DOSSIER : Sud-Est du Mexique, radiographie de l’expropriation
06/09/2024Activités du SIPAZ (mi-mai à mi-août 2024)
06/09/2024
A près 25 ans de travail au sein de la Commission de Soutien à l’Unité et à la Réconciliation Communautaire (CORECO A.C.), Alejandra Rojas Chávez va clôturer ce cycle de sa vie à la fin de cette année 2024. Dans une interview, elle a partagé ses expériences, ses apprentissages et les processus qu’elle a accompagnés lors de sa collaboration avec cette organisation.
25 ans d’accompagnement avec CORECO
Alejandra Rojas Chávez vit dans l’état du Chiapas depuis 32 ans. Alors qu’elle faisait partie de l’équipe du Centre des Droits Humains Fray Bartolomé de Las Casas (Frayba), elle a connu CORECO au cours d’un processus de formation. CORECO a été fondée en 1996 comme organisation de la société civile qui accompagne les communautés et les organisations dans leurs efforts et leur travail en faveur de l’unité, la réconciliation et la consolidation de la paix.
Alejandra a rejoint l’équipe de CORECO en 1999 et, depuis lors, elle a participé à divers processus, tels que la formation et l’accompagnement des commissions locales de réconciliation et des droits humains des Hauts-Plateaux, les diplômes en Transformation Positive des Conflits (TPC), ainsi que des médiations et des processus de facilitation du dialogue dans lesquels les participants ont trouvé et construit des solutions positives à leurs conflits. En outre, depuis 2005, elle a accompagné des ateliers ou les participants peuvent travailler sur eux-mêmes et coordonné des réunions d’artisans de paix et de réconciliation. Elle a également accompagné le parcours du Peuple Croyant du diocèse de San Cristóbal et, ces dernières années, du Réseau pour la paix et le bien-vivre.
Travailler sur soi même
« Les ateliers pour travailler sur soi-même sont nés dans le cadre d’une recherche personnelle et collective pour trouver de nouvelles façons d’accompagner les communautés, leurs dirigeants, des hommes et des femmes qui, en raison de différentes situations, ne trouvent pas de solutions a leurs conflits, se sentent fatigués ou ne trouvent plus d’espoir. », a partagé Alejandra avec nous.
Ces ateliers sont des espaces où les personnes qui participent peuvent « écouter leur essence, leur cœur et leurs préoccupations, ce qui les blesse et ce qui les rend tristes face à la réalité qu’ils vivent ». Ils contribuent à trouver la force et l’énergie pour continuer à avancer. Grâce à eux, les participant.e.s ont réussi à guérir leurs blessures, à prendre conscience de leur être véritable et de leur sens ou mission dans la vie. Ils ont pu établir de nouvelles relations et retrouver l’espoir et la volonté de continuer à construire la paix et le bien-vivre dans leurs communautés.
Ces ateliers ont également changé le point de vue des participants sur leurs conflits, les aidant à mieux écouter et comprendre les autres, en reconnaissant que chaque personne a sa propre histoire. Alejandra nous a raconté des moments où les gens ont réussi à libérer leurs ressentiments et leurs désirs de vengeance en partageant leurs expériences. « Parfois, on n’a pas la possibilité d’avoir un espace pour s’écouter dans la vie, alors ces espaces permettent de s’arrêter pour s’écouter et écouter profondément et nourrir les forces que l’on a », nous a-t-elle dit.
CORECO a promu divers processus de ce type. Dans des espaces dédiés exclusivement aux femmes, les participantes ont su reconnaître et valoriser leur identité en tant que femme, leurs qualités, et à partir de là, soutenir et accompagner d’autres femmes dans leurs propres expériences vitales. CORECO a également travaillé avec des jeunes qui cherchent leur propre chemin et qui cherchent à savoir comment servir ou contribuer à la communauté.
“Lors d’une rencontre avec des jeunes pour travailler sur eux-mêmes, des guides mayas nous ont accompagnés. Les jeunes ont pu ressentir et trouver de la force dans la communauté, la prière et la cérémonie du feu », nous a raconté Alejandra. Dans un contexte de violence, ils ont trouvé des moyens spirituels de reconnaître leurs ancêtres, de réaliser d’où ils viennent et de se rendre compte qu’en tant que communauté, ils ont la force de continuer à construire leur vie. « Même si le panorama peut paraître difficile et sombre, il y a aussi cette clarté, la force des communautés qui veulent prendre soin de leurs territoires, qui se connectent à la vie, à la nature et à la force qui naît de leur spiritualité. Il y a beaucoup d’espoir dans les peuples, les communautés et les familles », nous a dit Alejandra.
Reconnaître la force intérieure
Durant son travail avec CORECO, Alejandra a entendu des histoires personnelles et collectives d’hommes et de femmes avec qui elle a travaillé. Elle a compris que lorsque des expériences vécues nous blessent et ne cicatrisent pas, elles peuvent conduire à un comportement violent. Elle en est également venu à valoriser les capacités et les possibilités dont disposent les gens pour résoudre et transformer leurs conflits : « Lorsqu’il y a des gens proches ou qui vous soutiennent, vous pouvez reconnaître cette force », nous a-t ’-elle expliqué.
Elle a pu partager ces apprentissages et expériences avec d’autres groupes. Selon Alejandra, CORECO accompagne « des communautés et des groupes qui ont trouvé la force de réaffirmer leur décision de ne pas résoudre leurs conflits par le bais de la violence mais de trouver de nouvelles voies. En ce sens, les ateliers pour travailler sur soi-même sont des espaces pour regarder et comprendre le conflit d’une autre manière. Ils ouvrent leurs yeux et leur cœur pour construire des solutions différentes. Dans certains cas, qui n’étaient pas résolus à l’époque, nous avons appris quelque temps plus tard qu’ils avaient réussi à résoudre et à transformer leurs conflits, qu’ils avaient pu redevenir des communautés qui marchaient ensemble dans l’accord et l’unité.
Espoir et foi dans la construction de la Paix
Alejandra nous a dit que CORECO travaille et accompagne des personnes qui, même dans des situations de conflit, gardent l’espoir que des changements peuvent survenir « en voyant que nous ne sommes pas les seuls à être dans des situations de conflit, que nous pouvons trouver des sources d’espoir et que nous pouvons chercher à construire quelque chose de différent”.
Elle a également partagé avec nous son expérience personnelle, en expliquant qu’elle a toujours maintenu sa foi et son espoir, en restant convaincue qu’il est possible de vivre différemment, de construire la paix et de croire en soi et en les autres, en établissant des relations plus pacifiques et harmonieuses. Elle a aussi mentionné une phrase de Gandhi : « Il n’y a pas de chemin vers la paix : la paix est le chemin ». Ceci car elle considère que « la paix se construit dans des moments précis quand nous allons a la rencontre des autres, quand nous nous reconnaissons comme personnes, quand nous nous valorisons et quand notre expérience contribue aussi aux autres dans leur vie et leur travail ».