DOSSIER : La réalité de la violence à l’égard des mineur-e-s au Mexique : quelles solutions ?
08/04/2019Activités du SIPAZ (de mi novembre 2018 à mi février 2019)
08/04/2019“Le procès populaire représente une nouvelle étape de la défense de nos territoires face au projets d’extraction, hydrauliques, énergétiques, touristiques et de construction d’infrastructures. Ce procès révèle les failles de ce modèle et permet l’ébauche d’un vaste plan d’actions de défense à mettre en application au niveau de l’État. La revendication de notre autonomie et de l’organisation communautaire en seront les deux piliers fondamentaux, les éléments déclencheurs du changement que nous souhaitons et qui serviront à renforcer les processus de défense de nos territoires.”
Le “Procès populaire contre l’État et les entreprises minières au Oaxaca” avait eu lieu le 11 et 12 octobre 2017. Dans le cadre de la Journée Internationale des Droits de l’Homme, le 10 décembre 2018, les peuples, les communautés et les organisations qui avaient déposé plainte et qui y avaient participé ont rendu publique la sentence finale. Ce processus avait pour objectif de “ dénoncer les violations de nos droits causées par les concessions et des projets d’exploitations miniers, de mettre en place des actions et de trouver des solutions efficaces pour défendre nos territoires”.
52 communautés avaient alors participé à ce jugement populaire. Elles avaient présenté 22 cas de préjudices subis engendrés par l’exploitation minière dans cinq régions de l’état du Oaxaca. “D’après le rapport final les préjudices subis sont irréversibles : les dommages provoqués sur les écosystèmes, la pollution des fleuves, la criminalisation des autorités communautaires et celle des défenseurs communautaires, la rupture du tissu social et l’insécurité généralisée dans les régions où ces projets sont mis en œuvre. Derrières ces projets nous retrouvons des entreprises minières, des groupes chargés de provoquer des émeutes et des instances du gouvernement”.
Le rapport du jugement populaire précise qu’en 2017 on comptait 42 projets d’exploitations minières au Oaxaca – dirigés par 38 entreprises ayant leur siège au Canada, aux États Unis, au Pérou, en Australie et au Mexique. Parmi ces projets, 36 se trouvaient en phase d’exploration, 2 en phase de développement, un avait été repoussé et 2 se trouvaient en phase d’exploitation commerciale. De plus, le Ministère de l’Economie avait octroyé 322 concessions minières, représentant une superficie de 462974 hectares (5% du territoire du Oaxaca).
Durant le jugement, outre la présentation des cas, les participants ont repris l’ample gamme des expériences qu’ils ont vécu quant à leur forme de lutte pour la défense de la terre et du territoire au Oaxaca. Les participants ont reconnu que “les villages et les communautés du Oaxaca nous avons défendu, protégé et conservé nos territoires ancestraux, nous avons tissé et construit des propositions et des alternatives politiques, sociales et économiques basées sur nos systèmes normatifs internes pour exercer notre droit à l’autodétermination et à l’autonomie”. Dans le cadre de ces expériences on a essayé plusieurs méthodes: des assemblées communautaires, agraires et municipales, la nomination de comités communautaires pour protéger et préserver l’intégrité du territoire, déclarer l’exploitation minière interdite sur certains territoires, établir des statuts communaux et des règlements internes, organiser des festivals culturels, des rencontres, des congrès et des forums informatifs, des campagnes d’information dans des centres éducatifs, de santé et communautaires, des assemblées régionales pour la défense du territoire, déposer des plaintes auprès du bureau du Procureur pour la protection de l’environnement, du ministère de l’environnement et des ressources naturelles, du ministère de l’économie et de la commission nationale de l’eau, organiser des locales et régionales, prendre d’assaut les machines et les installations de projets d’exploitations minières, établir officiellement des amparos (documents juridiques de protection contre l’octroi de concessions minières), faire des conférences de presse pour exiger l’annulation de projets et de concessions minières, mener à bien des missions civiles d’observations, déposer plainte auprès de l’ONU et se rendre au Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sont parmi les actions menées à bien pour protéger et défendre l’environnement.
Toutefois, on a fait remarquer que “ malgré les plaintes et les demandes qui ont été déposées par divers secteurs de la société et par des mouvements sociaux, en se référant à divers traités et conventions internationales et à la Constitution Politique des États Unis du Mexique, il n’y a pas eu de réponse ni d’avancées significatives. En revanche, l’appareil de justice a protégé les intérêts des entreprises et a servi d’instrument de contrôle efficace contre les intérêts légitimes des citoyens. D’après ceux et celles qui ont porté plainte, ce système de justice s’est avéré être négligeant, inopérant et inefficace”.
A partir de ce constat, le Procès Populaire Communautaire s’est présenté comme une “nouvelle étape” et une “voie pacifiste de lutte des peuples indigènes du Oaxaca afin d’exiger le respect de leurs droits qui ont été violentés par l’État et les entreprises minières,” : en dehors du système de justice officiel, “ les villages et les communautés ont jugé les autorités et les entreprises minières responsables des violations commises dans les différents domaines de la vie des peuples, dans leurs droits individuels et collectifs et face aux préjudices graves faits à la terre et au territoire” .
Le juré, composé d’experts nationaux et internationaux, a rendu son verdict en affirmant la violation des droits suivants: le droit à l’autodétermination, à l’autonomie, à la Terre et au territoire, à la consultation préalable, libre et informée, à l’information publique, à un environnement sain, à la santé ainsi qu’à la protection de ceux et celles qui défendent les droits de l’Homme.
C’est pourquoi, dans le verdict de ce jugement on insiste sur la nécessité d’annuler les 322 concessions et les 42 projets miniers en vigueur dans l’État. On exige aussi la suspension immédiate de la remise des titres miniers “jusqu’à ce qu’un nouveau cadre juridique soit mis en place, un cadre qui respecterait pleinement et efficacement les droits des peuples indigènes établis par les traités internationaux et par la Constitution, la dérogation de l’actuelle loi sur les mines et d’autres lois en lien avec cette industrie”. De plus, le verdict exhorte aux autorités d’adopter des lois et des politiques publiques qui protègent les droits et les peuples indigènes, qui les reconnaissent comme sujet de droit public et qui incluent des mécanismes effectifs de réparation intégrale des préjudices subis.
Le verdict a aussi souligné la nécessité de protéger ceux qui défendent leurs territoires pour qu’ils puissent le faire dans “des conditions de liberté et de sécurité” et a exigé de “mettre fin aux politiques de criminalisation de la protestation sociale , punir les responsables des assassinats, la présentation en vie et immédiate des défenseurs du territoire portés disparus, ainsi que d’annuler les mandats d’arrêt contre les défenseurs pour ces mêmes raisons, ainsi que les menaces individuelles et collectives”.
“Oui à la vie, non à l’exploitation minière“ ou “Pas d’or, pas d’argent, l’exploitation minière tue!” sont les slogans qui se sont fait entendre lors du jugement mais aussi lors de la présentation du rapport correspondant.