidé les peuples à résister à travers l’histoire face aux inégalités et à l’abandon de l’État. Il a été reconnu que ce n’est pas un processus facile ; Parfois cela peut être très douloureux, cela demande du courage, de l’amour et une conviction radicale de ne pas utiliser la violence pour combattre la violence.
Après avoir souligné que les gouvernements latino-américains n’ont pas construit d’institutions axées sur la construction de la paix, les intervenants ont évoqué le fait qu’il est possible de guérir les cœurs tout en transformant les structures qui permettent et promeuvent la violence dans les territoires. Plusieurs intervenants ont souligné l’importance de reconstruire le tissu social en cultivant des pratiques de soins mutuels et de soins pour la Terre Mère.
Enfin, la spiritualité a été valorisée comme axe fondamental pour résister à la diversification et à l’approfondissement de la violence dans différents contextes. L’apprentissage est qu’il ne s’agit pas d’homogénéiser la société, mais d’apprendre à vivre ensemble, en regardant les opportunités que la vie nous offre, en s’unissant en visant les résultats, sans juger les autres, mais en focalisant l’espoir au milieu du chaos.
« La paix exige l’engagement de continuer à travailler, en utilisant le dialogue, en accompagnant les autres, en marchant ensemble avec la certitude que Dieu nous aime, en reconnaissant les autres comme des humains et des enfants de Dieu, en valorisant leur dignité et le respect du bien commun », a affirmé l’évêque du diocèse de San Cristóbal de las CasasRodrigo Aguilar durant son intervention.
Au-delà du Mexique, le prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel a déclaré pour sa part : « Nous continuons à croire qu’un autre monde est possible, mais nous ne pouvons pas le faire seuls ; ce monde est possible si nous nous donnons la main et avons la capacité de résistance, d’indignation contre les injustices, pour transformer la réalité. Toujours jusqu’à la victoire ».