DOSSIER : La migration comme justification de la militarisation et les nouvelles stratégies de contrôle territorial
11/09/2022Activités du SIPAZ (De mi-mai à mi-août 2022)
11/09/2022Résoudre les conflits par la paix « (…) ne signifie pas devenir des victimes passives, ni être faibles, dociles et résignés à la violence. Au contraire, cela signifie désarmer le mal, désamorcer la violence et résister à l’oppression »
Depuis quelque temps au Chiapas et au Mexique, des événements dévoilent une guerre dont les visages et les formes sont autres. Les médias nous parlent d’enlèvements et de disparitions de personnes orchestrées par des groupes criminels ; les stratégies de criminalisation et d’assassinat des défenseurs des droits humains dans le pays n’excluent plus les espaces religieux ; il y a des affrontements qui coûtent la vie à des civils et une atteinte constante à la dignité des peuples autochtones. Mais la recherche de la justice et de la paix se manifeste aussi par d’autres moyens que la violence. Dans un acte religieux, la voix cherche à se faire entendre, et la demande de paix et la défense de la vie font flotter les drapeaux blancs qui, dans cette guerre moins traditionnelle, ne sont pas un symbole de reddition mais d’espoir, de foi, de résistance et de dignité.
« Aller en pèlerinage pour retrouver la force de marcher ensemble »
Les multiples actes de violence qui semblent avoir brisé un mirage ont obligé la société civile, et en particulier les membres de l’Église catholique, à appeler à des actions pour la paix. Cependant, le long voyage du diocèse de San Cristóbal de las Casas à travers les réalités sinueuses du Chiapas a commencé avec l’arrivée du Jtatic Samuel Ruiz dans l’état, comme l’explique le père José Luis Vargas de Cancuc : « Le diocèse de San Cristóbal a été un diocèse au côté des pauvres, qui invitait à retrouver la passion du service dans un diocèse en conflit, où la violence était présente ». Dans ce sens, le pèlerinage, qui désigne un voyage à travers des terres qui présentent des difficultés, « sert à retrouver la force de marcher ensemble, pour que notre lutte et notre parole aient de la force » ; et dans le contexte actuel, « c’est une voix très forte de rejet de la violence qui nous montre que c’est le chemin de la paix », dit le prêtre.
Les initiatives de l’Église catholique ont également été rejointes par des Églises d’autres confessions, comme ce fut le cas lors du Pèlerinage pour la paix, pour la vie, contre la violence et la discrimination à Las Margaritas en mars 2022. Depuis ce coin de la frontière L’Alliance des Églises pour la paix a convoqué à un pèlerinage pacifiqueau miliieu de la violence causée par les affrontements entre groupes criminels, après avoir été témoin d’une confrontation qui a mis fin à la vie de deux personnes et fait plusieurs blessés en plein centre de la ville. Ils y ont exprimé que « au milieu de la grave détérioration que connaît actuellement l’ensemble de notre état du Chiapas, qui se manifeste par une grande insécurité et qui a entraîné de nombreux décès, (…) nous exprimons notre préoccupation face aux réalités que la population souffre, dans lesquelles il semble que la vie ait perdu son sens ». Les mêmes rues qui avaient été teintées en rouge sont maintenant habillées de blanc, décorées de fleurs et de ballons, au son de chants et de slogans appelant à la paix et à l’unité des peuples.
D’autre part, le pèlerinage organisé par la Commission pour la justice, la paix et l’intégrité de la création, la Famille franciscaine, l’Organisation des peuples autochtones unis, la Commission pour la défense des droits humains et le Comité pour la défense de la vie, du territoire et de la Terre mère a réuni les peuples Zoque et Tsotsil qui ont réclamé « la paix, la sécurité et la justice » dans la zone nord de l’État. « Non, non, il ne suffit pas de prier, nous avons besoin de beaucoup de choses pour parvenir à la paix », ont scandé les participants dans une chanson.
En juin, le père Marcelo Pérez Pérez, curé de l’église de Guadalupe, a appelé à un pèlerinage pour la paix après que des groupes armés aient tiré des coups de feu, brûlé des véhicules et bloqué des rues à San Cristóbal de Las Casas. Lors du pèlerinage Jésus-Christ, paix, vie et espoir à San Cristóbal, des dizaines de personnes habillées en blanc, avec des drapeaux et des banderoles, ont parcouru certaines rues de la ville avec le même slogan : Paix, Vie et Espoir dans la ville. « Lorsqu’il y a de la violence, nous perdons la conscience que nous sommes des êtres humains, nous demandons à retrouver la dignité que nous avons en tant qu’êtres humains, à écouter le cinquième commandement : tu ne tueras pas », a déclaré le père Marcelo.
Le Peuple Croyant cherche le changement au Chiapas
Le premier anniversaire du meurtre de Simón Pedro Pérez López, catéchiste et défenseur des droits des peuples originaire, a encadré les premières intentions d’un pèlerinage dans l’état. En conséquence, « le Peuple Croyant a considéré la nécessité de s’organiser avec les paroisses et les zones, de ne pas marcher seul, mais de s’unir », a mentionné le curé de Cancuc. Ainsi a commencé la coordination du Pèlerinage pour la vie, la paix et contre la violence, une action simultanée dans huit municipalités du Chiapas.
Dans les jours qui ont précédé cette action, le bureau du procureur général de l’état du Chiapas a émis un mandat d’arrêt contre le père Marcelo Pérez Pérez et a arrêté cinq défenseurs de San Juan Cancuc qui luttaient contre la militarisation. Ainsi, la demande de justice face à la criminalisation et à la persécution constantes des défenseurs du territoire et des droits humains s’est ajoutée aux revendications de près de 10 000 personnes qui ont effectué le pèlerinage dans tout l’état.
Au cours du pèlerinage, un communiqué du Peuple Croyant a été lu : « Nous exprimons tous les abus et les injustices que vivent nos peuples et nos communautés, en particulier la violence, l’insécurité et les conflits territoriaux provoqués par le crime organisé, face auxquels les autorités sont dépassées, permissives et complices du système de contrôle que le crime organisé exerce sur le territoire national. Il y a aussi des menaces et des assassinats de leaders sociaux et d’autorités municipales, ainsi que des menaces à l’encontre des agents pastoraux de notre diocèse. Nous ne pouvons pas rester silencieux ou insensibles face à cette souffrance ».
Le résultat de ces pèlerinages va au-delà du nombre de participants, c’est une action de rébellion contre les autorités, de résistance à la violence et d’espoir pour le reste de la population. Les communautés sont descendues dans la rue malgré la peur et l’insécurité, mais avec le soutien d’autres processus et organisations. Ce pèlerinage a démontré qu’au milieu d’un contexte sans espoir et de chemins épineux, le peuple continue à élever la voix et et à ouvrir des brèches pour mettre fin à cette guerre et construire la paix dans une action qui, en cohérence avec sa demande, s’est manifestée de manière pacifique.