DOSSIER : Les municipalités autonomes au Chiapas, la pierre dans la chaussure du gouvernement mexicain
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29/12/1998DOSSIER II : Les élections au Chiapas – Le PRI a gagné grâce à un taux élevé d’abstentionnisme
Des élections locales et étatiques devaient avoir lieu au Chiapas le 4 octobre afin d’élire 111 présidents municipaux et 40 députés (24, un pour chaque district et 16 de représentation proportionnelle) au Congrès de l’État. Cependant, une semaine avant les élections, le Conseil étatique électoral (CEE) a décidé de suspendre les élections dans huit municipalités et trois districts de la zone sinistrée par les pluies. Un peu avant, différentes organisations et personnalités politiques avaient proposé de différer les élections pour tout le Chiapas.
Victoire du PRI
Le parti politique vainqueur des élections fût sans aucun doute le PRI: il a obtenu 18 des 21 districts et 82 des 102 municipalités où les élections ont eu lieu. Le PRD a gagné dans 15 municipalités et un district, le PAN dans cinq municipalités et deux districts. Dans les zones de Los Altos, la Forêt Lacandone et le Nord du Chiapas, le PRD n’a gagné aucune municipalité et a, de plus, perdu celles qu’il avait. Maintenant, ces zones seront gouvernées exclusivement par le PRI.
Le fait que les élections aient eu lieu seulement dans 21 des 24 districts est à l’origine d’une vive discussion entre les partis politiques concernant la distribution des 16 députés de représentation proportionnelle au Congrès de l’État. Selon les partis d’opposition, il n’est pas légalement possible de distribuer les sièges en fonction des résultats de seulement 21 districts. Néanmoins, le CEE a approuvé l’assignation des 16 députés plurinominaux, en laissant deux postes de députés en suspens jusqu’à ce que soient réalisées les élections dans les trois autres districts. Le PRI a gagné sept sièges, ce qui lui donne une majorité de 25 députés. Le PRD a gagné quatre sièges, il en a donc un total de cinq. Le PAN, avec trois députés plurinominaux, est également représenté par cinq députés au Congrès de l’État. Les deux autres partis obtiennent chacun un représentant.
Il n’y a aucune garantie pour des élections transparentes
Avant les élections, l’Alliance Civique (une ONG indépendante) a déclaré que dans 14 des 24 districts électoraux aucune des conditions minimales recommandées par le Centre des droits humains des Nations Unies n’était pas remplie pour le développement d’un processus électoral, libre, authentique et juste. Ces 14 districts se trouvent dans la zone de conflit et dans la zone affectée par les pluies de septembre. Le fort taux d’abstentionnisme (près de 54%) vient confirmer la conclusion de l’Alliance Civique selon laquelle « …en poursuivant sur la voie actuelle, le processus électoral ne remplira pas sa fonction de base, en étant susceptible de devenir un facteur de plus qui retardera la possibilité d’arriver à un accord mininum entre les différentes forces politiques et sociales, accord que réclame de façon urgente la situation actuelle de l’État ».
À San Juan Chamula, on a empêché le vote
La journée électorale s’est déroulée sans incident grave sauf dans la municipalité de San Juan Chamula. Là, les autorités municipales ont empêché l’installation des 59 bureaux de vote pour obtenir la libération de cinq prisonniers détenus pour des délits variés (dont un homicide). Selon les autorités catholiques traditionnalistes, les détenus sont des prisonniers politiques. Il est bon de mentionner que le vote dans la municipalité de San Juan Chamula a toujours été favorable au PRI.
Le matin, dans le chef-lieu de la municipalité, quelques mille indigènes se sont réunis sur la place municipale en un meeting spontané. Les autorités municipales imposèrent la fermeture de tous les commerces. Sur la place ont été érigées de grandes banderoles recouvertes de messages hostiles aux «sectes protestantes». La sortie de la communauté vers San Andrés fut bloquée quelque temps et une participation financière fut réclamée aux automobilistes. À la mi-journée, après un bref discours des autorités, les gens réunis sur la place se retirèrent et les commerces reprirent leurs activités.
L’interdiction d’installer les bureaux de vote à San Juan Chamula a mis en péril la validité du vote pour désigner le député de ce district puisque 80% des bureaux de vote n’ont pas été installés. Cependant, le CEE a accepté les résultats et accordé la victoire au candidat du PRI qui avait obtenu la majorité dans les autres municipalités du district.
Certains observateurs électoraux et partis politiques ont dénoncé des irrégularités
Certains observateurs électoraux et partis politiques ont dénoncé: des retards dans l’ouverture des bureaux de vote, des erreurs dus à un manque de formation des responsables électoraux et la présence d’une propagande politique à proximité ou sur les lieux du vote. Dans la région de Tapachula, les responsables de quelques bureaux de vote ont été interrogés par des éléments de la police étatique.
L’EZLN a émis un communiqué le 2 octobre dans lequel il s’est engagé à ne pas faire obstacle aux élections. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas eu de bulletins ou d’urnes brûlés par des sympathisants de l’EZLN, comme il était survenu lors des dernières élections. Cependant, de nombreuses communautés zapatistes décidèrent de ne pas voter.
Dans la zone Nord, les élections se sont déroulées dans un climat de tension du fait de la présence du groupe paramilitaire «Paix et justice». Des représentants du PRD ont rapporté des irrégularités: par exemple, que les sympathisans du PRI ont contrôlé les bulletins après le vote et ont consigné sur une liste noire les noms des gens qui avaient voté pour le PRD.
À Nicolas Ruiz, où le PRD a gagné, les sympathisants du PRI ont dénoncé des irrégularités commises par des fonctionnaires des bureaux de vote. À Venustiano Carranza, le PRD a rapporté l’induction et l’achat de votes par les sympathisants du PRI.
Deux jours après les élections, lors d’une conférence de presse, les partis du PRD, PAN et PDch (Parti démocrate du Chiapas) d’Ocosingo ont dénoncé le fait que, dans cette municipalité, les conditions requises pour la réalisation d’élections transparentes n’avaient pas été remplies et que, pour cette raison, ils n’en reconnaissaient pas les résultats. Avec un abstentionnisme de 74% dans cette municipalité, le PRI a obtenu la présidence, selon les chiffres du CEE, avec 52% des votes. Les trois parties ont déclaré que cela signifiait que la légitimité du gouvernement local était fondée sur seulement 13% du recensement et que, pour cette raison, elle ne pourrait être crédible. De plus, ils ont dénoncé des cas d’achat de votes par le PRI (par exemple, via PROCAMPO, le programme gouvernemental pour le développement agraire), des menaces de morts aux membres de l’opposition et le transport de votants par des autorités et des militants du PRI.
La politique et les moyens de communication
L’Alliance Civique du Chiapas a rendu publique une enquête sur la couverture des campagnes politiques par les moyens de communication. Cette étude a été réalisée durant deux semaines au mois d’août. Les résultats font apparaître que l’espace donné au PRI dans les trois moyens de communication faisant l’objet de l’enquête n’était pas proportionnelle à celui donné aux autres partis: le PRI occupait 45% du temps alloué à la campagne électorale dans la radio Red Radio Chiapas et 68% dans la radio XEWM ainsi que 70% de l’espace alloué à la campagne dans le journal Cuarto Poder. Par rapport au contenu, il fut observé qu’aucune préférence n’avait été exprimé pour l’un ou l’autre des partis dans la grande majorité des nouvelles diffusées par les trois moyens de communication.