DOSSIER : A qui profite l’ACEUM ?
08/10/2020Activités du SIPAZ (de la mi-mai à la mi-août 2020)
08/10/2020Depuis le début de la pandémie, une grande partie de ce qui a été publié dans les médias nationaux sur le Chiapas s’est maintenu dans la section “faits divers” : attaques contre le personnel de santé, agressions sur le personnel d’autres services publics ainsi que d’autres actions violentes.
Ceci face aux rumeurs que les actions de désinfection étaient en réalité des actions pour diffuser le coronavirus. Cette situation a rendu invisibles de nombreuses initiatives de personnes, d’organisations, de groupes et de communautés autochtones qui ont cherché à prévenir et à combattre le coronavirus et ses effets dans divers domaines.
Le premier cas de coronavirus a été identifié au Chiapas au début du mois de mars. Conformément aux instructions fédérales et malgré les rares cas de contamination, les écoles, les magasins, les hôtels, les restaurants, les églises et la plupart des lieux publics ont été fermés.
Avant même cela, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) avait déclaré une alerte rouge dans ses territoires, fermé ses structures gouvernementales autonomes et appelé ses bases de soutien à rester confinées. L’EZLN a cependant appelé “à continuer la lutte contre la violence féminicide, pour la défense du territoire et de la terre mère, pour les disparu(e)s, les assassiné(e)s et les prisonniers et prisonnières, et à hisser haut le drapeau de la lutte pour l’humanité”. Il est certain que les processus de résistance, d’organisation et d’autonomie que diverses communautés et populations ont mis en place au cours de décennies leur ont permis de faire face à la pandémie avec leurs propres ressources.
Cela n’a pas été une tâche facile lorsque, dans toute la société et plus particulièrement dans les communautés autochtones et rurales, la désinformation, l’incrédulité et la peur régnaient. Ce n’est pas surprenant dans les lieux où l’absence de l’État et la méfiance à l’égard des autorités sont choses courantes. C’est pour cela que, depuis le début de la pandémie, plusieurs organisations et groupes ont diffusé des informations dans des langues indigènes et produit des brochures et des capsules radio pour expliquer ce qu’est le coronavirus, comment il se transmet et quelles sont les mesures de prévention et de soins. L’organisation Sadec, par exemple, a produit une brochure sur les implications psychosociales de la pandémie pour la population rurale expliquant, entre autres, qu’il est normal de se sentir isolé, triste ou déprimé.
L’un des secteurs les plus actifs depuis le début de la pandémie a été évidemment celui des travailleurs de la santé, qui ont mené plusieurs dénonciations, grèves et manifestations pour exiger des équipements suffisants pour leur protection, ainsi que du matériel de qualité pour les soins sur les patients.
D’autre part, à San Cristóbal de Las Casas, un collectif de médecins et de membres de la société civile a créé le groupe Covid-19 San Cristóbal. “Nous nous sommes organisés pour participer avec les autorités locales, la société civile et les groupes d’entreprises afin de créer et diffuser des informations ; de faire de la télémédecine pour mieux soigner les malades à domicile ; et de contenir la propagation du virus”, expliquent-ils. Le collectif dispose d’un centre d’attention médicale par téléphone en espagnol, tzotzil et tzeltal. Il diffuse également des informations sur la situation générale de la pandémie et des éléments pour la prévention de la propagation du virus ainsi que la prise en charge à domicile des personnes contaminées par le Covid. Covid-19 San Cristóbal dispose également d’un groupe de psychologues pour le soutien psychosocial et il a lancé un appel à la solidarité avec les malades et leur famille pour éviter les préjugés.
Un autre projet local a été l’installation de stations de lavage des mains dans des lieux publics à San Cristobal, une action à laquelle a participé l’organisation Cántaro Azul qui travaille sur l’accès à l’eau. Par ailleurs, face au manque d’équipements de protection dans les hôpitaux publics, un réseau de familles a été organisé pour produire des équipements destinés à protéger les médecins et les infirmières.
Dans les communautés autochtones, on constate une augmentation de l’utilisation des plantes médicinales traditionnelles. Le père Marcelo Pérez, curé de Simojovel, explique comment dans sa paroisse les gens se sont organisés autour de cela : “Nous nous sommes autoproclamé des promoteurs de santé communautaires, et avec ces plantes médicinales, plusieurs malades se sont déjà rétablis », assure-t-il. Un autre exemple de la reprise de l’utilisation des plantes médicinales pour traiter les maladies respiratoires a été promu par le collectif At’el Antsetik (Femmes au travail), qui intervient dans ce domaine depuis plusieurs années. En se basant sur la transmission de connaissances ancestrales, elles ont récupéré plus de 70 plantes pour traiter les problèmes respiratoires. Bien qu’elles ne guérissent pas le COVID-19, ces plantes renforcent le système immunitaire contre ce virus et d’autres maladies, contribuant ainsi à les empêcher de se manifester sous leurs formes graves.
D’autres actions visent à générer des informations pour améliorer les politiques publiques et les réponses face à la pandémie. Depuis juin, une plateforme de plusieurs médias cherche à obtenir des données sur ce qui se passe dans l’état du Chiapas face aux chiffres qui ne concordent pas car, lorsque les fonctionnaires nous parlent d’une situation plus ou moins contrôlée depuis plusieurs semaines, “la réalité que la population manifeste est différente, des centaines de personnes dénoncent l’infection et la mort de leurs proches, chez eux, sans soins médicaux, sans avoir été testés malgré les symptômes de la maladie », soulignent-ils.
D’autre part, les organisations Melel Xojobal, Sueniños et Tierra Roja Cuxtitali ont réalisé une consultation “Comment les enfants et les adolescents de San Cristóbal de Las Casas vivent la pandémie ?” afin de “connaître les expériences et les opinions face à la pandémie de coronavirus ainsi que les effets sur leurs conditions économiques, de travail, scolaires et émotionnelles”.
Avec la fermeture des espaces, les revenus de nombreuses familles ont été réduits au point de devenir une véritable lutte pour la survie dans une période d’enfermement qui a déjà dépassé cinq mois. Ainsi, une initiative visant à aider à nourrir les familles en situation de vulnérabilité est née, Las Canastas Solidarias Para Nuestra Comunidad, à San Cristóbal de Las Casas. Chaque samedi, un groupe de 7 volontaires se réunit au marché agroecologique et artisanal pour armer des paniers qui sont remis à ceux qui en ont le plus besoin. Tous ceux qui viennent au marché peuvent collaborer avec des dons en nature ou en argent. Une campagne de collecte de fonds a également été lancée par le biais des réseaux sociaux.
La pandémie fait ressortir le pire et le meilleur de nos sociétés. Face à tant d’incertitudes, nous avons estimé qu’il était important de mettre en avant que, malgré l’isolement, nous ne sommes pas seuls, et que beaucoup d’initiatives, de mesures individuelles aux actions plus organisées, peuvent avoir lieu malgré les limites. La pandémie révèle notre codépendance en tant qu’humanité. Nous appelons à ne pas rester paralysés par la peur, mais à redécouvrir l’importance de la solidarité.