DOSSIER II : Les élections au Chiapas – Le PRI a gagné grâce à un taux élevé d’abstentionnisme
30/11/1998ANALYSE : Chiapas, un pas en avant… un pas en arrière
26/02/1999Chiapas: Les principaux voyants restent au rouge…
On a beaucoup parlé du massacre du 22 décembre 1997, tant au niveau national qu’international. Acteal, municipalité de Chenalhó, auparavant un petit village totalement inconnu qui ne figurait pas même sur les cartes du Chiapas, est désormais un nom connu par des milliers de personnes dans le monde entier, nom qui évoque autant la barbarie que la dignité humaine. Acteal constitue aussi un point de non-retour dans l’histoire récente de cet Etat déchiré par près de cinq ans de conflit. Et pourtant, même si Acteal a représenté un cas de violence extrême qui, tout le monde l’espère ne se reproduira pas la situation a paru sur le point de s’enflammer au cours des dernières semaines quand les incidents violents se sont multipliés dans plusieurs régions de l’Etat du Chiapas.
Le contexte qui caractérise la majorité des communautés indigènes s’est dégradé toujours plus au cours de l’année passée. La militarisation a augmenté, l’exemple le plus flagrant étant la municipalité de Chenalhó : après le massacre, 2 000 militaires sont arrivés dans la commune et des campements militaires ont été installés dans une quinzaine de communautés, principalement dans la zone à proximité d’Acteal et de la municipalité autonome de Polhó. On compte désormais un soldat pour une famille.
De nombreux analystes considèrent que les changements survenus suite au massacre, tant au sein du gouvernement fédéral (principalement en ce qui concerne le Ministre de l’Intérieur qui est désormais Francisco Labastida Ochoa et le Coordinateur pour le dialogue au Chiapas, à présent Emilio Rabasa Gamboa) qu’au sein du gouvernement de l’Etat (le nouveau gouverneur étant Roberto Albores Guillen) se sont traduits par un durcissement de la stratégie gouvernementale concernant le Chiapas.
Paradoxalement, les efforts du gouvernement de l’Etat pour pacifier la zone paraissent surtout avoir généré plus de tensions. Par exemple, au printemps passé, prétendument pour rétablir l’Etat de droit au Chiapas, le gouverneur a décidé de démanteler quatre municipalités autonomes en recourant à des opérations militaro-policières massives (plus de 1.000 membres des forces armées participèrent à chacune d’entre elles). Au cours de ces opérations, des dizaines de sympathisants zapatistes ont été arrêtées et, dans le cas de El Bosque, 8 Indiens et 2 policiers ont trouvé la mort au cours d’un affrontement violent entre zapatistes, policiers et militaires. Une fois les municipalités autonomes démantelées, la présence des forces armées s’est renforcée et le harcèlement contre les sympathisants zapatistes s’est accru.
La mise en place du plan de qui va redéfinir l’organisation en différentes communes (juillet 98) a représenté une autre source de tensions et de conflits. D’autre part, les élections locales, en octobre passé, ont été caractérisées par un fort taux d’abstention et ont vu la victoire du PRI (en particulier dans toute la zone de conflit). Les partis d’opposition ont dénoncé de nombreuses irrégularités et fraudes dans tout l’Etat et ont contesté les résultats dans des dizaines de municipalités. Devant le peu de cas fait à leurs demandes, ils ont annoncé de nombreuses manifestations et la prise des bâtiments municipaux, avant le 1er janvier, quand les nouveaux représentants entreront en fonction. Dernièrement, les incidents, menaces et assassinats dans les communautés ont considérablement augmenté, en particulier dans les municipalités de Las Margaritas, El Bosque, Nicolás Ruiz et Tumbalá.
Dans différentes zones, on a fait état d’une plus grande activité de la part des groupes paramilitaires. Le Procureur Général de Justice a signalé qu’une enquête était menée sur 16 « groupes civils armés » qui seraient présents au Chiapas. Une semaine avant le premier anniversaire du massacre, le gouverneur du Chiapas a présenté une proposition de loi qui permettrait « l’Amnistie pour le désarmement des Groupes Civils de l’Etat du Chiapas ». Cette initiative propose l’amnistie pour les groupes armés en mettant fin à toutes les poursuites pénales pour possession, port et stockage d’armes à feu. La mesure inclue aussi la possibilité d’offrir un travail à ceux qui acceptent de déposer les armes. Pour certains analystes, l’initiative d’Albores Guillen pourrait laisser impunis certains assassinats et harcèlements réalisés par des groupes paramilitaires. Quelques membres de la COCOPA se sont aussi demandés si cette initiative ne va pas permettre à des auteurs présumés du massacre d’Acteal d’être libérés.
Une autre épée de Damoclès résulte de l’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix. Un des aspects les plus préoccupants a été la disparition de la médiation entre l’EZLN et le gouvernement fédéral. L’autodissolution de la CONAI en juin dernier a été présentée par son président, l’évêque Samuel Ruiz, comme une dénonciation des agressions permanentes de la part du gouvernement contre cette Commission et du diocèse de San Cristóbal. Le gouvernement fédéral paraissait vouloir modifier le rôle que jouait la COCOPA jusqu’à présent et l’inviter à servir de médiation. L’EZLN a cependant été très clair en rappelant que la Loi pour le Dialogue limitait les fonctions de cette Commision et qu’il fallait établir une nouvelle sorte de médiation.
Un autre acteur, la société civile, s’est engagé, en novembre, à contribuer à organiser la Consultation Nationale proposée par l’EZLN. Celle-ci est prévue pour le 21 mars 1998 et portera sur l’application des Accords de San Andrés. L’EZLN mise beaucoup sur cette initiative pour mobiliser de nouveau la société civile et que celle-ci se transforme ainsi en un fer de lance qui permettrait de modifier la politique gouvernementale à l’encontre des populations autochtones. Cependant, jusqu’à ce que le gouvernement remplisse les conditions posées par l’EZLN pour reprendre le chemin des négociations (par exemple le respect des Accords de San Andrés, la diminution de la militarisation et la libération des prisonniers zapatistes), tout incident sera susceptible de provoquer un drame aux conséquences sanglantes.
Tout au long de l’année, la communauté internationale est restée vigilante quant à la situation du Chiapas. Le 11 décembre passée, la Présidente du groupe de travail pour les Populations autochtones de l’Organisation des Nations Unies (ONU), Erica Irene A. Daes, a exprimé sa préoccupation « quant aux violations et à la situation des droits humains dans les communautés indigènes du Mexique, particulièrement au Chiapas ». Elle a affirmé que le gouvernement mexicain devrait respecter les Accords de San Andrés. Ces commentaires de Daes coïncident largement avec les affirmations énoncées au cours des derniers mois par diverses organisations non gouvernementales internationales ainsi que par la Sous-Commission pour la Prévention de la Discrimination et la Protection des Minorités de la Commission des Droits Humains de l’ONU. Dans ce contexte, la campagne menée contre la présence d’étrangers qui observent la situation des droits humains est des plus préoccupante.