ACTUALITÉ: Mexique, principales préoccupations, inflation et pauvreté
29/08/2008ACTUALITE : Mexique, sombres perspectives
30/12/2008Jusqu’à il y a peu, l’état du Chiapas, qui est pourtant considéré comme l’un des plus riches du pays en ressources naturelles (en 2001, il a produit 47% du gaz naturel et 21 % du pétrole à échelle nationale), semblait avoir été oublié par l’industrie minière. Cependant, à partir des années 90, le gouvernement fédéral a commencé à accorder des concessions pour l’exploration et l’exploitation minière à des entreprises transnationales, la majorité de celles-ci de capital canadien.
Dans l’immédiat, ces concessions se trouvent dans la Sierra Madre du Sud, une montagne qui couvre le sud du Mexique et s’étend jusqu’au Honduras et le nord du Nicaragua, des régions dans lesquelles travaillent ces mêmes entreprises.
Réformes minières qui ouvrent la porte aux corporations transnationales
L’un des facteurs qui a contribué à l’augmentation du nombre de concessions minières a été la réforme constitutionnelle de 1993. Celle-ci faisait partie des mesures qui ont permis la mise en place de l’Accord de Libre Echange d’Amérique du Nord en 1994 (ALENA, signé entre les USA, le Canada et le Mexique).
Traditionnellement au Mexique de même que dans le reste du continent, la propriété de la terre n’incluait pas les ressources naturelles du sous-sol, réservées à l’Etat. Il n’existait cependant pas une législation qui règlementerait de manière précise les conflits qui pouvaient apparaître entre les deux formes de propriété: entre les habitants et les agriculteurs qui travailleraient ces terres et les entreprises souhaitant exploiter les richesses de leur sous-sol. La réforme minière de 1993 accorde une claire priorité aux intérêts des entreprises minières, en accordant au concessionnaire le droit d’« Obtenir l’expropriation, l’occupation temporaire ou la servitude de terres pour mener à bien les œuvres et travaux d’exploration, d’exploitation et de bénéfice ». Qui plus est, les nouvelles lois leur donnent le droit d’utiliser l’eau présente sur ces terres et d’y jeter les déchets issus de l’exploitation.
Les modifications des lois minières, ainsi que les autres réformes qui devaient ouvrir la voie à l’ALENA non seulement permettent la participation de compagnies étrangères mais dérégulent aussi profondément l’industrie minière au Mexique. Ces décisions s’intègrent parfaitement dans la doctrine néolibérale, qui affirme que le développement et la croissance se voient stimulés si l’on permet la dérégulation de l’économie et la libre circulation du capital international.
Cependant, un bilan plus de 10 ans après l’entrée en vigueur de l’ALENA présentera des résultats pour le moins nuancés. Parmi les impacts négatifs côté mexicain, force est de reconnaître la perte d’emplois et l’augmentation des prix. Les paysans mexicains sont l’un des secteurs les plus touchés. Dans l’ensemble, bien que l’ALENA ait bénéficié aux grandes entreprises (y compris, celles de capital mexicain), il n’a pas permis de freiner l’avancée de la pauvreté dans le pays.
Capital International exploitant la richesse minière de la SierraDans la mesure où l’industrie minière requiert un important investissement initial en matière d’équipement et d’argent, une grande partie des concessions minières a été accordée à des grandes corporations internationales. Ces corporations, dont le siège se trouve au Canada opèrent cependant dans toute l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud. Au Chiapas, bien qu’apparemment ces concessions appartiennent à des entreprises mexicaines, celles-ci appartiennent et sont dirigées à leur tour par des corporations transnationales. Ceci est dû à une série de facteurs, mais surtout au fait que maintenir cette distance apparente permet de créer une barrière entre les transnationales et les entreprises qui réalisent l’exploitation minière directe. De cette façon, tout questionnement quant aux impacts nocifs (environnementaux ou sociaux) sera plus difficile à poser du fait de la distance et la diffusion des responsabilités entre l’entreprise locale et la transnationale. D’un autre côté, les communautés opposent généralement une moindre résistance au moment d’accepter la présence de projets liés à l’industrie minière, s’ils pensent que l’entreprise concessionnaire est mexicaine. Dans l’état du Chiapas, six importantes compagnies minières internationales ont des concessions qui couvrent différentes étapes du processus d’exploitation. Deux d’entre elles possèdent des mines ouvertes et en fonction, tandis que les autres travaillent encore dans les étapes d’exploration ou de construction pour l’exploitation. Ces entreprises cherchent avant tout de l’or et de l’argent mais extraient aussi de la barytine, du titane, de la magnétite (minéral de fer) et du cuivre. Une des principales entreprises au Chiapas est Blackfire Exploration Ltd., dont le siège se trouve à Alberta, au Canada et utilise comme slogan « Nous recherchons agressivement et développons le Chiapas, au Mexique ». Par le biais de plusieurs entreprises subsidiaires ou intermédiaires, elle a acheté 27 412 hectares de terres qu’elle souhaite explorer ou exploiter. Elle possède une mine de barytine dans la municipalité de Chicomuselo et planifie d’en ouvrir deux de plus dans la région Sierra d’ici à 2010. Une autre entreprise, Linear Gold Corp, a acquis les droits de recherche sur 198 416 hectares et exploite une mine d’or par le biais de deux entreprises intermédiaires dans la municipalité de Ixuatán au Nord du Chiapas. Elle a également une série de projets qui inclue la possibilité d’ouvrir une mine d’or dans la municipalité de Motozintla. Les quatre autres entreprises (3 canadiennes et une chilienne) n’ont pas commencé à exploiter des mines comme telles, mais possèdent des concessions de recherche et dans certains cas d’exploitation. Il s’agit de Radius Gold Corp. (103,210 hectares), Fronteer Development Group (208,392 hectares), New Gold Inc. (246,249 hectares), et CODELCO (une entreprise chilienne qui exploite le cuivre et qui a obtenu des droits sur 121 831 hectares). Ces entreprises ont obtenu des concessions qui leur permettent d’opérer dans 31 municipalités du Chiapas, la plus grande partie dans la région Sierra. |
Les impacts sociaux et sur l’environnement de l’industrie minière actuellement
Bien qu’elle ait évolué, l’industrie minière reste l’une des plus dangereuses en termes de conditions de travail et d’impacts sur l’environnement (pollution des eaux et des terres ainsi que déforestation). Les effets sociaux peuvent impliquer la destruction des formes de vie traditionnelles fondées sur le respect de la terre et l’agriculture de subsistance, ainsi que des divisions internes au sein des communautés où un groupe en faveur et un groupe contraire s’affrontent, souvent de manière violente, tandis que certains acteurs externes peuvent chercher à promouvoir l’aggravation des conflits. Selon Gustavo Castro de l’organisation Autres Mondes (Otros Mundos Chiapas A.C.): « L’industrie minière n’est pas un phénomène nouveau au Chiapas. Ce qui l’est, c’est l’intensité de sa présence et le type d’extraction réalisée ».
La pratique d’extraction actuelle la plus commune est ce que l’on appelle généralement « industrie minière à ciel ouvert« . Selon un rapport publié par le Mouvement Mondial de Protection des Forêts Tropicales (World Rainforest Movement), un réseau international d’organisation qui travaille pour leur préservation:
Cerro San Pedro, mine à ciel ouvert dans l’État de San Luis Potosi
© NO A LA MINA
A échelle internationale, un des instruments les plus importants est la Convention 169 sur les Droits des Peuples Indiens et Tribus déjà mentionné qui affirme en particulier: « Dans les cas où l’État conserve la propriété des minéraux ou des ressources du sous-sol ou des droits à d’autres ressources dont sont dotées les terres, les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres. Les peuples intéressés doivent, chaque fois que c’est possible, bénéficier des avantages découlant de ces activités et doivent recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de telles activités » (Article 15).
La Convention 169 a été utilisée avec succès par des communautés du Guatemala qui s’opposaient à l’exploitation minière dans leurs terres. Par exemple, le 13 février 2007, 64 communautés de la municipalité Concepción Tutuapa ont effectué des consultations publiques par le biais desquelles la majorité de la population a décidé de rejeter cette présence.
Bien que la Convention 169 reconnaisse aux communautés indigènes le droit à être consultées sur tout projet qui pourrait être réaliser dans leurs terres, elle ne leur reconnaît pas le droit de veto: un refus de la part de la communauté obligera l’Etat à expliquer de manière plus détaillée pourquoi il décide de maintenir le projet en dépit de ce refus ainsi qu’à essayer de limiter au maximum l’impact négatif de l’exploitation, mais ceci ne conduira pas forcément à la suspension du dit projet.
D’un autre côté, ce type de Convention est difficile à utiliser. Ceci est dû en partie au fait que bien qu’elle ait été ratifiée par le gouvernement mexicain, il n’existe aucun mécanisme qui l’oblige à respecter ses contenus. Dans tous les cas de figure, l’organisation et la mobilisation à échelle communautaire, nationale ou internationale seront également nécessaires.
L’organisation communautaire est un facteur primordial puisqu’elle constitue le seul moyen de faire parvenir à la population l’information nécessaire sur les effets de l’industrie minière, des données qui lui permettront de se décider pour une forme ou une autre de résistance. Un acteur important dans ces processus d’organisation pourra être le Réseau Mexicain des Personnes et Communautés affectées par l’industrie minière, REMA. Il s’agit d’un réseau national qui cherche justement à organiser et à apporter des informations à la population mexicaine quant aux impacts de l’exploitation minière et aux formes de résistance face aux grandes entreprises minières.
Un autre acteur dans la résistance à l’industrie minière dans la Sierra du Chiapas est le Front National de la Lutte pour le Socialisme (FNLS). En novembre, il a organisé une manifestation autour de plusieurs problèmes (incluant l’industrie minière), a bloqué certaines routes et a réalisé une marche à Motozintla, municipalité dans laquelle l’entreprise Linear Gold Corp. a obtenu plusieurs concessions. Le FNLS a dénoncé avoir subi des formes de répression pour avoir organisé ce processus de résistance. Le 12 Novembre 2008, il a publié un communiqué sur ce thème: « Pour le FNLS, les incursions illégales réalisées dans les maisons de notre ‘compañera’ Yolanda Castro et de notre ‘compañero’ Jaime González, font partie de la réponse fasciste de l’Etat mexicain à la dénonciation publique que nous avons réalisée le 10 [novembre] et à la lutte de resistance contre le pillage de minéraux que des entreprises transnationales prétendent mener à bien ».
Un autre exemple d’organisation de la population ainsi que de la répression est El Carrizalillo, au Guerrero. En janvier 2007, la population s’est organisé au sein de l’« Assemblée Permanente des Propriétaires et Travailleurs de Carrizalillo ». Ils ont bloqué l’entrée de la mine exploitée par l’Entreprise Luismin (une partie de la multinationale Goldcop de Canada) pour exiger la révision et renégociation des contrats d’occupation temporaire de leurs terres. A la fin janvier, des centaines de policiers de l’état et municipaux ont essayé d’expulser violemment les manifestants. Postérieurement, plusieurs tentatives de dialogue avec des représentants de Luismin, ont finalement abouti à un nouvel accord qui inclue entre autres : une augmentation de 1,475 pesos à 13,500 pesos annuels par hectare pour la location des terres occupées ; la construction ou amélioration des oeuvres publiques (routes, hôpital communautaire, école) ainsi que la réintégration des travailleurs qui avaient maintenu la grève pendant 82 jours.
Le 8 Novembre 2008, une Rencontre Populaire sur « L’eau, l’Energie et les Alternatives Energétiques » a eu lieu à Cacahuatepec, au Guerrero, une des communautés qui serait coçncernée si le barrage hydroélectrique de La Parota était finalement construit. Un des thèmes abordés fut l’industrie minière. Des membres de la communauté de Chicomuselo, au Chiapas, purent ainsi partager leur expérience avec d’autres peuples en résistance dans le pays. De la même manière, la Rencontre de « Nos Voix de Lutte et Résistance », réalisée à Juchitán, au Oaxaca, concluait également: « Nous nous prononçons pour un NON définitif contre les projets de routes, barrages, mines et entreprises éoliennes transnationales, parce qu’ils ne contribuent pas au développement communautaire, vu qu’ils nous déplacent et nous dépouillent de nos territoires ».
L’industrie minière n’est pas une problématique isolée mais est liée à différentes manières de concevoir la vie et le développement. Ce type de projets a un impact différent pour les populations paysannes et ne prend pas en compte leurs priorités et besoins, se convertissant ainsi en un facteur qui peut provoquer la migration. L’impact est encore plus grand pour les communautés indigènes, culturellement unies de manière intime à la terre, de sorte que ce type de projets peut contribuer directement à leur disparition comme peuples. Dans tous les cas, il est stratégique que les processus de résistance face aux grands projets de développement (routes, barrages et mines) puissent s’unir.