DOSSIER: la réforme de l’éducation et la lutte des enseignant(e)s – Clés pour comprendre le mouvement
19/09/2016ACTIVITÉS DE SIPAZ (De début avril à fin juin 2016)
19/09/2016Des milliers de femmes dans les rues, vêtues de violet, sont munies de banderoles et brandissent de multiples slogans. Des réunions, des concerts, des performances artistiques et des ateliers: ce sont les diverses manifestations qui ont ponctué la journée du 24 avril dans 40 villes du Mexique. Répondant à un appel massivement relayé sur les réseaux sociaux, des cohortes de femmes se sont mobilisées ce jour-là. Leur objectif : mettre en évidence, questionner et dénoncer la violence machiste qui s’exerce quotidiennement contre les femmes dans un pays où, selon l’ONU, sept femmes sont assassinées chaque jour.
Aussi appelé primavera violeta (« printemps violet ») ou #24A, cette journée de mobilisation a permis de dénoncer la violence, dans ses formes les plus subtiles –souvent même pas identifiées comme telles- comme un simple bonjour dans la rue aux intentions perverses de son auteur, jusqu’aux exemples les plus extrêmes comme les féminicides. Entre les deux, un large éventail de situations : le harcèlement de rue, la chosification du corps des femmes dans les médias et la publicité, les stéréotypes relayés par les séries TV et les films, la violence gynéco-obstétrique comme les stérilisations et les traitements dégradants lors des grossesses et des accouchements, la criminalisation des femmes qui avortent, la discrimination des personnes non hétérosexuelles, la haine contre les féministes, la transphobie (rejet des personnes transgenre), les agressions sexuelles ou les viols, à faire suivre d’un très long etc. C’est contre tout cela que de nombreux panneaux et slogans proclamaient “nous voulons vivre”, “je ne veux pas de tes sifflets, je veux ton respect”, “nous ne voulons pas de fleurs, nous voulons des droits” ou “si l’on touche à l’une d’entre nous, nous répondons toutes”.
Certains médias ont reconnu que cette mobilisation massive de femmes était la plus importante de l’histoire du Mexique. Et le fait est que cette intervention dans l’espace public a réuni une grande diversité de femmes issues de collectifs, d’organisations ou venues à titre individuel ; tant des féministes que de femmes qui ne se revendiquent pas comme telles ; de différents courants du féminisme ; de positions politiques différentes ; d’orientations sexuelles variées ; ainsi que des transsexuel∙les, intersexuel∙les, transgenre et des hommes.
#MiPrimerAcoso (#MonPremierHarcèlement)
Parallèlement aux manifestations dans la rue, des milliers de femmes ont partagé leurs expériences de harcèlement sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook. Utilisant le hashtag #MiPrimerAcoso, elles ont raconté leur première agression, détaillant qui était leur agresseur, où cela s’était passé, et comment elles s’étaient senties après avoir été violentées.
“ça s’est passé quand j’avais 8 ans, mon oncle s’exhibait devant moi, jusqu’à ce qu’il finisse par abuser sexuellement de moi, il disait qu’il allait me montrer pour que je sache faire quand je serais grande”.
“J’avais 10 ans. […] J’étais en train de donner des cacahuètes aux écureuils quand un homme s’est arrêté devant moi, et a baissé son pantalon pour me montrer son pénis en érection”.
“Je voyageais seule pour la première fois en métro, […] et un homme a décidé de se masturber en frottant son pénis contre mon épaule […] j’avais 11 ans”.
A la fin de la journée, 183 000 témoignages de harcèlement avaient été publiés en ligne, faisant de #MiPrimerAcoso un trending topic (« sujet tendance ») -expression la plus relayée sur Twitter en un temps donné– qui s’est propagé dans plusieurs pays. Si cette action n’a pas entraîné de changements concrets, elle a permis d’aborder une problématique sociale sur laquelle peu de recherches sont menées au Mexique. Une analyse des tweets parue sur Distintas Latitudes
Selon la même étude, le harcèlement survient dans différents lieux. 47% des cas publiés sur Tweeter se sont déroulés dans la rue, ce qui indique que, loin d’être une problématique exclusivement liée à l’espace public, les violences surviennent également dans des environnements en théorie plus sûrs, comme le domicile des femmes et des petites filles. “La violence n’existe pas que dehors, la violence est aussi à la maison, avec les personnes qui sont censées prendre soin de nous”, a déclaré une femme. Elles ont à de nombreuses reprises commenté que des témoins de leur agression n’avaient rien fait pour les empêcher, qu’ils soient des passants dans les rues, des voyageurs ou voyageuses dans les transports publics ou des proches à la maison.
Cette action sur les réseaux sociaux a mis en évidence la fréquence des agressions vécues par les femmes: les situations de harcèlement partagées étaient leur première expérience, mais pas la seule. “Si je vous les raconte toutes, je ne m’arrête plus. Elles sont innombrables ”, a écrit une femme. L’étude de Distintas Latitudes a démontré que 4 témoignages publiés sur 10 ne relèvent pas du harcèlement, mais de l’abus sexuel, un délit caractérisé, ce qui le rend passible de poursuites. Selon la Commission Exécutive d’Attention aux Victimes, 99% des délits sexuels commis au Mexique restent impunis. Le harcèlement est une situation tellement habituelle, quotidienne, qu’elle a tendance à se normaliser.
Et après ?
Une fois achevée la mobilisation massive dans les rues et sur les réseaux sociaux, la grande question qui s’est posée a été : et maintenant ? Quelle suite auront ces actions? Les exigences scandées par des milliers de voix vont-elles se concrétiser? Y aura-t-il des conséquences pour les abuseurs dénoncés dans les témoignages des femmes? Les manifestations donneront-elles naissance à un mouvement organisé, au-delà d’un élan d’euphorie collective ? Ou tout redeviendra-t-il comme avant, dans le quotidien des agressions sexistes?