ACTUALITÉ : Mexique – De forts séismes secouent le pays
03/01/2018ARTICLE : Séismes – La mobilisation exemplaire de la société civile
03/01/2018“Quand le dernier arbre aura été abattu,
Quand la dernière rivière aura été empoisonnée et que le dernier poisson sera mort,
Alors l’Homme s’apercevra que l’argent ne se mange pas”.
(Sagesse indo-américaine)
La conservation, la résilience et le soin apporté aux ressources naturelles nous concerne tous et toutes, quels que soient notre pays, notre continent, notre profession, notre race ou notre religion : LA TERRE N’EN PEUT PLUS. Notre Planète est pillée, exploitée, ravagée sous les prétextes les plus “louables” telles que le développement, l’éradication de la faim dans le monde, l’amélioration des conditions de vie des agriculteurs et de leurs familles, etc. L’espoir de la planète, aujourd’hui, dépend de la conscience des citoyens et citoyennes, et on peut pour cela s’inspirer de l’engagement ancestral des peuples originaires à prendre soin de la “Terre Mère”.
Après la Seconde Guerre Mondiale, le capitalisme a lancé la Révolution Verte. Ce terme séduisant s’est concrétisé par des changements technologiques dans la production agricole : utilisation de pesticides, d’insecticides et engrais chimiques ; introduction de changements génétiques dans les plantes ; fumigation aérienne avec des produits toxiques ; travail avec des machines qui ont peu à peu remplacé ou allégé le travail des paysans et agriculteurs, mais en déforestant des étendues de plus en plus grandes.
Il faut reconnaître que cela a entraîné une augmentation du PIB (Produit Intérieur Brut) des pays et du monde. Ces changements ont toutefois eu des effets délétères sur la santé humaine, celle des consommateurs comme celle des agriculteurs, sur la fertilité du sol et les écosystèmes.
Les pesticides, des “conséquences environnementales sérieuses”
Selon la FAO , le terme « pesticides » désigne tous les produits chimiques utilisés pour éliminer les maladies ou les contrôler. Au Mexique, 186 pesticides hautement dangereux sont enregistrés commercialement. Ils contiennent des substances cancérigènes interdites en Europe ou ne sont pas vendus dans d’autres pays car les entreprises qui les commercialisent ne financent plus les études testant leurs effets, selon un comparatif établi par le RAPAM (Réseau d’Action sur les Pesticides et leurs Alternatives au Mexique).
Rappelons que le mandat de la FAO consiste à améliorer la nutrition, élever le niveau de vie et favoriser le développement agricole et la sécurité alimentaire. Selon son rapport de 1997, “il existe des preuves accablantes que l’utilisation des pesticides a des effets importants sur la qualité de l’eau et des conséquences environnementales sérieuses ”. .
Parmi ces pesticides se trouve le Glyphosate, en usage depuis les années 90, et qui se trouve être aujourd’hui l’herbicide le plus utilisé dans le monde. Greenpeace Mexique explique qu’il a été créé par Monsanto sous le nom de Rounddup, et que son utilisation s’est répandue dans toute l’Amérique avec le développement des cultures transgéniques comme le soja, le maïs et le coton. L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a reconnu que ce produit peut provoquer des cancers chez les êtres humains et les animaux. On en a décelé dans l’air, ainsi que dans l’eau et les aliments, en plus du sang et des urines des travailleurs agricoles. Son coût environnemental est très élevé, puisqu’il abîme la terre et qu’en s’y infiltrant, il affecte la qualité de l’eau potable et la vie animale aquatique. L’Université de l’Indiana (EUA) a mené une étude qui prouve que le Glyphosate a des effets sur la grossesse et le développement de l’embryon.
OGM : des résultats liés aux produits agrochimiques
Le développement des OGM est un changement technologique majeur dans la production agricole. Un OGM (Organisme Génétiquement Modifié, aussi appelé transgénique) est un être vivant créé artificiellement à l’aide d’une technique qui permet d’introduire dans une plante ou un animal les gènes d’un virus, de bactéries, de végétaux, d’animaux, et même d’humains. L’objectif théorique est d’améliorer la production d’aliments. Ce qui est sûr c’est que les OGM ont permis aux entreprises comme Monsanto, Bayer, Syngenta, Pioneer et Dow Agroscience, qui visent ainsi à contrôler les semences dont l’humanité se nourrit (maïs, soja, coton, sorgho, riz et blé), d’augmenter leurs bénéfices (Otros Mundos, A.C.). Les graines génétiquement modifiées ont un meilleur rendement, mais nécessitent des apports spécifiques : engrais chimiques, pesticides, herbicides et une bonne irrigation.
Au Chiapas, selon des données du Secrétariat de l’état à l’Agriculture actualisées en 2016, le gouvernement a distribué 663 538 paquets « technologiques » aux agriculteurs en 4 ans. Ces paquets comprennent un pulvérisateur, des pesticides, des engrais et des semences modifiées de maïs. Avec une moyenne annuelle de 165 884 unités, ce qui représente un investissement total de 673 762 000 pesos, ils sont distribués à fonds perdus à travers le “Programme maïs durable”, mais entraînent une dépendance tant aux produits agrochimiques qu’à l’aide gouvernementale. Pour la majorité des paysans il est presque impossible de casser cette dépendance aux herbicides et engrais, puisqu’il n’est pas viable de travailler la terre sans ces auxiliaires après les avoir utilisés, du moins à court terme.
La Révolution verte a également ouvert la voie aux brevets de semences modifiées et non modifiées, donnant ainsi aux multinationales le pouvoir de posséder et contrôler une espèce sur la Terre. 10 entreprises seulement contrôlent 95% du commerce mondial des semences. Silvia Ribeiro est chercheuse au sein du Groupe ETC (Groupe d’Action sur l’Érosion, la Technologie et la Concentration), qui possède des bureaux au Canada, aux Philippines, au Mexique et aux États-Unis. Selon elle, la Loi Fédérale sur la Production, la Certification et le Commerce des Semences de 2007, donne l’ »assurance » aux multinationales semencières de pouvoir poursuivre en justice n’importe quel agriculteur qui utilise sans les payer ce qu’elles considèrent comme leurs « inventions » (que ce soit des semences hybrides ou transgéniques). La loi prévoit que la certification des semences incombe aux entreprises privées. Mais certaines personnes considèrent que cette loi n’est que partiellement appliquée ; ses conséquences potentielles dans les campagnes du Mexique pourraient en effet entraîner une nouvelle Révolution.
Le maïs en danger
Considérations biologiques mises à part, le maïs est considéré par les peuples originaires du Mexique et par tous les Mayas comme l’origine de la vie, un cadeau de Dieu. Concrètement, le récit de la création de l’Homme dans le Popol Vuh est basé sur le maïs et ses couleurs, dont les Hommes véritables sont nés. Il y a environ 10 000 ans, l’Homme mésoaméricain a découvert qu’il pouvait créer des hybrides à partir d’une graminée sauvage de forme conique et formée de différents grains : le teocintle (qui en náhuatl signifie grain de Dieu). Il l’a domestiqué et créé le maïs, à la base de l’alimentation au Mexique de nos jours encore.
59 variétés existent dans le pays, qui en est donc la réserve génétique. Cultiver du maïs OGM entraînerait une baisse de la production de maïs originaire, avec en outre le danger que ce dernier soit contaminé et puisse disparaître, ce qui représenterait une tragédie en termes de biodiversité et de souveraineté alimentaire.
L’Institut Interculturel d’Études et d’Investigation (INESIN) nous a expliqué l’importance de cette plante pour les peuples au Chiapas. Selon eux les graines sont vivantes puisqu’elles génèrent la vie, par opposition aux semences hybrides et transgéniques, incapables de continuer à transmettre la vie récolte après récolte. Le maïs est une offrande et ses grains préservent l’identité culturelle, puisque, conservé et transmis de génération en génération, ils contiennent l’histoire des ancêtres. Le maïs représente, en tant que tel, un cadeau des peuples anciens au monde.
La déforestation, un autre danger
La disparition des forêts est un autre impact des changements survenus dans l’agriculture. Le problème est mondial et, comme le mentionne Rockström, “Les causes de la déforestation sont liées à l’accroissement de la population et au changement d’utilisation du sol : la couverture végétale disparaît au profit de terrains agricoles”. Malgré les grandes étendues de forêts du pays, selon Greenpeace, “le rythme de la déforestation au Mexique est l’un des plus soutenus au monde. D’après l’Institut de Géographie de l’UNAM, nous perdons chaque année 500 000 hectares de bois et de jungle.” Le Centre d’Études Sociales et d’Opinion Publique (CESOP) signale que “le Mexique a l’un des plus forts taux de déforestation au monde, avec près de 1,98 millions d’hectares qui disparaissent chaque année.”
Le premier facteur de déforestation dans le pays est la transformation des forêts en pâturages ou cultures (Greenpeace Mexique La déforestation et ses causes). La Forêt Lacandone au Chiapas, qui représente 6% (142 000 hectares) de la perte de la surface arborée au Mexique entre 2000 et 2012, est un exemple de ce phénomène. Dans cette région, le nombre de villages a augmenté de 8,9%, passant de 958 à 1 043 entités entre 2000 et 2010. Ce faisant, le nombre d’habitants a augmenté de 24,4%, passant de 156 990 à 195 231 individus (INEGI 2001 et 2011). Cet accroissement de population contribue au déclin de la couverture arborée dans la région (Déforestation dans la région de la Forêt Lacandon).
Le déboisement clandestin en est l’une des principales causes de déforestation dans la Forêt Lacandone et au Mexique. Greenpeace Mexique estime que 70% du marché national de bois est d’origine illégale. Les données du Bureau Fédéral de Protection de l’Environnement (PROFEPA) montrent qu’entre “30 et 50% du bois produit au Mexique est d’origine illicite.” Ce qui signifie que 4 arbres abattus sur 10 le sont illégalement. C’est un marché très lucratif, qui s’élève à 2 650 millions de pesos par an (IMCO).
L’une des raisons de ce commerce illégal est la réglementation draconienne, et le prix d‘obtention d’un permis, qui coûte cher pour une plantation commerciale. Les producteurs qui veulent respecter la loi sont désavantagés car ils ne peuvent s’aligner sur les prix très bas du bois issu de l’abattage illégal ; ceci alors que les politiques publiques sont mal orientées et que les sanctions prévues par la législation environnementale ne sont pas appliquées. Le besoin d’espace pour l’urbanisation en lien avec des projets touristiques ou la construction de maisons et de meubles en bois sont d’autres causes de la déforestation.
L’investissement dans les monocultures a également intensifié le phénomène de déforestation dans la Forêt Lacandone. L’Union Européenne a par exemple, à partir de 2005, encouragé des plantations de palme africaine à travers le Projet de Développement Social Intégré et Durable dans la Forêt Lacandone (PRODESIS), y compris dans la zone tampon de la Forêt Lacandone et de la Réserve de la Biosphère de Montes Azules. En outre, le gouverneur actuel du Chiapas s’est engagé à planter 100 000 hectares de palme africaine pendant son mandat. Le chercheur León Enrique Ávila, spécialiste de la palme africaine et professeur à l’Université Interculturelle du Chiapas, a signalé dans un entretien avec la revue Animal Político que les semis de palme au Chiapas se font sans contrôle ni prise en compte de leur impact sur l’environnement.
La destruction des écosystèmes, qui implique la perte de biodiversité d’autres écosystèmes, est un autre problème mondial. En 2010, 895 espèces étaient menacées au Mexique, et 476 autres étaient en danger d’extinction selon le Bureau Fédéral de Protection de l’Environnement.
La déforestation est liée également au changement climatique. Le sol des forêts, humide, peut sécher rapidement s’il n’est pas protégé par l’ombre des arbres, qui font partie du cycle de l’eau en rejetant la vapeur d’eau dans l’atmosphère. Sans les arbres pour remplir ce rôle, beaucoup de forêts et de jungles pourraient rapidement se transformer en terrains arides. Les racines des arbres consolident le sol. Leur abattage en région montagneuse augmente le risque de glissement de terrain et menace la vie de ceux et celles qui vivent alentours. Enfin les arbres jouent un rôle crucial dans l’absorption des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique. Moins de forêts signifie plus d’émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et une accélération et une aggravation du changement climatique.
De nouveau, le problème est complexe et il n’y a pas de solution miracle pour le résoudre. Le plus simple est de gérer avec soin les ressources forestières en cessant la taille à blanc (aussi appelée taille rase), afin de s’assurer que les forêts restent intactes. Ceci allié à un contrôle honnête, sans corruption. Même si elle fait débat, la solution de la reforestation en plantant des arbres est une option. Une critique émise à ce propos est qu’elle n’aborde pas directement le problème de fond de la déforestation et vise seulement à “compenser” ou “remplacer” la disparition des forêts. Greenpeace Mexique pense que “la meilleure option est de soutenir la Bonne Gestion Forestière que des milliers de communautés et d’ejidos pratiquent dans tout le Mexique.” Les ressources sont ainsi gérées par les communautés et ejidos, qui connaissent leur importance et savent comment les conserver. Exemple de ce fonctionnement, les entreprises forestières communautaires qui créent des emplois et dont les bénéfices peuvent être investis dans des infrastructures qui profitent à tout le monde.
Pollution et responsabilité partagée
L’humanité a bénéficié de grands progrès grâce à la technologie, d’Edison et son ampoule capable d’éclairer plus de 1 500 heures, aux avancées de la médecine qui permettent de vivre des années avec un appareil qui régule les battements du cœur en cas de défaillance de ce dernier. En tant que membres d’une société utilisatrice de technologie, nous devons cependant avoir conscience que nos gestes quotidiens nuisent à l’environnement. Jeter par exemple des appareils électroniques, seulement parce qu’ils sont passés de mode, fait de nous des complices et la cause directe de la pollution de notre planète. D’après Eco2site “les appareils électroniques entraînent une pollution énorme, en raison des substances utilisées pour leur fabrication. Deux groupes de substances nocives pour la santé humaine, l’eau, le sol et l’environnement en général sont fréquemment utilisées : les composés organiques aussi appelés retardateurs de flamme et des métaux lourds tels que le plomb, le mercure, le cadmium et le chrome. Tout cela en plus de l’or et de l’arsenic.”
La pollution des eaux par des matières toxiques comme le plomb, le cadmium ou le mercure a déjà été dénoncée. Elle peut correspondre à jusqu’à 190 fois le seuil accepté par l’OMS. Contaminer l’eau revient à polluer la vie elle-même. Tout le cycle biologique, reproducteur et alimentaire de l’être humain, des animaux et de la mer en est affecté. De nos jours toutes les mers du monde sont souillées par les fuites de pétrole, et il existe des îles de plastique de la taille du Mexique dans les océans, composées de millions de tonnes de déchets flottants.
A propos de la pollution de l’eau, la situation des fleuves et rivières au Chiapas s’aggrave chaque année. Parmi les raisons de cette contamination : le rejet des eaux usées dans les rivières et les ruisseaux, le manque de conscience de la population, et l’insuffisance et la faiblesse des actions des autorités en charge du problème.
Le directeur général de la Commission Nationale de l’Eau (CONAGUA) pour la région Frontière Sud, Marco Antonio Parra Cota, a signalé que 135 points de rejets des eaux usées sont identifiés au Chiapas, affectant 79% des rivières et ruisseaux de l’état, ce qui concerne 82 communes. Il reconnaît que : “Malheureusement au Chiapas, neuf communes seulement traitent les eaux usées, parfois seulement en partie. De ce fait, 30% de la population risque de contracter des infections gastro-intestinales en raison de la mauvaise qualité de l’eau”.
Oxfam cite plusieurs explications à la pollution atmosphérique. L’extraction minière, l’utilisation des pesticides dans les activités agricoles, l’industrialisation excessive, la combustion des matières fossiles et la déforestation entre autres, dont certaines sont abordées dans ce dossier. Pour l’OMS, la contamination de l’air est un facteur de risque important pour la santé. L’organisation assure qu’une baisse du niveau de pollution de l’air permettrait de réduire la morbidité due aux accidents vasculaires-cérébraux, aux cancers du poumon et aux pneumopathies aiguës et chroniques, dont l’asthme. Elle affirme que moins l’air sera pollué, meilleure sera la santé cardiovasculaire et respiratoire de la population, tant à court qu’à long terme.
Pour certains peuples natifs d’Amérique du Nord, si un être n’est pas connecté spirituellement à la Terre et qu’il ou elle ne comprend pas comment vivre en son sein, du point de vue de la réalité spirituelle, il est peu probable qu’il survive. Notre corps est composé à plus de 95% d’eau. Pour être en bonne santé il faut donc en boire en quantité et de bonne qualité, ce qui rend l’eau sacrée. L’air est lui aussi sacré. L’arbre respire ce que nous exhalons et nous respirons ce que l’arbre exhale. C’est pourquoi les Peuples Natifs pensent que la Terre réagira si l’eau et l’atmosphère sont souillées, puisque ce n’est pas la Terre qui nous appartient, mais bien nous qui appartenons à la Terre.
Nous citerons quelques-unes seulement des actions initiées au Chiapas qui vont dans le sens du soin apporté à l’environnement. Le Congrès de la Terre-Mère, organisé par la Pastorale de la Terre du Diocèse de San Cristóbal de las Casas, a eu lieu en septembre dans la communauté de La Candelaria. Le rassemblement a été l’occasion d’analyser les causes et les conséquences directes de la crise que traverse la Planète. Des solutions concrètes et réalisables ont été proposées, avec l’élaboration de plans communautaires dans les différentes régions.
Des associations civiles comme DESMI (Développement Économique et Social des Mexicains Indigènes) accompagnent des processus et des communautés qui remettent la paysannerie au cœur de la vie et des projets, qui la considèrent comme la solution. Avec un point de vue agroécologique, soutenable dans le temps et qui évite à la fois la dépendance envers le gouvernement pour obtenir des engrais et envers les sociétés agrovétérinaires à qui il faut toujours tout acheter pour continuer à produire. Ceci en se basant sur une économie solidaire qui renforce la cohésion des communautés et les liens entre elles.
Dans des villes comme San Cristóbal de las Casas ou Tuxtla Gutiérrez au Chiapas, des marchés biologiques existent. Ils mettent en relation directe des producteurs et des personnes soucieuses de consommer des aliments cultivés sans ajouts de produits chimiques et dans le respect de l’environnement.
Serons-nous capables nous, l’Humanité, de changer notre style de vie, de production et de consommation, pour notre bien et celui des générations futures?