DOSSIER : Entre déforestation et reforestation partielle – le Mexique, territoire d’écocides autorisés
10/10/2019Activités du SIPAZ (de la mi-mai à la mi-août 2019)
10/10/2019Les besoins sont si grands que ce serait bien sûr à l’Etat de s’assurer que les familles retrouvent leurs maison et récupèrent leurs biens.
Des dizaines de milliers de personnes ont été traumatisées par la nuit du 7 septembre 2017.
Un séisme de magnitude 8,2 sur l’échelle de Richter a frappé les côtes du Chiapas et de Oaxaca, coûtant la vie à 102 personnes, en laissant des milliers sans abri et plongeant la région dans le chaos. Malgré tout, au milieu de l’horreur et de l’angoisse a émergé ce qui les deux années suivantes a impulsé la force à un processus de reconstruction lent et épuisant, mais plein de dignité : la solidarité communautaire.
Les conséquences de cette nuit-là sont toujours visibles et, dans nombre d’endroits, encore palpables. Si les signes de destruction les plus évidents ne sont plus visibles, il manque encore beaucoup de matériel, de ressources -et de coordination- pour une complète reconstruction.
Une Mission Civile d’Observation qui s’est rendue en Oaxaca quelques jours après le séisme indique que “les besoins basiques et urgents des personnes touchées par le séisme n’ont pas été assurées”. Ils reprochent en outre un “manque de coordination de la part du gouvernement dans la distribution de l’aide humanitaire et l’utilisation arbitraire des maigres ressources qui sont parvenues jusque dans la zone”. Le schéma s’est répété maintes fois dans le cadre de l’aide aux sinistré.es et ses conséquences sont visibles dans la progression à deux vitesses de la reconstruction.
Ces inégalités proviennent d’erreurs commises dès le début, dans la distribution de l’aide humanitaire, le recensement des sinistré.es et la répartition des fonds. Plusieurs organisations civiles ont dénoncé que des familles ayant perdu des biens n’aient pas été comptabilisées dans le recensement et de fait non prises en compte dans les fonds de reconstruction. Dans d’autres cas, les biens ont été mal évalués, limitant l’aide versée à ces familles. D’autres familles n’ont tout simplement pas reçu l’aide financière promise, quand d’autres n’ayant subi aucun dommage ont reçu de l’argent. En juin 2018 le Réseau Todos los Derechos para Todas y Todos (« Tous les Droits pour Tous et Toutes« ) a “repéré que face aux irrégularités dénoncées par les victimes, les autorités fédérales et de l’état ne se sont pas coordonnées, et n’assument pas les responsabilités qui leur incombent”.
Ces circonstances ont amené des familles lésées à s’endetter ou vendre des objets de valeur pour poursuivre la reconstruction ou à vivre dans des logements inadaptés après le tremblement de terre.
Face à l’absence de réponse adaptée apportée par les autorités, des collectifs de citoyen.nes se sont créés pour répondre à la crise et engager une reconstruction communautaire. Dans les jours qui ont suivi le séisme, celle-ci a pris la forme du secours collectif des personnes prises au piège sous les décombres, de la collecte et la distribution de biens de première nécessité, et la mise à l’abri des personnes touchées dans des lieux-refuges. Après les premiers temps d’unité et d’aide mutuelle, ces mouvements se sont transformés en un véritable processus communautaire.
La reconstruction organisée par le Centre des Droits de l’Homme Digna Ochoa dans les communes d’ Arriaga, Tonalá et Pijijiapan au Chiapas en est un exemple. Comme beaucoup d’associations et de particuliers, ils ont réagi à la crise, organisant la fourniture d’aide humanitaire et coordonnant des équipes de secours médical et de soutien psychologique.
“Nous avons également mis en place des activités culturelles, de divertissement pour aborder le thème du stress, de la peur, en collaboration avec des équipes médicales également. Nous avons combiné toutes les activités et actions basées sur l’amélioration de l’état intérieur des gens, parce qu’à ce moment-là il n’y avait pas seulement de la peur. Il y avait de la terreur, de la tension ; des problèmes économiques. Il n’y avait pas assez de nourriture parce qu’il n’y avait pas de travail, etc. Plusieurs facteurs s’entremêlaient”, a expliqué Nathaniel Hernández, directeur de Digna Ochoa, lors d’un entretien avec SIPAZ.
Pour commencer la reconstruction, ils ont parcouru les communautés affectées afin d’effectuer leur propre recensement, ainsi qu’une évaluation complète des dommages. “Une fois connue l’étendue des dommages matériels, nous avons pu déterminer quelle serait la stratégie pour commencer un travail de reconstruction matérielle mais aussi sociale”. Un aspect primordial du projet consiste en la participation de la communauté à travers un comité de reconstruction, composé des habitant.es. Cette mesure permet d‘“identifier de source sûre les besoins de chaque famille dans les communautés et d’établir une communication plus étroite”. Un autre élément important réside en la transparence totale à propos des fonds du Centre des Droits de l’Homme et du coût de reconstruction des logements. “Au final, la proposition était que les familles des communautés auxquelles des ressources seraient alloués aident, qu’elles collaborent au travail physique”. Ce sont ainsi environ 150 logements qui ont été reconstruits, plus 38 autres sont presque terminés.
En mars de cette année, le gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a annoncé qu’il commencerait la reconstruction post-séisme, avec un budget de 10 000 millions de pesos pour 2019 ; un premier versement sera effectué de 2 700 millions pour le Chiapas et 4 700 millions à Oaxaca. Même si les associations civiles perçoivent un changement, le projet reproduit l’erreur du gouvernement précédent, en utilisant les données du même recensement et excluant ainsi ceux et celles qui l’ont déjà été la première fois“et qui attendent toujours la réponse du gouvernement actuel pour bénéficier des fonds publics”. La marge de manœuvre des ONG est limitée dans ces situations car “ il n’y a plus de financements alloués pour le séisme ”. Afin de ne pas laisser les familles lésées sans aucune aide, Digna Ochoa les tient informées du plan de reconstruction en plus de “communiquer aux autorités les inventaires que nous menons afin qu’elles puissent être prises en compte”.
Face aux graves erreurs des autorités et après avoir été forcés “d’accepter de l’aide inadaptée à leur situation” vivant avec le traumatisme de cette nuit, la reconstruction communautaire représente plus qu’une alternative. C’est un procédé qui respecte les sinistré.es et leurs besoins. C’est une manière de s’appuyer sur le tissu social existant et de le renforcer. Et c’est surtout une lueur d’espoir au sein d’un processus qui bien souvent parait sans fin.