DOSSIER : Les grands projets de développement, un facteur de risque pour ceux qui défendent le territoire
10/03/2023Activités du SIPAZ (de mi-novembre 2022 à mi-février 2023)
10/03/2023Ainsi, aujourd’hui, l’Esprit de Vie et la mort marquent notre cycle, aujourd’hui nous célébrons la naissance et en même temps la mort. Il semble que la mort soit la grande fin de tout, mais c’est le début de la victoire de la mémoire et comme l’a dit l’un des grands-maîtres : Faites cela en mémoire de moi. Ainsi, nous commémorons notre naissance et notre mort comme une perpétuité du souvenir et de la mémoire, une mémoire qui est notre propre histoire et notre propre marche.
L es 21 et 22 décembre 2022, diverses activités ont été organisées pour commémorer le 25e anniversaire du massacre d’Acteal, au cours duquel 45 personnes, principalement des femmes et des enfants, ont été tuées. Le 30e anniversaire de l’Organisation de la Société Civile « Las Abejas », à laquelle les victimes appartenaient, a également été célébré.
Le 22 décembre 1997, 60 paramilitaires habillés en noir ont tiré sur un groupe d’hommes, de femmes et d’enfants de « Las Abejas » avec des arme destinées à des fins militaires. Le bilan s’est élevé à 45 morts, dont 18 femmes – quatre étaient enceintes -, 16 filles, 4 garçons et 17 hommes. Parmi les victimes, 12 ont succombé suite à des coups ou à des coups de couteau, d’autres ont succombé suite à des blessures par balle. Vingt-six autres personnes ont été gravement blessées.
Les victimes s’étaient réfugiées à Acteal dans les semaines précédant le massacre à cause des harcèlements constants de la part des groupes armés. Ils brûlaient leurs maisons et leurs cultures, volaient leurs biens, et faisaient pression pour qu’elles achètent des armes ou rejoignent leurs rangs. Totalement désarmées, elles ont organisé une journée de jeûne et de prière dans la chapelle d’Acteal afin de prier pour la paix dans la région. Selon des témoins, l’attaque a été perpétrée par une soixantaine de personnes. La présence d’un poste d’opérations mixtes (forces militaires, judiciaires et de sécurité publique) à 200 mètres de là a suscité des opinions qui mettent en cause la responsabilité directe de l’État mexicain dans ce qui s’est passé.
Le massacre a affecté et continue d’affecter les proches des victimes et le pays tout entier en raison de l’impunité et face au fait que la responsabilité de l’État n’a pas été pleinement reconnue. De plus, le droit des victimes à la vérité et à la justice a été nié. Lors de la célébration, les familles ont fait valoir que « 25 ans se sont écoulés depuis le massacre et qu’à ce jour, ce crime d’État reste impuni comme nous l’avons dénoncé mois après mois pendant un quart de siècle. Peu importe le parti, qu’il s’agisse du PRI, du PAN ou de Morena, au lieu d’appliquer la justice, ils ont créé des stratégies et des politiques d’usure ». « Nous pouvons constater que le système judiciaire mexicain est corrompu et qu’il est de pire en pire », ont-elles dénoncé. Las Abejas de Acteal ont expliqué que depuis le massacre de 1997, la population de Chenalhó a été divisée par la guerre anti-insurrectionnelle du Plan de Campagne Chiapas 94 en réponse au soulèvement armé de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) le 1er janvier 1994.
Ils ont souligné qu’à partir de ce moment-là, le Conseil municipal de Chenalhó « qui auparavant avait la responsabilité de veiller sur la vie de tous ses habitants et de maintenir le respect et l’équilibre, est devenu un simple serviteur des mauvais gouvernements et a livré son peuple aux mains de la mort ».
Pour eux, l’impunité dans le cas du massacre a conduit à la répétition d’importantes violations des droits humains dans la région. Un exemple en est le meurtre de Simón Pedro Pérez López, membre de Las Abejas de Acteal, qui s’est produit le 5 juillet 2021, dans la municipalité de Simojovel. Ce meurtre est survenu peu de temps après qu’il ait dénoncé l’absence de réaction de l’État mexicain face aux actions impunies des groupes du crime organisé dans la municipalité de Pantelhó (voisine de Chenalhó). Dans ce cas également, l’enquête est en cours et n’a toujours pas abouti.
Ainsi, la lutte pour la justice se poursuit. Face à la difficulté de trouver la justice au Mexique en raison de la libération de la majorité des auteurs matériels et de l’inaction face aux auteurs intellectuels du massacre, la société civile Las Abejas s’est tournée vers la Commission Interaméricaine des droits humains (CIDH) afin que l’État mexicain reconnaisse qu’il s’agit d’un crime d’État. Un rapport sur le fond de l’affaire est attendu de manière imminente.
Lors des événements de décembre, le Centre des droits humains Fray Bartolomé de Las Casas (Frayba), qui accompagne Las Abejas dans leur quête de justice depuis 1997, a souligné que « le gouvernement fédéral actuel a maintenu le silence et nié ouvertement devant la CIDH l’implication des autorités mexicaines dans les actions de contre-insurrection durant les années 90 au Chiapas, et a sciemment exclu cette période du processus d’étude de la Commission de la vérité sur la guerre sale au Mexique » (créée en octobre 2021). Le Frayba a affirmé que « le mensonge et les pactes d’impunité sont une agression qui maintient la plaie du massacre du 22 décembre 1997 ouverte, ils re-victimisent et approfondissent la douleur collective. Ils sont une simulation absolue ».
Malgré les nombreux obstacles, l’organisation tente d’offrir un lieu de refuge aux habitants des communautés du Chiapas et continue à construire la paix par le biais de stratégies non-violentes. En ce sens, le Centre des droits humains Fray Bartolomé de Las Casas (Frayba) a souligné le caractère « inspirant » de l’Organisation société civile Las Abejas d’Acteal, qui a réussi, en dépit de tout, à construire « une île de paix et d’espoir, un refuge face à la tempête qui s’est emparée de la région des Hauts Plateaux du Chiapas ».