DOSSIER II : Les élections au Chiapas – Le PRI a gagné grâce à un taux élevé d’abstentionnisme
30/11/1998ANALYSE : Chiapas, un pas en avant… un pas en arrière
26/02/1999Suivi juridique du massacre
Après le massacre du 22 décembre 1997, les autorités ont arrêté 96 personnes, 11 d’entre elles étant des ex-fonctionnaires. Presque un an après les faits, tous se trouvent encore en prison, dans l’attente d’un jugement. Un des détenus est l’ancien maire du PRI de Chenalhó, Jacinto Arias Cruz, accusé d’avoir fourni des armes et d’avoir protégé les auteurs du massacre. Les charges retenues à l’encontre des ex fonctionnaires sont : transport d’armes à feu réservées à l’usage exclusif de l’armée, coups et blessures et homicides qualifiés par omission.
De plus, le Ministère Public a accusé systématiquement tous les inculpés du délit « d’association de malfaiteurs » (ce qui, au niveau pénal, se rapproche le plus de l’accusation de « paramilitaires présumés« ). Pourtant, les juges en charge du dossier ont maintenu cette accusation seulement à l’encontre de trois personnes. En effet, il semble peu probable que 90 personnes se soient retrouvées pour tuer 45 autres, suite à une présence malheureuse de ces dernières dans un même lieu et au même moment.
Les membres des familles des accusés ont réalisé des manifestations dans la capitale de l’Etat du Chiapas pour obtenir leur libération, jusqu’à présent sans résultats. L’actuel maire de Chenalhó, Pedro Mariano Arias Pérez, nous affirmait en juillet: « La majorité des prisonniers sont innocents. Nous ne faisons pas confiance à l’enquête effectuée par le Procureur de Justice ». D’un autre coté, les « Abejas » disent avoir identifié au moins 100 autres paramilitaires présumés qui n’on pas été arrêtés. Au cours d’une conversation avec le responsable de la CNDH pour le Chiapas (Commission Nationale des Droits Humains), Lic. Luis Jiménez Bueno, celui-ci nous a affirmé qu’il existe une dizaine de mandats d’arrêt contre des auteurs matériels présumés du massacre, mandats d’arrêt qui n’ont pas encore été exécutées « pour ne pas aggraver davantage la situation particulièrement tendue dans la commune ».
En juillet, les membres des familles des victimes ont accepté une indemnisation de 35 000 pesos par parent mort, et entre 10 et 25 000 pesos pour les blessés en fonction de leur état de gravité. Pour les « Abejas » la somme n’a guère d’importance: « cela ne nous rendra pas ceux que nous avons perdu et cela ne changera pas nos vies ».
A la mi décembre, une mesure disciplinaire a abouti à la suspension de 11 fonctionnaires (ils ne pourront exercer aucune fonction publique pendant cinq à dix ans suivant les cas). Il faut rappeler que dans les premiers mois qui ont suivi le massacre, il y a eu plusieurs cas de démission et, dans d’autres situations, certains fonctionnaires ont pris la fuite sachant qu’il existait des mandats d’arrêt à leur encontre. Les commentaires du responsable de la CNDH du Chiapas qui faisaient allusion à des mandats d’arrêt contre des fonctionnaires de haut rang qui n’étaient pas rendus publics pour éviter que ceux-ci ne prennent pas la fuite, n’ont rien d’étrange.
Pour en revenir à l’explication des faits, deux versions s’affrontent. Selon certaines organisations mexicaines pour la défense des droits humains, l’enquête du Ministère Public appréhende les faits de manière isolée, ce qui leur fait perdre leur véritable dimension politique et pénale qui conduit à considérer le massacre comme un acte de génocide ou de terrorisme d’Etat. La version officielle affirme qu’il a résulté d’un conflit intercommunautaire ou interreligieux, ce qui lave de toute responsabilité tant le gouvernement local que fédéral. Selon ce qu’a dit le Procureur Général de Justice (PGR), Jorge Madrazo Cuéllar, lors de la publication du « Livre Blanc sur Acteal »: « Une autre des causes principales est liée à la création d’un organe absolument anti-constitutionnel, qui est est le Conseil Autonome de Polhó, ainsi qu’à l’inexistence d’un Etat de droit dans la commune de Chenaló. Il a de plus ajouté que si les forces armées mexicaines avaient été présentes le 22 décembre 1997 à Acteal, le massacre n’aurait jamais eu lieu ». Le vicaire général du diocèse de San Cristóbal de las Casas, Gonzalo Ituarte, a vivement critiqué les conclusions de la PGR. Il a entre autres choses signalé que les forces armées se trouvaient présentes à une centaine de mètres du massacre. De plus, selon lui, accuser les zapatistes d’être à l’origine du massacre, c’est parler des causes indirectes, oubliant ainsi de mentionner la présence et l’attitude des paramilitaires comme une des « causes directes ».