Activités de SIPAZ (Mai – Juillet 1999)
31/08/19991959-1993
03/01/2000SYNTHÈSE
Le 7 septembre, le Secrétaire d’Etat (Ministre de l’Intérieur), Diodoro Carrasco, a présenté une nouvelle proposition pour la paix au Chiapas et a déclaré que, si les négociations devaient reprendre, il serait prêt à diriger la délégation du gouvernement. Cette initiative a aussi inclu la possibilité d’ouvrir un plus ample débat sur les droits et la culture indigène au sein du Sénat, la libération de quelques prisonniers zapatistes, l’investigation des accusations liées au harcèlement que les communautés indigènes du Chiapas subisse, ainsi que la création d’une nouvelle instance de médiation.
Cette nouvelle proposition contraste avec la stratégie de ligne dure suivie par le gouvernement au cours des trois dernières années. Elle semble indiquer une nouvelle volonté de dialoguer et une modification de la position du gouvernement. Elle pourrait contribuer à réduire la tension au Chiapas, principalement si elle permet de mettre un frein à la politique toujours plus belligérante du Gouverneur de l’État, Roberto Albores.
D’un autre côté, la proposition traite de manière inadéquate voire pas du tout certains thèmes cruciaux au coeur du conflit: la présence de l’armée dans les communautés indigènes, les groupes paramilitaires, et l’initiative de la COCOPA de 1996 (Commission pour la Concorde et la Pacification, formée par des membres du Congrès). Ces thèmes font partie des conditions fixées par l’EZLN pour reprendre le chemin des négociations. Pour cette raison, il est peu probable que les Zapatistes -qui n’ont pas encore répondu de manière substantielle – acceptent la proposition du gouvernement.
Seul le temps nous dira si cette proposition représente effectivement un nouvel effort visant à rompre le blocage du processus de paix. Tout aussi bien elle pourrait n’avoir été conçue que pour gagner un plus grand espace politique dans la course aux élections locales et présidentielles de l’an 2000; ou cette action pourrait avoir été pensée en prévision de la visite de la Haute-Commissaire de l’ONU, Mary Robinson, visite attendue en novembre.
Pendant ce temps, la pression militaire sur les Zapatistes et leurs sympathisants a augmenté dans certaines régions. Par exemple, en août, environ 500 soldats sont arrivés à Amador Hernández, une petite communauté qui se trouve à peu de kilomètres du commandandement zapatiste. Leur but déclaré était de protéger une équipe de topographes qui devaient réaliser des mesures pour construire une nouvelle route qui relirait cette communauté avec l’important campement militaire de San Quintín. La communauté s’est fortement opposée à la construction de cette route, et quelques étudiants de l’université de Mexico ainsi que d’autres observateurs civils se sont unis à leurs protestations. Les membres de la communauté craignent en effet les conséquences d’un accès plus facile ou d’une plus grande présence de l’armée. Le Gouvernement de l’Etat a réagi durement, en accusant les étudiants de manipuler les autochtones et en menaçant de les faire arrêter. Le Gouverneur du Chiapas, Roberto Albores, a déclaré qu’il n’autorisera plus la présence d’observateurs nationaux ou internationaux. Un peu plus tard, par le biais d’une déclaration officielle à la presse, il a ajouté: «nous autres les chiapanèques nous commençons à perdre patience… Nous en avons assez du chantage et de la manipulation… [des]… agitateurs [qui] profitent des conflits politiques et qui polluent notre Etat».
À la fin du mois d’août, suite à la pression nationale et internationale, le Secrétaire d’Etat (Ministre de l’Intérieur) a annoncé la suspension de la construction de la route. Cependant, au moment de la publication de ce bulletin, l’armée était toujours présente à Amador Hernandez contre la volonté de la population locale.
En juillet, le Congrès de l’Etat dominé par le parti au pouvoir, le PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel), a approuvé une loi sur les droits et la culture indigènes. Le Gouverneur Albores a affirmé: «Si c’est vraiment la paix ce que nous voulons au Chiapas, alors il n’y a plus de prétextes, car avec cette loi, la liberté et le respect à l’autonomie ethnique sont garantis, et donc le différend entre l’EZLN et le gouvernement fédéral n’a plus de raisons d’être». Les partis d’opposition ont vivement critiqué cette loi lui reprochant de ne pas contribuer au processus de paix car cette initiative est unilatérale et qu’elle ne respecte pas les Accords de San Andrés, signés en 1996 mais non appliqués par le gouvernement fédéral.
Pour ce qui a trait au procès d’Acteal (où, le 22 décembre 1997, 45 personnes ont été tuées), après les comparutions de juillet et septembre, un total de 45 personnes, toutes autochtones, ont été condamnées à entre 32 et 35 années de prison pour leur implication dans le massacre. Parmi les condamnés se trouve l’ex-maire de Chenalhó. Un total de 55 personnes ont déjà été condamnées à des peines de prison. D’autres cas restent en suspens. Bien que cela représente une action judiciaire énergique peu commune de la part du gouvernement, certains critiquent le fait qu’aucune enquête ne se soit donnée à un plus haut niveau, à l’encontre des fonctionnaires du gouvernement qui pourraient avoir une certaine responsabilité ou complicité dans le massacre.
A l’échelle internationale, les critiques sur la situation des droits humains au Mexique ont été constantes, au point de se transformer en un fort courant d’opinion. À la fin de sa visite au Mexique en juillet passé, la Rapporteur Spéciale sur les Exécutions Extrajudiciaires de l’ONU, Asma Jahangir, a exprimé son inquiétude quant à l’impunité existant dans les cas de massacres et autres exécutions politiques, et la probabilité qu’en conséquence ils pourraient continuer à se répéter. Elle a affirmé: «L’injustice dûe à l’impunité sélective est un problème politique au Mexique […] C’est le résultat de politiques et un système judiciaire défaillant».
Le Procureur général de la République, Jorge Madrazo, a reconnu le problème en septembre quand il a observé: «Dans ce pays une vraie culture de la légalité n’existe pas», il a ajouté que l’impunité est un reflet du manque de respect à la loi.
Le Comité de droits humains de l’ONU et Human Rights Watch ont aussi exprimé certaines critiques. Une coalition d’organisations non-gouvernementales a également présenté des rapports alternatifs à ceux présentés au niveau officiel pour rendre compte de l’exécution des traités de droits civils et politiques ainsi que ceux ayant trait aux droits économiques, sociaux et culturels, présentés par le Gouvernement mexicain auprès des Comités respectifs des Nations-Unies. Dans le deuxième rapport, les ONGs mentionnent certaines statistiques sur la pauvreté, argumentant que le marché libre et les politique économiques du gouvernement ont été un facteur décisif dans la détérioration de la qualité de vie au Mexique.
D’un autre côté, pendant sa visite au Chiapas à la fin septembre, l’ambassadeur de l’Union européenne au Mexique, Manuel López, a affirmé que les violations de droits humains au Chiapas ou dans autres parties du Mexique n’empêcheront pas la réalisation de l’accord économique entre l’Union européenne et le Mexique.